Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 06 JUILLET 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04889 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OH4H
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 juin 2019
Tribunal de grande instance de Perpignan
N° RG 18/00657
APPELANT :
Monsieur [R] [D]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
Représenté par Me Gilles BOXO, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant
INTIMEE :
Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée
[Adresse 2]
Représentée par Me Alice JACOUTOT substituant Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
INTERVENANTE :
S.A.S. MCS Et Associes
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° B 334 537 206, ayant son siège social à [Adresse 4], agissant par son représentant légal en exercice, dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud-Méditerranée, société à capital et personne variables immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PERPIGNAN sous le n°779 176 335, dont le siège social est à [Adresse 5], en vertu d’un bordereau de créances en date du 2 mars 2023
[Adresse 4]
Représentée par Me Alice JACOUTOT substituant Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
L’affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023.
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCEDURE :
Dans le cadre d’une opération immobilière, par acte authentique en date du 9 octobre 2009, la SARL VM Réalisations (VMR) souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée (la banque) une ouverture de crédit en compte courant d’un montant de 1 200 000 euros pour une durée de 12 mois renouvelable.
M. [D], associé de la SARL, s’est porté caution solidaire avec trois autres associés.
Par jugement en date du 7 décembre 2011, VMR a été placée en redressement judiciaire et un plan de redressement sur dix ans a été adopté par jugement en date du 29 mai 2013.
Par courrier en date du 26 septembre 2013, Me [T], notaire, a demandé à la caution de régulariser un nouvel engagement de caution pour une durée de dix ans compte tenu de la procédure collective.
Par courrier en date du 30 octobre 2013, la banque a réitéré la demande de régulariser son engagement de caution par acte notarié.
Le juge de l’exécution de Perpignan a été saisi d’une contestation par les quatre associés, cautions de VMR, des commandements aux fins de saisie-vente délivrés par la banque en janvier 2015.
Par jugement en date du 15 janvier 2018, le juge de l’exécution a validé les commandements aux fins de saisie-vente.
Par acte d’huissier de justice en date du 13 février 2018, M.[D] a fait assigner la banque pour que soit constatée la novation de la créance à son encontre et qu’il soit déclaré libéré de son engagement de caution.
Par jugement du 06 juin 2019, le tribunal de grande instance de Perpignan a :
– dit que la demande se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du juge de l’exécution de Perpignan en date du 15 janvier 2018 ;
– déclaré irrecevable la présente demande ;
– condamné M.[D] à payer à la banque la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné M. [D] aux dépens.
M. [D] a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 12 juillet 2019.
Par ordonnance en date du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l’instance.
Par un arrêt du 16 novembre 2022, la Cour d’appel de Montpellier a infirmé l’ordonnance ayant constaté la péremption de l’instance.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 26 septembre 2019, aux termes desquelles M. [D] demande, au visa des articles 1271 et 1281 anciens du Code civil, de réformer le jugement et de condamner la banque aux entiers dépens.
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 avril 2023, aux termes desquelles la banque demande, au visa des articles 1355; 1271 et suivants du Code civil, 122 et 480 du Code de procédure civile, à titre principal de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et à titre subsidiaire, de débouter M. [D] de ses demandes. En toutes hypothèses et y ajoutant, condamner M.[D] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l’instance.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 14 février 2023 révoquée et nouvelle clôture le 16 mai 2023.
MOYENS :
Sur la recevabilité de son action, M. [D] rappelle que le juge de l’exécution, par jugement en date du 15 janvier 2018, a déclaré bon et valable le cautionnement, mais n’a pas tranché la question de la novation et que la novation relève de la compétence du tribunal de grande instance et non de la compétence du juge de l’exécution.
En réponse, la banque, selon le principe de concentration des moyens, objecte qu’un plaideur ne peut tenter de remettre en cause une décision définitive en saisissant la même juridiction ou une juridiction différente des moyens de droit omis précédemment. En l’espèce, M. [D] a déjà eu l’occasion de contester la validité de son engagement de caution dans le cadre d’une instance qu’il a engagée devant le juge de l’exécution. Il n’a pas interjeté appel de cette décision, qui désormais a, à son égard, force de chose jugée. Elle soutient que le juge de l’exécution est compétent pour connaître la question de la novation, conformément aux dispositions de l’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire.
Sur le fond, s’agissant de la novation, M. [D] fait valoir que la novation s’opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne, laquelle est éteinte. En l’espèce, l’ouverture de la procédure collective à son encontre a opéré une novation de créance. Un plan de redressement a été mis en place, dans lequel la banque a déclaré sa créance et n’a pas fait d’opposition à la mise en ‘uvre d’un plan de redressement sur dix ans.
La banque rétorque qu’un réaménagement de la dette pour l’exécution d’un plan de règlement de surendettement ne caractérise pas la novation. L’octroi des délais de paiement n’emporte pas novation du contrat par changement de débiteur ou d’objet, dès lors que les parties n’ont pas entendu renégocier le contrat de crédit. La solution doit être la même lorsque la dette concernée se trouve réaménagée dans le cadre d’un plan de redressement judiciaire. La dette aménagée demeure celle déclarée par le créancier au passif de la procédure collective du débiteur, avec ses caractéristiques et accessoires, à laquelle il ne renonce pas. Elle rappelle qu’elle n’a pas consenti à une telle novation, qui ne peut pas lui être imposée.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’action :
L’article 122 du Code de procédure civile édicte qu’ « une fin de recevoirtout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel défaut de qualité, le défaut d’intérêt,la prescription, délai préfix, la chose jugée. »
L’article 480 du même code dispose que :« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incidenta, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4. »
L’article 1355 du même code civil énonce : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
Par application de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. […] »
Le juge de l’exécution est donc compétent pour trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. Il connaît par conséquent des contestations qui se rapportent à la procédure d’exécution proprement dite, des exceptions de nullité relatives aux vices de forme ou irrégularités de fond. Il lui appartient de trancher les contestations liées aux droits du créancier saisissant de se prévaloir du titre exécutoire ou de poursuivre le saisi. Au titre des moyens de défenses à l’exécution peuvent être soulevées des contestations qui procèdent d’événements ou circonstances extérieures ou postérieures au titre exécutoire. Tel est le cas lorsque le débiteur saisi prétend être libéré de sa dette ou conteste l’étendue de celle-ci, ou quand il évoque une compensation, une prescription voire une extinction de l’obligation par suite d’une novation.
Par ailleurs, le principe de la concentration des moyens interdit toute nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que le demandeur s’est abstenu de soulever dés la première instance, et se heurte à l’autorité de la chose jugée précédemment et qui est relative à la même contestation.
En l’espèce, M. [D], pour s’opposer à l’exécution de la saisie vente dont il faisait l’objet, a soumis au juge de l’exécution les questions relatives à la validité de l’acte authentique et à l’extinction du cautionnement en raison de sa durée et de l’indétermination du cautionnement. Il s’est abstenu de soulever devant le juge de l’exécution le moyen tiré de la novation opérée du fait du plan de continuation sur dix ans décidé en faveur de VMR dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. En conséquence de quoi, le juge de l’exécution, par jugement en date du 15 janvier 2018, a statué sur tous les moyens qui étaient soulevés pour les écarter et valider les commandements aux fins de saisie contestés, sans que la question de la novation lui soit posée. Sa décision définitive est assortie de l’autorité de la chose jugée et M. [D] est désormais irrecevable en sa demande.
La décision du premier juge sera ainsi confirmée, sans examen des demandes au fond.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l’action, M. [D] sera condamné aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant, contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu’elles ont été déférées devant la cour d’appel,
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [R] [D] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de deux mille euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE . [R] [D] aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT