République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 06/07/2023
N° de MINUTE : 23/658
N° RG 22/04158 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UO4Q
Jugement (N° 21/03156) rendu le 07 Juillet 2022 par le Juge de l’exécution de Béthune
APPELANTS
Monsieur [T] [M]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002202206923 du 05/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
Madame [Z] [B]
de nationalité Française
[Adresse 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022006922 du 05/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
Représentée par Me Gautier Lacherie, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉE
SA Eurotitrisation, ès qualité de représentant du fonds commun de titrisation Crédinvest, Compartiment Crédinvest 2 (venant aux droits de la société Cofica), société anonyme au capital de 684 000 euros inscrite au RCS de Bobigny sous le n°B 352 458 368, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Cédric Klein, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 08 juin 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 mai 2023
EXPOSE DU LITIGE
Par offre acceptée le 19 septembre 1996, la société Cofica a consenti à M. [T] [M] un crédit d’un montant de 35 936 francs remboursable en 36 mois, au taux de 10,95 %.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 1998, la société Cofica a mis en demeure M. [M] de lui régler la somme de 26 862,68 francs au titre du crédit impayé n°880 682 413 095 11.
Par acte en date du 9 juin 1998, la société Cofica a fait assigner M. [T] [M] en paiement de la somme de 26 862,68 francs avec intérêts au taux contractuel de 10,95 % à compter 22 avril 1998.
Par jugement réputé contradictoire du 21 juillet 1998, le tribunal d’instance de Pont-Audemer a :
– condamné M. [M] à payer à la société Cofica les sommes de :
* 24 765,64 francs pour solde de crédit avec intérêts au taux contractuel de 10,95 % à compter du 23 avril 1998 ;
* 2 097,04 francs au titre de l’indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 1998 ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné M. [M] à payer à la société Cofica la somme de 1 500 francs au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Ce jugement a été signifié à M. [M] par acte du 11 septembre 1998 remis à domicile.
Par acte du 15 juin 2000, la société Cofica a, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, fait signifier à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Le 2 août 2000, l’huissier s’est présenté au domicile de M. [M] et a dressé un procès-verbal de carence de saisie-vente.
Le 13 mars 2001, la société Cetelem est venue aux droits de la société Cofica à la suite d’une opération de fusion-absorption du 4 décembre 2000.
Le 30 juin 2008, l’assemblée générale de la société Cetelem a décidé que cette société aurait désormais pour dénomination sociale BNP Paribas Personal Finance.
Par acte du 27 janvier 2009, la société BNP Paribas Personal finance a cédé un ensemble de créances au fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1.
Par acte du 28 mai 2010, le fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1a cédé un ensemble de créances au fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2 représenté par la société Eurotitrisation, en sa qualité de société de gestion.
Selon procès-verbal du 6 avril 2012, le fonds commun de titrisation Crédinvest a fait, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [M] ouverts dans les livres de la Banque postale. Cette mesure s’est avérée infructueuse, la mainlevée amiable étant intervenue le 17 avril suivant.
Selon procès-verbal du 8 janvier 2018, le fonds commun de titrisation Crédinvest a, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [M] ouverts dans les livres de la Banque postale. Cette mesure s’est avérée infructueuse.
Par acte du 15 février 2018, le fonds commun de titrisation Crédinvest a, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, fait signifier à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Selon procès-verbal du 8 septembre 2020, le fonds commun de titrisation Crédinvest a, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [M] ouverts dans les livres de la Banque postale. Cette mesure s’est avérée infructueuse.
Par acte du 25 mars 2021, le fonds commun de titrisation Crédinvest représenté par la société de gestion Eurotitrisation a, en vertu du jugement du 21 juillet 1998, fait signifier à M. [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur la somme de 9 066,30 euros.
Par acte du 20 mai 2021, le fonds commun de titrisation Crédinvest représenté par la société de gestion Eurotitrisation a, en vertu de la même décision, fait signifier à M. [M] un procès-verbal de saisie-vente portant sur une salle à manger comprenant une table et quatre chaises, un bahut bas avec miroir, deux télévisions de marque Grandin et Samsung et un salon complet.
Par lettre du 17 septembre 2021, l’huissier instrumentaire a notifié à M. [M] la date de la vente.
Par acte du 27 octobre 2021, M. [M] a fait assigner le fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, représenté par la société Eurotitrisation, devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Béthune afin de contester la saisie-vente du 20 mai 2021.
En cours d’instance, Mme [Z] [B] est intervenue volontairement.
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2022, le juge de l’exécution a :
– déclaré recevable en la forme l’intervention volontaire de Mme [B] dans l’instance ;
– l’a rejetée au fond ;
– déclaré irrecevable la contestation effectuée par M. [M] le 27 octobre 2021 de l’acte de saisie-vente dressé le 20 mai 2021 ;
– dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens de forme et de fond soulevés par les parties;
– condamné M. [M] et Mme [B] aux entiers dépens ;
– dit que les parties supporteront leurs frais exposés en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 29 août 2022, M. [M] et Mme [B] ont relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré recevable en la forme l’intervention volontaire de Mme [B].
Aux termes de leurs dernières conclusions du 22 septembre 2022, M. [M] et Mme [B] demandent à la cour, au visa des articles L. 111-4, R. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution, 332 et suivants du code de procédure civile,
de :
– déclarer recevable l’intervention volontaire de Mme [B] ;
– annuler le procès-verbal de saisie-vente en date du 20 mai 2021 ;
– ordonner la mainlevée du procès-verbal de saisie-vente en date du 20 mai
2021 ;
– condamner la société Eurotitrisation à payer à Maître [X] [S] la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Eurotitrisation aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 20 octobre 2022, la société Eurotitrisation, ès qualités de représentante du fonds commun de titrisation Crédinvest compartiment Crédinvest 2, demande à la cour, au visa des articles L. 111-3 et suivants, L. 221-1 et suivants, R. 221-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
en conséquence, et y ajoutant,
– déclarer irrecevable comme tardive la contestation formée par M. [M] portant sur la saisissabilité des biens ;
– valider le procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021 dont les effets se poursuivront ;
– débouter M. [M] et Mme [B] de l’intégralité de leurs demandes ;
– condamner M. [M] à payer à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [M] et Mme [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel étant recouvrés par Maître Ghestem, avocat constitué, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la contestation relative à la saisissabilité des biens :
Selon l’article R. 221-53 du code des procédures civiles d’exécution, les contestations sur la saisissabilité des biens compris dans la saisie sont portées devant le juge de l’exécution par le débiteur ou par le commissaire de justice agissant comme en matière de difficultés d’exécution.
Lorsque l’insaisissabilité est invoquée par le débiteur, la procédure est introduite dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de saisie.
En l’espèce, M. [M] fait valoir qu’il a été saisi une table et quatre chaises alors que l’article R. 112-2, 8° du code des procédures civiles d’exécution rend insaisissables les tables et les chaises permettant de prendre les repas en commun.
Or, le procès-verbal de saisie-vente signifié le 20 mai 2021 à M. [M] le même jour lui rappelait clairement que les contestations devaient être portées devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Béthune et en particulier que la contestation relative à l’insaisissabilité d’un ou plusieurs biens devait être soulevée, à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois suivant la date de l’acte, en mandatant un avocat ou un huissier aux fins d’assignation, de sorte qu’il était avisé des modalités et du délai de recours qui lui était ouvert.
M. [M] ayant assigné le fonds commun de titrisation Crédinvest devant le juge de l’exécution le 27 octobre 2021, plus de cinq mois après l’acte de saisie du 20 mai 2021, c’est donc à juste titre que jugement déféré a déclaré la contestation irrecevable.
En revanche, c’est à tort que le premier juge a, sur le fondement des dispositions susvisées de l’article R. 221-53, qui ne visent que ‘les contestations sur la saisissabilité des biens compris dans la saisie’, déclaré irrecevables l’ensemble des contestations de M. [M]. Il convient donc que la cour statue sur ces contestations, recevables en application de l’article R. 221-54 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose que la nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité des biens compris dans la saisie peut être demandée par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis.
Sur la contestation relative à la propriété des meubles saisis :
Selon l’article R. 221-50 du code des procédures civiles d’exécution, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire.
Selon l’article R. 221-51 du même code, le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut demander au juge de l’exécution d’en ordonner la distraction.
M. [M] et Mme [B] font valoir qu’ils vivent ensemble [Adresse 2], dans le logement où les meubles ont été saisis et que ces meubles sont indivis de sorte que les dispositions de l’article 815-17 du code civil sont applicables.
Or, il n’existe pas de présomption d’indivision entre concubins de sorte que M. [M] et Mme [B] ne peuvent se borner à justifier qu’ils vivent ensemble pour qu’il soit permis de présumer que les biens saisis à leur domicile seraient indivis.
La présomption de l’article 2276 du code civil qui dispose qu’en fait de meubles, la possession vaut titre s’applique. Ainsi, les meubles saisis au domicile de M. [M] doivent être considérés comme lui appartenant et il lui incombe ainsi qu’à Mme [B] de rapporter la preuve de ce qu’ils seraient indivis entre eux, ce qu’ils ne font pas.
Mme [B] ne rapporte pas davantage que les biens saisis seraient sa propriété au vu des trois attestations qu’elle produit et qui émaneraient de Mme [J] [F], de M. [T] [F] et de Mme [Y] [F]. En effet, ces pièces ne présentent pas de garanties suffisantes alors qu’elles ne sont pas accompagnées d’un justificatif d’identité des personnes censées les avoir rédigées et ne comportent pas davantage la mention prévue par l’article 202 du code de procédure civile selon laquelle l’attestation indique qu’elle est établie en vue de production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation l’expose à des sanctions pénales.
Il convient donc de débouter M. [E] de sa demande en nullité fondée sur l’absence de propriété des biens, d’analyser la demande en nullité de Mme [B] comme une demande de distraction des biens et de la rejeter.
Sur la contestation relative à la preuve des cessions de créance et à la qualité de la société Eurotitrisation à agir en recouvrement :
– Sur l’existence d’une cession de la créance à l’égard de M. [M] :
M. [M] fait valoir qu’il n’est pas démontré que la créance de la BNP Paribas à son égard a été cédée au fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1 puis au fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2.
Il incombe à l’organisme qui se prévaut d’une cession de créance à son profit d’en apporter la preuve
* Sur la cession du 27 janvier 2009 :
Il est produit le contrat de cession de créances du 27 janvier 2009 entre la BNP Paribas et le fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1, sur la première page duquel est portée la mention suivante : ‘en accord entre les parties, les présentes ont été reliées par le procédé ASSEMBLACT R.C. empêchant toute substitution ou addition et sont seulement signées à la dernière page’.
A ce contrat, sont jointes une feuille portant en son milieu la ligne suivante : ‘88068241309511 [M] [T] 07/04/1978 ‘ ainsi qu’une seconde feuille portant une mention identique à celle susvisée relative à l’utilisation du procédé ASSEMBLACT, ainsi que les signatures.
Il y a lieu d’en déduire que la feuille portant la ligne insérée entre les première et dernière page de l’acte du 27 janvier 2009 est bien un extrait d’annexe de cet acte.
Par ailleurs, la référence 88068241309511 figurant dans cet extrait d’annexe est la même que celle mentionnée dans le courrier de mise en demeure du 11 mars 1998 portant sur une somme de 28 862,68 francs comprenant 24 765,64 francs en principal et 2 097,04 francs au titre des frais, sommes reprises dans le jugement du tribunal d’instance de Pont-Audemer du 21 juillet 1998 qui rappelle l’offre préalable acceptée le 19 septembre 1996 par M. [M] pour un montant de
35 936 francs, remboursable en 36 échéances, au taux de 10,95 %.
Cette référence, jointe aux nom et prénom [M] [T] et à la date de naissance de ce dernier établit que la créance de la BNP Paribas à l’égard de M. [M], constatée dans le titre exécutoire du 21 juillet 1998 a bien été cédée au fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1.
* sur la cession de créances du 28 mai 2010 :
Il est produit l’acte de cession de créances du 28 mai 2010, portant sur les première et dernière pages de l’acte, la mention suivante ‘en accord entre les parties, les présentes ont été reliées par le procédé ASSEMBLACT R.C. empêchant toute substitution ou addition et sont seulement signées à la dernière page’ ainsi que les signatures. Il est joint à cet acte, avant la dernière page produite, une page portant en son milieu la ligne suivante : ‘88068241309511 [M] [T] 07/04/1978 ‘.
Il y a lieu d’en déduire que la feuille portant la ligne précitée, insérée entre les première et dernière page de l’acte du 28 mai 2010, est bien un extrait d’annexe de cet acte.
Par ailleurs, et pour les raisons ci-dessus exposés, il convient de considérer que les éléments portés sur cet extrait d’annexe prouvent que la créance du fonds commun de titrisation Foncred, compartiment Foncred 1, constatée dans le titre exécutoire du 21 juillet 1998, a bien été cédée au fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2.
– Sur la qualité de la société Eurotitrisation à agir en recouvrement :
M. [M] fait valoir que le procès-verbal de saisie-vente a été signifié à la requête du fonds commun de titrisation Crédinvest représenté par la société de gestion Eurotitrisation sans qu’aucun document ne soit produit pour justifier de la qualité et de l’intérêt à agir de cette société au regard des dispositions de l’article L. 214-172 du code monétaire et financier.
L’article L. 214-172 alinéa 1er du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, entrée en vigueur le 24 mai 2019, dispose que lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme de financement, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.
Il en résulte que la société de gestion a, à tout moment, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d’une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées.
En l’espèce, l’intimée verse aux débats :
– une attestation en date du 10 octobre 2013 aux termes de laquelle l’Autorité des Marchés Financiers atteste que la société Eurotitrisation est une société de gestion de fonds commun de créance agréée par la Commission des Opérations de Bourse (devenue l’Autorité des Marchés Financiers) le 26 juillet 1994 sous le n° SG-FCC-94-01 et qu’elle peut à ce titre gérer des fonds communs de créance et des organismes de titrisation ;
– le règlement général du fonds commun de titrisation Crédinvest en date du 27 avril 2004 modifié en dernier lieu le 9 novembre 2009 par lequel la société Eurotitrisation, désignée dans l’acte comme la ‘société de gestion’, et la Banque Espirito Santo et la Vénétie ont constitué le fonds commun de créances Crédinvest.
Il est donc établi que la société Eurotitrisation est la société de gestion du fonds commun de titrisation Crédinvest de sorte qu’elle avait qualité pour représenter ce fonds lors de la délivrance du procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021.
En définitive, il n’y a pas lieu d’annuler le procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021 au motif que le fonds commun de titrisation Foncred ne serait pas créancier de M. [M] et que la société Eurotitrisation ne représenterait pas valablement le fonds.
Sur l’abus de saisie :
Selon l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts.
Par ailleurs l’article 5 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, repris à l’article L. 121-1 du code de la consommation, interdit les pratiques déloyales si elles sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et si elles altèrent ou sont susceptibles d’altérer le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen et l’article 2 c) définit le produit aux fins de la directive comme tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et obligations.
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (directive sur les pratiques commerciales déloyales), doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d’application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d’un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à cette société (et que) relèvent de la notion de produit, au sens de l’article 2, sous c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. À cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution. (CJUE, 20 juillet 2017, ‘Gelvora’ UAB (aff. C-357/16))
Si cette décision ne remet pas en cause la cession de créance en elle-même, quand bien même aurait-elle un caractère spéculatif, elle oblige à examiner si les pratiques auxquelles se livre la société qui a acquis la créance pour parvenir à son recouvrement sont déloyales.
L’existence de pratiques déloyales prohibées précédant ou accompagnant une mesure d’exécution forcée rendent cette dernière abusive au sens de l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution.
Le fonds commun de titrisation Foncred fait valoir que l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution autorise le juge de l’exécution à ordonner, non pas la nullité de la mesure comme le sollicite M. [M], mais sa mainlevée de sorte que ce dernier doit être débouté de sa demande de nullité fondée sur l’article L. 121-1. Or, si dans les motifs de ses conclusions, M. [M] indique qu’il est fondé à soulever la nullité de la saisie au regard de son caractère abusif sur le fondement de l’article L. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, il forme, dans le dispositif de ces dernières, tant une demande tendant à voir annuler le procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021, qu’une demande tendant à en voir ordonner la mainlevée, de sorte que si la demande de nullité doit être rejetée en tant qu’elle est fondée sur l’article L. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, la demande de mainlevée fondée sur ce texte doit être examinée.
En l’espèce, si la saisie-vente du 20 mai 2021 a été pratiquée près de 23 ans après le jugement du 21 juillet 1998, il convient de relever que :
– un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié à M. [M] le 15 juin 2000 suivi d’un procès-verbal de carence de saisie-vente dressé le 2 août 2000, dans lequel sa mère présente sur les lieux, a déclaré à l’huissier que son fils travaillait actuellement chez un carreleur;
– plusieurs courriers ont été adressés à M. [M] les 9 janvier 2012, 19 janvier 2012, 29 janvier 2012 pour lui rappeler sa dette, étant précisé qu’aux termes du courrier du 19 janvier 2012, l’huissier du fonds commun de titrisation Crédinvest indiquait à M. [M] avoir un éventail de solutions à lui proposer et l’invitait à prendre contact pour un examen personnalisé de sa situation ;
– un procès-verbal de saisie-attribution a été dressé le 6 avril 2012, cette mesure, infructueuse, ayant fait l’objet d’une mainlevée amiable le 17 avril 2012 ;
– un courrier du 18 décembre 2013 a été adressé à M. [M] pour l’inviter à prendre contact pour faire le point sur sa situation et étudier une solution personnalisée pour clôturer le dossier;
– de nouveaux courriers ont été adressés à M. [M] les 2 décembre 2014 et 9 octobre 2017 pour lui rappeler sa dette, le premier lui indiquant que des mesures d’exécution seraient mises en oeuvre et le second que, malgré son ancienneté, la dette restait exigible ;
– le 8 janvier 2018, un procès-verbal de saisie-attribution a été dressé, cette mesure s’étant avérée infructueuse ;
– le 15 février 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été délivré à M. [M] ;
– les 28 juillet 2020, 6 août 2020 et 18 août 2020, des courriers ont été adressés à M. [M] pour le mettre en demeure de régler la somme due ;
– le 8 septembre 2020, un procès-verbal de saisie-attribution a été dressé, cette saisie s’étant avérée infructueuse.
M. [M] n’a jamais donné aucune suite à ces courriers et mesures, n’a jamais réglé le moindre acompte, ni fait la moindre proposition. S’il démontre percevoir désormais le RSA, rien n’établit que sa situation ait été précaire pendant la totalité de la période examinée, et en tout état de cause, il ne justifie pas avoir fait la moindre démarche en vue de voir traiter une éventuelle situation de surendettement. Ainsi, malgré l’ancienneté du titre exécutoire, il ne peut être reproché à la société Eurotitrisation représentant le fonds commun de titrisation Crédinvest d’avoir mis en oeuvre de manière déloyale, la saisie-vente litigieuse le 20 mai 2021, après délivrance d’un commandement préalable le 25 mars 2021, peu important par ailleurs que le créancier soit resté inactif plusieurs années entre le 2 août 2000 et le 6 avril 2012 puisque la prescription n’était pas acquise quand il a repris l’exécution forcée.
Ainsi, le recouvrement de la créance dans les conditions ci-dessus relatées ne s’est accompagnée d’aucune pratique commerciale interdite et la saisie-vente du 20 mai 2021n’est pas abusive.
Il convient donc de débouter M. [M] de sa demande de mainlevée pour saisie abusive.
Sur les intérêts :
M. [M] fait valoir que :
– il est mentionné dans le décompte figurant dans le procès-verbal de saisie-vente des ‘intérêts calculés’ pour 10 394,63 euros et des ‘intérêts prescrits’ déduits pour 6 350,55 euros ;
– aucun décompte des intérêts ne figure dans le procès-verbal de saisie-vente ;
– il entend soulever la prescription quinquennale des intérêts.
Selon l’article R. 221-15 du code des procédures civiles d’exécution, avant toute opération de saisie, si le débiteur est présent, l’huissier de justice réitère verbalement la demande de paiement.
Ces dispositions qui ne prévoient pas d’ailleurs que le défaut d’itératif commandement est sanctionné par la nullité de la saisie, n’imposent qu’un rappel verbal de la demande en paiement et n’obligent pas l’huissier à mentionner dans le procès-verbal de saisie un décompte distinct des sommes réclamées en principal, intérêts échus et frais tel qu’il est exigé, à peine de nullité, par l’article R. 221-1 1° du code des procédures civiles d’exécution relatif au commandement préalable à la saisie-vente.
En l’espèce, il importe donc peu que l’itératif commandement figurant dans le procès-verbal de saisie du 20 mai 2021, qui reprend les sommes dues en principal, intérêts et frais, ne mentionne pas le détail des intérêts, qui figure de manière régulière dans le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 25 mars 2021 et permet à M. [M] de vérifier le montant des intérêts échus pour 10 326,33 euros et le montant des intérêts prescrits déduits pour 6 350,55 euros.
La nullité de la saisie, pas plus que sa mainlevée ne peuvent donc être prononcées pour ce motif.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [M] et Mme [B] aux dépens et débouté les parties de leurs demandes fondées sur les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes en appel, M. [M] et Mme [B] seront condamnés in solidum aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître Ghestem, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Eurotitrisation représentant le fonds commun de titrisation Crédinvest les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable la contestation de M. [M] portant sur le caractère saisissable de la table et des quatre chaises, en ce qu’il a condamné M. [T] [M] et Mme [Z] [B] aux dépens et a débouté les parties de leurs demandes fondées sur les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile ;
L’infirme sur le surplus ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les contestations de M. [T] [M] autres que celle relative à la saisissabilité des biens saisis ;
Déboute M. [T] [M] de sa demande tendant à voir annuler le procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021 ;
Déboute M. [T] [M] de sa demande de mainlevée du procès-verbal de saisie-vente du 20 mai 2021 ;
Déboute Mme [Z] [B] de sa demande en distraction des biens saisis ;
Déboute la société Eurotitrisation représentant le fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne in solidum M. [T] [M] et Mme [Z] [B] aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître Guillaume Ghestem, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE