REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/20646 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CG2MP
Décision déférée à la cour
Jugement du 08 décembre 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/00003
APPELANTE
S.C.I. MALVINA
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
plaidant par Me Martin RADZIKOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1266
INTIMEES
SOCIETE FONCIERE DAVID & CO
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
plaidant par Me Emmanuel BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS
BNP PARIBAS SUISSE
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Denis-Clotaire LAURENT de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010
SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIERS [Localité 7]
[Adresse 9]
[Localité 7]
n’a pas constitué avocat
S.A.R.L. SOPHIA FERNAND LEGER
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Michel MAAREK, avocat au barreau de PARIS, toque : D1096
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 7 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-réputé contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société BNP Paribas Suisse a entrepris une procédure de saisie immobilière à l’encontre de la SCI Malvina devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.
La débitrice n’a pas comparu devant le juge de l’exécution, qui a, par jugement d’orientation du 17 mars 2022, notamment ordonné la vente forcée des biens immobiliers saisis situés [Adresse 5].
A l’audience du 7 juillet 2022, la Sarl Sophia-Fernand Léger a été déclarée adjudicataire des biens saisis au prix de 2.110.000 euros.
La société Foncière David & Co a déposé une déclaration de surenchère.
Par conclusions du 25 juillet 2022, la société Sophia-Fernand Léger a contesté la recevabilité de cette surenchère.
Par jugement du 8 décembre 2022, le juge de l’exécution a :
– déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI Malvina,
– condamné la SCI Malvina à payer à la société BNP Paribas Suisse une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que la déclaration de surenchère faite par la société Foncière David & Co a été formée le 19 juillet 2022,
– déclaré par suite irrecevable la dite surenchère formée suite au jugement d’adjudication intervenu le 7 juillet 2022 par lequel la société Sophia-Fernand Léger a été déclaré adjudicataire des biens situés [Adresse 5], moyennant un prix de 2.110.000 euros,
– dit en conséquence définitive l’adjudication susmentionnée,
– rejeté pour le surplus toutes demandes contraires ou plus amples,
– condamné la société Foncière David & Co et la SCI Malvina aux dépens de l’incident.
Pour statuer ainsi, le juge a considéré en premier lieu que la validité de la procédure de saisie immobilière ne pouvait plus être contestée après l’audience d’orientation en application de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution, ni a fortiori après l’audience d’adjudication, de sorte que la contestation de la débitrice était irrecevable. En second lieu, il a retenu que le délai pour former une surenchère expirait le 18 juillet 2022 en application de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution, et que la société Foncière David & Co ne justifiait pas d’une déclaration de surenchère faite le 18 juillet 2022 à 16h29, tandis que l’historique du dossier (RPVA) faisait apparaître un premier message le 19 juillet 2022 à 15h31.
Par déclaration du 14 décembre 2022, la société Foncière David & Co a fait appel partiel de ce jugement, intimant la société BNP Paribas Suisse, la SCI Malvina, la Sarl Sophia-Fernand-Léger, ainsi que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 5] et le Service des Impôts des particuliers de [Localité 7], créanciers inscrits. Ce dossier a été enregistré sous le numéro RG 23/132.
La SCI Malvina a également formé appel partiel par déclaration du 23 décembre 2022, puis a fait assigner à jour fixe la BNP Paribas Suisse, la société Foncière David & Co, la Sarl Sophia-Fernand-Léger, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 5] et le Service des Impôts des particuliers de [Localité 7] devant la cour d’appel de Paris, après y avoir été autorisée par ordonnance du 26 décembre 2022. Le dossier a été enregistré sous le numéro RG 22/20646.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 2 février 2023 et se poursuivent sous le numéro RG 22/20646.
Par conclusions du 17 avril 2023, la SCI Malvina demande à la cour de :
-la juger recevable et bien fondée en ses demandes,
-infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables ses demandes et l’a condamnée à payer à la BNP Paribas Suisse une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
-juger que la procédure de saisie immobilière, et partant tous actes subséquents, est nulle en ce qu’elle est fondée sur une fraude à la loi,
En conséquence,
-débouter la société Sophia-Fernand Léger, la société Foncière David & Co, le syndicat des copropriétaires et la BNP Paribas Suisse de toutes leurs demandes,
-débouter la société Sophia-Fernand Léger, adjudicataire, de sa demande d’incident tendant à l’irrecevabilité de la déclaration de surenchère,
-débouter la société Foncière David & Co, surenchérisseur, de sa demande de surenchère,
-condamner la SA BNP Paribas Suisse à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Elle soutient que dès lors que la procédure de saisie immobilière, et partant les jugements d’orientation et d’adjudication, ont été obtenus par une fraude à la loi, elle est parfaitement recevable en sa demande de nullité de la procédure. Elle explique que l’article L.322-6 du code des procédures civiles d’exécution protège le débiteur des mises à prix dérisoires, et qu’en l’espèce, le prix de vente a manifestement été abaissé au montant de la créance du créancier poursuivant, soit 2.110.000 euros, alors que la valeur vénale du bien s’élève à plus de 7.500.000 euros, ce qui a permis au vendeur, qui est le créancier poursuivant, d’échapper au taux d’imposition sur les plus-values qui est fixé à 25%, s’agissant d’une personne morale dont le siège social est situé hors de France ; qu’ainsi, le fisc français a été lésé, ce qui porte atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi, de sorte que la procédure doit être annulée en application des articles 119 et 120 du code de procédure civile en raison du trouble à l’ordre public causé par la fraude et l’intention frauduleuse du créancier poursuivant qui avait intérêt à dévaluer le bien et qui a usé de la ruse afin de voir le prix diminué et l’assiette d’imposition réduite.
Par conclusions du 2 juin 2023, la Sasu Foncière David & Co demande à la cour de :
A titre liminaire,
-débouter la société Sophia-Fernand Léger de sa demande de caducité d’appel,
-rejeter la demande de retrait de la pièce 16 des débats formulées par la société Sophia-Fernand Léger,
-la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celles relatives à l’irrecevabilité des demandes de la SCI Malvina et à sa condamnation au paiement d’une indemnité de procédure au bénéfice de la BNP Paribas Suisse,
Statuant à nouveau,
-juger que sa déclaration de surenchère a bien été formée le 18 juillet 2022 à 16h29, soit dans le délai de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution,
– juger que sa déclaration de surenchère formulée le 18 juillet 2022 à 16h29 est valide et recevable,
-enjoindre au juge de l’exécution de fixer une date d’audience de surenchère concernant le bien situé à [Adresse 5], dont elle est le surenchérisseur et dont la mise à prix est de 2.321.000 euros,
-rejeter l’ensemble des demandes de la SCI Malvina, de la Sarl Sophia-Fernand Léger et de la BNP Paribas Suisse,
-condamner la Sarl Sophia-Fernand Léger à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Grapotte-Bénetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur la caducité invoquée par la société Sophia-Fernand Léger, elle soutient qu’en application de l’article R.311-7 du code des procédures civiles d’exécution, les jugements rendus par les juges de l’exécution sont assujettis à la procédure à bref délai de l’article 905 du code de procédure civile, de sorte que les articles 908 et suivants du même code ne sont pas applicables, et que le greffe n’ayant pas délivré d’avis de fixation à bref délai, les délais de l’article 905-2 n’ont pas commencé à courir et aucune caducité n’est donc encourue.
Sur son appel, elle fait valoir qu’elle a adressé la déclaration de surenchère par message RPVA le 18 juillet à 16h29, soit dans le délai, comme l’a reconnu le greffe du juge de l’exécution qui en a accusé réception à 16h44 ainsi que le 19 juillet à 10h14.
Elle s’oppose au rejet de sa pièce 16, soutenant que rien n’interdit à l’avocat de contacter unilatéralement le greffe, sans mettre son confrère adverse en état de formuler ses observations sur la preuve qu’il souhaite obtenir, et que ce procédé n’a rien de déloyal dès lors que les échanges ont été versés aux débats, comme en matière de constat d’huissier ou d’expertise. Elle reproche au juge de l’exécution de ne pas avoir recherché si le message dont son greffe a accusé réception le jour même était bien la déclaration de surenchère, étant précisé que l’avis de réception automatique a la même valeur probante que le tampon matériel du greffe. Elle estime en outre que le juge de l’exécution s’est à tort basé sur l’historique du dossier de l’avocat de la société Sophia-Fernand Léger, qui n’était pas destinataire de la déclaration de surenchère, laquelle doit être faite au greffe du juge de l’exécution et non aux avocats constitués.
Sur l’appel de la SCI Malvina, elle soutient qu’il résulte des articles R.311-5, R.322-15, R.322-18 et L.322-6 du code des procédures civiles d’exécution que la demande de nullité de la procédure est irrecevable, la SCI Malvina ayant été touchée par l’assignation et ayant reçu signification du jugement d’orientation sans en interjeter appel ; et qu’à supposer que la demande incidente porte sur un acte postérieur à l’audience d’adjudication ou la déclaration d’adjudication, celle-ci est faite hors délai puisqu’elle a été formée le 21 septembre 2022, alors qu’elle aurait dû être faite avant le 22 juillet 2022.
Par conclusions du 14 avril 2023, la société BNP Paribas Suisse demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les prétentions de la SCI Malvina par application de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution,
En conséquence,
-déclarer irrecevable la SCI Malvina en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-à défaut, l’en déclarer mal fondée et l’en débouter intégralement,
-lui donner acte, le cas échéant, de ce qu’elle s’en remet à justice sur la contestation soulevée par la société Sophia-Fernand Léger aux fins de voir déclarer irrecevable la déclaration de surenchère de la société Foncière David & Co ainsi que l’incident qu’elle a soulevé tendant à la caducité de l’appel,
-condamner la SCI Malvina au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l’emploi des dépens de l’incident, comprenant notamment l’émolument proportionnel en frais de justice privilégiés.
Elle estime à titre principal que la contestation de la SCI Malvina, au stade de la surenchère, est irrecevable, l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution interdisant de soulever tout nouveau moyen après l’audience d’orientation. Elle souligne que le montant de la mise à prix figurait bien dans l’assignation, de sorte qu’il appartenait à la SCI Malvina de le contester à l’audience d’orientation, et qu’en tout état de cause, le jugement d’adjudication ne peut être annulé par le juge de l’exécution.
Subsidiairement, sur le fond, elle fait valoir qu’une mise à prix trop élevée est de nature à dissuader les éventuels acquéreurs ; qu’en l’espèce, la mise à prix fixée à 685.000 euros apparaissait adaptée ; que le prix auquel le bien a finalement été vendu ne ressort pas de sa responsabilité ; qu’il n’est pas sérieux de prétendre que le bien aurait dû être vendu 7.500.000 euros, alors même que la SCI Malvina était disposée à accepter la vente au prix net vendeur de 2.056.358 euros seulement ; que les arguments relatifs à la fraude et à sa volonté d’échapper à l’impôt en France sont dénués d’intérêt, de logique et de sens, étant précisé qu’il appartient à l’adjudicataire d’acquitter l’impôt sur les plus-values.
Sur la contestation de la surenchère, elle rappelle qu’aux termes de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution, la surenchère est formée, à peine d’irrecevabilité, par acte d’avocat et déposé au greffe du juge de l’exécution dans les dix jours de l’adjudication et vaut demande de fixation d’une audience de surenchère, et que selon l’article R.322-52, le surenchérisseur doit, à peine d’irrecevabilité, dénoncer la déclaration de surenchère au plus tard le troisième jour ouvrable suivant par acte d’huissier ou notification entre avocats au créancier poursuivant, à l’adjudicataire et au débiteur saisi. Elle estime qu’il ressort des explications de la société Foncière David & Co que la déclaration de surenchère a été faite le 18 juillet et dénoncée le 19 juillet.
Par conclusions du 31 mai 2023, la société Sophia-Fernand Léger demande à la cour de :
In limine litis,
-ordonner le retrait des débats de la pièce adverse n°16 communiquée par la société Foncière David & Co,
-juger que le délai à compter de la déclaration d’appel imparti à la société Foncière David & Co pour remettre ses conclusions au greffe expirait le 14 mars 2023,
-juger que la société Foncière David & Co a signifié ses conclusions par RPVA le 16 mars 2023,
-prononcer la caducité de la déclaration d’appel de la société Foncière David & Co en date du 14 décembre 2022,
Au fond,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. dit que la déclaration de surenchère a été formée le 19 juillet 2023,
. déclaré irrecevable la surenchère formée par la société Foncière David & Co formée suite au jugement d’adjudication intervenu le 7 juillet 2022 par lequel elle a été déclarée adjudicataire des biens situés [Adresse 5], moyennant un prix de 2.110.000 euros,
. dit définitive l’adjudication susmentionnée,
. déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI Malvina,
-condamner la société Foncière David & Co au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la pièce n°16 de la société Foncière David & Co a été obtenue auprès du greffe du juge de l’exécution alors que la procédure de première instance est terminée et que la procédure d’appel est pendante, en omettant volontairement d’informer les avocats adverses de cette démarche, puis a été communiquée à la cour d’appel en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.
Sur la caducité, elle explique que la société Foncière David & Co a fait appel le 14 décembre 2022, de sorte qu’elle avait jusqu’au 14 mars 2023 pour remettre ses conclusions au greffe en application de l’article 908 du code de procédure civile, et qu’ayant signifié ses conclusions le 16 mars 2023, la déclaration d’appel est caduque. Elle estime à tout le moins que l’attitude de l’appelante est dilatoire.
Sur l’irrecevabilité de la surenchère, elle soutient qu’en application de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution, le délai pour former une surenchère expirait le 18 juillet 2022 et qu’il ressort des pièces produites que ce n’est que le 19 juillet que la société Foncière David & Co a surenchéri. Elle souligne que selon la Cour de cassation, la production des avis électroniques démontrant la réception des messages ne permet pas de prouver le contenu des éléments joints, de sorte que c’est à juste titre que le juge de l’exécution a retenu que les pièces de la société Foncière David ne permettaient pas de prouver le contenu de l’envoi du 18 juillet et des éléments joints, ni partant, que la surenchère a bien été faite dans le délai.
Elle conclut également à l’irrecevabilité des demandes de la SCI Malvina en application de l’article R.311-5 du code des procédures civiles d’exécution.
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 5] a constitué avocat mais n’a pas conclu.
Bien qu’ayant reçu signification, à personne morale, de la déclaration d’appel et des conclusions de la société Foncière David & Co et ayant été assigné à jour fixe par la SCI Malvina (à étude), le Service des Impôts des particuliers de [Localité 7] n’a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de préciser que la cour, en application de l’article 445 du code de procédure civile, ne tiendra pas compte des notes en délibéré adressées par les conseils respectifs de la société Sophia-Fernand Léger et de la société Foncière David & Co, en ce qu’elles n’ont pas été autorisées par la cour.
Sur la recevabilité de la contestation de la SCI Malvina
Selon l’article L.322-6 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le débiteur peut, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l’immeuble et les conditions du marché.
Aux termes de l’article R.322-15 alinéa 1er du même code, à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
L’article R.311-5 dispose : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R.322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte. ».
En l’espèce, les contestations de la SCI Malvina portent sur le montant de la mise à prix et le prix d’adjudication.
Le montant de la mise à prix était déjà connu de la SCI Malvina au moment de l’audience d’orientation, puisqu’il est mentionné dans l’assignation que la SCI produit elle-même. Ainsi, cette contestation aurait dû être portée devant le juge de l’exécution à l’audience d’orientation et la SCI Malvina n’est plus recevable à se plaindre du montant de la mise à prix.
Par ailleurs, il n’entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant avec ceux du juge de l’exécution, d’annuler l’adjudication au motif que le prix d’adjudication, très inférieur à la valeur vénale du bien saisi, aurait été obtenu par fraude à la loi du créancier. C’est également à juste titre que la société Foncière David & Co fait valoir que la contestation sur la validité de l’adjudication du 7 juillet 2022 est tardive puisqu’elle a été présentée le 21 septembre 2022, dans le cadre de l’incident sur la surenchère. Au surplus, il n’est pas sérieux de prétendre que le créancier aurait sciemment obtenu une adjudication à un prix inférieur à la valeur du bien afin d’échapper à l’impôt sur les plus-values, alors même que le paiement de cet impôt ne lui incombe pas.
Ainsi, c’est à bon droit que le juge de l’exécution a déclaré irrecevables les prétentions de la SCI Malvina.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI Malvina et l’a condamnée à payer à la société BNP Paribas Suisse une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de rejet de la pièce n°16
C’est à tort que la société Sophia-Fernand Léger se plaint d’une atteinte au principe du contradictoire et des droits de la défense concernant la manière dont la pièce n°16 de la société Foncière & Co a été obtenue.
La démarche effectuée auprès du greffe du juge de l’exécution pour avoir confirmation de ce qu’elle a bien déposé sa déclaration de surenchère le 18 juillet 2022 s’assimile seulement à une recherche de preuve, de justificatif, de la même façon que le fait de faire dresser un constat d’huissier, étant précisé que la cour n’a pas accès au RPVA de première instance, contrairement au premier juge qui n’a pas cru bon de s’y référer. Il n’était donc absolument pas nécessaire ni indispensable de prévenir les parties adverses de cette démarche. Dès lors que la réponse du greffe a ensuite été régulièrement communiquée à toutes les parties constituées pour être débattue contradictoirement, rien ne justifie de l’écarter des débats.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de rejet de la pièce n°16 communiquée par la société Foncière David & Co.
Sur la caducité de l’appel de la société Foncière David & Co
Aux termes de l’article R.121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, l’appel des décisions du juge de l’exécution est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l’article 905 du code de procédure civile ou à la procédure à jour fixe.
Il en résulte que les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile invoquées par la société Sophia-Fernand Léger ne sont jamais applicables aux appels des décisions du juge de l’exécution.
En l’espèce, dans le dossier d’appel de la société Foncière David & Co, initialement enregistré sous le n°23/132, le greffe n’a jamais délivré l’avis de fixation à bref délai, de sorte que le délai d’un mois imparti à l’appelant pour conclure à peine de caducité en application de l’article 905-2 du code de procédure civile n’a jamais commencé à courir. En outre, ce dossier a ensuite été joint avec celui n°22/20646, correspondant à l’appel, enregistré en premier par le greffe civil central, de la SCI Malvina, qui a utilisé la procédure d’assignation à jour fixe, dans laquelle aucun délai n’est prévu à peine de caducité pour le dépôt des conclusions.
Il convient donc de rejeter la demande de caducité de la déclaration d’appel formulée par la société Sophia-Fernand Léger.
Sur la surenchère
Aux termes de l’article R.322-51 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, la surenchère est formée par acte d’avocat et déposée au greffe du juge de l’exécution dans les dix jours suivant l’adjudication. Elle vaut demande de fixation d’une audience de surenchère.
Selon l’article R.322-52 alinéa 1er, au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la déclaration de surenchère, le surenchérisseur la dénonce par acte d’huissier de justice ou par notification entre avocats au créancier poursuivant, à l’adjudicataire et au débiteur saisi, à peine d’irrecevabilité.
L’adjudication ayant eu lieu le 7 juillet 2022, la société Foncière David & Co avait jusqu’au 18 juillet 2022 inclus pour former une surenchère auprès du greffe du juge de l’exécution.
Elle produit un message RPVA daté du 18 juillet 2022 à 16h29 (pièce 2) adressé au greffe des saisies immobilières, rédigé comme suit : « Vous trouverez ci-joint ma déclaration de surenchère’ ». Le message comporte une pièce jointe intitulée « RG 22-00003 ‘ Déclaration de surenchère [M] [C].pdf ». Elle justifie également avoir reçu deux accusés de réception du greffe (pièces 4 et 5), l’un le 18 juillet 2022 à 16h44 et l’autre le 19 juillet 2022 à 10h14. Certes, de telles pièces ne permettent pas de prouver le contenu des éléments joints, mais il appartenait au juge de l’exécution de les vérifier dans le RPVA.
La société Foncière David & Co produit en outre un procès-verbal de constat d’huissier en date du 29 décembre 2022 qui établit de façon certaine, par une recherche de l’huissier sur l’interface e-barreau, que la pièce jointe au message du 18 juillet 2022 à 16h29 est bien sa déclaration de surenchère adressée au greffe, accompagnée d’un pouvoir de son avocat, d’un chèque de banque, d’un extrait kbis, d’une attestation de son gérant, M. [M] [C], ainsi que d’un extrait kbis de la société Sophia-Fernand Léger. L’huissier constate également que le message reçu à 16h44 le même jour est un accusé de réception du greffe du message de 16h29. S’agissant d’un constat d’huissier de justice, la société Sophia-Fernand Léger ne peut sérieusement soutenir qu’il s’agit d’une pièce que la société Foncière David & Co s’est constituée à elle-même.
Enfin, en pièce 16, elle verse aux débats la réponse du greffe de première instance en date du 19 avril 2023 à sa demande de confirmation, rédigée comme suit : « Dans ce dossier, nous avons effectivement reçu votre déclaration de surenchère par RPVA le 18/07/2022 à 16h29 puis une seconde ce même jour à 16h38 ».
La société Foncière David & Co apporte donc largement la preuve qu’elle a effectué sa déclaration de surenchère le 18 juillet 2022.
Le message électronique produit par la société Sophia-Fernand Léger (pièce 6) et daté du 19 juillet 2022 à 15h31 adressé tant au greffe des saisies immobilières qu’à tous les avocats du dossier par le conseil de la société Foncière David & Co correspond en réalité à la dénonciation de la surenchère prévue par l’article R.322-52 alinéa 1er, qui doit intervenir dans les trois jours ouvrables de la déclaration de surenchère. Le message indique d’ailleurs à la fin : « Veuillez considérer la présente comme la notification entre avocats requise par l’article R.322-52 du CPCE faite au créancier poursuivant (Me [R]) et à l’adjudicataire (Me [F]). La dénonciation par acte d’huissier au débiteur saisi (la SCI Malvina) est en cours. »
Dès lors, l’historique du dossier que l’adjudicataire produit, auquel le premier juge s’est manifestement référé, ne peut être pris en considération dès lors qu’il commence nécessairement le 19 juillet 2022 à 15h31, le conseil de la société Sophia-Fernand Léger n’ayant pas été destinataire, le jour même, du message adressé au greffe le 18 juillet 2022 à 16h29.
La surenchère ayant été formée par la société Foncière David & Co le 18 juillet 2022, soit dans le délai légal, elle est parfaitement recevable. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il l’a déclarée irrecevable et dit en conséquence l’adjudication définitive.
Le juge de l’exécution devra dès lors fixer une date d’audience d’adjudication sur surenchère.
Sur les demandes accessoires
Au vu du présent arrêt, il convient d’infirmer la condamnation partielle aux dépens de la société Foncière David & Co et de condamner la société Sophia-Fernand Léger aux entiers dépens de première instance (incident) et d’appel, dont distraction au profit de l’avocat du surenchérisseur, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande en outre de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Foncière David & Co et de condamner la société Sophia-Fernand Léger à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI Malvina sera également condamnée à payer à la SA BNP Paribas Suisse la somme de 1.500 euros supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
REJETTE la demande, formulée par la Sarl Sophia-Fernand Léger, de rejet de la pièce n°16 communiquée par la Sasu Foncière David & Co,
REJETTE la demande de caducité de la déclaration d’appel formulée par la Sarl Sophia-Fernand Léger,
CONFIRME le jugement rendu le 8 décembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI Malvina et l’a condamnée à payer à la SA BNP Paribas Suisse une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
DECLARE recevable la déclaration de surenchère de la société Foncière David & Co comme ayant été formée le 18 juillet 2022,
DIT qu’il appartient au juge de l’exécution de fixer une date d’audience d’adjudication sur surenchère, sur présentation du présent arrêt par la partie la plus diligente,
CONDAMNE la SCI Malvina à payer à la SA BNP Paribas Suisse la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sarl Sophia-Fernand Léger à payer à la Sasu Foncière David & Co la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sarl Sophia-Fernand Léger aux entiers dépens de première instance de l’incident et de la procédure d’appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Bénetreau, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,