ARRET
N°
S.C.I. LES MUGUETS
C/
[X]
PM/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/02524 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOO5
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE d’AMIENS DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. LES MUGUETS
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc DECRAMER, avocat au barreau D’AMIENS
APPELANTE
ET
Madame [V] [X]
née le 03 Mars 1945 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Sonia HOUZE, avocat au barreau D’AMIENS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 06 avril 2023, l’affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 juin 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 08 juin 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
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DECISION :
Par acte sous seing privé daté du 31 mai 2017, Mme [V] [X], a consenti à la SCI Les Muguets une promesse de vente d’une maison d’habitation sise [Adresse 1] à [Localité 5] pour la somme de 90 000 €.
Pour pouvoir se réaliser, la vente nécessitait l’autorisation du juge, puisque par un jugement du 23 février 2016, le tribunal de grande instance d’Amiens avait ordonné la vente sur licitation de ce bien avec mise à prix de 80 000 €, et faculté de baisse en cas de défaut d’enchère.
Soutenant que Mme [V] [X] n’avait pas mené les démarches appropriées afin d’obtenir cette autorisation, la SCI Des Muguets l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire d’Amiens, par acte d’huissier délivré le 16 décembre 2021, pour entendre :
– condamner Mme [V] [X] à lui payer la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,
– condamner Mme [V] [X] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire n’y avoir lieu à déroger à la règle de l’exécution provisoire de droit,
– condamner Mme [V] [X] aux dépens.
Par jugement du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire d’Amiens a :
– Condamné Mme [V] [X] à payer à la SCI Des Muguets la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts ;
– Condamné Mme [V] [X] aux entiers dépens ;
– Condamné Mme [V] [X] à payer à la SCI Des Muguets la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 mai 2022, la SCI Les Muguets a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 31 août 2022, elle demande à la cour de :
-Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [V] [X] à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau condamner Madame [V] [X] à lui payer la somme de 40 000 €.
– Condamner Mme [V] [X] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions de l’appelante, visées ci-dessus, pour l’exposé de ses prétentions et moyens.
Mme [V] [X] a constitué avocat mais n’a pas conclu.
Par ordonnance du 8 février 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du 6 avril 2023.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la faute commise par Mme [V] [X] :
Selon l’article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
Les articles 1103 et 1104 du code civil, précisent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
L’article 1193 du code civil dispose que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.
Aux termes de l’article l 194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.
L’article 1217 du même code, indique que la partie envers laquelle 1’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
L’article 1231-1 dudit code, énonce que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Enfin, en application des articles 1137 et suivant du code civil, il est considéré que le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
En l’espèce, il ressort des éléments de la cause qu’alors que dans le cadre de la liquidation de la communauté ayant existé entre elle et M. [G] [J] la licitation de l’immeuble litigieux avait été ordonnée le 23 février 2016, Mme [V] [X] a signé avec la SCI Les Muguets le 31 mai 2017 un compromis dans lequel, il a été prévu que la réalisation de la vente se ferait ‘dans le délai de trois mois à compter de l’acceptation par le juge’.
Ce compromis impliquait donc que l’autorisation de vendre amiablement le bien litigieux soit sollicitée du juge ayant ordonné la licitation de l’immeuble. Cette autorisation devait nécessairement être sollicitée par Mme [V] [X] puisqu’il est établi que le 6 septembre 2017, son conseil lui a transmis copie pour information de la requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe pour obtenir cette autorisation de vendre à l’amiable.
Cette information n’a manifestement pas été suivie d’une assignation tendant à obtenir l’autorisation d’une vente amiable puisque la procédure de vente sur licitation s’est poursuivie et que la SCI Les Muguets a déposé le 30 mars 2018 un dire visant à faire rectifier le cahier des conditions de la vente puis a déposé des conclusions devant le juge de l’exécution le 10 avril 2018 en contestation du cahier des conditions de la vente. Par jugement du 18 septembre 2018, le juge de l’exécution a constaté le désistement d’instance de Mme [V] [X] en raison du décès de M. [G] [J].
Il s’ensuit que Mme [V] [X] a incontestablement failli à engager les démarches appropriées pour obtenir le vente amiable de l’immeuble devant le juge de l’exécution.
Toutefois la bonne foi de Mme [V] [X] est présumée et la SCI les Muguets ne justifie en quoi la carence de la susnommée pourrait s’analyser en une manoeuvre dolosive.
Le premier juge a donc justement estimé que Mme [V] [X] avait eu une attitude fautive envers la SCI Les Muguets de nature à engager sa responsabilité en retenant que le caractère dolosif du comportement de Mme [V] [X] n’était pas établi, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur le préjudice subi par la SCI Les Muguets :
Contrairement à ce que soutient la SCI Les Muguets, il n’est pas certain que si Mme [V] [X] avait effectué les démarches nécessaires pour obtenir une autorisation de vente amiable, elle aurait obtenu cette autorisation du juge.
Il est d’autant moins certain que cette autorisation aurait pu être obtenue puisque la SCI Les Muguets a tenté elle-même de l’obtenir mais ne l’a pas obtenue pour des raisons qu’elle n’explique pas.
C’est donc à bon droit que le premier juge a estimé que l’absence de démarche de la part de Mme [V] [X] pour obtenir une autorisation de vente amiable n’a fait perdre à la SCI Les Muguets qu’une chance de réaliser l’acquisition de l’immeuble litigieux au prix de 90 000 € alors qu’elle a dû finalement acquérir un autre immeuble au prix de 115 000 €.
La perte de chance ne peut être égale à l’avantage que cette chance aurait procuré si elle s’était réalisée. De plus, la SCI Les Muguets ne démontre pas que l’immeuble qu’elle a finalement acquis est rigoureusement identique à l’immeuble litigieux et n’établit pas la plus-value potentielle qu’elle aurait pu effectivement réaliser en acquérant l’immeuble de Mme [V] [X]. C’est donc à juste titre que le premier juge, dont la décision sera confirmée sur ce point, a évalué la perte de chance subie par la SCI Les Muguets à 5 000 €.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SCI Les Muguets succombant en son appel, il convient de la condamner aux dépens d’appel
et de la débouter de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la SCI Les Muguets de ses plus amples demandes ;
Condamne la SCI Les Muguets aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE