VS/MMC
COPIE OFFICIEUSE
à :
– SCP SOREL & ASSOCIES
– SCP GERIGNY & ASSOCIES
LE : 08 JUIN 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
N° – Pages
N° RG 22/01118 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DP7Q
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bourges en date du 14 Novembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE BEAUCE COEUR DE LOIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 4]
[Localité 3]
N° SIRET : 521 611 608
Représenté et plaidant par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 23/11/2022
II – M. [P] [V]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté et plaidant par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CLEMENT, Présidente chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ
En vertu de six contraintes en date des 27 avril 2012, 10 avril 2013, 18 juillet 2013, 23 mai 2014, 5 juin 2015, 24 juin 2016, la Mutualité sociale agricole Beauce C’ur de Loire (ci-après désignée la MSA) a fait signifier à M. [P] [V] six itératifs commandements de payer aux fins de saisie-vente par actes en date du 5 août 2021, pour obtenir le paiement de la somme de 15.128,54 euros correspondant au principal, outre frais et intérêts et déduction faite des acomptes.
Par acte du 24 janvier 2022, la MSA a fait procéder à une saisie-vente au préjudice de M. [V] pour obtenir paiement de ladite somme.
Suivant acte d’huissier en date du 28 janvier 2022, M. [V] a saisi le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Bourges d’une contestation, sollicitant de voir
‘ recevoir M. [P] [V] en son opposition,
‘ prononcer la nullité de la saisie-vente,
‘ annuler les actes de poursuite, à savoir l’itératif commandement de payer ainsi que toute la procédure de saisie-vente du 24 janvier 2022, la dénonciation de saisie-vente, le procès-verbal de saisie-vente converti en procès-verbal de difficultés du 25 novembre 2021,
‘ juger mal fondée la requête aux fins d’obtenir le concours de la force publique,
‘ juger sans objet les voies d’exécution ainsi diligentées,
‘ subsidiairement, surseoir à statuer dans l’attente de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Bourges,
‘ condamner la MSA aux dépens.
En réplique, la MSA a demandé au juge de l’exécution de
‘ débouter M. [V] de ses demandes,
‘ le condamner au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2022, le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Bourges a :
‘ prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente en date du 24 janvier 2022 délivré par la Mutuelle sociale agricole Beauce C’ur de Loire à l’encontre de M. [P] [V] ;
‘ prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés en date du 25 novembre 2021 ;
‘ prononcé la nullité de la réquisition de la force publique au préfet en date du 25 novembre 2021 ;
‘ débouté la Mutuelle sociale agricole Beauce C’ur de Loire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamné la Mutuelle sociale agricole Beauce C’ur de Loire aux entiers dépens de l’instance ;
‘ rappelé que les décisions du juge de l’exécution bénéficiaient de l’exécution provisoire de droit.
Le juge de l’exécution a notamment retenu que la MSA ne justifiait pas avoir fait précéder l’acte de saisie-vente du 24 janvier 2022 d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente, que le commandement de payer aux fins de saisie-vente joint à la procédure concernait un titre exécutoire différent et ne pouvait permettre la poursuite de la procédure aux fins de paiement d’autres titres exécutoires que celui qu’il visait, que le procès-verbal de saisie-vente du 24 janvier 2022 se trouvait entaché d’irrégularité, laquelle irrégularité avait causé à M. [V] le grief de n’avoir pas été mis en garde contre une saisie de ses biens, et que pour les mêmes raisons, le procès-verbal de saisie-vente converti en procès-verbal de difficultés en date du 25 novembre 2021 et visant les mêmes contraintes devait également être annulé, de même que la réquisition du concours de la force publique au préfet.
La MSA a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 23 novembre 2022, en ce qu’elle a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente du 24 janvier 2022, celle du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés du 25 novembre 2021 et celle de la réquisition de la force publique du 25 novembre 2021, l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la MSA demande à la cour de :
‘ Infirmer le jugement du Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire de Bourges du 14 novembre 2022 en ce qu’il a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente en date du 24 janvier 2022 délivré par la MSA à l’encontre de M. [V], du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés en date du 25 novembre 2021 et de la réquisition de la force publique au Préfet en date du 25 novembre 2021 et en ce qu’il a débouté la MSA de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et l’a condamnée aux dépens ;
‘ Constater la délivrance d’un commandement de payer antérieurement aux procès-verbaux sus-indiqués,
‘ Ce faisant, dire et juger régulière la mesure d’exécution entamée par la MSA à l’encontre de M. [V] fondée sur un procès-verbal de saisie-vente en date du 24 janvier 2022, un procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés en date du 25 novembre 2021,
‘ Ce faisant, débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions.
‘ Condamner M. [V] à verser à la MSA la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens il développe, M. [V] demande à la cour de :
‘ Dire l’appel de la MSA mal fondée et l’en débouter.
‘ Confirmer la décision rendue par le Juge de l’Exécution en date du 14 novembre 2022 en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente en date du 24 janvier 2022 délivré par la MSA à l’encontre de M. [V],
– prononcé la nullité du procès-verbal transformé en procès-verbal de difficultés en date du 25 novembre 2021,
– prononcé la nullité de la réquisition de la Force Publique au Préfet en date du 25 novembre 2021
– débouté la MSA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et l’a condamné aux entiers dépens.
Y AJOUTANT,
‘ Condamner la MSA au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par M. [V].
‘ Condamner la MSA au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée à l’audience du 22 mars 2023.
MOTIFS
Sur la nullité du procès-verbal de saisie-vente du 24 janvier 2022, du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés du 25 novembre 2021 et de la réquisition de la force publique du 25 novembre 2021
En application de l’article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.
L’article L. 221-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d’exécution ajoute que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier.
L’article L. 725-7 I. du code rural, dans sa version issue de l’ordonnance no 2000-550 du 15 juin 2000, dispose que sauf le cas de fraude ou de fausse déclaration, les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole mentionnés au présent livre à l’exception de celles qui concernent l’assurance accident des personnes non-salariées de l’agriculture, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent par trois ans à compter de l’expiration de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Les actions résultant de l’application de l’article L. 725-3 se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure.
Avant l’entrée en vigueur de la loi no 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, l’exécution d’une contrainte pour le paiement de cotisations de la caisse de mutualité sociale agricole, qui ne constitue pas l’un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, était soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l’article L. 725-7 I du code rural (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 2e, 17 mars 2016, no 14-21.747).
En l’espèce, la MSA fait grief au jugement attaqué d’avoir prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente du 24 janvier 2022 et du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés du 25 novembre 2021, alors que M. [V] sollicite la confirmation du jugement attaqué sur ce point.
Par ces actes d’exécution, la MSA entendait obtenir paiement de six contraintes en date des 27 avril 2012, 10 avril 2013, 18 juillet 2013, 23 mai 2014, 5 juin 2015 et 24 juin 2016, pour la somme de 15.128,54 euros.
Si le juge de l’exécution a retenu que le seul commandement de payer versé à la procédure concernait une autre contrainte, délivrée le 29 juillet 2021, afin d’en conclure à la nullité des actes d’exécution précités, il n’est plus contesté par M. [V], à hauteur de cour, que les six contraintes ont fait l’objet d’itératifs commandements de payer aux fins de saisie-vente en date du 5 août 2021, dûment produits par la MSA.
Les parties s’opposent désormais sur la prescription de l’action en exécution de ces contraintes, M. [V] soutenant que la prescription triennale de l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de l’ordonnance no 2019-964 du 18 septembre 2019, était acquise au moment de la signification des itératifs commandements de payer du 5 août 2021.
La MSA réplique cependant à juste titre que l’article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version précitée, n’était pas applicable lors de la signification des contraintes ou de leur mise à exécution. Cette version n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2020 et ne saurait concerner, contrairement à ce qu’allègue M. [V], les situations passées dans lesquelles un délai de trois ans s’était déjà écoulé depuis la date de signification de la contrainte ou d’un acte d’exécution, dans la mesure où elle ne présente qu’un effet immédiat et non un effet rétroactif.
Ce nonobstant, dans l’état du droit applicable au jour de la signification des six contraintes litigieuses, l’action en exécution de contraintes pour le paiement de cotisations de la caisse de mutualité sociale agricole était bien soumise à une prescription de trois ans, contrairement aux allégations de la MSA, mais sur le fondement de L. 725-7 I du code rural.
Or, les contraintes litigieuses ayant été signifiées entre avril 2012 et juin 2016, il n’est pas contestable que leur exécution était prescrite en août 2021, à la date de signification des itératifs commandements de payer, de sorte que les actes d’exécution réalisés sur le fondement de ces contraintes étaient nécessairement irréguliers.
Pour ces motifs, se substituant à ceux qui ont été retenus par le premier juge, il convient donc de confirmer le jugement en entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-vente du 24 janvier 2022, du procès-verbal de saisie-vente transformé en procès-verbal de difficultés du 25 novembre 2021 et de la réquisition de la force publique du 25 novembre 2021.
Sur l’engagement de la responsabilité de la MSA
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1998 du même code prévoit que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.
Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement.
En l’espèce, M. [V] sollicite la condamnation de la MSA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Il soutient que l’huissier de justice ne pouvait ignorer que l’action en exécution des contraintes étaient prescrites et qu’il ne pouvait y procéder en sollicitant le concours de la force publique, et estime que la MSA, en qualité de mandant, doit être tenue responsable des actes de son mandataire. Il ajoute que la MSA était informée de ses contestations portant sur les contraintes et du fait qu’une voie d’exécution n’était pas opportune. Il affirme, pour établir la réalité de son préjudice, que sept gendarmes ont été déployés pour l’opération de saisie de ses biens, ce qui a suscité des interrogations dans la commune, et qu’il a dû justifier de sa bonne foi.
Il convient cependant de rappeler, d’une part, qu’aucune disposition législative, et en particulier l’article 1998 du code civil invoqué par l’intimé, n’instaure de responsabilité du fait d’autrui du mandant pour les actes commis par l’huissier de justice mandaté, dont il est précisé de manière surabondante qu’ils n’entrent pas davantage dans le champ d’application de la responsabilité générale du fait d’autrui fondée sur l’article 1242, alinéa 1, du code civil.
D’autre part, s’agissant de la responsabilité personnelle de la MSA, M. [V] échoue à apporter la preuve de l’existence d’une faute commise par cette dernière, en ce que l’absence de prise en compte de contestations de la part du débiteur relativement à la mise en ‘uvre d’une voie d’exécution n’a pas pour effet de rendre cette dernière fautive, de même que son appréciation inexacte des droits qu’elle estimait détenir en vertu des contraintes litigieuses dont elle considérait que l’exécution n’était pas prescrite.
Il convient donc de débouter M. [V] de sa demande indemnitaire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement attaqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
Partie principalement succombante, la MSA sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
L’issue de la procédure et l’équité commandent par ailleurs de la condamner à payer à M. [V] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 novembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bourges,
Y ajoutant,
– DEBOUTE M. [P] [V] de sa demande indemnitaire,
– REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires,
– CONDAMNE la Mutualité sociale agricole Beauce C’ur de Loire à payer à M. [P] [V] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– DEBOUTE la Mutualité sociale agricole Beauce C’ur de Loire de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE la Mutualité sociale agricole Beauce C’ur de Loire aux dépens de l’instance d’appel,
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS O. CLEMENT