Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12674

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12674

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT MIXTE

DU 08 JUIN 2023

N° 2023/441

Rôle N° RG 22/12674 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKBYT

[W] [E]

C/

S.A.S. NACC

B’SQUARED INVESTMENTS SARL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gervais GOBILLOT

Me Thomas D’JOURNO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 30 Août 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/01829.

APPELANTE

Madame [W] [E]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉE

S.A.S. NACC

immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 407 971 111

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société B-SQUARED INVESTMENTS SARL,

dont le siège social est [Adresse 3], enregistrée auprès RCS du Luxembourg sous le n°B2611266, représentée par la Société de Négociation Achat de Créances Contentieuses (NACC), agissant au nom et pour le compte de B-SQUARED INVESTMENTS S.A.R.L à la suite d’un

acte de cession de créance et d’un mandat de gestion du 30 avril 2022,

Venant aux droits de la Société de Négociation Achat de Créances Contentieuses (NACC), devenue VERALTIS ASSET MANAGEMENT, SAS par suite d’un acte de cession de créance et d’un mandat de gestion du 30 avril 2022, La société VERALTIS, venant aux droits de Société Générale de Banque aux Antilles par acte de cession de créances en date du 26 octobre 2018.

Toutes deux représentées par Me Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Khedidja LAHOUSSINE, avocat au barreau de MAREILLE

assistée de Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.

Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président (rédactrice)

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

A la suite d’impayés de crédits, la société Générale de Banque aux Antilles (SGBA) a assigné madame [W] [E] en paiement, mais les parties ont conclu entre elles un protocole d’accord qui a été homologué, lui donnant force exécutoire, par une ordonnance rendue sur requête du président du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, le 2 juillet 2014.

Cette créance a été cédée par la banque à la société Negociation Achats de Créances (ci après désignée NACC) le 26 octobre 2018.

Le 18 février 2022, la NACC a signifié à madame [E] un commandement de payer aux fins de saisie vente pour la somme de 57 558.69 € que cette dernière a contestée devant le juge de l’exécution de Grasse.

Ce magistrat, par décision du 30 août 2022 a notamment :

– débouté madame [E] de ses contestations,

– l’a condamnée à 1 € de dommages et intérêts et 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il retenait que le protocole d’accord homologué en justice le 8 juillet 2014 constitue un titre exécutoire qui lui a été signifié le 23 juillet 2014 et qui n’est pas touché par la prescription en raison des actes interruptifs et des reconnaissances de dette existantes, accompagnées de promesses de paiement non réalisé. Il écartait le droit au retrait litigieux alors qu’aucune procédure n’était alors en cours et que madame [E] ne pouvait reprocher au créancier d’avoir laissé s’éteindre son privilège de prêteur de deniers pour lui avoir fait confiance lorsqu’elle a vendu le bien sans malgré tout, le désintéresser. Il a également écarté la prescription des intérêts des sommes.

Madame [E] à laquelle, selon le cachet de la poste, le jugement a été notifié par le greffe le 15 septembre 2022, en a fait appel le 23 septembre 2022 par déclaration à la cour.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 24 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé, madame [W] [E] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, L.137-2 du code de la consommation, 1699 et 2224 du Code civil, 700 du Code de procédure civile,

– infirmer en toutes ses dispositions le Jugement déféré ;

Et statuant à nouveau,

– Dire et juger que la société NACC ne dispose d’aucun titre de créance exigible à son encontre

– Annuler en conséquence le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 18 février 2022 par le ministère de la SCP[J] [Y] – [I] [S] – [G] [M] – [V] [H], Huissiers de justice, à la requête de la SAS NACC ;

Plus subsidiairement :

– Dire et juger qu’elle est bien fondée à opposer à la société NACC la forclusion de l’article L.137-2 du Code de la consommation ;

Encore plus subsidiairement :

– Dire et juger qu’elle est bien fondée à opposer à la SAS NACC les dispositions de l’article 1699 du Code civil ;

– Fixer à l’euro symbolique la créance de la SAS NACC ;

Infiniment subsidiairement :

– Dire et juger qu’elle est bien fondée à opposer à la SAS NACC le moyen tiré de la faute de

la Société Générale de Banque aux Antilles ayant laissé dépérir son privilège de prêteur de deniers ;

– Dire et juger que le préjudice subi est égal au montant de la créance alléguée par la SAS NACC

– Dire et juger qu’en toute hypothèse, la créance d’intérêts alléguée par la SAS NACC est prescrite

– Condamner la SAS NACC à lui payer les sommes de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– La condamner aux entiers dépens distraits au profit de maître Gervais GOBILLOT, avocat sur ses offres de droit.

Madame [E] soutient que :

– l’ordonnance d’homologation du 2 juillet 2014 n’est pas un titre exécutoire, ne prononce aucune condamnation à son encontre mais constitue uniquement un préalable à une action judiciaire au demeurant forclose,

– sur le fondement de l’article L137-2 du code de la consommation, applicable au prêt immobilier, la forclusion de l’action est biennale alors que la déchéance du terme est intervenue à la suite d’un impayé du 5 janvier 2012, le premier juge n’ayant pas précisé à quelle date et quelle reconnaissance de la dette avait pu interrompre cette prescription,

– sur le fondement de l’article 1699 du code civil elle invoque un droit de retrait et à défaut pour le créancier de révéler le prix d’achat de la créance en demande fixation à un euro symbolique,

– la Société Générale a laissé dépérir le privilège du prêteur de deniers qu’elle devait renouveler ce qui est un préjudice pour elle égal à la mise en recouvrement de la dette,

– sur le fondement de la loi du 17 juin 2008, madame [E] oppose une prescription quinquennale des intérêts,

– considérant que les poursuites de la Nacc sont particulièrement téméraires, elle sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros et des frais irrépétibles.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 2 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé, la société B-Squared Investments SARL, venant aux droits de la société Negociation Achats de Créances (ci après désignée NACC) devenue depuis Veraltis, intervenante volontaire et la société NACC demandent à la cour de :

– juger la société B-SQUARED INVESTMENTS, régulièrement subrogée dans les droits de VERALTIS (anciennement dénommée NACC) par acte de cession de créances du 30 avril 2022, recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

– Prononcer la mise hors de cause de la société VERALTIS anciennement dénommée NACC,

– Juger madame [W] [E] mal fondée en son appel ;

– L’en débouter intégralement ;

En conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Juge de l’Exécution près le Tribunal Judiciaire de Grasse le 30 août 2022 ;

Et statuant à nouveau, au regard de la mauvaise foi de madame [E], et du caractère manifestement abusif et dilatoire du présent appel,

– condamner madame [W] [E] à payer à la société B-SQUARED INVESTMENTS la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance.

Elle expose que la créance cédée à la Nacc par acte du 26 octobre 2018, a été transmise le 30 avril 2022 à la société B-SQUARED INVESTMENTS qui agit désormais en recouvrement. La créance dont elle se prévaut résulte de deux protocoles d’accord du 10 et 11 juin 2014 auxquels il a été conféré force exécutoire le 2 juillet 2014 par le président du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre. Elle souligne la mauvaise foi de l’appelante, ses multiples promesses de paiement et le fait qu’elle a vendu son immeuble sans la payer. Elle expose que :

– la transaction homologuée est un titre exécutoire au sens de l’article L111-3-1° du code des procédures civiles d’exécution,

– la prescription a régulièrement été interrompue par des reconnaissances de dette en application de l’article 2240 du code civil, des actions et un acompte, il en est de même concernant les intérêts des sommes,

– le retrait litigieux, interprété restrictivement suppose plusieurs conditions non remplies en l’espèce, en particulier un litige une contestation au moment de la cession ce qui n’est pas le cas,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

* sur la mise hors de cause de la NACC :

Selon attestation de cession du 30 avril 2022, il est établi que la NACC a cédé la créance à l’encontre de madame [E] portant les références de dossier NACC P1491435478 et B0367. Ces références se retrouvent dans les différentes correspondances antérieures échangées avec la débitrice pour le recouvrement, il convient donc de mettre hors de cause la société NACC qui n’a plus la qualité de créancier, comme sollicité, aucune contestation n’étant d’ailleurs présentée de ce chef.

* sur l’existence d’un titre de créance :

Il ressort des termes de l’article L111-3-1° que les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoires ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire constituent des titres exécutoires.

Il n’est pas discuté que le protocole d’accord signé entre les parties a été homologué et reçu force exécutoire par la décision du président du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, le 2 juillet 2014 puis a été signifié à madame [B] [L] par acte d’huissier de justice délivré à étude, le 23 juillet 2014. Cet acte constitue donc un titre exécutoire.

Il rappelle que madame [B] [L] a ouvert le 26 avril 2001 un compte auprès de la société Générale de Banques aux Antilles et souscrit un prêt immobilier au taux de 3.26 % l’an pour l’achat d’un immeuble dont le concours a été dénoncé le 23 mai 2013. Un décompte de créance est énoncé au 7 mars 2014 pour une somme de 30 318.73 euros outre intérêts conventionnels postérieurs, que madame [B] [L] a reconnu devoir. Une renonciation à partie de sa créance a été concédée dans le cadre de l’accord par la banque qui a réduit son montant à 28 872.78 euros et admis des délais de paiement pour madame [B] [L]. Contrairement à ce qu’elle soutient devant la cour, il n’est pas nécessaire qu’une condamnation financière soit prononcée et par sa reconnaissance de la dette et les termes de l’accord conclu, elle s’est obligée au paiement selon des modalités définies d’un commun accord par les parties sans nécessité de nouvelle assignation en paiement.

Les articles 6 et 7 du protocole exécutoire énoncent que le non règlement entraînera automatiquement sans mise en demeure, la déchéance du protocole et la caducité de l’abattement financier consenti, la banque retrouvant sa pleine et entière liberté de poursuite judiciaire pour recouvrer la créance. Les frais tant de poursuite que de conservation des garanties étant, selon les articles 6 et 9 à la charge de la débitrice.

* sur la forclusion de l’action au regard de l’article L137-2 du code de la consommation:

Depuis l’ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, l’article L137-2 du code de la consommation a été recodifié pour devenir l’article L218-2 du code de la consommation, selon ce texte, l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans. Mais il ressort des dispositions de l’article L111-4 du code des procédures civiles d’exécution que l’exécution des titres exécutoires tel que celui discuté et admis par la cour, ne peut être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Madame [B] [L] ne peut donc plus invoquer cette prescription biennale après l’obtention par la banque du titre exécutoire, sauf concernant les intérêts non titrés. L’action en paiement et recouvrement elle même n’est pas prescrite.

* sur la perte fautive du privilège :

Madame [B] [L], qui n’a pas la qualité de caution mais celle de débitrice, reproche à la Société Générale d’avoir laissé se perdre la sûreté réelle qui accompagnait la dette. Elle invoque un préjudice à ce titre dont on ne voit pas le fondement puisqu’elle est à l’origine de la dette et ne peut être subrogée dans les droits du créancier. Quoiqu’il en soit, le premier juge par la motivation pertinente de sa décision, que la cour adopte, a retenu à juste titre, le comportement de madame [B] [L], qui s’engageait régulièrement à payer mais ne le faisait pas, pour finalement vendre l’immeuble servant de garantie et ne pas en verser le prix entre les mains de la banque dont la plus grande faute est effectivement de lui avoir fait confiance et cru en ses promesses régulières sur plusieurs années ce que l’appelante ne saurait invoquer puisqu’elle en est à l’origine.

* sur la mise en oeuvre de l’article 1 699 du code civil :

Aux termes de l’article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

Il a été rappelé que la cession à la société NACC a eut lieu le 26 octobre 2018 et à la société B-Squarred le 30 avril 2022, ce qui n’avait pas été évoqué devant le premier juge concernant cette nouvelle cession. Lors de cette cession, un litige judiciaire était en cours, puisque l’assignation de madame [B] [L] pour contester le titre et sa portée a été délivrée à la NACC le 18 mars 2022 devant le juge de l’exécution de Grasse. En conséquence de quoi, la société B-Squarred sera invitée à justifier du prix de la cession de créance et de ses frais et loyaux couts.

* sur la demande de dommages et intérêts et les frais irrépétibles :

Il sera prononcé un sursis à statuer de ce chef, dans l’attente des éléments à justifier par la société B Squarred.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

DONNE acte à la société B-SQUARED INVESTMENTS de son intervention volontaire devant la cour à la suite de la cession de créances du 30 avril 2022 qui lui a été consentie par la NACC,

PRONONCE la mise hors de cause de la société VERALTIS anciennement dénommée NACC,

CONFIRME le jugement déféré sur l’existence d’un titre exécutoire, l’absence de forclusion de l’action, le caractère non fautif de la perte du privilège du prêteur de deniers,

Mais sur le fondement de l’article 1699 du code civil,

INVITE la société B-SQUARED INVESTMENTS à justifier du prix réel de la cession de la créance avec les frais et loyaux coûts, et intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite,

DIT que le dossier sera rappelé à l’audience du Jeudi 14 décembre 2023 à 14h15 salle F Palais Verdun,

Avec avis d’ordonnance de clôture au :14 Novembre 2023.

RESERVE les demandes au titre des frais irrépétibles, des dommages et intérêts et des dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x