Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18564

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18564

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/18564 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUL3

Décision déférée à la cour

Jugement du 03 février 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 21/81168

APPELANT

Monsieur [C] [U]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Pétra LALEVIC de la SELEURL SELARL PETRA LALEVIC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/004160 du 22/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

S.A.S.U. ACTION LOGEMENT SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hubert MOREAU de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 8 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 12 novembre 2020, la société Action logement services a, le 19 avril 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la Banque postale et à l’encontre de M. [U], pour avoir paiement de la somme de 15 829,62 euros ; cette mesure d’exécution lui a été dénoncée le 19 avril 2021.

Déclarant agir en vertu du même arrêt, la société Action logement services a, le 7 mai 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la Banque postale et à l’encontre de M. [U], pour avoir paiement de la somme de 9 092,44 euros ; cette mesure d’exécution lui a été dénoncée le 14 mai 2021.

Saisi par le débiteur suivant assignation datée du 2 juillet 2021, le juge de l’exécution de Paris a, selon jugement, en date du 3 février 2022 :

– constaté que M. [U] s’était désisté de sa contestation formée contre la saisie-attribution du 19 avril 2021 ;

– rejeté les demandes tendant à l’annulation et à la mainlevée de celle du 7 mai 2021 ;

– rejeté les demandes de dommages et intérêts ;

– dit irrecevable la demande d’amende civile ;

– condamné M. [U] à payer à la société Action logement services la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté les demandes formulées par M. [U] en vertu de ce texte et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

– condamné M. [U] aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé :

– que seule l’absence d’un décompte dans un acte de saisie-attribution était de nature à emporter la nullité de l’acte ;

– que la société Action logement services ayant donné spontanément mainlevée de la saisie-attribution du 19 avril 2021, il ne pouvait être soutenu que les deux mesure d’exécution en cause lui avaient permis d’appréhender une somme supérieure à celle due ;

– qu’en revanche, l’action de M. [U] ne pouvait être regardée comme abusive.

Selon déclaration en date du 28 février 2022, M. [U] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 21 février 2023, il expose :

– que sa contestation de la saisie-attribution est recevable en vertu de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, puisqu’il avait déposé une demande d’aide juridictionnelle le 28 mai 2021 et obtenu une décision d’admission le 1er juin 2021 ;

– qu’il a déposé un dossier de surendettement le 5 août 2016, lequel a été déclaré recevable par la Commission de surendettement de Paris le 20 septembre suivant ;

– qu’un moratoire de 24 mois a été envisagé et le dossier transmis au Tribunal d’instance de Paris ;

– que ce dernier, par jugement daté du 22 mars 2019, a rejeté ses contestations et dit qu’il bénéficiera d’une suspension de l’exigibilité des créances durant deux ans, avec gel des intérêts ;

– que le 18 juin 2021, il a déposé un nouveau dossier de surendettement ;

– que par arrêt du 24 juin 2021, la Cour d’appel de Paris l’a déclaré déchu du bénéfice du dispositif de traitement des situations de surendettement ;

– que le 5 août 2021, la Commission de surendettement a déclaré son deuxième dossier recevable, mais l’a clôturé le 2 septembre suivant ;

– que dans l’acte de saisie-attribution figure un décompte de créance invérifiable ; qu’il ne contient pas le calcul des intérêts réclamés ni les éléments nécessaires à celui-ci, et ne permet pas de voir si lesdits intérêts ont été suspendus ou non ; que n’est pas fait le détail entre ceux dus sur le principal et ceux dus sur l’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– que contrairement à ce qui a été jugé dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 12 novembre 2020, la créance ne pouvait porter intérêts au taux légal qu’à compter du 10 mai 2016 ;

– qu’en effet, même s’il a été déchu du bénéfice de la loi sur le surendettement, les intérêts sont restés suspendus pendant la durée du plan dont il bénéficiait ;

– que la saisie-attribution du 19 avril 2021 a permis à la société Action logement services d’appréhender une somme supérieure aux causes de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris fondant les poursuites ; qu’il en résulte qu’au jour de la seconde saisie-attribution, le 7 mai 2021, elle ne justifiait pas d’une créance liquide et exigible.

M. [U] demande en conséquence à la Cour de :

– infirmer le jugement ;

– prononcer la nullité de la saisie-attribution du 7 mai 2021 et ordonner sa mainlevée ;

– ordonner la restitution des sommes attribuées à la société Action logement services par le tiers saisi ;

– condamner la société Action logement services au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie ;

– annuler la saisie-attribution du 19 avril 2021 et en ordonner la mainlevée ;

– condamner la société Action logement services aux dépens ;

– la condamner à payer à son conseil la somme de 2 000 euros en vertu de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Dans ses conclusions notifiées le 20 décembre 2022, la société Action logement services réplique :

– que l’absence de décompte des intérêts dans l’acte de saisie-attribution ne saurait avoir pour effet la nullité de l’acte de saisie-attribution, ainsi que l’a justement estimé le juge de l’exécution ;

– qu’elle produit deux décomptes d’intérêts, portant l’un sur ceux dus sur le principal, l’autre sur ceux dus sur l’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ; que ces intérêts s’élèvent à 302,25 euros ;

– que M. [U] n’est pas fondé à soutenir que lesdits intérêts ont été suspendus durant le plan de surendettement, car la Cour d’appel de Paris, infirmant le jugement du 1er juin 2017, a décidé qu’ils ne l’étaient pas ;

– que M. [U] a usé de toutes les manoeuvres possibles pour gagner du temps en formant opposition à l’ordonnance d’injonction de payer qui avait été rendue à son encontre, puis en relevant appel du jugement susvisé, qui pourtant lui avait accordé des délais de paiement.

La société Action logement services demande en conséquence à la Cour de :

– confirmer le jugement ;

– condamner M. [U] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– le condamner à lui régler la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux dépens.

MOTIFS

Par acte en date du 7 mai 2021, la société Action logement services a donné mainlevée de la saisie-attribution du 19 avril 2021. Les contestations de M. [U] au sujet de cette mesure d’exécution se heurtent à la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir et sont dès lors irrecevables.

S’agissant de la saisie-attribution en date du 7 mai 2021 : selon les dispositions de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de saisie-attribution doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions obligatoires :

1° L’indication des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ;

4° L’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;

5° La reproduction du premier alinéa de l’article L 211-2, de l’article L 211-3, du troisième alinéa de l’article L 211-4 et des articles R 211-5 et R 211-11.

L’acte indique l’heure à laquelle il a été signifié.

Le fait que le décompte de créance y mentionné soit inexact, à le supposer établi, ou contesté, ne constitue pas un motif d’annulation, seule une absence de mention pouvant avoir cette conséquence. Or le procès-verbal de saisie-attribution du 7 mai 2021 comporte la mention du principal (6 796,35 euros), de la somme en application de l’article 700 du code de procédure civile (1 000 euros), des frais, et des intérêts échus (302,25 euros ). Il n’y a donc pas lieu d’annuler cet acte.

S’agissant du plan de surendettement dont M. [U] invoque les dispositions, il a été notifié par la Commission de surendettement de Paris le 20 mars 2018, puis contesté par M. [U] et par l’un de ses créanciers, à la suite de quoi le Tribunal d’instance de Paris a rejeté ces contestations et dit que le débiteur bénéficiera d’une suspension de l’exigibilité de ses dettes durant deux ans, celles-ci ne portant pas intérêt. Or l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 novembre 2020, qui est postérieur à cette procédure de surendettement, a confirmé le jugement du 1er juin 2017 en ce qu’il avait condamné M. [U] à payer à la société Action logement services la somme de 6 796,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2016. Et selon les dispositions de l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. C’est donc en vain que M. [U] objecte que les intérêts au taux légal ne seraient pas dus sur une certaine période. Enfin, dès lors qu’il a été donné mainlevée de la saisie-attribution du 19 avril 2021, l’appelant n’est pas fondé à prétendre que la créancière a été désintéressée par le biais de cette mesure d’exécution.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les contestations au sujet de celle-ci et, par voie de conséquence, en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts.

La demande en restitution des sommes saisies-attribuées ne peut qu’être rejetée, au regard de ce qui précède.

La société Action logement services réclame la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au visa de l’article 1231-1 du code civil. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il résulte des pièces produites que :

– une ordonnance d’injonction de payer a été rendue à l’encontre de M. [U] le 21 avril 2016 ;

– il y a formé opposition le 9 juin 2016 ;

– le 5 août 2016, M. [U] a déposé un dossier de surendettement, qui a été déclaré recevable par la Commission de surendettement de Paris le 20 septembre 2016 ;

– suivant jugement daté du 1er juin 2017, leTribunal d’instance de Paris 18ème, statuant sur l’opposition à injonction de payer, a condamné M. [U] au paiement de la somme de 6 796,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2016, mais a ordonné la suspension de la dette durant un an, avec suspension des intérêts ;

– le 20 mars 2018, la Commission a notifié aux parties un projet de plan instituant un moratoire d’une durée de deux ans ;

– le 30 avril 2018, M. [U] a contesté ce plan, sollicitant que les créances du syndicat de copropriété soient effacées en tout ou partie ;

– selon jugement en date du 22 mars 2019, le Tribunal d’instance de Paris a rejeté ses prétentions ;

– M. [U] ayant relevé appel du jugement précité du 1er juin 2017, la Cour d’appel de Paris l’a confirmé par arrêt en date du 12 novembre 2020 ;

– par arrêt du 24 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a déclaré M. [U] déchu du bénéfice du dispositif de traitement des situations de surendettement pour cause d’aggravation de son endettement en cours de procédure ;

– M. [U] a saisi le juge de l’exécution de Paris le 2 juillet 2021 ;

– le 16 juillet 2021, il a déposé un nouveau dossier de surendettement ;

– le 5 août 2021, la Commission de surendettement de Paris a déclaré ledit dossier recevable ;

– le 2 septembre 2021, elle a clôturé le dossier en conséquence de la décision de la Cour d’appel de Paris précitée.

La chronologie des événements montre que l’appelant a usé de toutes les procédures et de tous les recours pour échapper au paiement de sa dette, recours qui ont été systématiquement rejetés, et que de plus, tout en se prétendant surendetté, il a accru son endettement. Il a en outre déposé un nouveau dossier de surendettement à peine une semaine après que la Cour d’appel de Paris l’a déclaré déchu du bénéfice de la loi relative au traitement du surendettement. Alors même que l’ordonnance d’injonction de payer avait été rendue au mois d’avril 2016, soit plus de sept ans avant ce jour, il n’a réglé au créancier aucun acompte. Sa résistance abusive étant ainsi caractérisée, il convient d’allouer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts à la créancière.

M. [U], qui succombe en son appel, sera condamné au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

– CONFIRME le jugement en date du 3 février 2022 ;

– CONDAMNE M. [C] [U] à payer à la société Action logement services la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– CONDAMNE M. [C] [U] à payer à la société Action logement services la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE M. [C] [U] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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