Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03382

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03382

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03382 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TWLK

Jugement n° 21/69 rendu le 25 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTES

SARL JCN, représentée par son dirigeant légal M. [D] [Y], domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

SELARL [M] & Associés sous l’administration provisoire de la SELAS Perspectives, prise en la personne de Me [X] [M], agissant ès qualités de commissaire à l’exécution du plan, fonctions à laquelle elle a été désignée selon jugement du tribunal de commerce de Dunkerque du 7 avril 2021

ayant son siège social [Adresse 1]

représentées par Me Marc Debeugny, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉES

SARL Flandres Invest prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me François Rosseel, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SCP Thoor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse représentée par son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 06 avril 2023 après rapport oral de l’affaire par Clotilde Vanhove

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 mars 2023

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EXPOSE DU LITIGE

La SARL JCN, ayant pour gérant M. [Y], exploite un fonds de commerce de café brasserie sous l’enseigne « le Milord » [Adresse 3] à [Localité 5] dans un immeuble appartenant à la SARL Flandres Invest.

Un premier bail commercial a été conclu entre les parties le 1er février 1998, renouvelé par acte notarié du 4 mars 2009.

Des procédures judiciaires ont été mises en ‘uvre par les parties relativement à ce bail, donnant lieu à plusieurs décisions de justice :

par ordonnance de référé du 7 mars 2013, la SARL JCN a été condamnée au paiement de loyers et charges, autorisée à s’acquitter de la dette par mensualités de 1 000 euros, faute de quoi le bail serait résilié de plein droit ;

le 25 novembre 2014, le juge de l’exécution a débouté la SARL JCN de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire du bail, cette décision étant confirmée par arrêt de la cour d’appel de Douai du 12 novembre 2015.

La SARL JCN a fait assigner en novembre et décembre 2015 la SARL Flandres Invest devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins, notamment, de suspendre les effets de la clause résolutoire contenue dans le bail du 4 mars 2009.

Le 29 janvier 2016, un nouveau bail commercial a été conclu entre les parties, par acte notarié dressé par Me [O], associé de la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse. Dans cet acte, le loyer a été fixé à un montant mensuel de 3 900 euros TTC et un droit d’entrée de 300 000 euros a été convenu, les modalités de règlement échelonné de cette somme étant précisées. Cet acte prévoyait également que M. [Y], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de gérant de la SARL JCN, se désistait de la procédure que cette société avait engagée devant le tribunal de grande instance de Dunkerque et renonçait à toute action et toute demande ayant pour fondement, cause ou origine le bail du 4 mars 2009 et sa résiliation.

Par ordonnance du 5 juillet 2016, le juge de la mise en état a constaté le désistement d’instance et d’action de la SARL JCN dans la procédure susvisée.

Par ordonnance de référé au 5 juillet 2018, le président du tribunal de grande instance de Dunkerque a condamné à titre provisionnel la SARL JCN à payer la somme de 122 800 euros au titre du pas-de-porte et celle de 1 726,04 euros au titre de loyers impayés, la SARL JCN a été déboutée de sa demande de délais de paiement, il a été constaté que le bail était résilié depuis le 22 décembre 2017 et l’expulsion de la SARL JCN a été ordonnée avec fixation d’une indemnité d’occupation. La SARL JCN avait formé un appel contre cette décision, dont elle s’est désistée.

Par jugement du 5 février 2019, le tribunal judiciaire de Dunkerque a notamment rejeté la demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par la SARL JCN, constaté l’acquisition de cette clause à compter du 22 décembre 2017, autorisé l’expulsion de la SARL JCN. La SARL JCN a formé un appel contre ce jugement, qui est toujours pendant devant la cour.

Par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque du 2 avril 2019, la SARL JCN a été placée en redressement judiciaire et la SELARL [M] & Associés désignée mandataire judiciaire.

Par acte d’huissier de justice du 23 mai 2019, la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés ont fait assigner la SARL Flandres Invest notamment en résolution du bail commercial, remboursement du pas-de-porte déjà versé et annulation du désistement constaté par le juge de la mise en état du 5 juillet 2016.

Par acte d’huissier justice du 23 octobre 2019, la SARL Flandres Invest a fait assigner la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse aux fins de jonction des instances et pour obtenir, à défaut de débouté des demandes de la SARL JCN, la garantie des notaires.

Par ordonnance du 16 décembre 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

Par jugement contradictoire du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

– débouté la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés, prise en la personne de Me [E] [M], en sa qualité de mandataire, de toutes leurs demandes,

– condamné la SARL JCN, représentée par son mandataire, à payer à la SARL Flandres Invest la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité de procédure,

– condamné la SARL Flandres Invest à payer à la SCP Thor Veve Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité de procédure,

– condamné la société JCN, représentée par son mandataire, aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire de ce jugement.

Par déclaration du 23 juin 2021, la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés ont interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juin 2023, la société JCN et la SELARL [M] & Associés demandent à la cour de :

– réformer le jugement,

– constater l’absence de purge par la SARL Flandres Invest, bailleur, du droit de préemption institué par le conseil municipal de la Ville de [Localité 5] le 30 janvier 2012 concernant le bail commercial afférent au bail notarié reçu le 29 janvier 2016,

– constater l’existence de grief de violence ayant abouti au bail notarié du 29 janvier 2016,

en conséquence :

– prononcer la résolution du bail notarié reçu le 29 janvier 2016,

– prononcer la nullité du bail notarié reçu le 29 janvier 2016,

– dire et juger que la SARL Flandres Invest n’est pas créancière à l’encontre de la SARL JCN d’un pas-de-porte d’un montant de 300 000 euros TTC,

en conséquence,

– ordonner le remboursement par la SARL Flandres Invest à la SARL JCN de la somme de 177 200 euros au titre de la fraction de pas-de-porte déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la délivrance de l’assignation,

– fixer la créance de la SARL Flandres Invest au passif de la SARL JCN à la somme de 0 euro,

– condamner la SARL Flandres Invest à payer à la SARL JCN un arriéré de loyers trop perçus arrêté à mars 2019, d’un montant de 2.932,02 euros,

– dire nul et de nul effet le désistement d’instance et d’action au titre de la procédure RG n° 16/00099 constaté par le juge de la mise en état selon ordonnance du 5 juillet 2016,

– inviter la partie la plus diligente à reprendre toute initiative procédurale,

– condamner la SARL Flandres Invest à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL FLANDRES INVEST aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elles font valoir que :

la délibération du conseil municipal de [Localité 5] du 30 janvier 2012 institue un droit de préemption communal sur les fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux sur un périmètre comprenant notamment la [Adresse 3],

le droit de préemption prévu par le code de l’urbanisme a un caractère général et concerne toute aliénation à titre onéreux, notion bien plus large que le simple transfert de propriété,

le nouveau bail du 29 janvier 2016 constitue une aliénation et le droit de préemption n’a pas été purgé,

il s’agit d’une nullité d’ordre public qui appartient à toute partie,

le grief de violence prévu par l’article 1111 ancien du code civil est constitué par la menace de mise en ‘uvre d’une procédure d’expulsion durant la période de Noël 2015 pour obtenir la signature du nouveau bail, qui fait référence à des engagements extorqués au gérant n’ayant rien à voir avec le bail (désistement de procédure, renonciation à toute action en lien avec le bail du 4 mars 2009), et par l’abus de la situation de dépendance économique de la SARL JCN par la SARL Flandres Invest pour en tirer un avantage manifestement excessif,

elle n’a aucunement renoncé à soulever l’exception de nullité et l’article 1182 du code civil est inapplicable,

les conséquences de la nullité sont d’abord indemnitaires en ce que la créance de la SARL Flandres Invest doit être fixée à 0 euros au passif de la procédure et que la part de pas-de-porte versée doit être restituée, de même que les trop perçus de loyers, et ensuite procédurales en ce que le désistement d’instance et d’action intervenu était un engagement en contrepartie du bail, l’annulation du bail doit donc entraîner la nullité du désistement dans le cadre de l’instance 16/00099.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le14 mars 2023, la SARL Flandres Invest demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a condamnée à payer à la SCP Thor Veve Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

le réformant sur ce seul point,

dire n’y avoir lieu à condamnation de la SARL Flandres Invest à verser à la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse quelconque somme au titre des frais irrépétibles et en tout état de cause, condamner la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés à la relever et garantir de toute condamnation à ce titre,

condamner la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles d’appel,

condamner la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Me [C],

à défaut,

condamner la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse à la relever et garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée au bénéfice de la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés tant en terme de restitution du prix du pas-de-porte et de différence de loyers avec le bail de 2009 qu’en termes de frais irrépétibles et des dépens,

condamner la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me [C].

Elle fait valoir que :

s’agissant du droit de préemption, la SARL JCN, professionnelle commerçante, ne pouvait ignorer le prétendu motif de nullité qu’elle allègue aujourd’hui mais n’en a pourtant jamais fait état dans les procédures antérieures concernant le bail, de sorte qu’une nullité éventuelle a été couverte par confirmation par application de l’article 1182 du code civil,

la faculté de solliciter la résolution du bail au visa de l’article L.214-1 du code de l’urbanisme n’appartient qu’à la commune, partie que la loi entend protéger,

l’acte contesté n’était pas au nombre de ceux devant faire l’objet d’une purge de la préemption du code de l’urbanisme, qui suppose une aliénation à titre onéreux d’un bail commercial,

s’agissant du vice de violence, aucune pression n’a été exercée sur le gérant de la SARL JCN, une négociation d’une année à l’initiative de la SARL JCN a précédé la signature du bail, cette société étant conseillée par son notaire et son conseil,

l’ordonnance de désistement est définitive et a mis un terme à l’instance RG 16/00099 et la cour ne peut remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée à cette décision,

si la nullité du bail devait être accueillie, elle est bien fondée à solliciter la garantie du notaire rédacteur qui devait aux parties une obligation de sécurité juridique de l’acte reçu par voie authentique, obligation à laquelle il a manqué en n’adressant pas de DIA à la collectivité.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés de toutes leurs demandes, condamné la SARL Flandres Invest à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la SARL JCN, représentée par son mandataire, aux dépens,

en conséquence,

– rejeter les prétentions, fins et conclusions de la SARL Flandres Invest en tant qu’elles sont dirigées contre elle, l’en débouter,

– la condamner au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

– la condamner au paiement des entiers frais et dépens d’appel.

Elle fait valoir que :

pour que le droit de préemption s’applique, il doit s’agir d’une aliénation à titre onéreux d’un bail commercial, ce qui suppose un transfert de propriété d’un patrimoine à un autre et donc d’un cédant à un cessionnaire et il s’agit d’un droit d’interprétation stricte,

en l’espèce, il s’agit de la régularisation d’un nouveau bail, le précédent ayant été résilié par décision de justice, le droit de préemption ne s’applique donc pas et en tout état de cause, la nullité ne peut être sollicitée que par la commune bénéficiaire du droit de préemption, s’agissant d’une nullité relative,

aucune violence n’a été exercée en l’espèce et l’ancien article 1115 du code civil prévoyait qu’un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence si depuis que celle-ci a cessé, le contrat a été approuvé soit expressément soit tacitement,

s’agissant de sa responsabilité qu’entend subsidiairement invoquer la SARL Flandres Invest, les restitutions réciproques consécutives à l’annulation d’un contrat ne constituent pas en elles-mêmes un préjudice indemnisable que le rédacteur d’acte peut être tenu de réparer.

MOTIVATION

Sur la demande de résolution et nullité du bail sur le fondement de l’article 214-1 alinéa 2 du code de l’urbanisme

Aux termes de l’article L.214-1 du code de l’urbanisme, le conseil municipal peut, par décision motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux.

A l’intérieur de ce périmètre, sont également soumises au droit de préemption visé à l’alinéa précédent les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Chaque aliénation à titre onéreux est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. Cette déclaration précise le prix, l’activité de l’acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d’affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial.

Le droit de préemption est exercé selon les modalités prévues par les articles L.213-4 à L.213-7. Le silence du titulaire du droit de préemption pendant le délai de deux mois à compter de la réception de cette déclaration vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. Le cédant peut alors réaliser la vente aux prix et conditions figurant dans sa déclaration.

En l’espèce, par délibération du 30 janvier 2012, le conseil municipal de la commune de [Localité 5] a délimité un périmètre de sauvegarde dans lequel figure la [Adresse 3].

Le premier juge a retenu par des motifs pertinents, que la cour adopte, que la conclusion d’un nouveau bail commercial entre la SARL JCN et la SARL Flandres Invest, après la fin de validité du précédent bail, ne constitue pas une aliénation de fonds de commerce ou de bail commercial, rappelant, ainsi que le rappelle la SARL JCN elle-même, que l’aliénation désigne le résultat d’une opération juridique qui a pour conséquence de faire sortir un bien ou un droit du patrimoine de celui qui en est l’actuel propriétaire ou l’actuel titulaire.

Contrairement à ce qu’affirment les appelantes, le fait de consentir un bail commercial ne constitue pas un « démembrement d’une partie » de la propriété du bien et aucune aliénation d’un fonds de commerce ou d’un bail commercial n’est intervenue en l’espèce.

Il a été également justement retenu par le premier juge que le fait que le bail ait prévu un droit d’entrée de 250 000 euros HT, restant acquis au bailleur, était sans incidence sur la qualification du contrat.

La conclusion du nouveau bail commercial entre les parties n’était ainsi pas soumise au droit de préemption prévu par le code de l’urbanisme.

En outre, il doit être précisé qu’en cas de non-respect du droit de préemption de la mairie, la sanction prévue est la nullité de l’aliénation intervenue et non la résolution du contrat.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés de cette demande et de celles qui en découlaient.

Sur la demande de nullité du bail commercial pour vice du consentement

Aux termes de l’article 1109 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L’article 1112 du même code ajoute qu’il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.

Enfin, l’article 1115 du même code prévoit qu’un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi.

Le premier juge a parfaitement relevé que la SARL JCN, qui soutient qu’elle était sous la menace d’une expulsion pendant la période de Noël 2015 et que la SARL Flandres Invest avait même « commencé à introduire une procédure en expulsion », n’a produit aucun commandement aux fins de quitter les lieux qui lui aurait été signifié après l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 12 novembre 2015.

En outre, le menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif, ce qui n’est aucunement démontré en l’espèce par les appelantes.

La cour relève également que le premier juge a très exactement constaté que, contrairement à ce qu’affirment les appelantes, la lettre datée du 23 mai 2016, adressée par M. [Y] à M. [H], gérant de la SARL Flandres Invest, ne révèle aucun sentiment de celui-ci d’avoir subi une violence ou pression pour conclure le nouveau bail commercial et qu’en outre la SARL Flandres Invest démontre que les négociations entre les parties avaient débuté dès le début de l’année 2015 et qu’il s’est écoulé un délai de près d’un an avant la conclusion du bail commercial, durée permettant d’exclure toute situation de pression ou de violence.

Si les appelantes soutiennent que le simple fait que le courrier daté du 23 mai 2016 ne mentionne pas l’existence d’une contrainte ne démontre pas qu’elle n’a pas existé, ce qui est exact, il leur appartient néanmoins de rapporter la preuve de la violence, vice du consentement, qu’elles invoquent, preuve qui n’est aucunement rapportée par le contenu du courrier susvisé.

En outre, si les appelantes se prévalent d’un abus de la situation de dépendance économique dans laquelle se serait trouvée la SARL JCN à l’égard de la SARL Flandres Invest pour en tirer un avantage manifestement excessif, la situation de dépendance économique arguée n’est aucunement explicitée ni démontrée par les appelantes, ne pouvant être caractérisée par le simple fait d’être locataire commercial d’un bailleur.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés de cette demande et de celles qui en découlaient.

Sur les prétentions annexes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et condamné la SARL JCN et son mandataire à payer à la SARL Flandres Invest la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu en revanche de condamner la SARL Flandres Invest, qui n’est pas condamnée aux dépens et ne perd pas son procès, au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse, cette dernière, qui ne formule de demande qu’à l’encontre de la SARL Flandres Invest, sera donc déboutée de sa demande, le jugement étant sur ce point réformé.

La SARL JCN et la SELARL [M] & Associés, ès qualités, seront condamnées aux dépens de la procédure d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [C], pour les dépens ayant été avancés sans avoir reçu de provision.

En équité, la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés, ès qualités, seront condamnées à payer à la SARL Flandres Invest la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

La SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse, qui formule sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel à l’encontre de la SARL Flandres Invest, qui n’est pas la partie condamnée aux dépens ni une partie perdant son procès, sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la SARL Flandres Invest à payer à la SCP Thor Veve Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur le chef réformé et y ajoutant,

Déboute la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formée à l’encontre de la SARL Flandres Invest concernant la première instance ;

Condamne la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés, prise en la personne de Me [E] [M], en sa qualité de mandataire, aux dépens de la procédure d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [C], pour les dépens ayant été avancés sans avoir reçu de provision ;

Condamne la SARL JCN et la SELARL [M] & Associés, prise en la personne de Me [E] [M], en sa qualité de mandataire, à payer à la SARL Flandres Invest la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

Déboute la SCP Thor [O] Couteau Nuns-Amoureux Debert-Fossaert Vitse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formée à l’encontre de la SARL Flandres Invest concernant la procédure d’appel.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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