VCF/IC
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 06 JUIN 2023
N° RG 22/01599 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GC2M
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 18 novembre 2022,
par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 14-22-130
APPELANTE :
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social si s:
[Adresse 1]
[Localité 6]
assistée de Me Cyrielle CAZELLES, membre de la SELARL DEJANS, avocat au barreau de SENLIS, plaidant et représentée par Me Clémence MATHIEU, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience en chambre du conseil devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
MINISTERE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté par Madame Marie-Eugénie AVAZERI, Substitut Général, qui a fait connaître son avis par écrit.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 pour être prorogée au 06 Juin 2023,
PRONONCÉ : hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre de crédit immobilier acceptée le 12 avril 2017, les époux [E] [Z] / [H] [S] ont solidairement emprunté à la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté un capital de 94 133 euros destiné à l’achat et à des travaux dans leur résidence principale et remboursable en 240 mensualités.
La SA Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) s’est engagée en qualité de caution solidaire des emprunteurs.
Actionnée par la banque, elle lui a réglé la somme de 75 901,91 euros le 19 octobre 2022, ce dont elle a reçu une quittance subrogative.
Par lettres recommandées du 26 octobre 2022, la CEGC a vainement mis chacun des époux [Z] en demeure de lui payer la somme de 75 482,77 euros et les a, tout aussi vainement, invités à prendre attache avec ses services pour tenter de convenir amiablement de modalités de règlement.
Le 3 novembre 2022, la CEGC a, via Maître Cyrielle Cazelles avocat au barreau de Senlis, présenté au juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône, une requête aux fins d’être autorisée à inscrire provisoirement une hypothèque judiciaire sur les immeubles sis à [Localité 8] [Adresse 2], cadastrés section [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], dont les époux [Z] sont propriétaires, ce pour sûreté et conservation de la somme de 76 000 euros.
Cette requête a été déclarée irrecevable par ordonnance du 18 novembre 2022, au motif qu’elle était déposée par un avocat n’ayant pas sa résidence professionnelle établie sur le ressort de la cour d’appel de Dijon, ‘alors que l’article 5 de la loi du 31 décembre 1971, ou toute autre disposition législative et/ou réglementaire, n’a pas procédé à un aménagement spécifique des règles de représentation des avocats lorsqu’ils agissent par voie de requêtes pour solliciter des mesures conservatoires devant le juge de l’exécution, notamment en prévoyant, et expressément, une dispense de postulation lorsque l’avocat a sa résidence en dehors de la cour d’appel du magistrat saisi’.
L’ordonnance a été notifiée par courrier du 29 novembre 2022.
Par lettre recommandée du 2 décembre 2022 adressée au greffe du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône, la CEGC, via Maître Cazelles, a interjeté appel de cette ordonnance.
Cet appel a été transmis à la cour, le premier juge n’envisageant ni de modifier, ni de rétracter son ordonnance.
Le 10 janvier 2023, Maître Clémence Mathieu du barreau de Dijon s’est constituée pour la CEGC et à la demande du greffe au visa de l’article 964-1 du code de procédure civile, elle a acquitté le droit de 225 euros institué par l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Aux termes du dispositif de ses conclusions du 23 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la CEGC demande à la cour au visa des articles L. 511-1, R. 121-23 et R. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, des articles 808, 950 et 953 du code de procédure civile, de l’article 1635 bis P du code général des impôts et de la loi du 31 décembre 1971, de :
– infirmer l’ordonnance dont appel,
et statuant à nouveau,
– l’autoriser à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire à l’encontre des époux [E] [Z] / [H] [S] sur les biens et droits immobiliers leur appartenant sis [Adresse 2] à [Localité 8], cadastrés section [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], ce pour sûreté et conservation de la somme de 76 000 euros, à laquelle sa créance sera évaluée provisoirement en principal, intérêts, frais et accessoires,
– mettre les dépens d’appel à la charge du trésor public et restituer à Maître Clémence Mathieu, avocat postulant, le timbre fiscal réglé.
Par réquisitions du 9 janvier 2023, le ministère public s’en rapporte.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de la requête présentée au juge de l’exécution
Il résulte de l’article 117 du code de procédure civile que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation en justice d’une partie constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.
Aux termes de l’article R. 121-23 du code des procédures civiles d’exécution, Le juge de l’exécution statue par ordonnance sur requête dans les cas spécifiés par la loi ou lorsque les circonstances exigent qu’une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement. / La requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou par son mandataire désigné conformément aux dispositions des articles L. 121-4 et L. 122-2.
L’article L. 121-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que Les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter devant le juge de l’exécution selon les règles applicables devant le tribunal judiciaire dans les matières où le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant celui-ci : 1° Lorsque la demande est relative à l’expulsion ; 2° Lorsqu’elle a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme qui n’excède pas 10 000 euros.
Il résulte de ces dispositions que lorsque la demande présentée au juge de l’exécution a pour origine ou tend au paiement d’une somme supérieure à 10 000 euros, le ministère d’avocat est obligatoire.
L’article L. 122-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l’huissier de justice est habilité à demander au juge de l’exécution les autorisations prescrites par la loi.
En conséquence, en l’espèce, la requête présentée le 3 novembre 2022, sur le fondement des articles L. 511-1 et R. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution au nom de la CEGC aurait pu l’être soit par un avocat, soit par un huissier de justice.
L’article 5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui prescrit la règle de la postulation consacre un monopole territorial de représentation qui s’inscrit au sein du monopole général de représentation par un avocat énoncé à l’article 4 de cette même loi.
Ainsi, la règle de la postulation ne s’applique que dans les hypothèses où une partie doit être représentée et ne peut l’être que par un avocat.
En l’espèce, dans la mesure où la CEGC pouvait être représentée soit par un avocat soit par un huissier de justice, elle pouvait l’être par un avocat ayant sa résidence professionnelle en dehors du ressort de la présente cour d’appel.
Il convient donc d’infirmer l’ordonnance dont appel, en ce qu’elle a déclaré irrecevable la requête présentée le 3 novembre 2022 par la CEGC via Maître Cyrielle Cazelles avocat au barreau de Senlis et de constater que cette requête n’est entachée d’aucune cause de nullité et qu’aucune fin de non-recevoir ne peut être opposée à la CEGC.
Sur l’évocation
L’ordonnance dont appel ayant mis fin à l’instance sans se prononcer sur le fond, la cour peut user de la faculté d’évocation dont elle dispose en vertu de l’article 568 du code de procédure civile.
L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que ‘Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.’
En l’espèce, la CEGC ayant payé la dette que les époux [Z] avaient à l’égard de la Banque populaire, elle dispose désormais à l’encontre de ceux-ci d’une créance qui paraît fondée en son principe.
La défaillance des époux [Z] dans le remboursement de l’emprunt souscrit auprès de la Banque populaire et le silence qu’ils ont conservé à l’égard de la CEGC constituent des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
Il convient en conséquence de faire droit à la requête.
Sur la demande de remboursement du timbre et les dépens
Aux termes de l’article 950 du code de procédure civile, L’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.
Le texte spécial de l’article L. 122-2 du code des procédures civiles d’exécution qui permet à un huissier de justice de présenter une requête au juge de l’exécution ne l’habilite pas à interjeter appel de la décision rendue sur cette requête et aucun autre texte spécial ne lui ouvre la faculté de faire une déclaration d’appel.
Selon l’article 953 du même code, L’appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal judiciaire. Il est ainsi renvoyé aux articles 808 à 811 du code de procédure civile et non à l’article 846 de ce code ou aux articles du code des procédures civiles d’exécution permettant à un huissier de justice de présenter une requête.
En conséquence, en l’espèce, l’appel ne pouvait être formé que par un avocat.
C’est pour cette raison que par message du 3 janvier 2023, il a été rappelé à Maître Cazelles que la règle de la postulation s’appliquait et que le timbre prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts était dû. La cour constate qu’à la suite de ce message, la procédure a été régularisée ainsi que le permet notamment l’article 121 du code de procédure civile.
La demande de l’appelante tendant à ce que lui soit remboursé le timbre, dont elle s’est acquitté ne peut donc pas prospérer et elle doit supporter les dépens d’appel du moins à ce stade de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a déclaré irrecevable la requête présentée le 3 novembre 2022 par la SA Compagnie européenne de garanties et cautions,
Evoquant,
Autorise la SA Compagnie européenne de garanties et cautions à inscrire une hypothèque judiciaire sur les biens et droits immobiliers sis [Adresse 2], à [Localité 8], cadastrés section [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], appartenant aux époux [E] [Z] / [H] [S], ce pour sûreté de la somme de 76 000 euros à laquelle est provisoirement évaluée sa créance en principal, intérêts et frais et accessoires,
Rappelle les dispositions des articles R. 511-6, R. 511-7 et R. 532-5 du code des procédures civiles d’exécution selon lesquelles l’autorisation accordée sera caduque :
– si l’hypothèque judiciaire n’est pas inscrite dans un délai de trois mois à compter de ce jour,
– si la SA Compagnie européenne de garanties et cautions n’a pas, dans le mois qui suit l’inscription de l’hypothèque judiciaire, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire,
– si les époux [E] [Z] / [H] [S] ne sont pas informés de l’inscription de l’hypothèque judiciaire, dans les huit jours suivant le dépôt des bordereaux d’inscription,
Met les dépens à la charge de la SA Compagnie européenne de garanties et cautions et en conséquence, la déboute de sa demande de remboursement du timbre dont elle s’est acquitté.
Le Greffier, Le Président,