Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03612

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03612

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 23/03612 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFJS

Décision déférée à la cour

Jugement du 24 janvier 2023-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/81946

APPELANTE

S.A. E-PANGO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Plaidant par Me Edouard FABRE de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010 et par Me Lise DAMELET de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.S. HENEO

[Adresse 6]

[Localité 5]

S.A. L’HABITAT SOCIAL FRANCAIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Plaidant par Me François de BERARD de la SCP LACOURTE RAQUIN TATAR, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 7 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la SA régie immobilière de la ville de [Localité 7] a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société Crédit agricole et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 1 100 0000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 27 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la SA régie immobilière de la ville de [Localité 7] a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société Crédit Mutuel et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 1 100 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 28 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la SA régie immobilière de la ville de [Localité 7] a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société de bourse [M] et [B] et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 1 100 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 2 novembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la SA régie immobilière de la ville de [Localité 7] a, le 4 novembre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire de droits d’associés et de valeurs mobilières entre les mains de la société de bourse [M] et [B] et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 1 100 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 8 novembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société l’Habitat social français a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société Crédit agricole et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 45 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 27 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société l’Habitat social français a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la banque européenne du crédit mutuel et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 45 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 28 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société l’Habitat social français a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société de bourse [M] et [B], et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 45 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 2 novembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société l’Habitat social français a, le 4 novembre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire de droits d’associés et valeurs mobilières entre les mains de société de bourse [M] et [B] et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 45 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 8 novembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société Hénéo a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société Crédit agricole et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 61 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 27 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société Hénéo a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la banque européenne du crédit mutuel et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 61 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 28 octobre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société Hénéo a, le 26 octobre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de la société de bourse [M] et [B] et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 61 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 2 novembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance sur requête rendue par le juge de l’exécution de Paris le 13 octobre 2022, la société Hénéo a, le 4 novembre 2022, dressé un procès-verbal de saisie conservatoire de droits d’associés et valeurs mobilières entre les mains de la société de bourse [M] et [B] et à l’encontre de la SA E-Pango, pour avoir conservation de la somme de 61 000 euros ; cette mesure a été dénoncée à la débitrice le 8 novembre 2022.

Saisi par la SA E-Pango de contestations par assignation datée du 17 novembre 2022, le juge de l’exécution de Paris a, selon jugement en date du 24 janvier 2023, après avoir ordonné la jonction des procédures :

– rejeté la demande de mainlevée des saisies conservatoires ;

– autorisé la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à saisir à titre conservatoire les créances et valeurs mobilières à l’encontre de la SA E-Pango dans les établissements bancaires suivants : Crédit Mutuel, BNP Paribas, Société générale, LCL, société Crédit agricole, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, CMC-CIC, Neuflize, Banque postale, HSBC, Barclay’s, Royal Bank of Scotland, banque Palatine, et dans les établissements bancaires qui seraient personnellement tenus envers la SA E-Pango, pour conservation de la somme de 2 051 000 euros ;

– autorisé la société Hénéo à saisir à titre conservatoire les créances et valeurs mobilières à l’encontre de la SA E-Pango dans les établissements bancaires suivants : Crédit Mutuel, BNP Paribas, Société générale, LCL, société Crédit agricole, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, CMC-CIC, Neuflize, Banque postale, HSBC, Barclay’s, Royal Bank of Scotland, banque Palatine, et dans les établissements bancaires qui seraient personnellement tenus envers la SA E-Pango, pour conservation de la somme de 295 000 euros ;

– autorisé la société l’Habitat social français à saisir à titre conservatoire les créances et valeurs mobilières à l’encontre de la SA E-Pango dans les établissements bancaires suivants : Crédit Mutuel, BNP Paribas, Société générale, LCL, société Crédit agricole, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, CMC-CIC, Neuflize, Banque postale, HSBC, Barclay’s, Royal Bank of Scotland, banque Palatine, et dans les établissements bancaires qui seraient personnellement tenus envers la SA E-Pango, pour conservation de la somme de 121 000 euros ;

– condamné la SA E-Pango à payer à la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA E-Pango à payer à la société Hénéo la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA E-Pango à payer à la société l’Habitat social français la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA E-Pango aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé :

– que le groupement constitué par la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société l’Habitat social français et la société Hénéo avaient publié un marché public de fourniture de gaz naturel et conclu un accord cadre multi-attributaires, notamment avec la SA E-Pango, laquelle avait pour activité la fourniture de gaz et d’électricité, selon engagement du 20 octobre 2020 ; que l’intéressée avait été retenue pour l’attribution du marché subséquent n° 1, marché conclu le 12 novembre 2020 sur un prix ferme de 17,41 euros/Mwh pour toute sa durée ;

– que l’article 26 du cahier des clauses particulières de l’accord-cadre permettait à la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] de le résilier, l’exécution des prestations pouvant en ce cas être confiée à un tiers ; que le contrat était résilié, et la SA E-Pango avait cessé de fournir le groupement en gaz naturel à dater du 28 novembre 2021, à la suite de quoi c’est la société Gaz de [Localité 7] qui avait pris le relais ;

– que la SA E-Pango était donc tenue à la différence de facturation entre celle de ladite société et le prix du marché ;

– qu’il existait des circonstances caractérisant des menaces sur le recouvrement de la dette, la SA E-Pango ne détenant pas de disponibilités suffisantes pour régler la somme due ;

– qu’une demande d’autorisation de saisies conservatoires n’était pas formée par voie de requête à peine d’irrecevabilité.

Selon déclaration en date du 27 février 2023, la SA E-Pango a relevé appel de ce jugement.

Elle a assigné la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français à jour fixe devant la Cour d’appel de Paris, autorisée à cette fin par une ordonnance en date du 2 mars 2023, par actes en date du 8 mars 2023.

La SA E-Pango expose :

– qu’elle est chargée de la fourniture d’électricité et de gaz ; que la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] assure la gestion de logements sociaux, tandis que la société Hénéo et la société l’Habitat social français sont ses filiales ;

– qu’elle a alerté le groupement de difficultés importantes, nées du contexte géopolitique, qui la plaçaient dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution du marché à prix fixe ; que les 22 et 26 octobre 2021, ledit groupement a fait savoir qu’il refusait toute négociation ; qu’il est resté hostile à toute solution amiable ;

– qu’il a transféré le marché à la société Picoty le 17 décembre 2021, après mise en concurrence ; qu’il s’avère qu’il a prononcé la résiliation du marché d’origine le 21 décembre 2021 ; qu’il est ainsi établi que le marché a été transféré à une autre entreprise avant résiliation de celui initial ;

– que le groupement l’a ensuite mise en demeure de payer les surcoûts ;

– qu’il n’existe pas de créance paraissant fondée en son principe, contrairement à ce qu’a estimé le juge de l’exécution ; qu’en effet la procédure de résiliation du marché n’a pas été respectée ;

– que selon l’article 36 du cahier des clauses administratives générales, le titulaire du marché d’origine bénéficie de garanties : il doit suivre les opérations exécutées par le titulaire du marché de substitution, tandis que la décision d’attribution dudit marché doit lui être notifiée préalablement ; qu’en réalité, elle n’a été informée du transfert du marché que le 16 février 2022, soit bien après ;

– que de plus, le décompte de résiliation ne lui a pas été notifié comme prévu à l’article 34.3 du cahier des clauses administratives générales ;

– qu’il s’ensuit qu’elle n’a pas à prendre en charge les surcoûts induits par le marché de substitution.

La SA E-Pango demande en conséquence à la Cour de :

– infirmer le jugement ;

– ordonner la mainlevée des saisies conservatoires ;

– condamner la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français au paiement de la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux dépens.

Dans leurs conclusions notifiées le 5 juin 2023, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français répliquent :

– que les articles 25 et 26 du cahier des clauses administratives générales prévoient que le coordonateur peut mettre fin à l’exécution des prestations qui font l’objet du marché, notamment en cas de faute de son titulaire ; que l’article 32.1 vise le cas où l’intéressé ne s’acquitte pas de ses obligations dans les délais contractuels, ou déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements ;

– que des discussions sont restées sans suite et ont mis en évidence la négligence de la SA E-Pango, qui n’a pas assuré la couverture de gaz prévue, alors que le prix était stipulé ferme ; qu’elle a même annoncé cesser la fourniture du gaz et résilier le contrat ;

– que la procédure de résiliation du marché a été respectée ; que les marchés privés de la commande publique ne sont pas soumis au code des commandes publiques ; qu’il s’agit là de contrats de droit privé et non pas de contrats administratifs ;

– qu’il n’existe aucune règle formelle quant à la notification de l’attribution du marché de substitution au titulaire ; qu’en l’espèce, cette notification a été faite mais n’avait pas à l’être de manière préalable ;

– qu’il y a lieu d’appliquer l’article 36 du cahier des clauses administratives générales-FCS 2009 ;

– que conformément à l’article 26, en cas de résiliation, le coordonnateur fait procéder par un tiers à l’exécution des prestations aux frais et risques du titulaire, lequel doit régler l’augmentation de dépense qui en résulte ; que les surcoûts s’élèvent à ce jour à 6 003 703,65 euros ;

– qu’une mise en demeure étant demeurée vaine, elles ont dû assigner la SA E-Pango en paiement devant le Tribunal judiciaire de Paris ;

– qu’il existe dès lors une créance paraissant fondée en son principe ;

– que par ailleurs, un péril menace son recouvrement ; qu’en effet, la SA E-Pango n’a pas provisionné la dette et ne justifie pas des raisons de son refus de paiement ; qu’elle se trouve dans une situation financière précaire ; qu’elle doit faire face à une envolée des prix de l’énergie ; qu’un arrêté ministériel a suspendu son autorisation d’achat d’électricité ; que le cours de ses actions s’est effondré ; qu’elle doit faire face à un déficit de 200 000 euros.

La SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français demandent en conséquence à la Cour de :

– confirmer le jugement ;

y ajoutant :

– autoriser la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à saisir à titre conservatoire les créances et toutes valeurs mobilières à l’encontre de la SA E-Pango dans les établissements bancaires suivants : Crédit Mutuel, BNP Paribas, Société Générale, LCL, Crédit Agricole, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, CMC-CIC, Neuflize, Banque Postale, HSBC, Barclay’s, Royal Bank of Scotland, Banque Palatine, et dans les établissements bancaires qui seraient personnellement tenus envers la SA E-Pango de créances ou valeurs mobilières et qui seraient révélés par la consultation du fichier national des comptes bancaires et assimilés, pour conservation de la somme de 2 304 358,22 euros ;

– autoriser la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à saisir à titre conservatoire toutes valeurs mobilières et créances non détenues par un établissement financier que pourrait détenir la SA E-Pango au capital de personnes morales, notamment et non limitativement de la société par actions simplifiée E-BEGA, dont le siège social est [Adresse 3] à [Localité 4] ;

– rejeter les demandes de la SA E-Pango ;

– condamner la SA E-Pango au paiement de trois sommes de 35 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

Par message RPVA en date du 7 juin 2023, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir soulevée d’office, tirée de l’irrecevabilité des demandes de la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à fin d’autorisation de mise en place de nouvelles saisies conservatoires, s’agissant de demandes nouvelles.

L’appelante a soutenu qu’effectivement ces nouvelles demandes étaient irrecevables.

La SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a soutenu que les demandes nouvelles en cause d’appel n’étaient pas prohibées dans tous les cas, et qu’en l’espèce, un fait nouveau pouvait être retenu, à savoir la connaissance par elle des nouvelles factures de gaz établies au second semestre 2023.

MOTIFS

Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. L’article 566 permet toutefois aux parties d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La demande de la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à fin d’autorisation de nouvelles mesures conservatoires à l’encontre de la SA E-Pango n’a jamais été soumise au premier juge. Toutefois, dès lors qu’elle se fonde sur une augmentation du montant de la créance en cours de procédure eu égard à l’émission de nouvelles factures de gaz notamment au cours de l’année 2023, elle sera déclarée recevable.

L’article R 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.

Il résulte des pièces produites que :

– le marché dont s’agit a été attribué à la SA E-Pango et cela lui a été notifié par la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] le 20 octobre et le 12 novembre 2020 ;

– par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 octobre 2021, la SA E-Pango a indiqué à la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] que le marché du gaz subissait des perturbations résultant de circonstances exceptionnelles, en particulier géopolitiques, avec une augmentation sans précédent du prix du gaz livré en Europe, si bien qu’elle était placée dans une configuration où la poursuite de l’exécution dans les conditions prévues conduirait à court terme à une situation économique intenable ; elle précisait que le niveau des prix d’achat sur le marché du gaz était disproportionné par rapport aux prix figurant dans le contrat ; elle en concluait qu’il en résultait une impossibilité concrète d’exécution du marché ;

– le 22 octobre 2021, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a répondu que le lien qui était fait entre le contexte actuel de hausse du cours du gaz et les conditions d’exécution du marché était suprenant ; elle reprochait à la SA E-Pango d’avoir été imprudente et lui rappelait qu’elle était tenue à l’exécution du marché contractuellement ; enfin elle indiquait que si celle-ci était arrêtée, un marché de substitution serait conclu ;

– le 24 octobre 2021, la SA E-Pango a maintenu sa position et annoncé rechercher une solution alternative ;

– le 26 octobre 2021, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a envisagé une seule solution : la conclusion d’un marché avec la société Picoty ;

– le 12 novembre 2021, la SA E-Pango a réclamé la signature d’un avenant ;

– le 18 novembre 2021, elle a indiqué à la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] que faute d’accord, elle n’aurait d’autre possibilité que d’enclencher la procédure de résiliation du contrat pour force majeure ;

– le 19 novembre 2021, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a menacé la SA E-Pango d’une résiliation du marché à ses torts ;

– le 13 décembre 2021, la SA E-Pango a informé officiellement la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] de l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de poursuivre le contrat ;

– par acte en date du 17 décembre 2021, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a signifié à la SA E-Pango une mise en demeure de fournir des explications sur les demandes de coupure qu’elle avait entreprises auprès de GRDF, et de confirmer qu’au-delà du 27 décembre 2021 elle poursuivrait l’exécution du marché ; elle la menaçait d’une résiliation de ce dernier ;

– le 17 décembre 2021, un nouveau marché a été conclu entre la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo, la société l’Habitat social français et la société Gaz de [Localité 7] ;

– par acte en date du 22 décembre 2021, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a notifié à la SA E-Pango la résiliation du marché initial ;

– par acte en date du 18 février 2022, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] a signifié à la SA E-Pango le marché susvisé ;

– par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 juillet 2022, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français ont mis la SA E-Pango en demeure de leur payer les sommes de 1 123 029,96 euros, 45 789,77 euros et 61 540,05 euros au titre du remboursement des surcoûts.

L’article 32.1 du cahier des clauses administratives générales, relatif à la résiliation du marché pour faute du titulaire, prévoit que le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute dans les cas suivants : s’il contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement ; si des matériels, moyens, objets et approvisionnements lui ont été confiés ou des bâtiments ou terrains mis à sa disposition, et qu’il se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 17.7 (…) si le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l’article 30.1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements.

L’article 26 autorise également la résiliation du marché lorsque le titulaire est placé dans l’impossibilité de l’exécuter du fait d’un événement ayant le caractère de force majeure.

Enfin l’article 36.1 du règlement de consultation du marché dispose que le pouvoir adjudicateur peut faire procéder à l’exécution du marché par un tiers, aux frais et risques du titulaire, l’article 36.4 prévoyant que l’augmentation des dépenses, par rapport au prix du marché, résultant de l’exécution des prestations, est à la charge du titulaire.

La SA E-Pango, qui a déclaré ne pas pouvoir exécuter le marché, devait donc en principe régler les sommes en question, mais elle fait valoir que ses droits n’ont pas été respectés, dans la mesure où la décision d’attribution du marché à l’entreprise substituée aurait dû lui être notifiée préalablement, avant le commencement d’exécution du marché de substitution, ce qui n’a pas été le cas, au regard de ce qui précède. Le règlement de consultation du marché ne contenait aucune disposition sur l’ordre dans lequel la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] devait procéder.

La SA E-Pango soutient que le droit de la commande publique doit s’appliquer, spécialement en son mécanisme de garantie des droits de l’entreprise dont le marché a été résilié, afin qu’elle puisse vérifier ce qui est demandé au titulaire suivant et surveiller ainsi le coût qui lui sera finalement réaffecté.

Le co-contractant défaillant doit être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution ainsi conclu, afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants résultant des surcoûts supportés par l’administration en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur étant à sa charge. A cet effet, la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] devait notifier le marché de substitution à la SA E-Pango, titulaire du marché résilié. Elle ne l’a fait que le 18 février 2022, soit deux mois après la conclusion dudit marché, lequel a nécessairement reçu application dès sa signature s’agissant de la fourniture de gaz à des particuliers, qui ne pouvait pas être différée, et un peu moins de deux mois après qu’elle a notifié à la SA E-Pango la résiliation du marché initial.

Il s’ensuit que l’appelante n’a pas été informée au préalable de l’attribution du marché à une entreprise concurrente et, par voie de conséquence, elle a été placée dans l’impossibilité de vérifier en temps et en heure le montant des sommes que la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] aurait à verser à la société Gaz de [Localité 7], et donc des indemnités dont elle serait redevable. Compte tenu du défaut de respect de cette règle de procédure, dont il sera rappelé qu’elle s’applique aux marchés privés de commande publique, il faut considérer que la créance de la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social français ne paraît suffisamment fondée en son principe, au titre de la différence entre le coût du marché initial et celui du marché de substitution.

Il convient en conséquence d’ordonner la mainlevée de l’ensemble des mesures conservatoires qui ont été mises en place en vertu de l’ordonnance sur requête du 13 octobre 2022, et de débouter la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social Français de l’ensemble de leurs prétentions.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA E-Pango.

La SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social Français seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

– DECLARE recevable la demande de la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7] à fin d’autorisation de mise en place de nouvelles saisies conservatoires à l’encontre de la SA E-Pango ;

– INFIRME le jugement en date du 24 janvier 2023 en l’ensemble de ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

– ORDONNE la mainlevée de l’ensemble des saisies conservatoires mises en place par la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social Français les 26 octobre et 4 novembre 2022 à l’encontre de la SA E-Pango en application de l’ordonnance sur requête datée du 13 octobre 2022 ;

– DEBOUTE la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social Français de l’ensemble de leurs prétentions ;

– REJETTE la demande de la SA E-Pango en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la SA Régie immobilière de la ville de [Localité 7], la société Hénéo et la société l’Habitat social Français aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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