COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUILLET 2023
N° 2023/524
Rôle N° RG 22/11318 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ34B
S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC- ROUSSILLON
C/
[V] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maxime ROUILLOT
Me Olivier SIBEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 11 Juillet 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00689.
APPELANTE
S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DU LANGUEDOC- ROUSSILLON
société anonyme coopérative à directoire et conseil d’orientation et de surveillance, inscrite au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 383 451 267, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D’AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
Madame [V] [G]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Olivier SIBEN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 10 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023, puis prorogé au 06 Juillet 2023
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En vertu de la copie exécutoire d’un acte authentique de prêt du 23 avril 2008 et par requête déposée au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice le 21 septembre 2021, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Rousillon (ci après la banque) a poursuivi le recouvrement du solde de sa créance d’un montant de 248 670,79 euros par voie de saisie des rémunérations de Mme [V] [G] laquelle a opposé une fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la banque et subsidiairement sollicité des délais de paiement.
Par jugement du 11 juillet 2022 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice, considérant qu’aucun acte interruptif de la prescription biennale applicable n’était intervenu entre le 24 septembre 2016, date du jugement d’adjudication de l’immeuble saisi par la banque, appartenant à la débitrice, et le 24 septembre 2018, a :
‘ déclaré irrecevable la demande de saisie des rémunérations ;
‘ dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
‘ condamné la banque aux dépens.
Il n’est pas justifié de la date de la notification par le greffe de cette décision, ni de sa signification à la banque qui en a interjeté appel par déclaration du 4 août 2022.
Aux termes de ses écritures notifiées le 10 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :
– juger que la procédure de saisie immobilière a interrompu la prescription jusqu’à la distribution du prix intervenue le 19 septembre 2018,
– juger que la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2020 et dénoncée le 10 août 2020 est bien intervenue dans les 2 ans de la distribution du prix,
– juger que l’absence de contestation par Mme [G] de la saisie-attribution pratiquée le 4 août 2020 qui lui a été dénoncée le 10 août 2020 vaut reconnaissance du droit à agir de la banque à son encontre, et reconnaissance de dette,
– juger que le paiement reçu par la banque à hauteur de 29 970 euros a fait courir un nouveau délai de prescription de 2 ans pour agir en recouvrement de la créance,
En conséquence,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé irrecevable la procédure de saisie des rémunérations initiée par la banque à l’encontre de Mme [G] au motif de la prescription de la créance,
Vu le décompte de la créance à hauteur de 249 755,35 euros outre les intérêts au taux contractuel tels qu’arrêtés au 6 janvier 2022,
– juger bien fondée la requête en saisie des rémunérations présentée par la banque,
– ordonner la saisie des rémunérations de la banque,
– faire application de la loi s’agissant de la détermination des sommes saisissables au regard de la situation de Mme [G],
– la condamner aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes la banque soutient pour l’essentiel, que la mise en oeuvre de la procédure de saisie immobilière poursuivie par elle selon commandement qu’elle a fait délivrer à Mme [G] le 24 juillet 2014 en vertu de l’acte notarié de prêt du 23 avril 2008, a interrompu la prescription jusqu’à la distribution du prix d’adjudication qui est intervenue le 12 septembre 2018 (date du chèque représentant le montant de l’adjudication distribué), et ce conformément aux dispositions de l’article L.311-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Elle ajoute que le délai de la prescription biennale a par la suite été interrompu par un procès-verbal de saisie-attribution du 4 août 2020 dénoncé à Mme [G] le 10 août 2020, qui n’a pas fait l’objet de contestation et vaut reconnaissance de dette et qui lui a permis de recouvrer la somme de 29 970 euros.
Par écritures en réponse notifiées le 26 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, Mme [G] conclut au rejet des demandes de la banque, à la confirmation du jugement entrepris et sollicite une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
A cet effet elle soutient en substance que la banque ne produit aucun acte d’exécution postérieur au jugement d’orientation du 2 mars 2015 et antérieur au 4 août 2020 et précise que contrairement à ce que soutient l’appelante, l’absence de contestation de la saisie-attribution pratiquée à cette date ne vaut pas reconnaissance de dette. Elle estime que tous les actes d’exécution forcée postérieurs au jugement d’orientation du 2 mars 2015 sont donc nuls et qu’en conséquence la banque doit être condamnée à lui rembourser le montant indûment saisi sur son compte courant en août 2020, soit la somme de 31 526,62 euros assortie de l’intérêt légal de retard à compter du 10 août 2020, date de la dénonce.
Elle fait par ailleurs état de sa bonne foi, de la précarité de sa situation financière et de ses charges de famille.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 10 mai 2023.
La cour a invité les parties à lui communiquer le jugement d’adjudication intervenu dans le cadre de l’instance de saisie immobilière poursuivie par la banque à l’encontre de Mme [G] ainsi que l’acte de notification de paiement du prix d’adjudication, ou dans l’hypothèse d’une contestation, la décision statuant sur ladite contestation.
La communication de ces pièces étant sollicitée par la cour, leur irrecevabilité soulevée par note de l’intimée datée du 1er juin 2013 n’est donc pas encourue ;
L’appelante a adressé le jugement d’adjudication rendu le 29 juin 2015 et non le 24 septembre 2016 comme mentionné à ses écritures et au jugement dont appel , puis par dernière note du 27 juin 2023 elle a transmis la lettre reçue de l’ordre des avocats de Montpellier l’avisant de l’impossibilité de transmettre le courrier informatif adressé à la débitrice en suite de la distribution du prix, en raison de l’ancienneté du dossier classé en 2018.
Dans l’attente de ces communications, le délibéré a été prorogé à ce jour.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Selon l’article R.3252-1 du code du travail le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.
Sur la prescription de la créance :
L’application de la prescription biennale de l’article L.137-2, devenu L.218-2 du code de la consommation, à l’action en recouvrement forcé du solde du prêt litigieux, n’est pas discutée;
Il n’est pas non plus contesté que la prescription de l’acte authentique de prêt fondant les poursuites a été interrompue par le jugement d’orientation rendu le 2 mars 2015 ;
Selon l’article 2231 du code civil l’interruption de la prescription efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien ;
Par ailleurs en vertu des articles 2241 et 2242 du même code la demande en justice interrompt le délai de prescription et cet effet interruptif se prolonge jusqu’à l’extinction de l’instance ;
Or l’instance engagée devant le juge de l’orientation ne s’éteint que par la distribution du prix, qui constitue la deuxième phase de cette même procédure de saisie immobilière ( avis de la Cour de cassation du 16 mai 2008 n° 08-00.002). En effet elle prend fin lorsque le juge de l’exécution ne peut plus être saisi d’une contestation à l’occasion de la saisie immobilière ;
C’est donc à juste titre que la banque fait grief au premier juge d’avoir considéré que l’instance de saisie immobilière s’était éteinte par le jugement d’adjudication du 24 septembre 2016, en réalité du 29 juin 2015 ;
Et lorsque comme en l’espèce, il n’y a qu’un seul créancier l’effet interruptif de prescription de l’instance de saisie immobilière se poursuit jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu’à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai ( Civ. 2e, 2 mars 2023,n° 20-20.776) ;
Cet acte de notification n’a pu être produit par la banque en raison de l’ancienneté du dossier, classé en 2018 et Mme [G] affirme n’être pas en possession de cette pièce ;
Il résulte des productions qu’à l’issue de la publication du jugement d’adjudication déposé le 31 mars 2016 au Service de la publicité foncière, la banque a reçu paiement du prix de vente par chèque Carpa daté du 12 septembre 2018, en sorte que l’effet interruptif de prescription s’est à tout le moins poursuivi jusqu’à cette date, en l’absence de justification de la notification du paiement à la débitrice ;
La prescription qui a ainsi recommencé à courir à compter du 12 septembre 2018 a été à nouveau interrompue en application de l’article 2244 du code civil, selon lequel le délai de prescription est interrompu par un acte d’exécution forcé, par la saisie-attribution mise en oeuvre le 4 août 2020 par la banque en vertu du même acte authentique de prêt et qui a été dénoncé à Mme [G] le 10 août 2020 en sorte qu’au jour du dépôt de la requête en saisie des rémunérations , le 21 septembre 2021, la créance de la banque n’était pas acquise ;
Il s’ensuit la réformation du jugement entrepris ;
Sur les autres demandes :
La demande de remboursement des sommes saisies attribuées au mois d’août 2020 et la demande de délai de paiement figurant en pages 2 et 10 des écritures de l’intimée ne sont pas reprises dans le dispositif de celles-ci qui seul saisit la cour en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, étant par ailleurs observé que la saisie-attribution du 4 aout 2020 régulièrement dénoncée n’avait pas l’objet de contestation ;
Le dernier décompte produit par l’appelante, arrêté au 6 janvier 2022, qui tient compte des paiements obtenus dans le cadre de la saisie immobilière et la saisie-attribution du 4 août 2020, ne fait pas l’objet de critique ;
Il y a donc lieu d’autoriser la saisie des rémunérations de Mme [G] au profit de la banque pour un montant de 249 755,35 euros en principal et intérêts, comptes arrêtés au 6 janvier 2022;
Mme [G] partie perdante supportera les dépens de première instance et d’appel ;
Aucune considération d’équité ne commande de faire droit à la demande de frais irrépétibles présentée par l’appelante ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris excepté en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la créance soulevée par Mme [V] [G] ;
AUTORISE la saisie des rémunérations de Mme [V] [G] au profit de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon pour un montant de 249 755,35 euros en principal et intérêts ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [V] [G] aux depens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE