ARRET
N°
S.A. FRANFINANCE
C/
[O]
PM/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05494 – N° Portalis DBV4-V-B7F-II3R
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L’EXECUTION D’AMIENS DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.A. FRANFINANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric CATILLION de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocat au barreau D’AMIENS
APPELANTE
ET
Madame [G] [O] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (Suisse)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme DORY François subtituant Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau D’AMIENS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 06 avril 2023, l’affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 juin 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 08 juin 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Par jugement du 15 février 2019,le tribunal d’instance d’Abbeville a condamné [B] [O] à payer à la SA Franfinance la somme de 19 000 € en remboursement du prêt qui lui avait été consenti pour financer la fourniture et la pose d’une cuisine par la société Espace Renov Design.
[B] [O] a relevé appel de cette décision. L’affaire a été radiée par suite du décès de l’appelante survenu le 20 Mars 2019 et de l’absence de mise en cause de ses héritiers.
En sa qualité d’héritière de [B] [O], sa fille Mme [G] [O] épouse [S] s’est vue signifier la décision de condamnation du 15 février 2019, conformément aux dispositions de l’article 877 du code civil.
Par acte d’huissier du 12 avril 2021, sur la base du jugement du 15 février 2019 prononcé par le tribunal d’Instance d’Abbeville et de l’acte de signification de cette décision à Mme [G] [S], une procédure de saisie attribution a été diligentée à son encontre.
Le procès-verbal de saisie a été dressé suivant acte délivré entre les mains de la Caisse d’Epargne des Hauts de France le 23 avril 2021. La dénonciation de cette saisie a été effectuée le 27 avril 2021.
Parallèlement, un commandement aux fins de saisie vente a été notifié à Mme [G] [S] le jour même.
Contestant la légitimité de la procédure de saisie attribution, par deux actes d’huissier du 26 mai 2021, Mme [G] [S] a fait assigner la société Franfinance devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de main levée de la saisie vente et de mainlevée de la saisie attribution, en sollicitant la condamnation de la société Franfinance à lui payer une somme de 5 000€ à titre de dommages -intérêts, outre 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Les deux procédures ont été jointes.
Par jugement du 16 novembre 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens a : – Déclaré irrecevable la contestation formée par Mme [G] [S] d’une saisie vente imaginaire,
– Déclaré recevable la contestation formée par Mme [G] [S] de la saisie attribution susvisée,
– Dit que la saisie susvisée est valable et régulière, mais constate son caractère abusif,
– Condamné la société Franfinance à payer à Mme [G] [S] une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société Franfinance aux dépens de l’instance excepté ceux de l’instance 21/00205 et aux frais de la saisie attribution,
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 novembre 2021, la société Franfiance a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 12 janvier 2023, elle demande à la cour de :
– Déclarer recevable et bien fondé son appel ;
– Déclarer irrecevable pour cause de tardiveté les conclusions en réponse signifiées par Mme [S] devant la cour le 15 février 2022 ;
– En conséquence valider en l’ensemble de ses dispositions la procédure de saisie attribution diligentée à l’encontre de Mme [S].
Ce faisant,
– Infirmer le jugement entrepris en ses dispositions ayant condamné la société Franfinance au paiement de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts outre 800 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence,
– Débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 3 janvier 2023, Mme [G] [O] demande à la cour de :
– Prononcer la nullité de l’acte de signification de la déclaration d’appel réalisé par la société Franfinance et partant prononcer la caducité de ladite déclaration d’appel.
– Le cas échéant, déclarer les conclusions d’intimée de Mme [S] recevables, le délai réduit
pour conclure de l’article 905-2 du code de procédure civile n’étant pas opposable à l’intimée, qui n’a pas été informée en temps utile du choix de procédure opéré par la juridiction,
En conséquence,
– Déclarer irrecevables pour défaut d »intérêt à agir les demandes formées par la société Franfinance, et ainsi accueillir la fin de non-recevoir excipée.
A titre subsidiaire,
– Confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,
– Débouter la société appelante de ses demandes, fins, et prétentions.
– Condamner la société appelante à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 6 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l’affaire pour plaidoiries à l’audience du même jour.
A l’issue des plaidoiries, la cour, relevant que dans le dispositif de ses conclusions l’appelante ne demandait pas l’infirmation du jugement en ce que, après avoir déclaré régulière et valable la saisie, il a constaté son caractère abusif, a invité les parties à présenter par message RPVA leurs observations sur les éventuelles conséquences en la cause de l’application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile aux termes desquelles la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
Par message RPVA du 7 avril 2023, le conseil de la société Franfinance a indiqué :
‘Il m’est fait grief de ne pas avoir sollicité au dispositif de mes dernières écritures l’infirmation du jugement de première instance en ses dispositions ayant déclaré abusive la procédure de saisie attribution diligentée à l’encontre de Mme [G] [O] épouse [S].
Je me permettrai néanmoins de rappeler que j’ai expressément évoqué ce point dans mes dernières écritures ainsi que cela ressort du paragraphe figurant en page 9 et lié’ ‘ l’abus de saisie et la demande de dommages et intérêts’.
En tout état de cause, quand bien même la demande d’infirmation de la décision de première instance en ce qui concerne le caractère abusif de la procédure n’a pas été repris dans le dispositif de mes conclusions, je considère que la cour demeure tout à fait saisie de cette demande.
Je me permettrai à cet effet de rappeler que le juge de l’exécution a condamné ma cliente la société Franfinance à des dommages et intérêts au visa des dispositions de l’article L1112-3 du code des procédures d’exécution.
L’appel portant ainsi sur la réformation de la décision liée à cette même condamnation, la cour se doit incontestablement de rechercher si les dommages et intérêts accordés par le premier juge étaient ou non justifiés mais surtout s’ils étaient liés à une procédure d’exécution qualifiée d’abusive.
Ces deux notions étant indissociables, les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile visée par la cour n’ont pas à mon sens lieu de s’appliquer.
Dans l’hypothèse où la cour estimerait malgré tout ne pas devoir statuer sur le point lié au caractère abusif de la saisie attribution, il conviendra néanmoins d’apprécier si les dommages et intérêts étaient ou non justifiés et si bien évidemment ils étaient destinés à préparer un préjudice éventuel de la débitrice.’
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la recevabilité des conclusions de l’intimée :
L’article 905-1 du code de procédure civile dispose notamment que lorsque l’affaire est fixée à bref délai, à peine de nullité, l’acte de signification de la déclaration d’appel doit indiquer à l’intimé que faute pour ce dernier de conclure dans le délai mentionné à l’article 905-2 du même code, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées irrecevables.
L’article 905-2 fixe à un mois, à compter de la notification des conclusions de l’appelant, le délai imparti à l’intimé pour conclure.
En l’espèce la présente procédure a été fixée à bref délai. Cependant la déclaration d’appel régulièrement signifiée à la personne de l’intimée le 20 décembre 2021 mentionne de manière erronée que le délai imparti à l’intimée pour conclure est de trois mois au lieu du délai d’un mois prévu en la matière.
Le 18 janvier 2022 l’appelante a signifié à l’intimée ses conclusions d’appelante. L’intimée a signifié ses conclusions à l’appelante le 15 février 2022 de sorte que la société Franfinance doit être déboutée de sa demande d’irrecevabilité des conclusions de l’intimée lesquelles ont été adressées dans le délai imparti.
Sur le défaut de qualité à agir et d’intérêt à agir de l’appelant :
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir , tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
En l’espèce, Mme [S] soutient que la société Franfinance n’a ni qualité, ni intérêt à agir au motif qu’un jugement du tribunal correctionnel de Boulogne sur Mer a reconnu que [B] [O], dont Mme [S] est l’héritière, a été victime d’une escroquerie de la part de la société Espace Renov Design, le gérant de ladite société ayant falsifié sa signature et l’ayant apposée tant sur le contrat de vente que sur l’offre préalable de prêt.
Ce faisant, Mme [S] invoque des moyens relatifs au fond du litige et n’invoque pas des prétentions de nature à faire déclarer la société Franfinance irrecevable pour défaut d’intérêt ou de qualité à agir au sens de l’article 112 précité.
La société Franfinance, qui prétend être créancière de Mme [S] au titre d’un prêt accessoire à une vente, a incontestablement qualité et intérêt à agir contre Mme [S]. Le moyen d’irrecevabilité ne peut donc prospérer.
Sur l’effet dévolutif de l’appel :
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
En l’espèce, le premier juge a indiqué dans le dispositif de sa décision que la saisie susvisée était valable et régulière, mais a constaté son caractère abusif.
Dans le dispositif de ses conclusions la société Franfinance, concernant le fond du litige, demande à la cour de :
‘-Voir valider en l’ensemble de ses dispositions la procédure de saisie attribution diligentée à l’encontre de Mme [S].
-Infirmer le jugement entrepris en ses dispositions ayant condamné Franfinance au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts outre 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.’
Il en résulte que la société Franfinance ne conteste pas le jugement en ce qu’il a déclaré la saisie valable.
Le fait que l’appelante fasse état dans le corps de ses conclusions d’une demande de la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré la saisie abusive ne saurait suppléer l’absence de mention de demande de réformation du jugement sur ce point dans le dispositif des conclusions.
L’appelante ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation du jugement en ce qu’il a constaté le caractère abusif de la saisie et se contente de solliciter l’infirmation de la décision entreprise sur les sommes allouées au titre des dommages et intérêts et des frais irrépétibles.
La cour n’est donc pas saisie du caractère abusif ou non de la saisie mais seulement du préjudice résultant du caractère abusif de la saisie.
Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive :
Le premier juge a justement relevé que la société Franfinance a fait pratiquer la saisie litigieuse contre Mme [S], héritière de [B] [O], sans la moindre mise en demeure, ni approche amiable, 10 jours à peine après la signification du titre exécutoire, en doublant cette saisie d’une saisie cumulée de deux véhicules outre un commandement aux fins de saisie vente alors que la délivrance d’un commandement était suffisante et proportionnée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Franfinance à payer à Mme [S] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société Franfinance succombant, il convient :
– de la condamner aux dépens d’appel ;
– de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel ;
– de confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné aux dépens de première instance ;
– de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [S], il convient de lui allouer de ce chef la somme de 2 000 euros pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il lui a accordé à ce titre la somme de 800 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Déclare les conclusions d’intimée recevables ;
Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société Franfinance ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions :
Y ajoutant ;
Condamne la SA Franfinance à payer à Mme [G] [O] épouse [S] la somme de 2000 euros par application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne la SA Franfinance aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE