COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N°2023/438
Rôle N° RG 22/14026 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGP2
[P] [J]
C/
[C] [Z]
[H] [O] épouse [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me MAKTOUF
Me DEBETTE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 21 Octobre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00384.
APPELANTE
Madame [P] [J]
née le [Date naissance 1] 1973 à UKRAINE, demeurant [Adresse 10] / FRANCE
comparante en personne, assistée par Me Mohamed MAKTOUF, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMES
Monsieur [C] [Z]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Sophie DEBETTE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
Madame [H] [O] épouse [Z]
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 6] (RUSSIE), demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sophie DEBETTE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire.
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magsitrat honoraire, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le 28 juin 2022, M. [C] [Z] et Mme [H] [O] épouse [Z] ont fait signifier à Mme [P] [J] un commandant de quitter les lieux et un commandement aux fins de saisie vente en vertu d’un arrêt infirmatif de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 19 mai 2022 qui a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail lui bénéficiant et ordonné l’expulsion de Mme [P] [J] de [Adresse 7] à [Localité 5] et condamné celle-ci au paiement provisionnel d’un arriéré locatif au 1er juillet 2021 de 21 000 € avec fixation d’une indemnité provisionnelle mensuelle d’occupation de 3000 €.
Par exploit en date du 5 août 2022, Mme [P] [J] a fait assigner les époux [Z] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse aux fins d’octroi d’un délai pour quitter les lieux.
Par jugement du 21 octobre 2022 dont appel du 21 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse a débouté Mme [J] de sa demande et l’a condamnée au paiement d’une somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– il n’est pas justifié de démarches entreprises en vue d’un relogement, ni démontré pourquoi un relogement ne pourrait avoir lieu dans des conditions normales, le maintien dans les lieux apparaissant en fait motivé, aux dires de la requérante, non par des difficultés mais par des considérations propres aux autres instances judiciaires en cours,
– la situation personnelle de Mme [J], qui disposerait de ressources mensuelles d’environ 20 000 €, semble permettre son relogement dans des conditions normales, l’octroi d’un délai n’ayant pour effet que d’aggraver la situation des débiteurs dont les mensualités de l’emprunt souscrit pour acquérir le bien occupé sont supérieures à l’indemnité d’occupation et qui justifient avoir été contraints de se reloger dans un meublé pour un loyer mensuel de 1650 € outre 500 € de charges.
Vu les dernières conclusions déposées le 7 décembre 2022 par Mme [P] [J], appelante, aux fins de voir infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et lui accorder un délai pour quitter les lieux de 24 mois, outre condamnation des époux [Z] au paiement d’une somme de 2500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [P] [J] fait valoir :
– qu’elle ne présente plus aucun impayé de loyer,
– que réfugiée ukrainienne hébergeant par ailleurs sa famille également réfugiée en France, sa rémunération mensuelle n’est plus que de 5 à 7000 € depuis l’invasion russe, or la recherche d’un autre domicile dans la précipitation exposerait la famille soit à la promiscuité, soit à l’inquiétude en présence d’éventuels nouveaux voisins hostiles et alors qu’en se basant sur les critères de la famille [J], le site d’annonces immobilières contactée ne propose la location que de villas dont le loyer mensuel est égal ou supérieure à 10 000 €, de sorte qu’il lui est impossible de se reloger dans des conditions normales,
– qu’en cas de succès du pourvoi qu’elle a formé à l’encontre de l’arrêt du 19 mai 2022 et si la cour d’appel de renvoi devait se prononcer en sa faveur, il n’y aurait lieu à exiger d’elle quelconque somme et encore moins son expulsion.
Vu les dernières conclusions déposées le 23 décembre 2022 par M. [C] [Z] et Mme [H] [O] épouse [Z], intimés, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et condamner Mme [J] au paiement d’une somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Les époux [Z] font valoir :
– que Mme [J] n’a jamais payé régulièrement le loyer et depuis le règlement intervenu à l’audience du juge de l’exécution le 18 octobre 2022, plus aucun règlement n’est intervenu,
– que Mme [J] ne justifie toujours pas avoir tenté de se reloger avec un loyer identique, alors que contrairement à ses déclarations sur ce que serait le montant actuel de sa rémunération mensuelle, ses revenus sont en nette progression en 2022 et s’agissant des 2 annonces issues du site SE LOGER. qui correspondrait à une villa à louer pour un loyer mensuel de 10 000 €, les critères de Mme [J] et de sa famille se passent de tout commentaire, d’autant que rien n’impose à cette dernière de loger dans une villa à [Localité 5], n’ayant pas de bureau sur la Côte d’Azur et ne justifiant même pas travailler en France,
– que les procédures en cours sont totalement étrangères à la demande de délai et l’on ne peut préjuger par ailleurs que la Cour de Cassation cassera la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 19 mai 2022.
Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article L 412-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.
L’article R 412-3 du même code dispose par ailleurs que pour la fixation de ces délais, dont la durée ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Mme [J] ne justifie d’aucune démarche effective pour se reloger, si ce n’est par la production aux débats de 3 annonces trouvées sur Internet sur le site Se loger, portant sur 2 villas à [Localité 5] avec vue mer, qualifiées de haut-de-gamme, pour un loyer mensuel de 10 000 et 12 000 € et une villa à [Localité 8], présentée comme une majestueuse villa provençale de 300 m² habitables composée de 8 pièces principales avec piscine et vue panoramique sur la mer, pour un loyer de 9500 €.
Et en soutenant que son relogement est impossible dès lors que les critères de sa famille correspondent à des villas de luxe sur la Côte d’Azur dont le loyer est supérieur à ses capacités financières, Mme [J] ne démontre pas que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales au sens des articles L 412-3 et R 412-3 susvisées.
Mme [J] ne justifie d’aucune recherche non seulement en adéquation avec ses revenus mensuels, qu’elle estime elle-même à 5000 à 7000 €, mais également avec un loyer identique, notamment en ne limitant pas ses recherches au littoral de la Côte d’Azur, alors qu’elle ne justifie pas d’une activité ou d’une quelconque raison impérieuse lui imposant de résider à [Localité 5], [Localité 8] et plus largement sur la Côte d’Azur, Mme [J] ne justifiant même pas travailler en France.
Etant rappelé par ailleurs que l’article R 412-3 dispose qu’il doit être notamment tenu compte de la situation du propriétaire, le premier juge a relevé à bon droit que le maintien dans les lieux a pour effet d’aggraver la situation des époux [Z], contraints de se reloger dans un meublé pour un loyer mensuel de 1650 € outre 500 € de charges.
Le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [P] [J] à payer à M. [C] [Z] et Mme [H] [O] épouse [Z] la somme de 4000 € (quatre mille euros) ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
CONDAMNE Mme [P] [J] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT