COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N°2023/430
Rôle N° RG 22/12684 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKBZJ
S.A. SYMES
C/
[G] [R]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me CARLES
Me COSTANTINO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 16 Septembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/04315.
APPELANTE
S.A. SYMES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lionel CARLES de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIME
Monsieur [G] [R]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]/Italie
représenté par Me Florian COSTANTINO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, chargés du rapport.
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire , a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 23 février 2015, le tribunal de commerce de Grasse a condamné la société Symes à restituer à M. [G] [R] l’intégralité des plans et généralement tous les documents issus de la RD conformément à l’accord de confidentialité en date du 18 janvier 2010, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la signification de la décision.
Le jugement du 23 février 2015 a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 31 mai 2018.
Par exploit du 23 octobre 2020, M. [G] [R] a fait assigner la société Symes devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de liquidation de l’astreinte à la somme de 62 500 €, outre condamnation de la société Symes au paiement d’une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par jugement du 16 septembre 2022 dont appel du 23 septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse a :
– Liquidé l’astreinte à la somme de 10 000 € et condamné la société Symes au paiement de cette somme,
– Dit n’y avoir lieu à statuer sur la fixation d’une astreinte définitive,
– Rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [R],
– Condamné la société Symes au paiement d’une somme de 3 000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– l’huissier de justice mandaté par M. [R] atteste par mail du 11 mars 2021 que contrairement à ce qu’annonçait la société Symes, aucune pièce n’était jointe à son mail du 17 février 2019 et qu’il est dès lors patent que le fichier de la pince mécanique réclamée par M. [R] n’a pas été restitué, de sorte que la société Symes n’a pas exécuté dans sa totalité l’obligation qui était mise à sa charge,
– l’absence toutefois d’une liste exhaustive des documents de recherche et développement transmis à la société Symes lors de la signature de l’accord de confidentialité a pu légitimement faire naître un débat sur les documents à restituer, de sorte que le montant de l’astreinte liquidée sera réduit à la somme de 10 000 € pour la période du 25 octobre 2018 au 8 mars 2022,
– la demande de fixation d’une astreinte définitive figurant dans l’acte introductif d’instance de M. [R] n’a pas été reprise dans ses écritures récapitulatives,
– M. [R] ne démontre l’existence d’aucun préjudice susceptible de fonder sa demande de dommages et intérêts.
Vu les dernières conclusions déposées le 21 octobre 2022 par la SA Symes, appelante, aux fins de voir réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, débouter M. [R] de toutes ses demandes et le condamner au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
La SA Symes fait valoir :
– que la relation contractuelle entre la société Symes et M. [R] repose sur 2 contrats, le premier concerne Reprise R&D et industrialisation système Progress Tir V1 qui n’a fait l’objet d’aucune contestation de la part de M. [R], et le second le développement système V2 pour lequel M. [R] a refusé de payer le solde et qui a fait l’objet de la procédure et de sa condamnation, de sorte que le litige ayant donné lieu au jugement du 23 février 2015 et à l’arrêt du 23 octobre 2020 ne porte que sur l’exécution du système Progress Tir V2 et non V1,
– que concernant les éléments et fichiers des prestations pour le système Progress Tir V2, la société Symes a expédié le CD-ROM livré qui contient tous les documents d’étude et de fabrication,
– qu’il ne peut être exigé de la société Symes la restitution des fichiers GERBER liée à la version 1 du système Progresse Tir et des fichiers de conception mécanique de la pince du capteur holster qui concernent en effet la restitution des fichiers du système V1, sur lequel ne portent pas le jugement du 23 février 2015 et l’arrêt du 23 octobre 2020 et qui en tout état de cause, ont été réalisés par la société Studiel et sont en possession de M. [R], étant précisé que la société Symes ne peut fournir des fichiers qu’elle n’a pas réalisés et créés, n’ayant procédé qu’à l’industrialisation du système V1 et à quelques modifications mineures,
– que concernant le fichier de la pince mécanique, le premier juge n’a pas pris en compte le fait qu’il a été envoyé par mail du 24 avril 2012 à M. [R] qui en a accusé réception,
– que M. [R] tente de grouper les 2 contrats dans le contentieux afin de pouvoir réclamer les éléments du premier contrat qui n’est pas l’objet du litige.
Vu les dernières conclusions déposées le 18 novembre 2022 par M. [G] [R], intimé, aux fins de voir :
– Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a liquidé l’astreinte à la somme de 10 000 € et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts, Et statuant à nouveau,
– Liquider l’astreinte à la somme de 62 500 € pour la période jusqu’au 8 mars 2022 et à la somme complémentaire de 12 250 € pour la période du 9 mars 2022 au 18 novembre 2022,
– Condamner la société Symes au paiement de ces sommes ainsi qu’à la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [G] [R] fait valoir :
– que l’accord de confidentialité du 18 janvier 2010 concerne tous les documents et éléments se rapportant au système Progress Tir qui est composé d’une version initiale mono-tireur (V1) et d’une version améliorée multi-tireurs (V2), et c’est la restitution de tous les éléments restant sa propriété dont les juridictions ont ordonné expressément la restitution,
– qu’à ce jour, la société Symes a conservé les fichiers GERBER de l’ensemble des éléments du système V1, le fichier GERBER du capteur holster optique du système V2 et le fichier CAO mécanique pour la pince du capteur holster optique du système V2 dans la mesure où le CD-ROM adressé le 16 novembre 2018 par la société Symes à l’huissier instrumentaire, après 8 relances de celui-ci, ne contenait pas ces fichiers,
– que la société Symes est intervenue sur le système V1 développé initialement par STUDIEL, réalisant un document du 11 mars 2010 qui fait état de toutes les modifications apportées par celle-ci sur le système V1,
– qu’il a seulement donné la direction du projet à la société Symes pour que celle-ci trouve les solutions nécessaires à la mise en ‘uvre, à la fabrication et l’amélioration du projet Progress Tir, de sorte que mettre à sa charge l’établissement et la transmission à la société Symes d’une liste exhaustive des documents recherche-développement, de façon anticipée lors de la signature de l’accord de confidentialité, liste qui ne pouvait être établie que par la société Symes elle-même, n’a aucun sens, de sorte que c’est à tort que le juge de l’exécution a estimé qu’un débat avait pu légitimement naitre sur les documents à restituer justifiant une réduction du montant de l’astreinte liquidée,
– qu’il a conclu un contrat de fourniture du simulateur de tir multi-tireurs avec le Burkina Fasso qui prévoit un délai de livraison de six mois à peine de pénalités de retard, or la résistance abusive de la société Symes, qui n’ignore pas les termes de ce contrat évoqué en première instance, est à l’origine d’un retard de livraison.
Vu l’ordonnance de clôture du 7 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des termes de l’assignation devant tribunal de commerce de Grasse que M. [R] y était attrait par la société Symes au seul titre du système V2 multi-tireurs, objet du bon de commande du 1er juillet 2010 pour un montant de 59 800 € TTC.
Aux termes de ses conclusions en défense devant le tribunal de commerce, M. [R] fait toutefois bien référence au système V1 mono-tireur, énonçant qu’il a payé à ce titre une étude de 20 000 € à la société Symes qui lui a remis, une fois l’étude terminée et payée, les plans et schémas de cette version mono-tireur mais que les plans ne sont pas complets, ce qui l’empêche de fabriquer la première version de son système, avant de préciser que sa volonté était de mettre au point une version multi-tirs à partir de la version mono-tir établie par la société Symes qui devait tenir compte de contraintes connues de cette dernière, à savoir que le système puisse fonctionner avec des balles réelles sur des cibles en carton, alors qu’il résulte des essais que le système ne pouvait fonctionner à balles réelles que sur des cibles métalliques, lesquelles supposent en effet une distance minimale de tir de 13 m alors que les distances en usage dans la police se situent entre 7 et 3 m.
Aux termes de ces conclusions, M. [R] énonce que lors de l’étude du V1, les difficultés liées à la cible carton notamment avaient déjà été soulevées, le cahier des charges du 11 octobre 2010 précisant d’ailleurs qu’il existe des problèmes de détection des impacts à balles réelles sur du carton, difficultés qu’il faut prendre en compte dans la version multi-tireurs.
La restitution telle qu’ordonnée par le tribunal de commerce puis la cour d’appel est expressément fondée sur l’accord de confidentialité, or il n’est pas contesté qu’il n’en existe qu’un et pas soutenu qu’il ne pourrait s’appliquer qu’au contrat V2.
Il n’est donc pas contestable que la demande reconventionnelle de M. [R] devant le tribunal de commerce formulée en ces termes : « Faire sommation à la société Symes de restituer l’intégralité des plans et plus généralement de tout document issus de la R&D » ne se limite pas au contrat relatif au système V2 multi-tireurs.
Il n’existe toutefois aucune liste, aucun élément objectif permettant de savoir quels sont exactement les plans et documents que la société Symes est tenue de restituer et donc de déterminer la portée de l’obligation consistant à en restituer l’intégralité.
S’il appartient à la société Symes de démontrer qu’elle a exécuté l’obligation mise à sa charge, aucune pièce, document ou élément ne permet de faire échec à l’affirmation de celle-ci selon laquelle le CD-ROM qu’elle a expédié à M. [R] contient tous les documents d’étude et de fabrication pour le système Progress Tir V2.
Et si l’arrêt du 23 octobre 2020 a statué sur ce qui constituait l’objet principal de l’instance en énonçant dans ses motifs qu’il ressort des mails, réunions, tests de développement, essais… que la société Symes a procédé à des études et tout mis en ‘uvre pour des cibles en carton sans aboutir à des résultats satisfaisants et qu’elle a donc respecté son obligation de moyens et répondu en toute hypothèse à son obligation de développer un système en mode multi-tireurs opérationnel, ce qui constituait l’objet du contrat V2, ledit arrêt porte également sur la version 1 du système Progress Tir en ce que statuant sur la demande reconventionnelle de M. [R], la cour d’appel a jugé que l’engagement de confidentialité conclu le 18 janvier 2010 entre les parties justifie la confirmation du jugement qui ordonnait la restitution par la société Symes de l’intégralité des plans et généralement de tous les documents issus de la R&D, or aucune pièce, document ou élément ne permet là encore de faire échec à l’affirmation de la société Symes selon laquelle les fichiers GERBER et les fichiers de conception mécanique de la pince du capteur holster liée à la version 1 sont en possession de M. [R] puisque réalisés par la société STUDIEL, ajoutant qu’elle ne peut fournir des fichiers qu’elle n’a pas réalisés et créés.
L’absence d’une liste exhaustive des documents de recherche et développement transmis à la société Symes lors de la signature de l’accord de confidentialité fait effectivement naître sur les documents à restituer « en intégralité » un débat qui ne pouvait être tranché que devant le juge du fond, l’obligation telle que définie par M. [R] et reprise par le jugement du 25 février 2015 confirmé par l’arrêt du 23 octobre 2020 ayant pour effet d’en réserver l’appréciation au seul débiteur de l’obligation.
S’il appartient au juge de l’exécution saisi d’une demande de liquidation d’astreinte d’apprécier la portée de l’obligation assortie de l’astreinte, il n’en a le pouvoir qu’à la lumière de la décision qui fixe l’obligation sous astreinte, or le jugement du 23 février 2015 tout comme l’arrêt du 23 octobre 2020, dont le dispositif s’impose au juge de l’exécution, n’apportent aucune précision sur la nature exacte des documents dont la restitution est ordonnée, rendant impossible l’appréciation d’une restitution intégrale ou non.
M. [R] ne peut donc voir prospérer ses demandes, ce qui conduit à la réformation du jugement dont appel en ce qu’il a liquidé l’astreinte et condamné la société Symes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement dont appel, mais seulement en ce qu’il a :
– Liquidé l’astreinte à la somme de 10 000 € et condamné la société Symes au paiement de cette somme,
– Condamné la société Symes au paiement d’une somme de 3000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DÉBOUTE M. [G] [R] de ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les demandes ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
CONDAMNE M. [G] [R] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE