SM/MMC
COPIE OFFICIEUSE
à :
– la SCP AVOCATS CENTRE
– la SCP JACQUET LIMONDIN
– la SCP GERIGNY
LE : 08 JUIN 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
N° – Pages
N° RG 22/00917 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DPOL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 13 Juillet 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – Mme [M] [I]
née le 19 Janvier 1957 à [Localité 10]
[Adresse 2]
Représentée et plaidant par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 08/09/2022
INCIDEMMENT INTIMÉE
DEMANDEUR A LA PROCEDURE A JOUR FIXE suivant requête du 12/09/2022
II – S.C.I. CHATEAU DES TEMPLIERS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [Adresse 9]
N° SIRET : 494 217 565
Représentée et plaidant par la SCP JACQUET LIMONDIN, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
APPELANTE INCIDENT
ASSIGNEE A JOUR FIXE suivant acte d’huissier du 26/09/2022 remis à étude
III – S.A. BANQUE CIC OUEST TRIEL DE L’OUEST, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [Adresse 4]
[Localité 8]
N° SIRET : 855 801 072
Représentée par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
APPELANTE INCIDENT
ASSIGNEE A JOUR FIXE suivant acte d’huissier du 19/09/2022 remis à personne habilitée
IV – CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE [Localité 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
non représenté
ASSIGNE A JOUR FIXE suivant acte d’huissier du 26/09/2022 remis à étude
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE
M. [F] [S] et Mme [M] [I] ont créé la SCI Château des Templiers qui a acquis, le 12 mars 2007, des biens immobiliers situés à Cornusse, en particulier un château avec dépendances et communs sur deux parcelles cadastrées ZC n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] au prix de 650.000 euros, financé par un prêt souscrit auprès de la SA Crédit industriel de l’Ouest aux droits de laquelle vient la SA Banque CIC Ouest, d’un montant de 741.522 euros remboursable sur une durée de 180 mois au taux d’intérêt annuel de 4,58 %, garanti par une inscription de privilège du prêteur de deniers pour le prêt de 650.000 euros et par une hypothèque conventionnelle pour le prêt de 91.522 euros, publiées le 6 avril 2007.
Mme [I] a par la suite cédé ses parts de la SCI Château des Templiers à M. [S].
La parcelle ZC n°[Cadastre 6] a fait l’objet d’une division le 23 novembre 2009, en ZC n°[Cadastre 7] et n°38. Cette dernière parcelle a été vendue à Mme [I] le 28 juillet 2010, au prix de 167.944,59 euros.
Le 13 août 2021, Mme [I] a fait délivrer à la SCI Château des Templiers un commandement de payer valant saisie, portant sur la parcelle cadastrée ZC n°[Cadastre 7] pour une contenance totale de 10 ha 15 a 61 ca, publié le 6 septembre 2021, sous la référence Volume 2021 S n°17 au service de la publicité foncière de [Localité 11], en application de :
– la copie exécutoire d’un jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Bourges, le 19 octobre 2014, et de la copie exécutoire d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bourges le 19 novembre 2015, signifié à avocat le 27 novembre 2015, puis à partie le 22 décembre 2015 ;
– une inscription d’hypothèque judiciaire définitive enregistrée au service de la publicité foncière de [Localité 11] le 15 avril 2016, Volume 2016 V n° 223, se substituant à l’inscription provisoire prise le 10 juillet 2013 volume 2013 V n° 449.
Suivant acte d’huissier en date du 25 octobre 2021, Mme [I] a fait assigner la SCI Château des Templiers devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir
– dire que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution étaient réunies ;
– constater que Mme [I], créancière poursuivante, titulaire d’une créance liquide et exigible, agissait en vertu d’un titre exécutoire, conformément aux articles L311-2 et L311-4 du code des procédures civiles d’exécution ;
– constater que la saisie pratiquée portait sur des droits saisissables au sens de l’article L311-6 de ce code ;
– rejeter la demande de la SA Banque CIC Ouest de fixation de sa créance à hauteur de
837.661,41 € à titre privilégié, et fixer la créance de la SA Banque CIC Ouest à titre chirographaire ;
– ordonner que la créance de Mme [I] soit inscrite en premier rang au regard de l’absence de déclaration de créance du Trésor Public, autre créancier inscrit sommé ;
– débouter la SCI Château des Templiers de toutes ses contestations et demandes ;
– déterminer les modalités de poursuite de la procédure ;
– mentionner dans le jugement à intervenir le montant de la créance de Mme [I], créancière poursuivante, s’élevant au 13 août 2021 à la somme de 52.105,60 euros, outre intérêts sur la somme de 34.008,67 euros au taux légal, augmenté de 5 points, à compter du 13 août 2021 ;
– fixer le montant de la mise à prix à 200.000 euros, avec unique faculté de baisse de 50.000 euros en cas de carence d’enchère ;
– ordonner la vente forcée et déterminer les modalités de cette vente ;
– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
En réplique, la SCI Château des Templiers a demandé au juge de
– déclarer irrecevable sinon annuler et priver de tout effet le commandement de saisie immobilière du 13 août 2021 délivré à la requête de Mme [I] à la SCI Château des Templiers ainsi que tous les actes subséquents de la saisie immobilière et ordonner la radiation de ce commandement au fichier immobilier de Bourges 1 en raison de l’abus de droit commis par Mme [I] pour poursuivre une saisie immobilière avec la certitude de ne pas pouvoir percevoir même partiellement le règlement de sa créance sur le prix d’adjudication ;
– condamner Mme [I] au paiement d’une indemnité de 50.000 euros en réparation du préjudice causé à la SCI Château des Templiers ;
– condamner Mme [I] au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
– subsidiairement, fixer la mise à prix à la somme de 500.000 euros et ordonner qu’en cas de carence d’enchères à ce prix, le bien soit immédiatement remis en vente sur baisses successives du montant de la mise à prix de 500.000 € par tranches successives de 20.000 € jusqu’à la mise à prix de 300.000 € puis par tranches successives de 1.000,00 €.
La SA Banque CIC Ouest a pour sa part demandé au Tribunal de
– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes ;
– juger que la concluante avait déclaré sa créance pour la somme de 837.661,41 € à titre privilégié – privilège de prêteur de deniers et hypothèque conventionnelle ;
– condamner Mme [I] au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 13 juillet 2022, le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Bourges a :
– Dit Mme [I] recevable à agir au titre de la présente procédure ;
– Rejeté la demande de Mme [I] tendant à fixer la créance de la SA Banque CIC Ouest à titre chirographaire ;
– Rappelé que la SA Banque CIC Ouest avait déclaré sa créance pour la somme de 837.661,41 euros à titre privilégié ;
– Dit valide le commandement de payer délivré à la SCI Château des Templiers à l’initiative de Mme [I] et mentionné sa créance à la somme de 52.105,60 euros selon décompte fixé par le commandement de saisie ;
– Rejeté la demande tendant à ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers ;
– Rejeté la demande tendant à constater l’abus de droit à agir de Mme [I] ;
– Rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Mme [I] aux dépens de la présente instance.
Le juge de l’exécution a notamment retenu que la déchéance du terme prononcée par le prêteur, alors que l’emprunteur n’a pas la qualité de consommateur au sens des dispositions protectrices du code de la consommation, n’avait pas eu d’effet sur les sûretés prises par la SA Banque CIC Ouest, que le protocole d’accord intervenu entre la SCI Château des Templiers et le prêteur notamment n’avait pas été respecté et s’était trouvé résilié en application de l’article 5 de l’acte, que la SA Banque CIC Ouest avait ainsi retrouvé sa liberté de poursuites à l’encontre de la SCI Château des Templiers, sans perte du bénéfice des sûretés, que Mme [I] était titulaire d’un titre exécutoire et avait fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière valide et était ainsi recevable à agir en recouvrement de sa créance, mais que la créance de la banque primait intégralement la sienne, privant Mme [I] de la possibilité d’obtenir une partie du prix d’adjudication.
Mme [I] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 8 septembre 2022, le limitant aux chefs de décision emportant rejet de ses demandes tendant à voir ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers et à obtenir indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, Mme [I] demande à la Cour de :
DÉCLARER Mme [I] recevable et bien fondée en son appel.
Y faisant droit,
RÉFORMER le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le Juge de l’Exécution du Tribunal
Judiciaire de BOURGES en ce qu’il a :
– rejeté la demande de vente forcée des biens immobiliers de la SCI Château des Templiers
– rejeté la demande de Mme [I] fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile
– condamné Mme [I] aux dépens
Statuant à nouveau des chefs réformés,
ORDONNER la vente forcée du bien immobilier appartenant à la SCI Château des Templiers ainsi désigné :
Une propriété située, « [Adresse 9], cadastrée Section ZC n° [Cadastre 7] pour une contenance totale de 10 ha 15 a 61 ca.
DETERMINER les modalités de poursuite de la procédure.
FIXER la date de l’audience de vente et déterminer les modalités de cette vente.
FIXER le montant de la mise à prix à DEUX CENT MILLE EUROS (200 000 €), avec une unique faculté de baisse de 50 000 euros en cas de carence d’enchère.
CONFIRMER le jugement en ses autres dispositions, notamment s’agissant de la recevabilité à agir, de la validité du commandement et du montant de la créance de Mme [I], créancière poursuivante, s’élevant au 13 août 2021 à la somme de CINQUANTE DEUX MILLE CENT CINQ EUROS ET SOIXANTE CENTS (52 105,60 €), outre intérêts sur la somme de 34 008,67 € au taux légal, augmenté de 5 points, à compter du 13 août 2021 jusqu’à parfait paiement, frais et accessoires.
DÉBOUTER la SCI Château des Templiers de son appel incident et de toutes ses contestations et demandes.
CONDAMNER la SCI Château des Templiers à verser à Mme [M] [I] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI Château des Templiers aux entiers dépens de la procédure.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la SCI Château des Templiers demande à la Cour de :
Débouter Mme [I] de l’ensemble de ses prétentions.
Recevant la SCI Château des Templiers en son appel incident,
Infirmer le jugement dont appel en ce que Mme [I] a été déclarée recevable à agir, en ce que le commandement de saisie immobilière a été jugé valide et ce en que la SCI des TEMPLIERS a été déboutée de sa demande d’indemnisation pour abus de droit.
Et statuant à nouveau,
Déclarer Mme [I] irrecevable en ses demandes faute d’intérêt à agir
Sinon annuler et priver de tout effet le commandement de saisie immobilière du 13 août 2021 délivré à la requête de Mme [I] à la SCI Château des Templiers ainsi que tous les actes subséquents de la saisie immobilière et ordonner la radiation de ce commandement au fichier immobilier de BOURGES 1 en raison de l’abus de droit commis par Mme [I] pour poursuivre une saisie immobilière avec la certitude de ne pas pouvoir percevoir même partiellement le règlement de sa créance sur le prix d’adjudication.
S’il en était jugé autrement,
Confirmer alors le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [I] tendant à ordonner la vente forcée des biens immobiliers saisis au préjudice de la SCI Château des Templiers
Déclarer irrecevable et en tous les cas débouter la Banque CIC Ouest de sa demande de reprise de la procédure de saisie immobilière sur une mise à prix de 200.000 €.
Débouter la Banque CIC Ouest de sa demande de condamnation de la SCI Château des Templiers au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 CPC.
Condamner Mme [I] au paiement d’une indemnité de 50.000,00 € en réparation du préjudice causé à la SCI Château des Templiers
Condamner Mme [I] au paiement d’une indemnité de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 CPC.
Confirmer le jugement dont appel ayant condamné Mme [I] aux dépens.
Condamner Mme [I] aux dépens d’appel.
Toutefois et s’il devait en être jugé autrement et que la procédure de saisie immobilière se poursuive jusqu’à l’audience de vente aux enchères,
Fixer la mise à prix à la somme de 500.000,00 €.
Ordonner qu’en cas de carence d’enchères à 500.000,00 €, le bien sera immédiatement remis en vente sur baisses successives du montant de la mise à prix de 500.000,00 € par tranches successives de 20.000,00 € jusqu’à la mise à prix de 300.000,00 € puis par tranches successives de 1.000,00 €.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la Banque CIC Ouest demande à la Cour de
JUGER la Banque CIC Ouest recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
CONFIRMER le jugement d’orientation rendu le 13 juillet 2022 par le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de BOURGES en ce qu’il a :
Rejeté la demande de Mme [M] [I] tendant à fixer la créance de la Banque CIC Ouest à titre chirographaire.
Rappelé que la Banque CIC Ouest a déclaré sa créance à l’égard de la SCI Château des Templiers pour la somme de 837.661,41 € à titre privilégié.
INFIRMER le jugement d’orientation rendu le 13 juillet 2022 par le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de BOURGES, en ce qu’il a :
Rejeté la demande tendant à ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers.
STATUANT A NOUVEAU :
ORDONNER la vente forcée du bien saisi appartenant à la SCI Château des Templiers sis « [Adresse 9], cadastré Section ZC n° [Cadastre 7] pour une contenance totale de 10 ha 15 a 61 ca.
FIXER la mise à prix du bien saisi à 200.000 €, à parfaire du procès-verbal de description.
RENVOYER le dossier devant le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de BOURGES aux fins de fixation de la date d’audience d’adjudication et des modalités de la vente.
TAXER les frais de procédure à la charge de l’acquéreur ainsi que l’émolument à calculer sur le prix de vente.
RAPPELER que les frais taxés seront versés directement par l’acquéreur en sus du prix de vente.
DEBOUTER la SCI Château des Templiers de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER la SCI Château des Templiers à verser à la Banque CIC Ouest une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
JUGER que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 16 novembre 2022, puis successivement renvoyée aux audiences des 18 janvier et 28 février 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Il sera également relevé que les chefs de la décision entreprise ayant rejeté la demande de Mme [I] tendant à fixer la créance de la SA Banque CIC Ouest à titre chirographaire et rappelé que celle-ci avait déclaré sa créance pour la somme de 837.661,41 euros à titre privilégié ne sont pas contestés dans le cadre de l’appel principal ni des appels incidents, et seront donc confirmés.
Sur la recevabilité de la demande de vente forcée présentée par la SA Banque CIC Ouest :
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L’article 566 du même code énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la SA Banque CIC Ouest ne conteste pas avoir sollicité du premier juge qu’il déboute Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, en ce compris sa demande tendant à voir ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers. Elle a également demandé au juge de l’exécution de juger qu’elle avait déclaré sa créance pour la somme de 837.661,41 € à titre privilégié (privilège de prêteur de deniers et hypothèque conventionnelle), demande à laquelle il a été fait droit.
A hauteur d’appel, la SA Banque CIC Ouest demande en revanche à voir ordonner cette vente forcée.
Si ce revirement entre les deux instances n’est pas expliqué par la SA Banque CIC Ouest, il doit être observé que la demande qu’elle formalise devant la cour, qui ne fait que reprendre celle que présente Mme [I] depuis l’acte introductif d’instance, ne fait entrer dans le débat aucun élément qui n’aurait pas déjà été discuté contradictoirement et soumis au juge de l’exécution, ne vise pas à obtenir de condamnation de ses contradicteurs qui excéderait les demandes formulées à l’encontre de chacun en première instance et ne leur porte de ce fait pas préjudice.
La demande de la SA Banque CIC Ouest tendant à la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers sera donc jugée recevable.
Sur la demande de saisie immobilière :
Aux termes de l’article L311-2 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.
L’article L111-7 du même code pose pour principe que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
Sur l’intérêt à agir de Mme [I]
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 31 du même code énonce que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l’espèce, Mme [I] se prévaut d’un commandement de payer valant saisie immobilière régulièrement délivré, le 13 août 2021, en vertu de la copie exécutoire d’un jugement contradictoire rendu le 19 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Bourges, et de la copie exécutoire de l’arrêt rendu le 19 novembre 2015 par la cour d’appel de Bourges.
Il n’est pas contesté que Mme [I] dispose à l’encontre de la SCI Château des Templiers d’une créance d’un montant de 52.105,60 euros selon décompte arrêté au 13 août 2021.
Il ne résulte par ailleurs d’aucun texte législatif que la saisie immobilière ne puisse être valablement engagée par un créancier qu’à la condition qu’il lui soit possible d’obtenir sur le prix d’adjudication, au moins de façon partielle, le règlement de sa créance.
La SCI Château des Templiers fait valoir qu’au moment où Mme [I] a engagé la procédure de saisie immobilière ou, à tout le moins, à compter de la délivrance de l’état hypothécaire à la suite de la publication du commandement de saisie immobilière, elle ne pouvait ignorer que cette procédure ne pourrait lui permettre de percevoir quelque somme que ce soit sur le montant de la créance dont elle entendait se prévaloir. Elle souligne à cet effet que les biens immobiliers objets de la saisie immobilière sont grevés des sûretés suivantes :
privilège du prêteur de deniers et hypothèque conventionnelle, publiés le 6 avril 2007, avec une date extrême d’exigibilité au 5 décembre 2023 et une date extrême d’effet au 5 décembre 2024,
hypothèque légale du Trésor publiée le 10 janvier 2013, en garantie d’une créance de 6.973 euros en principal, avec une date extrême d’effet au 4 janvier 2023,
hypothèque judiciaire [I] publiée le 10 juillet 2013.
La SCI Château des Templiers en déduit que le troisième rang de Mme [I], primé par les deux sûretés prises par la SA Banque CIC Ouest qui excipe d’une créance d’un montant de 837.661,41 euros, ne pouvait lui permettre d’espérer recueillir les moindres fonds à l’issue de la procédure de saisie immobilière engagée par ses soins.
Toutefois, Mme [I] rappelle à bon droit que l’assignation des créanciers inscrits avec sommation d’avoir à déclarer leur créance est effectuée postérieurement à l’assignation du débiteur et au dépôt du cahier des conditions de vente au greffe du juge de l’exécution. Le contrôle par le juge de l’exécution de la proportionnalité de la voie d’exécution choisie s’exerce au jour de la mise en ‘uvre de celle-ci, soit en l’occurrence au jour de la délivrance de l’assignation du débiteur.
Si la SCI Château des Templiers estime que Mme [I] aurait pu interroger la SA Banque CIC Ouest avant de lui délivrer assignation afin de s’assurer de la situation du bien immobilier qu’elle se proposait de saisir, force est de constater qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne lui en faisait obligation à ce stade. Cette abstention ne saurait ainsi lui être reprochée à faute.
Mme [I] fait en outre utilement valoir que l’existence de deux autres créanciers inscrits sur le bien immobilier litigieux ne remettait pas en cause, en soi, l’utilité et la proportionnalité de la saisie immobilière envisagée dans la mesure où la valeur de l’immeuble pouvait raisonnablement être jugée suffisante pour désintéresser la SA Banque CIC Ouest, la durée de remboursement du prêt consenti par celle-ci, fixée à 15 ans, étant alors quasiment écoulée (14 ans et 7 mois depuis la signature du prêt) sans que Mme [I] ait pu disposer d’éléments de nature à lui laisser croire que le capital restant dû à cinq mois de la fin du prêt puisse être supérieur au capital emprunté quinze années plus tôt (soit 650.000 euros en principal).
Le montant relativement réduit de la créance du Trésor public et le caractère résiduel que Mme [I] pouvait de bonne foi imputer à la créance de la SA Banque CIC Ouest au vu de l’imminence des dates d’échéance du prêt et des sûretés en cause étaient de nature à fonder sa croyance légitime en l’utilité de la procédure de saisie immobilière envisagée pour le recouvrement de sa créance.
Il doit par ailleurs être relevé que Mme [I] a vainement tenté de mettre en ‘uvre d’autres mesures d’exécution forcée, préalablement à l’engagement de la procédure de saisie immobilière, soit une procédure de saisie-attribution sur le compte bancaire de la SCI Château des Templiers et une interrogation du fichier des véhicules.
Il convient en conséquence de déclarer Mme [I] recevable à agir et de juger valide le commandement de payer délivrer à la SCI Château des Templiers à l’initiative de Mme [I], pour une créance d’un montant de 52.105,60 euros, ainsi que l’a fait le premier juge. Il y a lieu par ailleurs d’ordonner la vente forcée du bien immobilier en cause, appartenant à la SCI Château des Templiers, selon les modalités figurant au dispositif ci-dessous, et d’infirmer le jugement entrepris en ce sens.
Sur la mise à prix
Il sera observé que la SCI Château des Templiers ne peut valablement arguer, d’une part, du caractère exceptionnel du bien immobilier en cause pour exiger une mise à prix minimale à hauteur de 500.000 euros tout en invoquant, d’autre part, son inhabitabilité et la nécessité de procéder à des travaux très importants représentant un coût très élevé.
Au vu des argumentaires respectivement développés par les parties en présence, il y a lieu de fixer le montant de la mise à prix à la somme de 200.000 euros, avec une faculté de baisse de 50.000 euros en cas de carence d’enchère.
Sur la demande indemnitaire pour abus de droit d’agir formulée par la SCI Château des Templiers :
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le droit d’agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, l’action engagée par Mme [I], dans des conditions dont il a été établi ci-dessus qu’elles démontraient sa bonne foi, ne répond nullement à ces caractéristiques.
En outre, la SCI Château des Templiers ne justifie nullement de l’évaluation à hauteur de 50.000 euros du préjudice que l’exercice de cette action lui aurait causé du fait des « tracasseries » qu’elle dit avoir subies.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande formulée à ce titre par la SCI Château des Templiers.
Sur l’article 700 et les dépens :
L’équité et la prise en considération de l’issue du litige commandent de débouter la SCI Château des Templiers et la SA Banque CIC Ouest de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI Château des Templiers, qui succombe en l’intégralité de ses prétentions, sera par ailleurs condamnée à verser à Mme [I] la somme de 4.000 euros au titre des frais qu’elle aura exposés en première instance et en cause d’appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Au vu de l’issue du litige déterminée par la présente décision, il convient de dire que les dépens de première instance et d’appel seront passés en frais privilégiés de vente.
Le jugement entrepris sera enfin infirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– DECLARE recevable la demande de vente forcée présentée en cause d’appel par la SA Banque CIC Ouest ;
– DECLARE Mme [M] [I] recevable en son action ;
Au fond,
– INFIRME partiellement le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bourges en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [M] [I] tendant à ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Château des Templiers, rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [M] [I] aux dépens de l’instance ;
– CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Et statuant de nouveau des chefs infirmés,
– ORDONNE la vente forcée du bien saisi appartenant à la SCI Château des Templiers, situé « [Adresse 9], cadastré section ZC n°[Cadastre 7] pour une contenance totale de 10 ha 15 a 61 ca ;
– FIXE la mise à prix du bien saisi à 200.000 euros, avec faculté de baisse de 50.000 euros en cas de carence d’enchère ;
– RENVOIE le dossier de la procédure devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bourges aux fins de fixation de la date d’audience d’adjudication et des modalités de la vente ;
– DIT que les frais de procédure seront à la charge de l’acquéreur, ainsi que l’émolument calculé sur le prix de vente, et seront à verser directement par l’acquéreur en sus du prix de vente ;
Et y ajoutant,
– REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– DEBOUTE la SCI Château des Templiers et la SA Banque CIC Ouest de leur demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la SCI Château des Templiers à verser à Mme [M] [I] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT que les dépens de première instance et d’appel seront passés en frais privilégiés de vente.
L’arrêt a été signé par Mme CLEMENT, Président, et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. MAGIS O. CLEMENT