Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14677

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/14677

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

N° 2023/ 429

Rôle N° RG 22/14677 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKITB

[M] [W]

[O] [C]

C/

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE DU SUD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julien SELLI

Me Olivier DE PERMENTIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de DIGNES LES BAINS en date du 06 Octobre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00040.

APPELANTS

Madame [M] [W]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009528 du 16/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 15]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 12]

Monsieur [O] [C]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 16]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Tous deux représentés par Me Julien SELLI de l’AARPI JULIEN SELLI & JOHANNA VINE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistés de Me Sandra GUARISE, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMÉE

Ste Coopérative BANQUE POPULAIRE DU SUD,

immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n°554 200 808

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

assignée à jour fixe le 16/11/22 à personne habilitée

représentée et assistée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.

Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président (rédactrice)

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

La Banque Populaire du Sud (ci après BPS) poursuit à l’encontre de monsieur [O] [C] et madame [M] [W], la vente sur saisie immobilière d’un bien leur appartenant situé à Digne les bains, dans un immeuble en copropriété dénommé ‘[Adresse 14]’ pour avoir paiement d’une somme de 109 301.24 €, selon les termes de cet acte. Elle se prévaut d’un acte notarié de prêt en date du 30 décembre 2009, passé en l’étude de Me [Y], notaire à [Localité 16] , pour la somme de 156 320 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 4.30 % l’an.

Le juge de l’exécution de Digne les Bains, le 6 octobre 2022 a :

– rejeté l’exception de prescription soulevée par les débiteurs,

– rejeté la demande de réduction de l’indemnité conventionnelle,

– fixé la créance de la BPS à la somme de 109 424 euros sauf à parfaire,

– rejeté la demande de délais de paiement,

– renvoyé l’affaire au 19 janvier 2023 afin de permettre la production d’un compromis de vente,

– condamné in solidum monsieur [C] et madame [W] à payer à la BPS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il retenait que la prescription applicable était quinquennale dès lors que l’acquisition avait été faite dans une résidence de tourisme et un but de defiscalisation tandis qu’après la déchéance du terme survenue le 2 mars 2015, en retenant des actes interruptifs et en particulier celui lié à un commandement de payer le 28 novembre 2019 certes non enrôlé mais qui a conservé son effet à l’égard de la prescription, tandis qu’un nouveau commandement de payer a par la suite été délivré le 3 août 2021.

Monsieur [C] et madame [W] ont fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour le 4 novembre 2022. Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 10 novembre 2022 et l’assignation ainsi délivrée a été déposée au greffe le 17 novembre 2022 en conformité avec l’article 922 du code de procédure civile.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 21 novembre 2022 auxquelles il est ici renvoyé, les appelants demandent à la cour de :

– réformer la décision sur la prescription, les délais de paiement, les frais irrépétibles et les dépens,

Statuant à nouveau,

Vu les articles R311-11, R322-10, R322-4 du code des procédures civiles d’exécution,

– déclarer caducs les commandements du 28 novembre 2019 et du 17 septembre 2020 puisqu’aucun cahier des conditions de vente n’a été déposé dans les 5 jours avec copie de l’assignation qui n’a d’ailleurs pas été délivrée dans les délais requis,

Vu les articles L137-2 devenu L218-2 du code de la consommation, 2224 du code civil,

– dire que l’action est soumise à la prescription biennale subsidiairement quinquennale,

– dire que la prescription est acquise au jour du commandement du 3 août 2021,

– ordonner sa mainlevée,

Vu l’article 1343-5 du code civil,

– reporter les sommes dues à deux ans avec réduction de l’intérêt au taux légal,

– dire que durant cette période les loyers seront versés à la BPS,

– dire que chaque partie supportera ses propres frais de première instance et d’appel.

Ils expliquent avoir acquis en VEFA un appartement qu’ils ont confié en gestion à la société Elisa selon un bail commercial signé en 2009 pour 11 ans, puis à la société GO Montagnes en 2014. A la suite de la déchéance du terme, ils subissent une saisie immobilière car malgré leurs efforts, ils n’ont pu jusqu’alors vendre le bien immobilier. La prescription des créances constatées dans un acte notarié est déterminée par la nature de la créance donc 2 ou 5 ans, et non pas 10 ans comme l’affirme la BPS. Ils ne sont pas loueurs professionnels de meublés. La dernière saisie attribution date du 8 juin 2016, et un commandement de payer valant saisie, délivré le 28 novembre 2019 a perdu son effet interruptif car il est caduc et non pas périmé. Il a nécessairement été radié pour que la BPS puisse en publier un nouveau délivré en août 2021 et qui sert de fondement à la présente procédure. Il en est de même pour celui du 17 septembre 2020 dont l’assignation n’a pas été enrôlée. Ainsi, seul le commandement du 3 août 2021 serait interruptif mais il intervient trop tard. Monsieur [C] perçoit l’AAH et une pension d’invalidité, madame [W] dont il est séparé le RSA avec un enfant à charge.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 4 avril 2023 auxquelles il est renvoyé, la BPS demande à la cour de :

– confirmer la décision entreprise et autoriser la vente amiable du bien,

En tout état de cause,

– condamner les appelants à lui payer une somme de 3500 euros par application de larticle 700 du code de procédure civile,

– déclarer les dépens en frais privilégiés de vente.

Elle expose que le commandement de payer valant saisie immobilière du 3 août 2021 a été publié le 22 septembre 2021 à la publicité foncière de [Localité 13], volume 2021 n°28. Le droit de la consommation et la prescription biennale ne peuvent s’appliquer alors que l’acquisition a été faite dans l’immobilier de loisir à des fins de defiscalisation, dans le cadre de meublés. Ils sont donc des loueurs de meublés professionnels. Les déclarations fiscales, purement déclaratives ne peuvent écarter ce statut. Un commandement de payer du 28 novembre 2019, certes non enrôlé a cependant conservé son effet interruptif de sorte que la prescription n’est pas acquise. Les appelants ne sont pas en situation de bénéficier de délais de paiement outre que les dispositions de l’article 1343-5 du code civil ne sont pas applicables aux procédures de saisie immobilière. La banque accepte l’orientation en vente amiable alors qu’un compromis est en cours au prix de 70 000 euros.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Sur la qualité de loueur professionnel des emprunteurs :

Il ressort de l’acte notarié servant de base aux poursuites, que lors de leur acquisition immobilière, en décembre 2009, monsieur [C] était chef d’entreprise et madame [W], coach d’entreprise. Ils déclaraient faire l’achat du bien afin de le louer à titre de résidence principale à un preneur. Certes ils avaient déjà signé à cette date et depuis le 23 octobre 2009, un bail commercial avec la société Elisa Gestion qui se réservait d’utiliser librement les locaux pour ses activités destinées à l’occupation de tourisme en fournissant également des services sur place. Mais la conclusion d’un bail avec une société commerciale et les droits particuliers qui résultent d’un tel contrat ne permettent pas d’en tirer la conclusion que le bailleur est nécessairement commerçant et loueur de meublés professionnel.

Les documents d’emprunts signés ne font pas apparaître que les emprunteurs aient alors opté pour des raisons fiscales pour le statut de ‘loueurs meublés professionnels’ (LMP) et les déclarations de revenus qu’ils ont souscrites, produites aux débats, mentionnent au contraire entre 2010 et 2016 de manière régulière, et même en 2020, des ressources tirées de revenus locatifs non professionnels (LMNP). Certes il s’agit là de déclarations mais la BPS n’apporte pas la démonstration contraire pouvant ressortir de la proportion importante des revenus locatifs obtenus par le foyer fiscal par rapport à leurs autres revenus ou d’une inscription au RCS.

En conséquence, il convient de retenir que monsieur [C] et madame [W] sont de simples particuliers pouvant prétendre à la protection du droit de la consommation.

Sur la durée de la prescription et son acquisition :

Les actes notariés, qui sont des titres exécutoires visés par l’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution, ne bénéficient cependant pas de la prescription décennale. La durée de la prescription qui s’y attache est déterminée par la nature de la créance qu’ils constatent. Le fait que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n’a pas pour effet de modifier cette durée.

Ainsi, les appelants qui ne sont pas des professionnels, invoquent à bon droit les dispositions de l’article L218-2 du code de la consommation selon lequel les actions des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrivent par deux ans, y compris concernant les prêts immobiliers (civ 28.11.2012 n°11-26508 prononcée au visa de l’article L137-2 du code de la consommation).

La déchéance du terme à la suite d’impayés a été prononcée le 2 mars 2015 par la BPS selon lettre recommandée avec accusé de réception.

Les appelants ne remettent pas en cause l’effet interruptif des actes suivants :

– un versement partiel de 55 000 euros le 5 août 2015,

– une saisie attribution du 8 juin 2016 à la Caisse d’Epargne Languedoc,

– une saisie attribution de la même date à la banque Dupuy de Parseval, avec déblocage d’une somme de 1 022,15 euros, le 20 juillet 2016 et une mainlevée le 5 août 2016.

Il ne résulte pas du dossier produit par la BPS que le 13 septembre 2018, monsieur [C] se soit reconnu de manière non équivoque débiteur de sommes envers elle. Le mail qui est produit à cette même date (pièce 11) émane des services de la banque elle même et ne saurait faire preuve.

Concernant l’interruption de prescription par un commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 28 novembre 2019, publié au service de la publicité foncière le 8 janvier 2020 et suivi d’une assignation délivrée tant à monsieur [C] qu’à madame [W], le 24 février 2020 pour une audience d’orientation se tenant le 9 avril 2020, ces derniers font à juste titre observer au regard de l’article R311-11, et de l’article R.322-10 du code des procédures civiles d’exécution, que le cahier des conditions de vente n’a pas été déposé dans les 5 jours de l’assignation au débiteur saisi, ce qui est sanctionné par la caducité du commandement. A cet égard, la BPS ne contredit pas les débiteurs lorsqu’ils affirment que l’assignation n’a pas été enrôlée au contraire, elle le confirme en indiquant que l’audience n’a pas eu lieu. Or, la caducité d’un commandement de payer valant saisie immobilière le prive de ses effets et notamment de son effet interruptif.

La prescription biennale est donc acquise, les actes de commandement de payer postérieurs ne pouvant restaurer le créancier dans ses droits. Il est donc inutile de les examiner.

Sur les autres demandes :

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles engagés dans l’instance, leurs frais ayant été pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle.

Conformément à la demande des appelants, la charge des dépens sera partagée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

INFIRME la décision déférée,

Statuant à nouveau,

CONSTATE la prescription de l’action en paiement de la BPS au jour de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière du 28 novembre 2019 publié au service de la publicité foncière de [Localité 13] Vol 2020 S n°4, et a fortiori lors du commandement basant la présente saisie, délivré le 3 août 2021 portant sur les biens suivants :

Commune de [Localité 17] [Adresse 18] Section D n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11], dans un immeuble en copropriété dénommé ‘[Adresse 14]’, le numéro 92, un appartement de type 3 duplex,

ORDONNE la mainlevée de la saisie immobilière,

DIT n’y avoir lieu à frais irrépétibles,

LAISSE à la charge de chacune des parties les frais et dépens par elle exposés en première instance et appel, lesquels seront recouvrés conformément aux textes régissant l’aide juridictionnelle.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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