RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/04019 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IU2L
AL
PRESIDENT DU TJ D’AVIGNON
12 décembre 2022
RG:22/00358
[D]
[K]
C/
[G]
[S]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section B
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d’AVIGNON en date du 12 Décembre 2022, N°22/00358
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,
Mme Corinne STRUNK, Conseillère,
M. André LIEGEON, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Madame [Z] [T] [D] épouse [K]
née le 12 Juin 1975 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
Représentée par Me Emilie SALVADO, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [J] [F] [K]
né le 01 Janvier 1975 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
Représenté par Me Emilie SALVADO, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Madame [B] [G] épouse [S]
née le 08 Juin 1944 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Frédéric MOUSTROU de la SELARL JURIS AQUITAINE, Plaidant, avocat au barreau de PERIGUEUX
Représentée par Me Laurence RAMEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [L] [N] [H] [S]
né le 05 Mai 1944 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Frédéric MOUSTROU de la SELARL JURIS AQUITAINE, Plaidant, avocat au barreau de PERIGUEUX
Représenté par Me Laurence RAMEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Statuant sur appel d’une ordonnance de référé
Ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 07 Juillet 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er septembre 2020, un protocole transactionnel a été signé entre les parties aux termes duquel M. [J] [K] et son épouse, Mme [Z] [K] née [D], ont reconnu devoir à M. [L] [S] et Mme [B] [G] la somme totale de 2.213.689,58 EUR, au titre des bénéfices réalisés par les opérations de promotion immobilière effectuées par M. [J] [K], gérant de l’EURL [J] [K] Immobilier.
Par requête présentée le 7 décembre 2020, M. [L] [S] et Mme [B] [G] ont demandé au président du tribunal judiciaire d’Avignon de conférer force exécutoire à ce protocole.
Par ordonnance du 10 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire d’Avignon a homologué ce protocole transactionnel signé le 1er septembre 2020 entre les parties et lui a conféré force exécutoire.
Exposant que ce protocole est un faux à l’égard de Mme [Z] [K] née [D] et est entaché d’un vice du consentement en ce qui concerne M. [J] [K], les époux [K], qui contestent par ailleurs le montant de la somme convenue dans la transaction, ont fait assigner M. [L] [S] et Mme [B] [G], par exploit du 15 juillet 2022, devant le président du tribunal judiciaire d’Avignon, aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020 et leur condamnation à la somme de 5.000 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre l’exécution provisoire sur minute de l’ordonnance à intervenir.
Par ordonnance contradictoire du 12 décembre 2022, le président du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant en référé, a :
– dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les pièces n°50 à 124 communiquées par M. [L] [S] et par Mme [B] [G],
– déclaré recevable l’action aux fins de rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020 introduite le 15 juillet 2022 par M. [J] [K] et Mme [Z] [K] née [D],
– débouté M. [J] [K] et Mme [Z] [K] née [D] de leur demande en rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon,
– condamné in solidum M. [J] [K] et Mme [Z] [K] née [D] à payer à M. [L] [S] et Mme [B] [G] ensemble la somme de 1500 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à la charge de M. [J] [K] et de Mme [Z] [K] née [D] les entiers dépens,
– rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 14 décembre 2022, Mme [Z] [D] et M. [J] [K] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a déclaré recevable leur action aux fins de rétractation de l’ordonnance du 10 décembre 2020 introduite le 15 juillet 2022.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 26 avril 2023 et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Mme [Z] [D] et M. [J] [K], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 496, 497 et 1565 à 1567 du code de procédure civile, de :
– juger recevable et bien fondée l’action aux fins de rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020, introduite par les époux [K] le 15 juillet 2022,
– infirmer l’ordonnance dont appel, sauf en ce qu’elle a déclaré recevable l’action aux fins de rétractation de l’ordonnance déférée,
– rétracter l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon, sur requête de M. [L] [S] et Mme [B] [G],
A titre subsidiaire, si la cour estime que le rapport d’expertise de Mme [U] [A] n’est pas de nature à établir valablement la preuve que la transaction soumise au juge de l’homologation par les époux [S] est un faux à l’égard de [Z] [D],
– surseoir à statuer dans l’attente du dépo’t du rapport d’expertise judiciaire de Mme [E] [V], désignée par ordonnance de référé du tribunal judiciaire d’Avignon du 7 avril 2023,
En tout état de cause,
– débouter les époux [S] de l’intégralité de leurs demandes,
– juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [K] les frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer en premie’re instance et en cause d’appel,
– les condamner solidairement à leur payer la somme de 6.000 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de premie’re instance et d’appel,
– les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ceux compris les frais d’expertise privée en écriture exposés par Mme[Z] [D].
Au soutien de leur appel, Mme [Z] [D] et M. [J] [K] font valoir tout d’abord que le protocole transactionnel, objet de la requête présentée par les époux [S], est un faux à l’égard de Mme [Z] [D] pour ne pas été signé par elle. Ils indiquent que l’importance de l’enjeu financier d’un tel acte aurait, à tout le moins, nécessité qu’il soit régularisé en présence de toutes les parties.
Mme [Z] [D] précise avoir déposé une plainte pénale à l’encontre des époux [S] pour escroquerie, faux et usage de faux et sollicité Mme [X] [U] [A], expert en écritures et documents pre’s la cour d’appel de Caen, à l’effet de déterminer si elle était ou non l’auteur des mentions, paraphes et signatures, qui lui sont attribués sur les deux exemplaires de la transaction litigieuse, soumis au juge de l’homologation et dont le rapport remet en cause la spontanéité et met en évidence le caractère apocryphe des mentions manuscrites et des signatures litigieuses.
A ce propos, ils entendent informer la cour que le juge des référés, dans une décision récente du 7 avril 2023, a ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder Mme [E] [V], expert pre’s la cour d’appel de Montpellier, avec pour mission notamment de fournir à la juridiction les éléments permettant de déterminer si Mme [Z] [D] est la rédactrice des mentions manuscrites et la signataire du protocole transactionnel litigieux.
De plus, ils soutiennent que le protocole transactionnel, objet de la requête présentée par M. [L] [S] et Mme [B] [G], est entaché d’un important vice du consentement à l’égard de M. [J] [K], lequel explique avoir été contraint, par la force et la menace, d’apposer de nombreuses mentions, paraphes et signatures sur divers exemplaires de ce protocole, et conteste fermement avoir été chargé de faire régulariser cet acte à son épouse.
Ils soulignent qu’ils n’avaient, ni l’un ni l’autre, aucun intérêt à venir s’engager dans ce protocole, à payer les sommes exorbitantes de 1.918.889,58 EUR à M. [L] [S] et de 294.800 EUR à Mme [B] [G] sur leurs deniers personnels. Ils précisent d’ailleurs que toute action judiciaire des époux [S] à l’encontre de M. [J] [K] personnellement était manifestement déjà prescrite à la date de signature du protocole transactionnel litigieux.
Ils relatent également que les époux [S] n’ont jamais justifié, ni même allégué, de l’existence d’une quelconque dette de Mme [Z] [D] à leur égard, et pas davantage justifié de l’existence d’une quelconque dette personnelle de M. [J] [K] d’un montant total de 2.213.689,58 EUR à leur égard. Ils précisent sur ce point que le liquidateur judiciaire de la société [J] [K] Immobilier a d’ailleurs confirmé qu’il n’existe pas de lien de solidarité entre cette société et M. [J] [K], lequel ajoute n’avoir jamais bénéficié personnellement du prêt consenti à hauteur de 454.900 EUR en faveur exclusivement de la société.
De plus, concernant Mme [Z] [D] personnellement, ils font valoir que sa qualité d’épouse de [J] [K] n’est manifestement pas de nature à la rendre personnellement responsable, ni solidaire, du remboursement des sommes qui ont pu lui être prêtées, l’article 220 du code civil ne posant le principe d’une solidarité entre époux que pour les dettes ménagères et non excessives, liées à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants. En outre, ils soulignent qu’à la date du 1er septembre 2020, les époux [S] n’avaient jamais initié la moindre réclamation ou procédure à l’égard de Mme [Z] [D], se contentant de déclarer leur créance le 16 juin 2021 à l’encontre de la société [J] [K] Immobilier en liquidation judiciaire, et que toute action judiciaire des époux [S] à l’encontre de cette dernière était donc, au-delà de son mal-fondé, manifestement prescrite à la date de la signature du protocole.
En tout état de cause, ils indiquent que les époux [S] ont tenté de se faire justice à eux-mêmes par la menace à l’égard de M. [J] [K], et en commettant les délits d’escroquerie, de faux et d’usage de faux à l’égard de son épouse Mme [Z] [K].
Mme [B] [G] épouse [S] et M. [L] [S], en leur qualité d’intimés et appelants sur incident, par conclusions notifiées par RPVA le 14 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 496, 950 et suivants du code de procédure civile, de :
– les recevoir en leur appel incident et, les y déclarant bien fondés, infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré recevable l’action aux fins de rétractation de l’ordonnance du 10 décembre 2020 introduite le 15 juillet 2022 par M. [J] [K] époux [D] et Mme [Z] [D] épouse [K],
A titre subsidiaire,
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté M. [J] [K] époux [D] et Mme [Z] [D] épouse [K] de leur demande en rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020,
– débouter M. [J] [K] et Mme [Z] [K] née [D] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– les condamner in solidum à leur verser la somme de 8.000 EUR, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [B] [G] épouse [S] et M. [L] [S] soutiennent l’irrecevabilité de la demande en rétraction et forment un appel incident sur ce point. Ils indiquent que le recours litigieux n’a pas été exercé dans les conditions définies par les articles 496, 950 et suivants du code de procédure civile dès lors qu’aucune contestation, aucune demande en modification ou en rétractation de l’ordonnance n’a été formulée par les époux [K] à l’issue de la signification de ladite ordonnance.
Ils expliquent que le recours à l’encontre d’une ordonnance homologuant une transaction doit être formé dans le délai de 15 jours courant à compter de la notification de l’ordonnance d’homologation de la transaction et que s’agissant d’une décision rendue en matière gracieuse, le recours s’exerce conformément aux articles 950 et suivants susmentionnés.
A titre subsidiaire, ils font valoir que la demande en rétractation se trouve limitée à l’examen de la mesure initialement ordonnée, de manière non contradictoire, consistant dans l’homologation d’un protocole transactionnel et l’octroi à cette transaction de la force exécutoire.
Ils rappellent que, dans le cadre d’une demande d’homologation, le juge n’a qu’un pouvoir limité à l’égard de l’examen de la transaction puisque la loi lui interdit expressément d’en modifier les termes conformément à l’article 1565 du code de procédure civile ; il ne peut en aucun cas se prononcer sur le contenu de la transaction, son opportunité ou encore sur l’équilibre des concessions. Ils ajoutent qu’autrement dit, il n’entre pas dans la mission expresse du juge de l’homologation de vérifier la validité de l’acte, n’opérant qu’un contrôle léger.
Ils invoquent encore la validité de la transaction à l’égard de Mme [Z] [D] épouse [K] en arguant que l’ignorance prétendue qu’elle allègue, au regard de la teneur de la transaction, est dépourvue de tout caractère sérieux dès lors que celle-ci était reproduite, in extenso, tant dans la requête destinée à son homologation que dans l’ordonnance elle-même. Ils avancent que Mme [Z] [D] épouse [K] n’est pas étrangère à leurs créances et qu’elle a naturellement bénéficié des détournements, ne serait-ce qu’en raison du train de vie somptuaire dont elle a ainsi pu jouir, et se trouve ainsi exposée, étant mariée sous le régime de la communauté légale, à l’application des dispositions des articles 1409 et 1413 du code civil.
Ils exposent que la société [J] [K] Immobilier est redevable du paiement de la somme de 434.786,36 EUR au 20 octobre 2020, compte tenu des acomptes versés à hauteur de 74.700 EUR, suivant acte reçu par Maître [R] [W], notaire à [Localité 6], en date du 2 août 2013, portant prêt par M. [L] [S] de la somme de 454.900 EUR, et de la somme de 2.000.000 EUR, suivant déclarations établies par M. [J] [K] en sa qualité de gérant de ladite société datées du 17 décembre 2018 et enregistrées auprès des services fiscaux d'[Localité 4] le 20 décembre 2018.
Ils ajoutent que les époux [K] se sont engagés, dans le cadre de la transaction litigieuse, à honorer le remboursement des dettes qu’ils indiquent être propres à l’EURL [J] [K] Immobilier, et que ces dettes n’étant pas frappées de prescription à l’égard de la débitrice principale, elles ne pouvaient manifestement pas l’être à leur égard. Ils indiquent encore qu’aux termes de la transaction, il a été convenu qu’il était dû par les époux [K] aux époux [S] la somme de 2.213.689,58 EUR (soit 1.918.889,58 EUR à M. [L] [S] et 294.800 EUR à Mme [B] [G]), ce qui représente une différence de 221.096,78 EUR et constitue une concession sensible.
Ils précisent que ce protocole transactionnel a été signé le 1er septembre 2020 par eux-mêmes et M. [J] [K], en l’absence de Mme [Z] [D] épouse [K]. Ils ajoutent que l’accord de Mme [Z] [D] à la signature du protocole trouve, indépendamment des sommes qu’elle a perçues directement ou indirectement, dans le fait d’éviter que soient engagées des procédures collectives et pénales susceptibles d’avoir une incidence fâcheuse à l’égard de son mari, et par voie de conséquence, à l’égard d’elle-même, procédures dont il était d’ailleurs fait mention dans le protocole. Ils précisent encore, en l’état de cette transaction, qu’ils n’avaient aucune raison d’engager une procédure à l’encontre de M. [J] [K] et de Mme [Z] [D] en vue d’obtenir un titre qu’ils avaient déjà.
Ils indiquent encore que les investigations réalisées, notamment l’expertise graphologique non contradictoire effectuée par Mme [X] [U] [A] sur la base de documents insuffisants et dans des conditions contestables, apparaissent dépourvues de valeur probante, relevant par ailleurs qu’ils pouvaient remettre à l’expert l’original de la transaction pour en avoir reçu deux exemplaires.
Ils rappellent, concernant la validité de la transaction à l’égard de M. [J] [K], que l’annulation de la transaction est soumise aux principes du droit commun régissant les autres contrats et que conformément au droit commun, la transaction n’est formée que pour autant que le consentement de chacune des parties s’est exprimé en toute liberté et en toute intégrité et demeure donc annulable pour cause d’erreur, de dol ou de violence. Ils ajoutent ne pas identifier les menaces qu’ils auraient prétendument formulées à l’encontre de M. [J] [K] afin de le contraindre à se porter signataire de la transaction, dont la teneur même contredit cette allégation, et exposent que M. [J] [K], à qui incombe la charge de la preuve du caractère vicié de son consentement, ne verse aux débats aucun élément justificatif.
A l’inverse, ils déclarent avoir été victimes des agissements de M. [J] [K], qui a détourné plusieurs centaines de milliers d’euros à leur détriment qui ont manifestement servi à financer le train de vie somptuaire des appelants.
La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 15 mai 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 7 juillet 2023.
MOTIFS
SUR LA RECEVABILITE DE LA PROCEDURE EN RETRACTATION
L’article 1565 du code de procédure civile dispose : « L’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
L’article 1566 de ce même code énonce : « Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision.
La décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel. Cet appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse. »
L’article 1567 précise : « Les dispositions des articles 1565 et 1566 sont applicables à la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative. Le juge est alors saisi par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties à la transaction. »
Par ailleurs, l’article 496 du code de procédure civile édicte : « S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.
S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »
Enfin, l’article 497 dispose : « Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire. »
En application de ces dispositions, le délai d’appel de quinze jours prévu par l’article 496 du code de procédure civile ne s’applique que dans l’hypothèse où il n’a pas été fait droit à la requête, l’appel formé à l’encontre de l’ordonnance faisant droit à la requête n’étant à l’inverse enfermé dans aucun délai.
En outre, il est constant, au visa des dispositions précitées, que lorsque le juge a fait droit à la requête, il peut être saisi, en référé-rétractation, par tout intéressé (Civ 2° 19/02/2015 n°13-28.223).
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le premier juge a déclaré les époux [K] recevables en leur action en rétractation de l’ordonnance du 10 décembre 2020 du président du tribunal judiciaire d’Avignon, initiée par acte d’huissier du 15 juillet 2022.
L’ordonnance déférée du 12 décembre 2022 sera donc confirmée de ce chef.
SUR LE REJET DES PIECES N°50 A 124 DES EPOUX [S]
Les époux [K] ont interjeté appel de l’ordonnance du 12 décembre 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’elle a dit qu’il n’y avait pas lieu d’écarter des débats les pièces n°50 à 124 communiquées par les époux [S].
Toutefois, il sera relevé qu’aux termes de leurs dernières conclusions n°3 notifiées par RPVA le 26 avril 2023, ils ne développent aucun moyen à ce propos, ne formulant par ailleurs aucune demande tendant à ce que ces pièces soient écartées des débats.
L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les pièces n°50 à 214 communiquées par M. [L] [S] et Mme [B] [G] épouse [S].
SUR L’HOMOLOGATION DU PROTOCOLE D’ACCORD
Le protocole transactionnel du 1er septembre 2020 est soumis aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil tels que modifiés par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.
L’article 2044 du code civil dispose : « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit. »
Par ailleurs, l’article 2052 du même code énonce : « La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. »
Il est de principe, en application de ces dispositions, que lorsque le président du tribunal statue sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne porte que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l’ordre public et aux bonnes m’urs, et n’exclut pas celui opéré par le juge du fond saisi d’une contestation de la validité de la transaction (en ce sens Civ 1° 14/09/2022 n°17-15.388 rendu au visa de l’article 2052 ancien du code civil et 1441-4 du code de procédure civile applicable au litige soumis à la cour de cassation).
Ainsi, il ne peut modifier les termes de l’accord et son contrôle ainsi que celui exercé à l’occasion de la procédure aux fins de rétractation est limité. En effet, l’homologation de l’accord transactionnel ne tend pas à régler un éventuel litige entre les parties mais uniquement à conférer à celui-ci force exécutoire pour en permettre l’exécution, le juge du fond ou le cas échéant le juge de l’exécution demeurant compétent pour en apprécier la validité en cas de contestation. Il s’ensuit que le contrôle est un contrôle léger qui ne peut être exercé que sur la qualification de transaction de l’acte qui lui est soumis et sa conformité à l’ordre public et aux bonnes m’urs.
En l’espèce, le protocole transactionnel rappelle en préambule les relations des parties et précise le détail des sommes remises à M. [J] [K] et/ou l’EURL [J] [K] Immobilier ou réglées pour leur compte par M. [L] [S] (soit 2.046.020 EUR) et Mme [B] [G] (soit 294.800 EUR), ainsi que le montant des remboursements effectués pour un montant de 127.130,42 EUR. En outre, il expose que M. [J] [K] a établi en date du 17 décembre 2018 une déclaration de contrat de prêt à hauteur de la somme de 2.000.000 EUR consentie par M. [L] [S] et Mme [B] [G], identifiant l’EURL [J] [K] Immobilier comme débitrice, au titre d’un prêt daté du 6 juin 2013 au taux de 5 %, acte enregistré auprès des services fiscaux d'[Localité 4] le 20 décembre 2018 sous la référence 201800054630 8404 P001 2018 A 05159, et note que suivant un acte sous seing privé non daté, M. [J] [K] a reconnu « en (son) nom propre et au nom de toutes les sociétés présentes et à venir devoir sur la déclaration du contrat de prêt daté du 17 décembre 2018 au profit de d'[S] [L] et [G] [B]. »
Il ajoute que « M. [L] [S] et Mme [B] [G] entendaient agir judiciairement à l’encontre de M. [J] [K], de Mme [Z] [D] et de l’EURL [J] [K] Immobilier en vue du remboursement, en principal et intérêts, des sommes par eux perçues ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice subi, ainsi que sur le plan pénal compte tenu notamment de la falsification des chèques émis sans indication du bénéficiaire, de l’abus de biens sociaux commis au détriment de l’EURL [J] [K] Immobilier du chef des dettes personnelles de son gérant, outre ses fautes de gestion engageant sa responsabilité » et que « M. [J] [K] et Mme [Z] [D] entendaient contester ces demandes et en solliciter le rejet ».
Il indique encore :
– que M. [J] [K] et Mme [Z] [D] reconnaissent solidairement devoir à M. [L] [S] la somme principale de 1.918.889,58 EUR correspondant aux divers paiements effectués par ce dernier à leur profit ou à celui de l’EURL [J] [K] Immobilier et s’engagent solidairement à procéder au remboursement, à son domicile, de cette somme, dans les meilleurs délais, qui ne sauraient excéder quatre années à compter de la signature de la transaction ;
– fixe diverses modalités de règlement de cette somme, M. [L] [S] renonçant en contrepartie au surplus des sommes qu’il considère comme lui étant dues par les intéressés ;
– que M. [J] [K] et Mme [Z] [D] reconnaissent solidairement devoir à Mme [B] [G] la somme principale de 294.800 EUR correspondant aux divers paiements effectués par cette dernière à leur profit ou à celui de l’EURL [J] [K] Immobilier et s’engagent solidairement à procéder au remboursement, à son domicile, de cette somme dans les meilleurs délais qui ne sauraient excéder 24 mois à compter de la signature de la transaction ;
– fixe diverses modalités de règlement de cette somme, Mme [B] [G] renonçant en contrepartie au surplus des sommes qu’elle considère comme lui étant dues par M. [J] [K] et Mme [Z] [D] ;
– que les parties renoncent irrévocablement et définitivement à toutes prétentions, droits principaux comme accessoires, qu’elles pourraient faire valoir les unes à l’encontre des autres portant sur les faits et conventions objet de la présente transaction et qui viendraient modifier les modalités ainsi que les montants dus au terme de la transaction ;
– qu’à défaut de respect par M. [J] [K] et Mme [Z] [D] de leur engagement solidaire de remboursement des sommes dues et de régularisation, passé le délai de 15 jours suivant la première présentation d’une LRAR leur enjoignant de procéder au règlement de la ou des mensualités impayées, ou de la part annuelle non versée, ces derniers seront immédiatement redevables du paiement solidaire de l’intégralité des sommes qu’ils ont reconnu devoir, de sorte que M. [L] [S] pourra procéder au recouvrement forcé de l’intégralité des sommes, avec application d’un intérêt au taux de 4 % l’an et d’une indemnité correspondant à 5 % des sommes dues ;
– que les mêmes dispositions seront applicables concernant la créance de Mme [B] [G].
Au vu de l’ensemble de ces élements, l’existence de concessions réciproques destinées à régler le différend opposant les parties et à prévenir toute contestation judiciaire est établie de sorte que l’acte soumis à homologation du président du tribunal judiciaire d’Avignon a bien la nature d’une transaction. Au demeurant, il sera observé, s’agissant plus particulièrement de M. [J] [K], que ce dernier ne discute pas cette qualification, mais conteste la validité de la transaction et le montant des sommes qui y sont portées.
Le protocole litigieux, s’il met en évidence l’existence de relations financières particulièrement complexes, ne recèle toutefois en lui-même aucune incohérence et n’apparaît pas contraire, concernant l’objet des opérations financières décrites, à l’ordre public et aux bonnes moeurs. Aussi, il n’appartenait pas au juge des requêtes, dans le cadre de son office restreint, de procéder à d’autres vérifications, s’agissant notamment de l’absence de tout consentement alléguée par Mme [Z] [D], du vice qui affecterait le consentement de M. [J] [K] et du montant des sommes effectivement dues. Les contestations émises par Mme [Z] [D] et M. [J] [K] à qui incombe la charge de la preuve, si elles sont de nature le cas échéant à remettre en cause la validité de la transaction devant le juge du fond, sont dès lors sans incidence sur son homologation, rappel étant fait qu’il ne s’agit pas pour le juge des requêtes de régler un différend, ce qui relève exclusivement du juge du fond, mais uniquement de permettre l’exécution, aux risques et périls du requérant qui a connaissance des éléments de contestation sur le fond qui lui sont opposés, d’une transaction qui lors de son examen n’apparaît pas entachée d’irrégularité ou de vice ni affectée d’aucune cause évidente d’inefficacité, telle que par exemple l’existence d’une clause suspensive dont l’absence de réalisation entraînerait irrémédiablement la caducité du protocole (Civ 1° 21/11/2018 n°17-26.869).
Il s’ensuit que c’est à bon droit, la demande de sursis à statuer formée par Mme [Z] [D] dans l’attente du résultat de l’expertise graphologique ordonnée en référé étant en outre inopérante au regard du contrôle restreint auquel est soumis le juge des requêtes et ne pouvant dès lors qu’être rejetée, que le premier juge a débouté M. [J] [K] et Mme [Z] [D] de leur action aux fins de rétractation de l’ordonnance rendue le 10 décembre 2020 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon.
L’ordonnance déférée sera donc également confirmée de ce chef.
SUR L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
L’ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions concernant l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, il sera fait application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des époux [S] qui obtiendront donc à ce titre la somme de 1.500 EUR.
Les époux [K], qui succombent, seront déboutés de leur demande présentée à ce titre, observation à cet égard étant faite que les frais d’expertise privée relèvent de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance du président du tribunal judiciaire d’Avignon rendue le 12 décembre 2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [J] [K] et Mme [Z] [D] épouse [K] de leur demande de sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire de Mme [E] [V],
Condamne M. [J] [K] et Mme [Z] [D] épouse [K] à payer à M. [L] [S] et Mme [B] [G] épouse [S] la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [J] [K] et Mme [Z] [D] épouse [K] de leur demande présentée à ce titre,
Condamne M. [J] [K] et Mme [Z] [D] épouse [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE