Saisine du juge de l’exécution : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17135

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17135

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17135 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM5G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/07118

APPELANTES

S.A. SOCIETE GENERALE

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro

552 120 222, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

S.A. SOCIETE GENERALE CAMEROUN

immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) de DOUALA sous le numéro RC/DLA/1994/B/013.111, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 10]

[Localité 11] (CAMEROUN)

représentées par Me Isabelle VINCENT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0345

INTIMES

Monsieur [I] [C]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 12] (13), de nationalité française,

[Adresse 2]

[Localité 8]

Madame [T] [C]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 12] (13), de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentés par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour Avocat plaidant : Maître Jean-Marc HOURSE , avocat au Barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Marc BAILLY, Président de chambre et M.Vincent BRAUD, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M.Marc BAILLY, Président de chambre,

M.Vincent BRAUD, Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre et par MME Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

[V] [C] – aujourd’hui décédé – et son fils [I] [C] étaient cogérants de la société d’exploitation de café Etablissements [C] qui avait des comptes ouvert dans les livres de la Société Générale de Banque au Cameroun devenue Société Générale Cameroun.

En garantie du remboursement du solde débiteur du compte courant des établissements [C] ces derniers ont consenti une affectation hypothécaire à hauteur d’une somme équivalente à 1 524 4690,17 euros sur deux immeubles formants des lots du centre commercial de Nkongsamba, au Cameroun.

La Société Générale Cameroun – SGC – avait en outre pris les garanties suivantes :

-le cautionnement solidaire de M. [I] [C] dans la limite de l’équivalent de 304.898,03 euros, souscrit 1e 20 janvier 1987,

-un cautionnement solidaire de M. [I] [C] en garantie du solde du compte-courant de la société débitrice dans la limite de la somme de l’équivalent de 792.734,89 euros, par acte notarié du 22 avril 1987, contenant également affectation hypothécaire du bien immobilier dont M. [I] [C] est propriétaire à [Localité 14], [Adresse 4],

-un cautionnement solidaire de M. [I] [C] en garantie du solde du compte-courant de la société débitrice dans la limite de 613 607,29 euros, par acte notarié du 13 août 1990 contenant également l’affectation hypothécaire du même bien immobilier.

La SGC a dénoncé ses concours et clôturé le compte des Etablissements [C] par lettre en date du 6 février 1996 puis a initié la mise en oeuvre de garanties.

Un protocole d’accord du 12 mai 2000 a été homologué par la cour d’appel de Paris le 6 avril 2001 entre la Société Générale, la SGC et les établissements [C], MM. [I] et [V] [C], prévoyant une remise de créance qui était fixée et que les garanties personnelles des consorts [C] étaient ‘maintenues, conservées ou renouvelées jusqu’à apurement définitif de la créance de la SGC’.

Par jugement du tribunal de commerce de Moungo, au Cameroun, du 21 juillet 2005, la liquidation judiciaire des Etablissements [C] a été prononcée et la SGC a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 3 520 547,95 euros.

Un nouveau protocole d’accord a été homologué par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris 14 octobre 2011, fixant la créance de la SGC à la somme de

2 763 669,91 euros, celle de M. [I] [C] qui était de 1 711 240,21 euros ramenée par la transaction à la somme d’1 million d’euros à la condition qu’il s’acquitte de son paiement avant le 31 décembre 2011 et la SGC s’engageait à donner mainlevée des hypothèques prises sur le bien immobilier sis à [Localité 13] et sur les biens immobiliers sis au Cameroun.

Ensuite de l’impayé par M. [I] [C] de sa dette au 31 décembre 2011, la procédure de saisie immobilière de son bien à [Localité 13] a repris.

Par acte en date du 10 mai 2017, M. [I] [C] et sa soeur Mme [T] [C] ont assigné la Société Générale et la SGC devant le tribunal de grande instance de Paris, les demandeurs faisant notamment valoir qu’en dépit de ses engagements, la SGC n’avait pas renouvelé les hypothèques inscrites sur les biens au Cameroun après le dernier renouvellement du 14 février 1997, que les parcelles ont été vendues dans le cadre de la liquidation judiciaire et qu’ils devaient donc être déchargés de leurs obligations de cautions en vertu de l’article 2314 du code civil.

Par jugement en date du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :

‘-Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir soulevée par la Société Générale ;

– Décharge M. [I] [C] de l’ensemble de ses engagements de caution solidaire souscrits au profit de la Société Générale Banque au Cameroun, devenue Société Générale Cameroun, en garantie des dettes de la société Les Etablissements [C] ;

– Déboute M. [I] [C] et Mme [T] [C] de leur demande en annulation du protocole transactionnel du 28 septembre 2011 ;

– Ordonne la réouverture des débats ;

– Invite les parties à présenter leurs observations sur 1’éventue1le incompétence du présent tribunal au profit du juge de l’exécution, avant le 09 septembre 2021 pour M. [I] [C] et Mme [T] [C] et avant le 16 sptembre 2021 pour la Société Générale Cameroun;

-Renvoie l’affaire et les parties à l’audience de plaidoirie

-Réserve les dépens et les demandes faites au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

-Déclare le présent jugement opposable à la Société Générale’.

Par déclaration au greffe en date du 29 septembre 2021, la Société Générale et la Société Générale Cameroun ont interjeté appel.

Par leurs dernières conclusions en date du 28 février 2023, la Société Générale et la Société Générale Cameroun font valoir :

– qu’ensuite du jugement entrepris, le tribunal judiciaire de Paris, par un nouveau jugement du 4 novembre 2021, s’est dit incompétent pour statuer sur la demande en indemnisation des époux [C] en considérant qu’elle relevait de la compétence du juge de l’exécution,

– que par jugement en date du 4 avril 2022 le juge de l’exécution de Paris a rejeté la demande d’indemnisation des époux [C], appel étant interjeté par ces derniers, que la cour d’appel a confirmé le jugement par arrêt en date du 16 février 2023,

– que la procédure de saisie immobilière du bien de M. [C] à [Localité 13] a été émaillée de nombreux incidents après que M. [C] a tenté de faire acquérir le bien par un ami, qu’elle n’est plus en cours actuellement à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2017 et d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 février 2021 qui a constaté la péremption du commandement de payer, et que le présent litige avait pour but de paralyser la procédure de saisie immobilière,

– que l’action des consorts [C] à l’encontre de la Société Générale est irrecevable sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile puisqu’elle avait seulement consenti une garantie de bonne fin de crédit alors que c’est la SGC qui avait pris les hypothèques litigieuses, que la volonté de lui rendre opposable la nullité demandée du protocole du 28 septembre 2011 ne rend pas plus l’action recevable dès lors que si elle y était indiquée comme partie, elle ne prenait aucune engagement non plus que M. [C] à son égard,

– que la décharge de la caution en vertu de l’article 2314 du code civil exige la réunion de trois conditions tenant à ce qu’un droit susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation doit avoir été perdu, que cette perte doit être intervenue par le fait du créancier, notion interprétée restrictivement par la jurisprudence comme désignant une faute exclusive du créancier, et que la caution doit avoir souffert d’un préjudice,

– que la perte des hypothèques sur les biens sis au Cameroun n’a pas entraîné de préjudice pour les consorts [C], qu’en effet, les bordereaux analytiques produits aux débats montrent indubitablement que les biens ont été vendus pour l’équivalent de la somme de 356 059 euros contrairement à ce qu’a retenu le tribunal,

– que l’état du passif montre l’existence de deux créances privilégiées primant celles de la banque -salaires et prévoyance sociale -, de sorte que la totalité du prix de vente avait vocation à être absorbée par ces créances auxquelles s’ajoutent les frais de justice super privilégiés conformément à l’article 166 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif dit Ohada, alors que la créance de la SGC sur M. [C] s’élève à la somme de 1 712 097,47 euros puisque la perte des hypothèques a été sans conséquences sur la situation de M. [C] ou à tout le moins n’a eu que des conséquences fixées à la somme minime de 61 746 euros par différence entre le prix de vente et le montant des créances privilégiées la surpassant et connues,

– qu’en réplique à la contestation du prix de vente des biens par M. [C] elle produit aux débats des pièces et notamment une expertise immobilière accompagnée de deux annexes qui montre sa cohérence, alors qu’en sa qualité de dirigeant de la société liquidée, M. [C] avait toute faculté de contester les opérations de liquidation, que si elle a commis une erreur sur l’occupation des biens dans ses précédentes conclusions contre laquelle M. [C] a fait produire un constat d’huissier, c’est sans conséquence sur l’estimation des biens alors que l’expert n’est pas sérieusement critiqué,

– que M. [C] ne démontre aucun préjudice au moment où sa créance est devenue exigible, qu’il ne peut lui reprocher une négligence dans les opérations de liquidation judiciaire alors qu’elle n’était qu’un simple créancier et que la longueur dans la mise en vent des biens est dû à l’inaction des coliquidateurs stigmatisée par le tribunal camerounais,

– s’agissant de la demande de nullité du protocole du 28 septembre 2011, que les manoeuvres et prétendues fraudes ne sont pas démontrées alors que M. [C] n’a jamais exécuté ses obligations et s’est opposée à la vente immobilière sur saisie dans des conditions contestables en usant d’un complice,

– qu’en effet, le rappel dans ce protocole d’inscriptions hypothécaires non renouvelées alors que le créancier concède une importante réfaction de sa dette à la caution n’entre pas dans la catégorie des manoeuvres,

– que c’est nouvellement en cause d’appel et en étant donc irrecevable en vertu de l’article 564 du code de procédure civile, que M. [C] formule une demande de mainlevée des deux hypothèques conventionnelles dont elle dispose sur le bien sis à [Localité 13], de sorte qu’elle demande à la cour de :

‘- RECEVOIR la SOCIETE GÉNÉRALE et la SOCIETE GÉNÉRALE CAMEROUN en leur appel partiel et leurs demandes et les y DECLARER bien fondées ;

– DECLARER partiellement irrecevables (nouvelle demande) et mal fondés, les consorts [C] en leur appel incident et les en débouter ; CE FAISANT,

– INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de PARIS du 1 er juillet 2021 en ce qu’il a :

« rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir soulevée par la SOCIETE GÉNÉRALE ;

Déchargé M. [I] [C] de l’ensemble de ses engagements de caution solidaire souscrits au profit de la Société Générale Banque au Cameroun, en garantie des dettes de la société Etablissements [C]’ ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

JUGER que Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] n’ont pas d’intérêt à agir à l’encontre de la SOCIETE GÉNÉRALE, Société Anonyme au capital de 1.009.641.917,50 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 552 120 222, dont le siège social est situé [Adresse 5] ;

– JUGER que Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] n’invoquent aucun fait, aucune faute, ni aucun moyen à l’encontre de la SOCIETE GÉNÉRALE, de nature à justifier que le jugement à intervenir lui soit opposable ;

En conséquence,

– JUGER Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] irrecevables en leurs demandes formées à l’encontre de la SOCIETE GÉNÉRALE ;

– METTRE HORS DE CAUSE la SOCIETE GÉNÉRALE, Société Anonyme au capital de 1.009.641.917,50 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 552 120 222, dont le siège social est situé [Adresse 5] ; ET :

– JUGER que le prétendu préjudice revendiqué par Monsieur [I] [C] au visa de l’article 2314 du Code civil, n’a été constitué que postérieurement à l’exigibilité de sa dette à l’égard de la SOCIETE GÉNÉRALE CAMEROUN ;

– JUGER que Monsieur [I] [C] n’a pas subi de préjudice lui permettant de se prévaloir des dispositions de l’article 2314 du Code civil ;

– JUGER que Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] sont mal fondés en leurs demandes, cette dernière n’en formulant en réalité aucune ;

– JUGER Monsieur [I] [C] irrecevable en sa demande de mainlevée d’hypothèques conventionnelles inscrites sur le bien immobilier du [Adresse 4];

En conséquence,

– DEBOUTER Monsieur [I] [C] de sa demande d’être déchargé de son engagement de caution ;

– DEBOUTER Monsieur [I] [C] de sa demande d’être déchargé de son engagement de caution à hauteur de la somme de 1.500.000€ ;

– DEBOUTER Monsieur [I] [C] de sa demande d’annulation du protocole du 28 septembre 2011 et en tout autre demande ;

A titre subsidiaire :

– JUGER que la demande de Monsieur [I] [C] tendant à être déchargé de son engagement de caution ne pourra qu’être partielle, sa dette à l’égard de l’établissement bancaire s’établissant à la somme de 1.712.097,47€ ;

– LIMITER la demande de Monsieur [I] [C] tendant à être déchargé de son engagement de caution à hauteur de la somme de 61.746,05€ ;

A titre infiniment subsidiaire :

-JUGER que la demande de Monsieur [I] [C] tendant à être déchargé de son engagement de caution ne pourra qu’être partielle, sa dette à l’égard de l’établissement bancaire s’établissant à la somme de 1.712.097,47€ ;

– LIMITER la demande de Monsieur [I] [C] tendant à être déchargé de son engagement de caution à hauteur de la somme de 356.059€ ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

– CONDAMNER Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] à verser à la SOCIETE GÉNÉRALE la somme de 6.000 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens dont distraction est requise au profit de la SELARL WTS, représentée par Maître Isabelle VINCENT, Avocat au Barreau de PARIS, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER Monsieur [I] [C] et Madame [T] [C] à verser à la SOCIETE GÉNÉRALE CAMEROUN la somme de 15.000 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’.

Par leurs dernières conclusions en date du 6 janvier 2023, M. [I] [C] et son épouse Mme [T] [C] exposent :

– qu’après un premier protocole en exécution duquel feu [V] [C] a réglé sa dette, un second protocole du 28 septembre 2011 a été nécessaire et que la SGC y a indiqué être titulaire d’hypothèques sur les biens sis au Cameroun appartenant aux établissements [C] alors qu’elles n’avaient pas été renouvelées depuis quatre années puisqu’à la suite du dernier renouvellement du 14 février 1997, aucun autre n’a été diligentée,

– que dès lors que les deux parties au protocole l’ont soumis à la loi française, il est bien fondé à invoquer l’article 2314 du code civil pour être déchargé de ses obligations de caution,

– qu’alors que c’est aux banques créancières qu’il incombe de démontrer que la perte de garantie survenue par leur faute ne lui a causé aucun préjudice, elles persistent à inverser la charge de la preuve,

– que pourtant, les mandataires judiciaires ont vendu les biens sans le contrôle de la SGB et qu’il ressort du rapport du juge commissaire qu’ils ont été négligents, que la lecture du détail des inscriptions montre que c’est dans l’intention de tromper le lecteur que la banque fait valoir qu’ils ont été vendus pour la somme de 346 059 euros alors qu’un second bien était hypothéqué pour la somme de 682 000 euros par la banque Afriland, que la SGC était inscrite en premier rang pour des sommes qui excédaient la valeur de l’appartement parisien,

– que la banque SGC avait d’ailleurs fait expertiser les biens camerounais pour une somme de 1,5 millions d’euros, que si les biens se sont mal vendus c’est pas une faute de négligence de la banque alors que les deux rapports de l’expert camerounais qu’elle produit aux débats sont dépourvus de force probante pour différents motifs montrant des erreurs (M. [C] n’est plus retourné au Cameroun depuis une vingtaine d’années, les biens n’étaient plus exploités par la société établissement [C] qui est en liquidation judiciaire, la vente a eu lieu en juillet 2005 et l’avis de valeur en 2022 est donné pour la période d’avril 2008, indication par erreur d’une hypothèque de premier rang de la SGC alors qu’elle n’a pas été renouvelée),

– qu’en outre ils ont été trompés lors du protocole sur la circonstance que l’hypothèque existait encore au terme d’une manoeuvre dolosive de la banque,

– que, contrairement à ce que prétend la banque, la réglementation Ohada et la liquidation judiciaire des Etablissements [C] ne l’empêchait pas de renouveler son inscription hypothécaire, seule une inscription nouvelle étant prohibée dans cette hypothèse,

– que la Société Générale est en cause car elle a participé aux protocoles et que son service contentieux est associé aux procédures,

– que l’inscription prise sur le bien parisien sis [Adresse 4] n’a plus lieu d’être puisqu’elle était la conséquence du protocole litigieux, la demande de mainlevée n’étant pas une demande nouvelle mais la suite nécessaire des autres prétentions au sens de l’article 566 du code de procédure civile, de sorte qu’ils demandent à la cour de :

‘- Confirmer partiellement le jugement rendu le 1er juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de PARIS.

EN CONSÉQUENCE

-Dire et juger que Monsieur [I] [C] est déchargé de tout engagement au titre des trois cautions souscrites au bénéfice de la SGBC (devenue SGC),

– A tout le moins, dire et juger que Monsieur [I] [C] est déchargé à hauteur des droits perdus dans le cadre de la subrogation, soit la somme de 1 500 000 euros,

– Dire et juger que cet établissement bancaire ne détient plus aucune créance à l’encontre de Monsieur [I] [C],

– Déclarer commun et opposable à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (France) l’arrêt à venir,

– Ecarter tous les moyens soulevés par les appelants,

– Réformer le jugement pour le surplus,

– Dire et juger que le protocole du 28 septembre 2011 est nul en raison d’une fraude, et de man’uvres dolosives.

– En toute hypothèse, condamner la SGC à rapporter la mainlevée de l’inscription d’hypothèque sur l’appartement situé [Adresse 4] et ce sous astreinte de 400€ passé le huitième jour de la signification de l’arrêt.

– Condamner in solidum la SGC et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux entiers dépens outre une somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE’.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

MOTIFS

Sur la fin de non recevoir opposée par la Société Générale

Dès lors que la Société Générale était expressément partie au protocole d’accord du 28 septembre 2011 homologué le 14 octobre suivant – et ce à raison de ce qu’elle avait accordé à la SGC une garantie de bonne fin de la garantie de ligne de crédit consentie par cette dernière aux Etablissements Gotzounian – et que les consorts sollicitent la nullité de ce protocole d’accord, c’est à juste titre que le tribunal a retenu un intérêt à agir de ces deniers à l’égard non seulement de la SGC mais aussi de la Société Générale et rejeté la fin de non recevoir opposée par cette dernière fondée sur l’article 31 du code de procédure civile.

Il en est d’autant plus ainsi qu’il y était notamment stipulé, sous réserve de la parfaite exécution du dit protocole, une renonciation réciproque de toutes les parties, y compris de la Société Générale, à intenter toute procédure contentieuse ou à initier toute mesure d’exécution.

Sur la nullité du protocole d’accord du 28 septembre 2011

M. et Mme [C] sollicitent la nullité du protocole d’accord du 28 septembre 2011 homologué le 14 octobre suivant par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris au motif que les banques y auraient fait mentionner l’existence des hypothèques prises sur les biens au Cameroun alors que lesdites inscriptions n’avaient pas été renouvelées, ce qui constitue un dol par réticence.

Après avoir rappeler à bon droit les conditions de nullité des transactions, possible dans l’hypothèse d’un dol, c’est encore à juste titre que le tribunal a retenu que M. et Mme [C] ne peuvent utilement soutenir qu’ils seraient demeurés dans l’ignorance du défaut de renouvellement des inscriptions d’hypothèques sur les biens au Cameroun compte tenu de leur mandat social dans la société des Etablissements [C] et alors que leurs ventes mêmes, dans le cadre de la procédure collective, a eu lieu les 14 décembre 2007 et 1er juillet 2009 soit plus de deux années avant la régularisation du protocole.

Il doit y être ajouté qu’alors que le protocole d’accord avait fixé la somme due par M. [I] [C] à la SGC, au titre de ses trois engagements de caution, à la somme de 1 7211 240,21 euros, l’essentiel de son économie consistait en un abaissement de la somme restant à devoir à 1 million d’euros sous réserve d’un paiement à intervenir avant le 31 décembre 2011 – la somme devant provenir du projet de vente de son bien immobilier sis à [Localité 13], [Adresse 4] dans le cadre duquel son beau-père lui avancerait la somme de 1 million d’euros – , de sorte que M. et Mme [C] n’établissent pas que la perpétuation des hypothèques sur les biens de la société Etablissement [C] au Cameroun avait constitué une condition déterminante de leur consentement à la ratification du protocole.

Sur la perte de la garantie hypothécaire

En cause d’appel, la SGC ne conteste pas s’être abstenue de renouveler les inscriptions d’hypothèques sur les biens au Cameroun de la société Etablissements [C] susceptible de faire perdre à la caution subrogée à ses droits de créancier un droit préférentiel et susceptible d’entraîner, par application de l’article 2314 du code civil, décharge des obligations de la caution à la mesure de ces droits.

Il résulte de la combinaison de l’article 1315, devenu 1353, du code civil et de l’article 2314 qu’il appartient au créancier qui, par son fait, a fait perdre à la caution un droit préférentiel de démontrer que cette perte était, en réalité, sans conséquence pour la caution ou n’avait eu de conséquences que partielles, inférieure au montant de sa dette subsistante pour le surplus.

Or, il résulte des pièces produites par la SGC :

– qu’elle disposait des deux hypothèques litigieuses sur les biens de la société Etablissements [C], d’une part au titre du foncier n°322 concernant le lot 75 garantissant une créance de 1 milliards de francs CFA et, d’autre part, au titre du foncier n°205 concernant le lot 4, garantissant une créance de 1 milliards de CFA,

– que le premier bien a été vendu, de gré à gré, sur ordonnance du 1er juillet 2009 pour une somme de 27 000 000 de francs CFA le 2 septembre 2009,

– que le second bien a été vendu, de gré à gré, sur ordonnance du 14 décembre 2007 pour une somme de 200 000 000 de francs CFA le 10 mars 2009, tous deux dans le cadre de la procédure collective,

-qu’il n’est pas contesté que le total des prix obtenus correspond à la somme de 356 059 euros.

C’est vainement que les consorts [C] critiquent le prix de vente comme étant inférieur à la valeur des biens dès lors que lesdites ventes ont eu lieu dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire au Cameroun et que la valeur des biens ne peut donc qu’être celle de la vente intervenue.

Ils n’étayent par aucune pièce la circonstance que si la banque avait renouvelé ses inscriptions, elle aurait eu le pouvoir, en sa seule qualité de créancière inscrite, de ‘contrôler’ la vente qui est intervenue avec l’accord du tribunal camerounais, au demeurant sans contestation ni antérieure ni ultérieure, d’aucune partie, le liquidateur pas plus que M. [C], et ce, alors même qu’il y avait d’autres créanciers dont les créances ont été admises (le personnel des Etablissements [C], le C.C.E.S, M. [X] [B], C.N.P.S au titre d’une créance sociale) qui n’avaient pas plus intérêt à une vente de faible valeur que M. [C] subrogé dans les droits de la banque.

C’est encore vainement qu’ils font valoir le caractère prétendument dérisoire du prix obtenu en considération avec l’importance de la dette garantie par les hypothèques 1 milliard de francs CFA), et ce, par comparaison avec la dette garantie par les hypothèques prises en France sur des biens immobiliers s’y trouvant et l’évaluation de ces deniers, dès lors qu’il ne peut se déduire du montant de la dette garantie la valeur du bien donné en sûreté, en l’espèce objectivé à suffisance par les pièces produites relatives à la vente.

De même, le montant des hypothèques prises sur le bien par la banque prêteuse de deniers à l’acquéreur est indifférente au prix de vente, en lui-même non contesté par les consorts [C].

C’est donc de manière superfétatoire que la SGC a fait réaliser des estimations des dits biens qui confirme la cohérence des prix de vente de gré à gré dans le cadre de la procédure collective, dès lors critiquées de manière vaine par les consorts [C].

En conséquence de ce qui précède, la SGC prouve que ce n’est que de manière partielle que son abstention de renouvellement des inscriptions hypothécaires a privé M. [C], en sa qualité de caution subrogée, d’un droit préférentiel.

Elle fait valoir en outre à juste titre que l’état du passif admis à la liquidation judiciaire de la société établissement [C] montre que des créances hyperprivilégiées précédait la sienne et qu’il y a lieu de les déduire de la somme dont M. [C] est déchargé : celle de salaire des ex personnels à hauteur d’une somme de 90 500 457 francs CFA soit 138 265,24 euros et celle, de prévoyance sociale de 68 652 800 francs CFA soit 104 886,72 euros, conformément aux disproportion de l’OHADA, de sorte que la décharge doit être limitée à la somme de 356 059 euros diminuée de ces sommes soit 61 746,05 euros, de laquelle ne peut être soustrait le montant des frais de justice, qui devraient l’être en principe, mais dont la banque reconnaît qu’elle n’en objective pas le montant.

Il y a donc lieu de juger que M. [I] [C] est déchargé de ses obligations de caution envers la SGC mais dans la limite de la somme de 61 746,05 euros et de débouter les consorts [C] du surplus de leur demande à ce titre.

Compte tenu de la solution adoptée, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mainlevée de l’inscription hypothécaire conventionnelle de la banque sur le bien sis [Adresse 4] à [Localité 13], au terme d’une demande qui, pour n’être pas nouvelle mais la conséquence d’une éventuelle nullité du protocole d’accord, est infondée compte tenu du rejet de cette prétention.

M. [I] [C] et Mme [T] [C], qui succombe en l’essentiel de leurs demandes, doivent être condamnés aux entiers dépens ainsi qu’à payer la somme de 2 000 euros à la Société Générale et celle de 8 000 euros à la SGC en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

-rejeté la fin de non recevoir opposée par la Société Générale aux demandes de M. [I] [C] et de Mme [T] [C],

– débouté M. [I] [C] et Mme [T] [C] de leur demande de nullité du protocole transactionnel du 28 septembre 2011,

Statuant dans les limites de l’appel,

Le réforme pour le surplus,

DIT que M. [I] [C] est déchargé de ses obligations de caution envers la Société Générale Cameroun dans la limite de la somme de 61 746,05 euros ;

DÉBOUTE M. [I] [C] du surplus de sa demande à ce titre ;

REJETTE la fin de non recevoir opposée par la Société Générale Cameroun à la demande de mainlevée de l’hypothèque sur le bien sis [Adresse 4] à [Localité 13] ;

DÉBOUTE M. [I] [C] et Mme [T] [C] de cette demande de mainlevée de l’hypothèque sur le bien sis [Adresse 4] à [Localité 13] ;

CONDAMNE M. [I] [C] et Mme [T] [C] à payer la somme de 2 000 euros à la Société Générale et celle de 8 000 euros à la Société Générale Cameroun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [I] [C] et Mme [T] [C] aux entiers dépens recouvrés par Maître Isabelle Vincent en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x