Saisine du juge de l’exécution : 6 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02545

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02545

C1

N° RG 21/02545

N° Portalis DBVM-V-B7F-K5CT

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] – [Localité 4]

la SARL CABINET ISABELLE ROUX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG F 20/00262)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 27 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 07 juin 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. LEMON HOTEL MONTELIMAR, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Stéphane KULBASTIAN de la SELARL SK AVOCAT, avocat plaidant inscrit au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE :

Madame [D] [W]

née le 30 Novembre 1985 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle ROUX de la SARL CABINET ISABELLE ROUX, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 avril 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d’appel de Grenoble, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 06 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 06 juin 2023.

Exposé du litige :

Par jugement du 23 janvier 2020, le Conseil de prud’hommes de Valence a notamment ordonné à la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte, de remettre à Madame [W] :

– Une attestation POLE EMPLOI

– Un certificat de travail

– Le Solde de tout compte

– Les Bulletins de paie de mars 2019 à octobre 2019.

Le jugement a été notifié aux parties par courrier recommandé en date du 23 janvier 2020, et la cour d’appel de Grenoble a délivré un certificat de non appel le 13 mars 2020.

Le 18 juin 2020, Mme [W] a sollicité un huissier de justice, lequel a signifié à la SARL LEMON HOTEL ledit jugement et le certificat de non appel, avec commandement de payer une somme totale de 3581,18, et commandement de remettre les documents de fin de contrat, sans succès.

Le 3 septembre 2020, Mme [W] a saisi le Conseil de prud’hommes de Valence aux fins de liquidation de l’astreinte.

Le 9 septembre 2020, la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR a adressé les documents de rupture à l’huissier.

Par jugement du 21 mai 2021, le Conseil de prud’hommes de Valence a :

– Condamné la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR à payer une somme de 10 650 euros au titre de la liquidation de l’astreinte,

– Condamné la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR à payer 500 euros au titre de l’article 500 du code de procédure civile

– Débouté la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR de ses demandes reconventionnelles ;

– Condamné la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR aux dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR en a interjeté appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021, la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR demande à la cour d’appel de :

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes le 27 mai 2021

Statuant à nouveau :

– A titre principal :

* Débouter Mme [W] de l’ensemble de ses demandes ;

* Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1.000 € en application de l’article 32-1 du Code de procédure civile ;

– A titre subsidiaire, ramener l’astreinte à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

– Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d’instance.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électroniques le 22 octobre 2021, Mme [W] demande à la cour d’appel de :

– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

* Dit que la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR n’avait pas rempli ses obligations en ce qui concerne les délais impartis par le jugement en date du 23 janvier 2020

* Liquidé l’astreinte à 10 650 euros

* Condamné la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR à payer une astreinte définitive de 10 650 euros

* Débouté la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR de sa demande d’amende civile

– Condamner la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR à payer une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la SARL LEMON HOTEL en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1.972 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023, et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 24 avril 2023.

La décision a été mise en délibéré au 06 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la liquidation de l’astreinte :

Moyens des parties :

Mme [W] affirme, au visa des articles L. 131-3 et L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, que la condamnation du conseil de prud’hommes de Valence en date du 23 janvier 2020 a été notifiée à l’employeur le 24 janvier 2020.

Or, l’employeur a attendu le 09 septembre 2020 après la réception de la convocation devant le conseil de prud’hommes aux fins de liquidation de l’astreinte, pour lui remettre les documents de fin de contrat de travail.

Elle soutient également que l’employeur ne démontre pas lui avoir transmis ces documents au mois de novembre 2019 et qu’il n’y a pas lieu de réduire le montant de l’astreinte, dès lors qu’il n’a rencontré aucune difficulté pour les communiquer.

En réponse, la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR affirme que :

– Elle n’a pas été en mesure de présenter ses pièces devant le conseil de prud’hommes justifiant que les documents de fin de contrat et bulletins de salaire, ainsi que le chèque de solde de tout compte, ont été adressés à Mme [W] en novembre 2019 par courrier recommandé dont l’accusé de réception a été signé, outre qu’elle a encaissé le chèque,

– Mme [W] persiste à solliciter la communication de documents de fin de contrat ne mentionnant pas la démission, alors que le conseil de prud’hommes a requalifié la prise d’acte en démission et non en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, elle indique, au visa des articles L. 131-2 et L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, que la cour doit prendre en compte sa bonne foi et réduire le montant de l’astreinte.

Réponse de la cour,

L’article L. 131-3 donne compétence au juge de l’exécution pour liquider une astreinte ordonnée par une autre juridiction sauf si le juge qui l’a ordonnée s’en est expressément réservé le pouvoir.

Selon l’article L. 131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.

Selon l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

En application de ces dispositions, il n’y a pas lieu de liquider l’astreinte, même définitive, si la mesure ordonnée a été exécutée.

En revanche, la seule constatation du retard dans l’exécution justifie la décision de liquidation de l’astreinte.

En l’espèce, par jugement du 23 janvier 2020, le Conseil de prud’hommes de Valence a notamment :

– Dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail est qualifié de démission,

– Ordonné à la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision, de remettre à Madame [W] :

* Une attestation POLE EMPLOI

* Un certificat de travail

* Le Solde de tout compte

* Les Bulletins de paie de mars 2019 à octobre 2019

– s’est réservé le droit de liquider ladite astreinte.

Il n’est pas contesté que ce jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec avis de réception le 23 janvier 2020, distribué le 24 janvier 2020.

La cour d’appel de Grenoble a délivré un certificat de non appel le 13 mars 2020.

Ce jugement est donc définitif.

La SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR soutient que les documents en cause ont été transmis à Mme [W] par courrier recommandé en date du 18 novembre 2019, distribué le 20 novembre 2019.

La société précise que ces documents mentionnaient « démission » comme motif de rupture, et qu’elle n’a pas délivré de nouveaux documents suite au jugement du 23 janvier 2020 dans la mesure où le conseil de prud’hommes a qualifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de démission.

La SARL LEMON HOTEL produit en outre :

– Le jugement réputé contradictoire du 23 janvier 2020, lequel précise que : « Lors du bureau de jugement du 19 décembre 2019, Maître [U] [Z] substituant Maître [H] [V] (conseil de la SARL LEMON HOTELS) a sollicité le renvoi de l’affaire. Maître Isabelle ROUX, conseil de Madame [D] [W], s’y est opposée. Le Conseil a décidé de retenir l’affaire compte tenu de la situation de Madame [D] [W], son attestation Pôle Emploi a pour motif de rupture de fin de contrat : démission, alors que c’est une prise d’acte qui a été faite par Madame [D] [W], ce qui l’empêche de s’inscrire à Pôle Emploi. (‘.) »

– Un courrier adressé à Mme [W] le 18 novembre 2019, lequel indique :

« Chère Madame [W]

Vous trouvez ci-joint dans ce courrier recommandé avec accusé de réception N°AR 1A 167 714 0029 1 

– Un chèque de solde de tout compte 1677,93 euros

– Certificat de travail

– Attestation de Pôle Emploi

– Reçu de solde de tout compte

– Fiche de paye de Mars, Avril, Mai, Juin, Juillet, Août, Septembre et Octobre 2019. (‘.) »

– Un récépissé numéro AR 1A 167 714 0029 1 adressé à Mme [W] et distribué le 20 novembre 2019, auquel sont joints les documents de fin de contrat.

De son côté, Mme [W] affirme ne jamais avoir reçu ces documents avant le 09 septembre 2020, et soutient qu’en novembre 2019 elle a uniquement reçu un courrier de son employeur contenant le chèque de 1677,93 euros.

Or, il résulte des pièces soumises à la cour que :

– Le courrier recommandé et l’accusé de réception produits aux débats par la SARL LEMON HOTELS n’ont pas pu être produits devant le conseil de prud’hommes, de sorte que la juridiction n’en a pas eu connaissance,

– Mme [W] ne peut soutenir qu’elle n’a pas reçu les documents de fin de contrat avant le 09 septembre 2020, alors que lors du bureau de jugement le 19 décembre 2019, son conseil a fait état de la mention « démission » présente sur son attestation Pôle Emploi, de sorte qu’elle était bien en possession de ce document,

– Les documents de fin de contrat produits aux débats, établis entre le 31 Octobre et le 05 novembre 2019, ont ainsi été reçus par Mme [W] le 20 novembre 2019 puis à nouveau courant le 09 septembre 2020, suite au commandement de remettre, délivré à la SARL LEMON HOTELS,

– Dans la mesure où le conseil de prud’hommes a qualifié la rupture du contrat de travail de démission, la SARL LEMON HOTELS pouvait légitimement estimer qu’elle n’avait pas à adresser de nouveau les mêmes documents à Mme [W].

Dès lors, ces éléments établissent que l’obligation mise à la charge de la SARL LEMON HOTEL par jugement du conseil de prud’hommes de Valence en date du 23 janvier 2020 avait en réalité déjà été exécutée le 20 novembre 2019.

Par conséquent, la cour constate qu’il n’y a aucun retard dans l’exécution de cette obligation, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la liquidation de l’astreinte, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur le caractère abusif de la procédure :

La SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR affirme que les demandes de Mme [W] sont incompréhensibles, changeantes, infondées, et démontrent une tentative manifeste d’escroquerie.

Mme [W] soutient en réponse que le courrier adressé par l’employeur en novembre 2019 ne contenait qu’un chèque et qu’aucun document ne lui a jamais été communiqué à cette période.

Réponse de la cour,

Selon l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, il a été démontré que Mme [W] sollicite la production de pièces qui lui ont en réalité déjà été adressées.

La SARL LEMON HOTEL prouve ainsi que Mme [W] a fait un usage abusif de son droit d’agir en justice et d’exercer un recours dans la conduite de la présente procédure d’appel.

Il y a donc lieu de la condamner à payer à la SARL LEMON HOTEL des dommages et intérêts qu’il convient de fixer à la somme de 500 euros, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Il convient d’infirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Mme [W], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à la SARL LEMON HOTEL une somme qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE la SARL LEMON HOTEL MONTELIMAR recevable en son appel,

INFIRME le jugement déféré,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

DEBOUTE Mme [W] de sa demande de liquidation de l’astreinte prononcée par jugement du conseil de prud’hommes de Valence en date du 23 janvier 2020,

CONDAMNE Mme [W] à payer une somme de 500 euros à la SARL LEMON HOTEL pour procédure abusive,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [W] aux dépens de première instance et d’appel,

CONDAMNE Mme [W] à payer à la SARL LEMON HOTEL la somme de 1 500 € à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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