Saisine du juge de l’exécution : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05677

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Saisine du juge de l’exécution : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05677

2ème Chambre

ARRÊT N°370

N° RG 22/05677

N° Portalis DBVL-V-B7G-TELT

S.A.R.L. MAPI

S.A.R.L. NITEROI INVESTISSEMENTS

S.A.R.L. TASSIGNY

C/

S.C.I. AMAM

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me DENIS

– Me KIERZKOWSKI-CHATAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Juin 2023

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTES :

S.A.R.L. MAPI

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A.R.L. NITEROI INVESTISSEMENTS

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.R.L. TASSIGNY

[Adresse 3]

[Localité 6]

Toutes représentées par Me Bruno DENIS de la SCP CADORET TOUSSAINT DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉE :

S.C.I. AMAM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 2 juin 2020, la SCI Aman (la SCI) a acquis en l’état futur d’achèvement de la société civile de construction-vente La Baule 117 (la SCCV) un local destiné à l’exercice d’une activité de kynésithérapie-osthéopathie dans un ensemble immobilier situé à [Localité 5], moyennant le prix de 200 000 euros TTC.

Arguant de la non-conformité du bien vendu aux stipulations contractuelles portant sur un local destiné à recevoir du public, et de l’impropriété de ce bien à sa destination en raison de son inachèvement et de l’interruption du chantier consécutivement au non-respect du permis de construire, la SCI a, selon ordonnance sur requête du 23 février 2022, obtenu du juge de l’exécution de Saint-Nazaire l’autorisation de pratiquer, en garantie d’une créance évaluée à 270 000 euros, une saisie conservatoire sur les comptes bancaires et biens meubles de la SCCV.

La tentative de saisie conservatoire de biens meubles corporels réalisée au siège de la SCCV s’est cependant avérée infructueuse selon procès-verbal de carence du 8 mars 2022.

La SCI a néanmoins, par acte du 5 avril 2022, fait assigner la SCCV devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en résolution ou en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages-intérêts.

La SCI a alors, selon une seconde ordonnance sur requête du 4 avril 2022, obtenu du juge de l’exécution de Saint-Nazaire l’autorisation de pratiquer, en garantie de la même créance évaluée à 270 000 euros, une saisie conservatoire sur tous les comptes bancaires et biens meubles détenus par les associés de la SCCV.

Ces saisies conservatoires ont été réalisées le 12 avril 2022 sur les comptes ouverts par :

la société Promocéan, auprès de la Caisse d’épargne,

la société Mapi, auprès de la Caisse d’épargne,

la société Niteroi Investissements, auprès du Crédit agricole,

la société Tassigny, auprès de la Banque populaire.

Elles ont été dénoncées le 13 avril suivant aux sociétés Promocéan et Mapi, et le 20 avril 2022 à la société Niteroi investissements.

Puis, par acte du 2 mai 2022, la SCI a fait assigner les associés de la SCCV devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux mêmes fins que l’action dirigée à l’encontre de cette dernière.

Contestant la saisie conservatoire, la SCCV a, par acte du 25 mai 2022, fait assigner la SCI devant le juge de l’exécution de Saint-Nazaire afin d’obtenir la mainlevée de la saisie et, à titre subsidiaire, la substitution d’un cautionnement bancaire à la saisie conservatoire des comptes.

Contestant également l’autorisation donnée par ordonnance du 4 avril 2002 d’étendre la saisie conservatoire aux associées de la SCCV, les société Promocéan, Niteroi Investissements, Mapi et Tassigny ont, par acte du même jour, fait assigner la SCI afin d’obtenir pareillement la mainlevée des saisies et, à titre subsidiaire, la substitution d’un cautionnement bancaire à la saisie conservatoire des comptes.

Estimant que la créance alléguée était fondée en son principe, et qu’en l’absence de comptes bancaires ouverts par la SCCV il était légitime que la SCI recherche des garanties à l’égard des associés à proportion des parts de chacun d’entre eux, le juge de l’exécution a, par jugement du 8 septembre 2022 :

ordonné la jonction des deux procédures,

débouté la SCCV de ses demandes,

cantonné la mesure de saisie conservatoire, autorisée selon ordonnance du juge de l’exécution de Saint-Nazaire du 4 avril 2022 pour paiement de la créance de 270 000 euros, à 50% de cette somme à l’encontre de la société Promocéan, 30 % à l’encontre la société Niteroi Investissements, 10 % à l’encontre de la société Tassigny et 10 % à l’encontre de la société Mapi,

dit que la caution bancaire proposée par la SCCV et par les sociétés Promocéan, Niteroi Investissements, Mapi et Tassigny à hauteur de 200 000 euros, ne peut substituer la mesure de saisie conservatoire ordonnée à hauteur de 270 000 euros,

condamné in solidum la SCCV ainsi que les sociétés Promocéan, Niteroi Investissements, Mapi et Tassigny à payer à la SCI Aman la somme de 1 500 euros sur 1e fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Les sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny ont relevé appel de ce jugement le 23 septembre 2022, pour demander à la cour de le réformer et de :

rétracter l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution en date du 4 avril 2022,

ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées à l’encontre des sociétés appelantes entre les mains de la Caisse d’épargne et du Crédit agricole,

condamner la SCI à verser aux sociétés appelantes la somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

condamner la SCI au paiement d’une indemnité de 16 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

La SCI conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et demande à la cour de condamner les sociétés appelantes au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Ni la SCCV, ni la société Promocéan ne sont appelantes ou n’ont été intimées devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour les sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny le 4 novembre 2022, et pour la SCI le 16 décembre 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 avril 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aux termes des dispositions de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Il n’est pas discuté en cause d’appel que la SCI disposait, à l’égard de la SCCV qui n’est au demeurant pas appelante, d’une créance paraissant fondée en son principe portant sur un montant de 270 000 euros.

Les sociétés appelantes critiquent en revanche le jugement attaqué, en ce qu’il n’aurait pas statué sur la demande principale de rétractation de l’ordonnance du 4 avril 2022, se contentant de considérer qu’il était légitime que le créancier recherche des garanties à l’égard des associés de la SCCV tenus au passif social.

Elles font à cet égard valoir que l’action dirigée contre les associés d’une SCCV est une action subsidiaire, et qu’il n’est pas possible de demander dans l’instance au fond la condamnation in solidum de la société débitrice principale et des associés débiteurs solidaires, de sorte que la décision attaquée aurait été rendue en violation de l’article 1857 du code civil qui dispose que les associés répondent des dettes sociales à la date de l’exigibilité de celles-ci.

Il est en effet exact qu’aux termes des articles 1857 et 1858 du code civil, les associés d’une société civile doivent répondre indéfiniment, à proportion de leur part dans le capital, des dettes sociales à la date de leur exigibilité ou au jour de la cession des paiement, les créanciers ne pouvant cependant les poursuivre qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Dès lors, la créance de garantie d’un associé ne sera fondée en son principe que si la dette de la société civile est elle-même fondée en son principe, ce qui n’est en l’espèce pas discuté, et s’il est plausible que cette société est impécunieuse et ne pourra honorer le paiement de cette dette.

Or, la SCI ne démontre pas que les poursuites, qu’elle pourrait être amenée à exercer contre la SCCV en cas de succès de l’action engagée au fond à son encontre, seraient plausiblement infructueuses.

En effet, la tentative de saisie conservatoire de biens meubles réalisée au siège de la SCCV le 8 mars 2022 ne suffit pas à caractériser cette impécuniosité, alors que la SCCV est propriétaire du bien immobilier objet du litige et justifie avoir déposé un permis modificatif en septembre 2022 ouvrant la perspective de l’achèvement des travaux et de la perception du prix de vente des lots restant à commercialiser.

En outre, elle est propriétaire d’un autre actif immobilier par suite de la résolution amiable d’une vente sur un appartement d’une valeur de 193 800 euros.

La SCI pourrait donc, si la SCCV ne s’acquittait pas volontairement des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre par les juges du fond, poursuivre l’exécution de ce jugement en saisissant, fût-ce à titre conservatoire, les immeubles ou le prix de vente des locaux commercialisés entre les mains du notaire.

Il n’existe par conséquent en l’état pas de principe de créance suffisamment établi à l’égard des associés de la SCCV.

Il convient donc, après réformation du jugement attaqué, de rétracter l’autorisation de saisie conservatoire sur les comptes des sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny donnée le 4 avril 2022, et d’ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 12 avril 2022 sur les comptes bancaires ouverts par les sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny auprès ‘de leurs établissements bancaires respectifs, la Caisse d’épargne des Pays de la Loire et la Caisse régionale de crédit agricole mutuelle Atlantique Vendée’.

Les sociétés appelantes demandent par ailleurs la condamnation de la SCI au paiement d’une somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts, mais elles ne démontrent pas que la mise en oeuvre des mesures conservatoires litigieuses ait dégénéré en abus.

Cette demande sera rejetée.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny l’intégralité des frais exposés par elles à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant dans les limites de l’instance d’appel opposant la SCI Aman aux sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny,

Infirme le jugement rendu le 8 septembre 2022 par le juge de l’exécution de Saint-Brieuc, sauf en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures ;

Rétracte l’ordonnance du juge de l’exécution de Saint-Nazaire du 4 avril 2022, en ce qu’elle a autorisé la saisie conservatoire des comptes des sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny ;

Ordonne la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 12 avril 2022 sur les comptes bancaires ouverts par les sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny auprès de la Caisse d’épargne des Pays de la Loire et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuelle Atlantique Vendée ;

Déboute les sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne la SCI Aman à payer aux sociétés Mapi, Niteroi Investissements et Tassigny la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Aman aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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