République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 08/06/2023
N° de MINUTE : 23/547
N° RG 22/03382 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UMMX
Jugement (N° 21/00138) rendu le 21 Juin 2022 par le Juge de l’exécution de Dunkerque
APPELANTE
Madame [H] [X]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugues Febvay, avocat au barreau de Dunkerque avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/02/22/006756 du 29/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉ
Pôle emploi Etablissement public national
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Dominique Vanbatten, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 11 mai 2023tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 4 août 2020, le directeur de Pôle emploi a décerné à l’encontre de Mme [H] [X] une contrainte pour obtenir paiement d’une somme de 13 603,20 euros au titre d’une activité non déclarée.
Cette contrainte a été signifiée à Mme [X] le 25 août 2020.
Par acte du 24 septembre 2020, Pôle emploi a, sur le fondement de cette contrainte, fait délivrer à Mme [X] un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur la somme totale de 13 921,79 euros.
Le 13 octobre 2020, Pôle emploi a, en vertu du même titre, fait dresser et signifier à Mme [X] un procès-verbal de saisie-vente de biens meubles lui appartenant, à savoir :
– un pied de table Singer
– une colonne 5 tiroirs
– un canapé deux places tissu
– un téléviseur Samsung écran plat
– une table basse.
Par acte du 13 janvier 2021, Pôle emploi a fait signifier à Mme [X] la vente aux enchères publiques des meubles saisis pour la date du 17 février 2021.
Par acte du 25 janvier 2021, Mme [X] a fait assigner Pôle emploi devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie portant sur le canapé-lit, d’obtenir des délais de paiement et de voir suspendre les opérations de saisie-vente.
Par jugement contradictoire du 21 juin 2022, le juge de l’exécution a débouté Mme [X] de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée aux dépens de l’instance.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 12 juillet 2022, Mme [X] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 septembre 2022, elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et en conséquence de :
– ordonner la mainlevée de la saisie effectuée sur le canapé-lit car contraire aux dispositions de l’article R. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
– ordonner la suspension des opérations de saisie-vente menées sur son mobilier ;
– lui accorder, en application de l’article 1343-5 du code civil, un délai de
paiement ;
– dire qu’elle s’acquittera de sa dette en 24 mensualités, les 23 premières d’un montant de 100 euros chacune et le solde de la date étant à verser à la 24ème mensualité ;
– dire et juger que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital ;
– condamner Pôle emploi aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 30 septembre 2022, Pôle emploi demande à la cour de :
– dire l’appel interjeté par Mme [X] recevable mais mal fondé ;
– débouter Mme [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement du 21 juin 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de mainlevée partielle de la saisie-vente et la demande de délai de paiement ;
– condamner Mme [X] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement à son profit de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
MOTIFS
Sur le caractère saisissable du canapé :
Selon l’article L.112-2 5°du code des procédures civiles d’exécution, ne peuvent être saisis, les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d’Etat et sous réserve des dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s’ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité.
L’article R.112-2 du même code précise que pour l’application du 5° de l’article L.112-2, sont insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille :
2° la literie.
Mme [X] soutient que le canapé deux-places saisi est un canapé-lit sur lequel elle dort tandis que son fils majeur, toujours à sa charge, dort dans le lit qui est dans l’unique chambre du logement.
Toutefois, si Mme [X] démontre, en produisant sa déclaration de revenus établie en 2021 sur les revenus 2020, qu’à la date de la saisie, elle avait effectivement à sa charge son fils majeur [J], il reste qu’elle ne démontre aucunement que son logement ne comporte qu’une chambre meublée d’un lit, ce qui permettrait de considérer le canapé du séjour comme un élément de literie insaisissable.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande de mainlevée partielle de la saisie-vente formée par Mme [X].
Sur la demande de délais de paiement :
En application des articles 510 du code de procédure civile et R. 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie.
L’article 1343-5 du code civil dispose que :
Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
En l’espèce, Mme [X] justifie qu’elle est auxiliaire de vie, perçoit un salaire d’environ 1 600 euros par mois et que son fils majeur [J], à sa charge, est en deuxième année de bachelor à l’école internationale [7] à [Localité 6].
Elle établit par ailleurs avoir réglé à l’huissier de Pôle Emploi, entre le 30 novembre 2020 et le 12 juillet 2022, une somme globale de 1 950 euros, ce qui démontre qu’elle est en mesure de payer la somme mensuelle de 100 euros qu’elle propose de verser à son créancier en attendant que son fils ait terminé ses études et trouvé un emploi.
Il est raisonnable d’envisager, comme le fait Mme [X], que [J] [X] trouve un emploi après obtention de son diplôme en fin d’année scolaire 2024 et dès lors ne soit plus à la charge de sa mère qui pourra en conséquence obtenir plus aisément un financement pour régler le solde de la somme due à Pôle emploi.
Enfin, il y a lieu par ailleurs de relever que Pôle Emploi ne rapporte pas la preuve d’un autre indu de 2 790,37 euros dont Mme [X] serait débitrice à son égard.
Il convient donc d’accorder à Mme [X], pour régler la somme due à Pôle Emploi en vertu de la contrainte du 4 août 2020, le délai de deux ans qu’elle sollicite, à raison de versements mensuels de 100 euros pendant 23 mois, le solde étant à régler lors de la 24ème et dernière mensualité, les autres modalités étant précisées au dispositif du présent arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il convient de condamner Mme [X] aux dépens de première instance et d’appel.
La situation économique de Mme [X] justifie de laisser à la charge de Pôle emploi les frais non compris dans les dépens qu’il a contraint d’exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce que qu’il a débouté Mme [H] [X] de sa demande de délais de paiement ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
Accorde à Mme [H] [X] la faculté d’apurer sa dette à l’égard de Pôle Emploi en vertu de la contrainte du 4 août 2020, en 23 mensualités d’un montant de 100 euros entre le 1er et le 5 de chaque mois à compter du premier mois suivant la présente décision, et une 24ème mensualité correspondant au solde de la somme due en principal, intérêts et frais ;
Dit que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital ;
Dit que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;
Rappelle qu’en application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant les délais accordés ;
Y ajoutant,
Déboute Pôle emploi de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel ;
Condamne Mme [H] [X] aux dépens d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE