REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/13688 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGT2
Décision déférée à la cour
Jugement du 07 avril 2022-Juridiction de proximité de Sucy-en-Brie-RG n° 1121001202
APPELANT
Monsieur [V] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Stephan OUALLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0209
INTIMEE
S.A.S. MCS ET ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline NETTHAVONGS de l’AARPI RABIER & NETHAVONGS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1075
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 7 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Par ordonnance n°1112/04 du 2 juin 2004, le tribunal d’instance de Boissy-Saint-Léger a enjoint à M. [V] [Z] de payer à la société Bnp Paribas la somme de 9403,63 euros, au titre de l’ouverture de crédit intitulée « réserve provisio » dont il avait bénéficié sur son compte de dépôt n°01630-406416-50, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2003.
Par ordonnance n°1113/04 du même jour, le même tribunal a enjoint à M. [Z] de payer à la société Bnp Paribas la somme de 3080,07 euros, au titre du solde débiteur de son compte de dépôt n°01630-036661-02, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2003.
Ces deux ordonnances ont été signifiées au débiteur par actes d’huissier délivrés en mairie le 11 juin 2004 et celles revêtues de la formule exécutoire l’ont été par actes d’huissier du 17 février 2014.
Par acte sous seing privé du 30 avril 2014 déposé en l’étude de la Scp Le Gonidec de Kerhalic, Koenig, Gaudry, Cheval et Bonnet, notaires associés, la société Bnp Paribas a cédé un portefeuille de créances à la SAS MCS & Associés, dont les créances qu’elle détenait à l’encontre de M. [Z].
Par acte d’huissier du 11 avril 2018, la cession de créances a été signifiée à M. [Z] à domicile, avec commandement de payer.
En exécution de ce titre, la Mcs & Associés a déposé au greffe du tribunal de proximité de Sucy-en-Brie une requête aux fins de saisie des rémunérations de M. [V] [Z], pour une somme totale de 16.472,95 euros, en principal, intérêts et frais.
Par jugement du 7 avril 2022, le tribunal de proximité de Sucy-en-Brie siégeant en qualité de juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil, a :
déclaré recevable l’action de la société MCS & Associés,
fixé la somme due par M. [Z] à la société MCS & Associés à 14.159,95 euros,
constaté l’absence de conciliation des parties,
ordonné la saisie des rémunérations de M. [Z] au bénéfice de la société MCS & Associés pour la somme de 14.159,95 euros,
dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [Z] aux entiers dépens de l’instance.
Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a vérifié la régularité du commandement du 11 avril 2018 au regard des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, dès lors que, pour contester son caractère interruptif de prescription, M. [Z] prétendait qu’il s’agissait d’un commandement simple, l’acte n’étant pas intitulé commandement « aux fins de saisie-vente ».
Ensuite il a constaté que les ordonnances d’injonction de payer avaient bien été signifiées (le 11 juin 2004) et revêtues de la formule exécutoire (le 28 juillet 2004), enfin que le contrat de cession des créances avait bien été notifié au débiteur (le 11 avril 2018).
Enfin, en application des articles L. 218-2 du code de la consommation et R. 3252-19 du code du travail, il s’est livré à un contrôle de l’exigibilité des intérêts et des frais, déduisant les frais de signification d’ordonnances d’injonction de payer non visés aux articles 1405 et suivants du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 juillet 2022, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 14 septembre 2022, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– juger l’action de la société MCS & Associés prescrite,
– condamner la société MCS & Associés à lui payer la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens de première instance et d’appel ; faire application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il ne conteste pas que l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution tel que résultant de la loi du 17 juin 2008 a réduit à dix ans le délai de prescription, mais rappelle qu’un commandement de payer simple, à l’inverse d’un commandement aux fins de saisie-vente, n’interrompt pas la prescription. Or il prétend que le commandement de payer accompagnant la signification de cession de créances du 11 avril 2018 n’est qu’un commandement simple et non pas un commandement aux fins de saisie-vente.
Par dernières conclusions du 24 octobre 2022, la société MCS & Associés conclut à voir :
juger l’appel recevable mais mal fondé,
en débouter M. [Z],
confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Netthavongs, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réplique, la Mcs & Associés rappelle que la loi du 17 juin 2008 a ramené le délai de prescription de l’exécution des titres exécutoires de 30 à 10 ans, qu’un commandement aux fins de saisie-vente interrompt la prescription de l’action en recouvrement. Elle soutient, à cet effet, que le commandement du 11 avril 2018 s’analyse bien en un commandement aux fins de saisie-vente interruptif de prescription, comme rappelant toutes les mentions prévues à l’article R. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la requête en saisie des rémunérations
En vertu de l’article R 3252-1 du code du travail, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.
Selon l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions qui y sont constatées se prescrivent pendant un délai plus long.
Aux termes de l’article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les dispositions de ladite loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il résulte de la combinaison des textes précités que la prescription décennale de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution de l’action en recouvrement des ordonnances d’injonction de payer du 2 juin 2004 a couru en l’espèce à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur des dispositions de la loi n°2008-561 pour s’achever le 19 juin 2018.
Il est de jurisprudence constante que la délivrance d’un commandement aux fins de saisie-vente, à l’inverse d’un commandement de payer simple, interrompt la prescription comme introduisant une procédure d’exécution forcée. Cependant l’appelant dénie la qualité de commandement aux fins de saisie-vente au commandement de payer accompagnant l’acte de signification de la cession de créances et de titre exécutoire du 11 avril 2018 au motif qu’il ne comporte pas, dans son intitulé, la mention « aux fins de saisie-vente ».
Or les textes relatifs au commandement aux fins de saisie-vente sont les suivants :
L’article L. 221-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution dispose que :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier. »
L’article R. 221-1 du même code prévoit que :
« Le commandement de payer prévu à l’article L. 221-1 contient à peine de nullité :
1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
2° commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. »
Il ressort de ces textes qu’aucun des deux n’emploie l’appellation « commandement aux fins de saisie-vente » mais vise la nécessité pour la saisie-vente d’être précédée d’un commandement de payer comportant les mentions prescrites à l’article R. 221-1, en particulier celles informant le destinataire de l’acte de ce que le commandement est délivré en vue d’une procédure de saisie-vente.
Or l’examen de l’acte de signification de cession de créance et de titre exécutoire avec commandement de payer dressé le 11 avril 2018, fait apparaître que celui-ci mentionne le titre exécutoire en vertu duquel il était délivré, soit l’acte sous seing privé du 30 avril 2014 déposé au rang des minutes de la Scp Le Gonidec de Kerhalic, Koenig, Gaudry, Cheval et Bonnet, notaires associés, comporte un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ; qu’il fait commandement à M. [Z] de payer les sommes visées au décompte, faute de quoi il pourra « y être contraint par la SAISIE ET LA VENTE de [ses] biens meubles à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la date figurant en tête du présent acte ». [caractères gras de la cour]
Par conséquent, le commandement de payer litigieux répond bien aux exigences posées par les articles L. 221-1 et R. 221-1 du code des procédures civiles d’exécution et a bien été délivré aux fins de saisie-vente, de sorte qu’il a valablement interrompu le délai décennal de prescription.
La requête en saisie des rémunérations de M. [Z], déposée le 31 mars 2021, soit avant l’expiration d’un délai de dix ans suivant l’acte du 11 avril 2018, est par conséquent recevable, l’exécution du titre exécutoire n’étant pas prescrite.
La requête n’étant pas autrement critiquée, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
L’issue du litige commande la condamnation de l’appelant aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement à la société MCS & Associés d’une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en compensation de ses frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne M. [V] [Z] à payer à la société MCS & Associés la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] [Z] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit que les parties devront remettre au greffe du juge de l’exécution du tribunal de proximité de Sucy-en-Brie une copie du présent arrêt et de son acte de signification.
Le greffier, Le président,