Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/07555

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/07555

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 22/07555 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VSJX

AFFAIRE :

S.A.R.L. PRASANTH

C/

ETABLISSEMENT PUBLIC [Localité 3] HABITAT-OPH

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 28 Octobre 2022 par le Président du TJ de nanterre

N° RG : 22/02156

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.07.2023

à :

Me Georges ZOGHAIB, avocat au barreau de VAL D’OISE

Me My-kim YANG PAYA, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. PRASANTH

N° Siret : 840 465 249 (RCS Nanterre)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Georges ZOGHAIB de la SCP LUCQUIN-ZOGHAIB AVOCATS, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 149

APPELANTE

****************

ETABLISSEMENT PUBLIC [Localité 3] HABITAT-OPH

Agissant poursuites et diligences de sa Directrice Générale, Madame [Z] [T] [P], domiciliée en cette qualité au siège social

N° Siret : 344 810 825 (RCS Paris)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me My-kim YANG PAYA de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0498 – N° du dossier 02201099

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2009, l’EPIC [Localité 3] Habitat OPH, a donné à bail commercial à la SARL Makissy des locaux situés [Adresse 2], la destination du bail étant « magasin d’alimentation générale et de produits exotiques ».

Suivant acte authentique en date des 5 et 28 février 2013, ce bail a fait l’objet d’une cession au profit de la SARL Caraibean.

Enfin par acte sous seing privé du 7 mai 2018 la SARL Caraibean a cédé son fonds de commerce à Prasanth SARL qui s’est substituée à elle en tant que preneur.

Le bail commercial s’est terminé le 30 décembre 2018. Il se poursuit depuis cette date par tacite prolongation.

Le 13 août 2020, le bailleur a fait délivrer au locataire un commandement d’avoir à respecter les clauses du bail commercial, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour les motifs suivants :

faire cesser les nuisances sonores générées par l’activité de son commerce et sa clientèle ;

respecter les horaires de fermeture ne devant pas excéder 20h30 tels qu’ils sont prévus dans le bail dont elle est titulaire ;

faire cesser immédiatement les troubles signalés et veiller à exploiter le commerce en totale conformité avec le règlement intérieur de [Localité 3] Habitat OPH ;

faire cesser tout attroupement ainsi que toute incivilité provenant de sa clientèle à l’intérieur et devant le commerce.

Par acte d’huissier de justice délivré le 7 septembre 2022, [Localité 3] Habitat OPH a fait assigner en référé la société Prasanth aux fins d’obtenir principalement le constat de l’acquisition de la clause résolutoire, son expulsion et sa condamnation à lui verser par provision une indemnité d’occupation jusqu’à libération des lieux.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 28 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 14 septembre 2020 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l’ordonnance, l’expulsion de la société Prasanth SARL et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2]) avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier;

dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu4à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution ,ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par la société Prasanth SARL, à compter de la résiliation du bail, du 15 septembre 2020 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

condamné la société Prasanth SARL aux dépens, en ce compris le coût du commandement ;

condamné la société Prasanth SARL à payer à [Localité 3] Habitat-OPH la somme de mille euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 16 décembre 2022, la société Prasanth a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Prasanth demande à la cour de :

« – déclarer recevable l’appel interjeté,

– infirmer l’ordonnance des référés en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, dire et juger que :

1/ à titre principal,

– dire et juger qu’il n’existe aucun trouble manifestement illicite,

– constater l’existence de contestations sérieuses,

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à référé,

2/ à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour devait écarter l’existence de contestation sérieuse,

– constater que les termes du commandement d’avoir à s’exécuter ont été respecté par la Société Prasanth,

– constater que le bail commercial ne fixe pas d’heures d’ouverture du local commercial,

en conséquence, débouter l’intimé de l’ensemble de ses fins et demandes tendant notamment à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire. »

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’EPIC [Localité 3] Habitat-OPH demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1188 du code civil, de :

« – déclarer mal fondé l’appel de la société Prasanth SARL à l’encontre de l’ordonnance rendue le 28 octobre 2022 par le président du tribunal Judiciaire de Nanterre statuant en référé ;

par conséquent,

– confirmer l’ordonnance de référé rendue le 28 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions,

– débouter la société Prasanth SARL de toutes ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

– condamner la société Prasanth SARL à verser à [Localité 3] Habitat – OPH en cause d’appel, la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Prasanth SARL aux entiers frais et dépens d’appel. »

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Prasanth preneuse sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée, faisant valoir que la clause du bail qui stipule que « le preneur s’engage à respecter les horaires de fermeture du local, celles-ci ne devant pas excéder 20h30 le soir » est d’interprétation stricte et ne prévoit en son sein qu’un horaire de fermeture et en aucun cas un horaire d’ouverture.

Elle considère que dès lors, aucune clause du bail ne l’empêche de procéder à une ouverture de son local commercial à un horaire nocturne.

Elle fait valoir que les constats d’huissier versés aux débats par la bailleresse verse aux débats ne démontrent pas que le local n’ait pas fait l’objet d’une fermeture à l’horaire précisément fixé dans le bail.

Elle entend également soulever une contestation sérieuse aux demandes de [Localité 3] Habitat OPH, soutenant que pour entraîner l’acquisition de la clause résolutoire, la persistance du manquement doit être démontrée ou réalisée dans un temps proche de l’expiration du délai imparti ; que dans le cas d’espèce, le commandement ou la sommation de s’exécuter a été délivré en date du 13 août 2020, tandis que ce n’est qu’en date du 13 novembre 2021 que la bailleresse a fait établir un autre procès-verbal de constat.

Elle souligne également que la société bailleresse a engagé son action judiciaire plus de 2 ans après le commandement et qu’aucun élément ne permet de justifier d’un manquement « contemporain » à la délivrance du commandement.

Elle soutient qu’il s’agit d’une contestation sérieuse qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher, eu égard tant au défaut d’urgence qu’à l’interprétation de la clause relative aux heures d’ouverture ou de fermeture du local commercial.

Sur ce,

Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est caractérisé par ‘toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit’ qu’il incombe à celui qui s’en prétend victime de démontrer.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

En l’espèce, le contrat de bail en date du 11 septembre 2009, modifié par avenant du 20 novembre 2012, sous le titre « nature de l’activité », contient une clause, mentionnée en gras, prévoyant que « le preneur s’engage à respecter les horaires de fermeture du local, celles-ci ne devant pas excéder 20h30 le soir ».

Y figure également une clause résolutoire aux termes de laquelle « il est expressément convenu comme condition essentielle dudit bail » (‘) qu’en cas « d’inexécution d’une seule de l’ensemble des clauses du bail et un mois après un commandement (‘) d’exécuter resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur (…) ».

La [Localité 3] Habitat OPH bailleresse justifie avoir d’abord adressé le 29 juillet 2019 à la locataire un courrier dans lequel elle lui faisait part des plaintes de locataires de l’immeuble au dessus du local commercial dont elle avait été saisie, ceux-ci indiquant subir des nuisances importantes liées aux activités du commerce, à savoir des nuisances sonores en journée et jusqu’à tard le soir (au-delà de 20h30) provenant de la clientèle du commerce, ainsi qu’aux incivilités et attroupements irréguliers et inappropriés de personnes devant le local.

Le 24 juin 2020, elle faisait dresser un procès-verbal d’huissier qui en particulier constatait qu’à 21h35, le commerce était toujours ouvert et qu’à l’extérieur du magasin, à proximité de la porte, le présence de sept personnes « qui stagnent, installées sur des chaises ou assises au sol, qui discutent bruyamment ».

Par suite du commandement adressé par [Localité 3] Habitat OPH le 13 août 2020, d’avoir à respecter les clauses du bail, visant la clause résolutoire et demandant à la société Prasanth de faire cesser les troubles signalés et de respecter les horaires de fermeture du local, un huissier de justice constatait encore selon procès-verbal des 13 et 14 novembre 2021, que la société Prasanth tenait son magasin ouvert jusqu’à minuit 20 et que quelques heures plus tôt, entre 20h45 et 21 heures, « à l’extérieur du magasin, à proximité de la porte, sous les arcades, et devant les arcades » « la présence d’une dizaine de personnes qui stagnent, avec des bières à la main, discutant bruyamment ».

Ainsi, la persistance de l’infraction commise par la société Prasanth, en particulier à l’horaire de fermeture maximale imposée par le bail, entre le mois de juillet 2019 et le mois de novembre 2021, caractérise avec l’évidence requise en référé, la violation de la clause du bail concernant l’horaire de fermeture, et justifie dès lors la constatation par le premier juge de l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 14 septembre 2020, la situation n’ayant manifestement pas cessé dans le mois ayant suivi le commandement de payer du 13 août 2020.

La seule contestation élevée par la preneuse a trait à l’interprétation de la clause du bail sur l’horaire de fermeture, dont il convient de relever la particulière mauvaise foi, prétendant que cette clause lui permettrait une réouverture nocturne après une fermeture à l’heure prescrite, alors qu’il en résulte clairement et sans ambiguïté qu’il s’agit de l’horaire de fermeture du soir, la notion de réouverture nocturne pour un commerce d’alimentation étant dénuée de sérieux.

Il sera également rappelé qu’en tout état de cause, un trouble manifestement illicite est caractérisé même en présence d’une contestation sérieuse.

En conséquence, l’ordonnance querellée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

Elle sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Prasanth ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à [Localité 3] Habitat OPH la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME l’ordonnance du 28 octobre 2022 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société Prasanth à verser à l’EPIC [Localité 3] Habitat OPH la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

Dit que la société Prasanth supportera les dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Mélanie RIBEIRO, greffier lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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