Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/15399

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Saisine du juge de l’exécution : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/15399

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/510

Rôle N° RG 22/15399 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKLFR

S.C.I. DU MAIL

C/

[I] [D]

[W] [P]

[T] [P]

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

TRÉSOR PUBLIC

S.C. PRIMOVIA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joël WOLFS

Me Sophie BAYARD

Me Michèle KOTZARIKIAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de Tarascon en date du 09 Novembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00008.

APPELANTE

S.C.I. DU MAIL,

immatriculée au RCS de PONTOISE sous le n° 440 049 666

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 10]

représentée et assistée par Me Joël WOLFS de la SELARL LRJ AVOCATS, avocat au barreau de TARASCON, substitué par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [I] [D],

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 14],

demeurant [Adresse 3] assigné le 15 décembre 2022 à domicile

défaillant

Madame [W] [P],

née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 7]

assignée le 15/12/ 2022 à étude (et actuellement au [Adresse 4]

défaillante

Monsieur [T] [P],

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 8]

assigné le 14/12/2022 à domicile

défaillant

S.A. CRÉDIT FONCIER DE FRANCE

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 520 029 848

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Sophie BAYARD de la SELARL CARDONNEL-BAYARD, avocat au barreau de TARASCON

TRÉSOR PUBLIC

agissant poursuites et diligences du responsable du service des impôts des particuliers d'[Localité 11],

siège [Adresse 12]

assigné le 15/12/2022 à personne habilitée,

défaillant

S.C. PRIMOVIA

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]

représentée et assistée par Me Michèle KOTZARIKIAN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Sur des poursuites immobilières exercées par le Crédit Foncier de France à l’encontre de Mme [W] [P], de son époux M. [I] [D] et de M. [T] [P], après échec de la vente amiable autorisée du bien leur appartenant situé à [Localité 11] (Bouches du Rhône) [Adresse 9], le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Tarascon par jugement du 10 mars 2021, en a ordonné la vente forcée.

A l’audience du 9 juin 2021 les biens ont été adjugés au profit de la SCI du Mail moyennant le prix de 236 000 euros, hors frais taxés, qui n’a pas été acquitté.

L’immeuble a été remis à la vente et à l’audience de vente sur réitération des enchères du 8 juin 2022 il a été adjugé à la société civile Primovia pour un montant de 223 000 euros.

Le 20 juin 2022 la SCI du Mail a déposé au greffe une déclaration de surenchère du dixième qui a été dénoncée le même jour par le réseau privé virtuel des avocats au créancier poursuivant, aux débiteurs saisis, au créancier inscrit et à l’adjudicataire.

Cette surenchère a été contestée par la société Primovia par conclusions déposées au greffe le 1er juillet 2022 qui a soulevé l’irrecevabilité de la déclaration de surenchère faite par l’adjudicataire défaillant, à sa nullité car faite par personne interposée pour le compte de Mme [W] [P] divorcée [D] et de M. [T] [P], co-indivisaires saisis.

Par jugement du 9 novembre 2022 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Tarascon, retenant que la SCI du Mail agissait comme personne interposée des consorts [P], co-débiteurs saisis a :

‘ fait droit à la contestation de la surenchère présentée par la société Primovia ;

‘ déclaré nulle la surenchère présentée par la SCI du Mail ;

‘ dit que la société Primovia est par conséquent adjudicataire du bien objet de la saisie suivant décision d’adjudication du 9 juin 2022 ;

‘ condamné la SCI du Mail à payer à la société Primovia la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux dépens.

La SCI du Mail a fait appel de la décision dans les quinze jours de son prononcé par deux déclarations du 17 et 21 novembre 2022 qui ont été jointes par ordonnance du 8 décembre 2022.

Aux termes de ses écritures transmises au greffe le 9 décembre 2022 et signifiées aux intimés les 14 et 15 décembre 2022, elle demande à la cour :

– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– de déclarer régulière la surenchère en date du 20 juin 2022,

– de débouter la société Primovia de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– de la condamner au paiement de la somme de 1200 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens.

A l’appui de ses demandes l’appelante conteste avoir formé surenchère dans les intérêts des débiteurs et précise disposer d’un intérêt propre à agir dès lors que ses associés se sont vus consentir un bail le 10 novembre 2017 mentionné au cahier des conditions de vente qui n’a pas fait l’objet de contestation.

Elle ajoute que la surenchère s’inscrit dans le cadre de son objet social qui comprend l’acquisition, la construction, l’administration et l’exploitation par bail ou autrement, de tous immeubles ou droits immobiliers situés en France.

Elle indique que l’acte de cession des parts sociales détenues par Mme [W] [P] au profit de Mme [J] [Z] [P], en date du 1er juin 2013 a été enregistré auprès du service des impôts de Pontoise le 26 juin 2013 et que la mention du changement de gérant a été publiée dans un journal d’annonces légales le 19 juin 2013, qu’ainsi Mme [W] [P] n’est plus titulaire de parts dans la SCI du Mail et n’y occupe plus de fonctions depuis près de 10 ans.

Elle précise que si « pour des raisons obscures » la cession de parts et le changement de gérant n’avaient pas été mentionnés au RCS , la situation a été régularisée le 29 mars 2021, soit plus d’un an avant la surenchère contestée.

Enfin, elle affirme justifier d’un financement propre en indiquant que son relevé de compte au 18 juin 2022 mentionne un solde de 104 463,69 euros, qu’elle est propriétaire d’un bien situé à [Localité 15] estimé au mois de juillet 2022 à plus de 185 000 euros et perçoit un loyer de 900 euros mensuels au titre de la location de cet immeuble.

Par écritures en réplique notifiées le 13 janvier 2023,signifiées aux consorts [P] le 19 et 23 janvier suivant, la société Primovia conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de l’appelante dont elle sollicite la condamnation au paiement de la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A cet effet elle soutient l’interposition de personne en relevant la vileté du prix des cessions de parts sociales opérées en 2010 et 2013 pour 240 euros, le changement de propriété et de gérance entre enfants [P] et leurs parents et alors que la publication est intervenue fin mars 2021 en vue de participer à l’enchère du 9 juin 2021.

Elle indique que la SCI du Mail avait consigné avant l’audience de vente la somme de 14  800 euros qui provenaient de la SCI propriété des enfants saisis.

Elle estime que les époux [P], associés de la SCI du Mail, ne rapportent pas la preuve d’avoir acquis ou apportés des moyens suffisants à compter du 29 mars 2021 pour acquérir à la barre dans le cadre de la surenchère ou de disposer de manière propre de moyens suffisants ou de financement pour l’acquisition d’un bien immobilier avoisinant les 300 000 euros.

Elle ajoute que la SCI du Mail, adjudicataire défaillant dont l’acquisition a été résolue, est tenue du paiement de la différence de prix sur le fondement de l’article L.322-12 du code des procédures civiles d’exécution , ce qu’elle n’a pas fait mais elle a consigné la somme de 25 400 euros démontrant sa volonté de faire obstruction à la réalisation de la vente par tout moyen.

Elle invoque l’abus de droit pour soutenir que celui qui n’a pas payé le prix dans l’année et qui se porte surenchérisseur par une société qui provient du patrimoine des parties saisies ne peut être autorisé à faire surenchère.

Enfin elle estime que les facultés de financement qui par ailleurs ne couvrent que partiellement le prix sont indifférentes à la procédure de surenchère et insiste sur la confusion volontaire créée sur la détention de la propriété de la SCI du Mail pour une cession de 2013 portée au RCS uniquement en 2021 en faisant disparaître la partie saisie, Mme [W] [P] du K-bis de la SCI du Mail pour participer à l’adjudication du bien saisi des deux enfants [P] au profit de leur père.

Par écritures notifiées le 18 janvier 2023, signifiées aux intimés défaillantes les 18 et 19 janvier 2023 et le 2 fevrier 2023, la SA Crédit Foncier de France, créancier poursuivant, fait connaître qu’elle s’en rapporte à justice.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des moyens des parties.

Mme [W] [P] citée à étude par acte du 15 décembre 2022, M. [T] [P] cité à domicile par acte du 14 décembre 2022, M. [I] [D] cité à domicile par acte du 14 décembre 2022 et le Trésor public (SIP d'[Localité 11]) cité à personne se déclarant habilitée par acte du 15 décembre 2022, n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l’alinéa 2 de l’article 474 du code de procédure civile, dès lors que tous les intimés n’ont pas été cités à personne, le présent arrêt sera rendu par défaut.

Selon l’article R. 322-39 du code des procédures civiles d’exécution « ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : 1° Le débiteur saisi ; […]’;

Cette interdiction s’applique également à la surenchère en vertu de l’article R. 322-55 alinéa 1er du même code qui dispose que « le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les conditions prévues par les articles R. 322-39 à R. 322-49, sur la mise à prix modifiée par la surenchère » ;

Et en application de l’article R.322-48 alinéa 1 dudit code et de l’article R.322- 55 précité, l’interdiction est prescrite à peine de nullité de l’enchère ou de la surenchère ;

Les liens étroits entre les débiteurs saisis et la société surenchérisseuse sont incontestables puisque Mme [W] [P] et son frère [T] [P] sont les enfants des associés actuels et de la gérante de la SCI du Mail ;

Par ailleurs ces derniers occupent le bien saisi avec leur fils, [T] [P] , en vertu d’un bail écrit du 10 novembre 2017.

A ces éléments s’ajoute la coïncidence de date entre la publication de la cession des 200 parts détenues par Mme [W] [P] et son frère [T] [P], anciens associés de cette SCI, à leurs parents pour un prix modique, et le changement de gérance qui était exercée par Mme [W] [P], au profit de sa mère, [J] [Z] [P], événements qui s’ils sont effectivement intervenus il y a une dizaine d’années, n’ont été portés au registre du commerce et des sociétés, que le 29 mars 2021, soit comme le relève exactement le premier juge, quelques jours après le jugement de renvoi en vente forcée et sans qu’aucune explication ne soit fournie sur ce retard ;

En outre il est manifeste que la SCI du Mail, contrairement à ce qu’elle prétend, n’entend pas faire acquisition de l’immeuble saisi pour son compte personnel ou avec ses propres fonds puisqu’elle a mis en échec toutes les occasions de le faire ;

En effet, ainsi que le rappelle le premier juge, la vente amiable autorisée par jugement d’orientation du 8 avril 2019, qui devait être réalisée à son profit n’est pas intervenue dans le délai réglementaire de quatre mois qui, de fait, avait été prolongé puisqu’en raison de l’appel par les débiteurs saisis du jugement d’orientation, le juge de l’exécution par décision du 23 septembre a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de cette cour qui a été rendu le 12 novembre 2020 et a confirmé ledit jugement excepté sur le montant de la créance du poursuivant;

Après reprise de la procédure en vente forcée, la SCI du Mail s’est portée adjudicataire de l’immeuble à l’audience du 9 juin 2021 mais n’a pas consigné le prix, différant ainsi une nouvelle fois le désintéressement des créanciers.

Dans ce contexte, sa dernière action consistant à porter surenchère suite à l’adjudication du bien le 8 juin 2022 au profit de la SCI Primovia démontre qu’elle agit comme personne interposée des débiteurs saisis et par manoeuvre, dans l’intention de faire une nouvelle fois échec à la vente judiciaire et au transfert de propriété qui en est la conséquence au profit de cette SCI ;

C’est en conséquence à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité de la déclaration de surenchère de la SCI du Mail ;

Son jugement sera confirmé sur ce point et en ses autres dispositions.

Succombant dans son recours l’appelante supportera les dépens d’appel et sera tenue de verser à la SCI Primovia une indemnité complémentaire de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, elle même ne pouvant bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par défaut et arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande présentée par la SCI du Mail au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI du Mail à payer à la SCI Primovia la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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