Saisine du juge de l’exécution : 5 mai 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00841

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 5 mai 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00841

SD/CV

N° RG 22/00841

N° Portalis DBVD-V-B7G-DPI3

Décision attaquée :

du 28 juin 2022

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de CHÂTEAUROUX

——————–

M. [U] [Y]

C/

S.C.E.A. [Adresse 2]

——————–

Expéd. – Grosse

Me CABAT 5.5.23

Me CHAUMETTE 5.5.23

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2023

N° 61 – 10 Pages

APPELANT :

Monsieur [U] [Y]

[Adresse 1]

Représenté par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, avocate au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.C.E.A. [Adresse 2]

[Adresse 4]

Ayant pour avocate Me Florence CHAUMETTE de la SELARL CABINET D’AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON, du barreau de CHÂTEAUROUX

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

Arrêt n° 61 – page 2

05 mai 2023

DÉBATS : A l’audience publique du 17 mars 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SCEA [Adresse 2] a pour activité l’élevage des porcins et employait moins de 11 salariés au moment de la rupture, en l’occurrence 7.

Suivant contrat à durée indéterminée non produit, M. [U] [Y] a été engagé par cette société à compter du 21 octobre 2013 en qualité d’ouvrier agricole, niveau 3 échelon 2.

Selon ce qui résulte de l’attestation Pôle Emploi remplie par l’employeur, M. [Y] percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel de 1 758,76€ contre 151,67 heures de travail effectif par mois.

La convention collective des Exploitations de polyculture, élevage et CUMA de l’Indre s’est appliquée à la relation de travail.

M. [Y] a été placé en arrêt de travail du 1er novembre 2018 au 22 octobre 2019. A cette date, à l’issue de l’examen médical de reprise, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste, en concluant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement.

Le 23 novembre 2019, faute d’avoir reclassé ou licencié M. [Y], la SCEA [Adresse 2] a repris le versement du salaire de M. [Y].

Le 21 juin 2021, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Châteauroux, section agriculture, d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

Le lendemain, M. [Y] n’ayant pas perçu l’intégralité de ses salaires de février et mars 2021 a saisi cette juridiction en référé d’une action en paiement de rappels de salaires.

Par ordonnance du 23 septembre 2021, le conseil de prud’hommes, statuant en sa formation de référé, a :

– pris acte de la régularisation de l’employeur compte tenu du versement de la somme de 7 436,23 € nets le 3 août 2021, correspondant aux salaires de mars à juin 2021, et de 2 702,94€ nets le 7 septembre 2021, correspondant aux salaires de juillet et août 2021,

– ordonné à l’employeur, sous une astreinte dont il s’est réservé la liquidation, de remettre au salarié des bulletins de salaire pour les mois de juillet et d’août 2021,

– renvoyé le salarié à se pourvoir au fond s’agissant de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires et remise tardive des bulletins de salaire,

– condamné la SCEA [Adresse 2] à payer à M. [Y] une indemnité de procédure de 500€ ainsi qu’aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 novembre 2021, M. [Y] a été

Arrêt n° 61 – page 3

05 mai 2023

licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 28 juin 2022, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud’hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] aux torts exclusifs de la SCEA [Adresse 2] à la date du 26 novembre 2021, dit qu’elle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

– 435,62€ au titre du solde de l’indemnité de licenciement,

– 4 000,68€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 400,68€ de congés payés afférents,

– 3 520 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 84,14€ à titre de rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 28 février 2021, outre 8,41 euros au titre des congés payés afférents,

– 500€ à titre de dommages et intérêts pour retard dans le règlement de son solde de tout compte, dans la transmission de ses documents de fin de contrat et absence de remise de l’attestation Pôle Emploi,

– 500€ à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail,

– 1 000€ à titre d’indemnité de procédure.

Il a en outre :

– débouté M. [Y] de ses demandes en paiement des sommes de 5 797,92€ à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires de décembre 2019 à novembre 2021, outre les congés payés afférents, de 2 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour absence de transmission des bulletins de salaire et de 12 002,04€ nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– ordonné à la SCEA [Adresse 2] de délivrer au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte conformes dès la notification de la décision,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 9 août 2022, par voie électronique, M. [Y] a régulièrement relevé appel de cette décision, laquelle lui avait été notifiée le 15 juillet précédent.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expres-sément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de M. [Y] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er février 2023, il poursuit :

– la confirmation du jugement critiqué en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SCEA [Adresse 2] à la date du 26 novembre 2021, dit qu’elle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

– 435,62€ au titre du solde de l’indemnité de licenciement,

– 4 000,68€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 400,68€ de congés payés afférents,

– 84,14€ à titre de rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 28 février 2021, outre 8,41 euros au titre des congés payés afférents,

Arrêt n° 61 – page 4

05 mai 2023

– 663,15€ à titre de rappel de salaire d’octobre 2021, outre 66,31 € au titre des congés payés afférents,

-1 000€ à titre d’indemnité de procédure

et son infirmation en ce qu’il a limité les sommes allouées à titre de dommages et intérêts à 3 520 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 500 euros pour retard dans le règlement de son solde de tout compte, dans la transmission de ses documents de fin de contrat et absence de remise de l’attestation Pôle Emploi et à 500 euros pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail, ordonné à l’employeur, sans astreinte, de lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes en paiement de la somme de 5 797,92 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période de décembre 2019 à novembre 2021, outre les congés payés afférents, de celle de 2 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour absence de transmission des bulletins de salaire et de celle de 12 002, 04 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé

Il demande ainsi à la cour de :

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, avec effet au 26 novembre 2021, et dire qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SCEA [Adresse 2] au paiement des sommes suivantes :

– 435,62€ au titre du solde de l’indemnité de licenciement,

– 4 008,68€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 400,68€ de congés payés afférents,

– 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 84,14€ à titre de rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 28 février 2021, outre 8,41 € de congés payés afférents,

– 5 797,92€ à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période de décembre 2019 à novembre 2021, outre 579,79 € de congés payés afférents, sauf à parfaire,

– 2 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour absence de transmission de ses bulletins de salaire,

– 2 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour retard dans le règlement du solde de tout compte, retard dans la transmission de ses documents de fin de contrat et absence de remise de l’attestation Pôle Emploi,

– 663,15€ au titre du solde du salaire du mois d’octobre 2021, outre 66,31€ de congés payés afférents,

– 12 002,04€ nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 10 000€ nets à titre de dommages et intérêts pou mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail,

– 2 000 € à titre d’indemnité de procédure,

– ordonner à la SCEA [Adresse 2] de lui délivrer un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard dès la notification de la décision, le conseil de prud’hommes se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,

– débouter l’employeur de l’ensemble de ses prétentions et le condamner aux entiers dépens.

2 ) Ceux de la SCEA [Adresse 2] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 17 janvier 2023, elle demande à

Arrêt n° 61 – page 5

05 mai 2023

la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [Y] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail, et statuant à nouveau, de :

– débouter le salarié de sa demandant en paiement de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

– pour le surplus, confirmer le jugement en l’ensemble des autres dispositions,

– condamner le salarié à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 1er mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour constate que le jugement déféré, dans son dispositif, n’a pas condamné l’employeur au paiement de la somme de 663,15 euros à titre de rappel de salaire pour octobre 2021, outre 66,31 euros de congés payés afférents, et que dès lors, la demande de confirmation, formée par les parties, de ce chef de jugement est sans objet.

Par ailleurs, la décision du conseil de prud’hommes n’est pas critiquée en ce qu’elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, fixé la date de la rupture au 26 novembre 2021 et dit qu’elle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné l’employeur à payer au salarié un solde d’indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi qu’un rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 28 février 2021, outre les congés payés afférents, ainsi qu’une indemnité de procédure. La cour statuant dans la limite de l’appel, il n’y a pas lieu de confirmer ces dispositions contrairement à ce que demandent les parties.

1) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, le juge octroie au salarié, à défaut de réintégration, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 2 et 8 mois de salaire pour un salarié ayant 8 ans d’ancienneté, comme en l’espèce.

M. [Y] reproche aux premiers juges d’avoir limité à la somme de 3 520 euros, soit l’équivalent de 2 mois de salaire, les dommages et intérêts qu’ils lui ont alloués pour rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu’il a subi un préjudice financier très important. Il argue ainsi que c’est grâce à la perception d’un héritage qu’il a pu vivre en dépit de l’inertie de son employeur qui ne lui payait plus ses salaires.

L’employeur s’oppose à cette demande, en mettant en avant que la preuve d’un préjudice n’est pas rapportée par le salarié et ce d’autant que celui-ci a attendu un an et demi après l’avis d’inaptitude pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Si M. [Y] met en avant le préjudice qu’il a subi en raison des manquements de l’employeur,

Arrêt n° 61 – page 6

05 mai 2023

notamment l’absence de paiement de ses salaires, fondant sa demande en résiliation judiciaire,

il ne caractérise pas celui qui résulterait de la rupture de son contrat de travail ni ce qui justifierait l’allocation de la somme de 15 000 euros, et ne produit non plus aucun document pourjustifier de sa situation personnelle et professionnelle actuelle.

Dès lors, au regard des seuls éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment de l’âge du salarié au moment de la rupture (54 ans), des conditions dans lesquelles elle est intervenue et du niveau de sa rémunération, l’allocation de la somme de 3 520 euros apparaît suffisante pour réparer le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

2) Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires non réglées et congés payés afférents pour la période de décembre 2019 à novembre 2021 :

Aux termes de l’article L. 1226-11 du code du travail, lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

En l’espèce, M. [Y] expose qu’il réalisait chaque mois 17,33 heures supplémentaires ce qui portait la durée du travail à 39 heures par semaine, même si son contrat de travail mentionnait 35 heures hebdomadaires. Il soutient qu’alors que ces heures lui étaient systématiquement réglées avant son arrêt de travail, l’employeur ne les lui a plus payées à compter du mois de novembre 2019, mois de reprise du paiement de son salaire. Il argue de ce que la SCEA [Adresse 2] aurait pourtant dû les lui payer dès lors qu’il les accomplissait régulièrement.

L’intimée s’oppose à cette prétention en faisant valoir qu’elle n’avait pas à régler d’heures supplémentaires à M. [Y] en l’absence de travail effectif compte tenu de son arrêt de travail.

L’appelant produit ses bulletins de salaire de janvier à août 2019 puis d’avril à août 2020, en soutenant que l’employeur, qui était selon lui défaillant dans la délivrance des bulletins de salaire, ne lui a pas remis, notamment, ceux de septembre à décembre 2019, de janvier à mars 2020, septembre à décembre 2020 ainsi que ceux de l’année 2021.

Il ressort de l’examen des pièces versées aux débats que l’employeur, de janvier à août 2019, a payé chaque mois au salarié 17,33 heures supplémentaires pour un montant de 241,58 euros, et s’en est ensuite abstenu. Ainsi que le prétend le salarié, ces heures supplémentaires avaient une nature conventionnelle puisqu’elles étaient fixes et régulières et étaient dénommées sur les bulletins de salaire ‘heures à 125% structurelles’. Il en résulte que M. [Y] démontre que servies chaque mois, elles constituaient un élément de rémunération stable et constant sur lequel il comptait.

Or, le salaire à prendre en considération pour caractériser l’obligation de l’employeur résultant de l’article L. 1226-11 du code du travail comprend l’ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié (Soc. 16 juin 1998; n° 96-41877).

Dès lors, le salaire que l’employeur doit verser au salarié qui n’a été ni licencié ni reclassé passé le délai d’un mois suivant la délivrance d’un avis d’inaptitude doit prendre en compte les heures supplémentaires qu’auraient perçues ce dernier s’il avait travaillé (Soc. 4 avril 2012, 10-10.701). Il en résulte que c’est à bon droit que M. [Y] réclame paiement de la somme de 5 797,92 euros, correspondant à l’absence de paiement des heures supplémentaires conventionnelles pendant

Arrêt n° 61 – page 7

05 mai 2023

24 mois, outre 579,79 euros au titre des congés payés afférents. Infirmant le jugement entrepris, l’employeur doit donc être condamné à payer cette somme au salarié.

3) Sur demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé :

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

L’article L. 8223-1 du même code précise qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, M. [Y] réclame la somme de 12 002,04 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé, en soutenant que l’absence de délivrance de bulletins de salaire constitue une dissimulation d’emploi salarié. Il fait valoir que l’employeur, qui ne pouvait ignorer qu’il avait l’obligation de lui délivrer des bulletins de salaire, lui a transmis certains d’entre eux mais pas d’autres, et ce en dépit de ses demandes. La SCEA [Adresse 2] le conteste, en mettant en avant que le salarié cherche à battre monnaie.

Aux termes de l’article L. 3243-2 du code du travail, la délivrance d’un bulletin de salaire constitue une obligation pour l’employeur. Il lui incombe de démontrer qu’il y a bien satisfait.

La SCEA [Adresse 2] ne produit à cet égard aucun élément de preuve et n’a pas répondu au courrier que lui a envoyé le conseil de M. [Y] le 6 avril 2021, produit en pièce 4, par lequel il lui indiquait qu’entre les mois de novembre 2013 et mars 2021, 21 bulletins de salaire n’avaient pas été remis au salarié et lui demandait de lui remettre ceux qui lui manquaient.

Dès lors, en l’absence de délivrance régulière des bulletins de salaire, se trouve caractérisée l’intention dissimulatrice de l’employeur qui ne pouvait ignorer son obligation ni mettre en avant les difficultés financières alléguées à compter de 2017 pour expliquer sa carence. Il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement entrepris, de condamner l’intimée à payer à l’appelant la somme forfaitaire de 12 002,04 euros.

Cette indemnité forfaitaire étant destinée à réparer le préjudice subi par le salarié en raison du travail dissimulé a un caractère indemnitaire et n’est donc pas soumise à cotisations sociales.

4) Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts pour absence de délivrance des bulletins de salaire, retard dans le règlement du solde de tout-compte, dans la transmission des documents de fin de contrat et pour absence de remise de l’attestation Pôle Emploi :

a) Sur le défaut de délivrance des bulletins de salaire :

Il a été rappelé ci-avant l’obligation de l’employeur en la matière.

M. [Y] prétendant sans le démontrer qu’il a subi un préjudice en raison de l’absence de délivrance de ses bulletins de salaire doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Arrêt n° 61 – page 8

05 mai 2023

b) Sur le retard dans le règlement du solde de tout compte, dans la transmission des documents de fin de contrat et absence de remise de l’attestation Pôle Emploi :

En vertu de l’article L. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Les sommes qui restent ainsi dues au salarié doivent lui être versées à l’expiration de son contrat de travail.

L’article L.1234-19 du code du travail dispose par ailleurs qu’à l’expiration du contrat de travail, l’employeur lui délivre un certificat de travail.

Enfin, aux termes de l’article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifica-tions qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

En l’espèce, le salarié réclame paiement de dommages et intérêts pour retard dans le règlement du solde de tout compte et dans la transmission des documents de fin de contrat et pour absence de remise de l’attestation Pôle Emploi.

L’obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l’employeur étant quérable, il appartient au salarié de démontrer qu’il s’est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l’existence d’un préjudice.

M. [Y] met en avant que les documents de fin de contrat ne lui ont été transmis que le 3 mars 2022, et que le solde de tout compte ne lui a été réglé que le 28 février 2022, soit trois mois après la rupture, ainsi que l’absence de remise de l’attestation Pôle Emploi, ce qui n’est pas discuté.

Ces documents étaient quérables par le salarié mais l’employeur, dont l’inertie est démontrée par les développements précédents, avait pour obligation de les établir et d’informer son salarié qu’il les tenait à sa disposition, ce qu’il a fait par courrier du 26 novembre 2021.

Cependant, l’examen des relevés de compte produits par M. [Y] montre que la somme de 5 862,40 euros due à titre de solde de tout compte ne lui a pas été payée le 30 novembre 2021 contrairement à ce que l’employeur a mentionné sur l’attestation Pôle Emploi et ce dernier admet, dans ses conclusions, qu’il n’a transmis qu’en mars 2022 au salarié ses documents de fin de contrat, sans préciser à quelle date serait intervenu le paiement du solde de tout compte ni contredire l’appelant sur la date de règlement qu’il allègue.

Le paiement au salarié de son solde de tout compte et la délivrance de ses documents de fin de contrat trois mois après la rupture ont causé à celui-ci, qui n’a pas pu rapidement disposer des sommes qui lui étaient dues ni percevoir d’ indemnités de chômage, un préjudice qui trouvera réparation dans l’allocation d’une somme de 1 000 euros. Le jugement est donc infirmé de ce chef.

5) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail :

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Arrêt n° 61 – page 9

05 mai 2023

En l’espèce, M. [Y] soutient que la SCEA [Adresse 2] a fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail au motif qu’elle l’aurait exposé à des conditions de travail difficiles, puisqu’il devait seul, et sans aide malgré ses nombreuses demandes, gérer 650 truies dans la porcherie qu’elle exploite, assurer par ailleurs la surveillance, le tri, la mise bas, la vaccination et l’insémination de 650 porcs particulièrement lourds à porter, ce qui lui aurait causé des problèmes de dos ainsi qu’un syndrome anxio-dépressif, à l’origine de son inaptitude.

Reprochant au jugement critiqué d’avoir limité à 500 euros les dommages et intérêts alloués de ce chef, il réclame l’allocation de celle de 10 000 euros.

La SCEA [Adresse 2] s’oppose à cette demande en observant, à juste titre, que M. [Y] ne forme aucune demande tendant à lui imputer la cause de son inaptitude.

L’appelant produit seulement, à l’appui de ses allégations, un certificat établi le 17 mai, sans précision de l’année, par le docteur [D], psychiatre au Centre Hospitalier [3] (Cher), indiquant qu’il ‘ est suivi depuis le 21/1/19″ sans aucune indication sur les raisons de ce suivi ou sur l’état de santé de l’intéressé.

Celui-ci n’apportant, contrairement à ce qu’il prétend, aucun élément susceptible d’établir la mauvaise foi de l’employeur, le conseil de prud’hommes qui a pourtant relevé la carence du salarié dans l’administration de cette preuve, ne pouvait lui allouer une indemnité de ce chef.

Dès lors, par voie infirmative, M. [Y] doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail.

6) Sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’ordonner à l’employeur de remettre au salarié un reçu pour solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes et ce dans le mois de sa signification, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 40 € par jour de retard. Les premiers juges ne s’étant pas expressément réservé le pouvoir de liquider l’astreinte, celle-ci sera liquidée le cas échéant par le juge de l’exécution.

Le jugement critiqué est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SCEA [Adresse 2], qui succombe devant la cour, est condamnée aux dépens d’appel et déboutée en conséquence de sa demande d’indemnité de procédure. En équité, elle est en outre condamnée à verser à M. [Y] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :

CONSTATE que la demande visant à ce que le jugement déféré soit confirmé en ce qu’il aurait condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 663,15 euros à titre de rappel de salaire pour octobre 2021, outre 66,31 euros de congés payés afférents, est sans objet ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SCEA [Adresse 2] à payer à

Arrêt n° 61 – page 10

05 mai 2023

M. [U] [Y] la somme de 3 520 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut de délivrance des bulletins de salaire et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Mais l’INFIRME en ses autres dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

CONDAMNE la SCEA [Adresse 2] à payer à M. [U] [Y] les sommes suivantes :

– 5 797,92 € à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2019 à novembre 2021, outre 579,79 € au titre des congés payés afférents,

– 12 002,04 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 000€ à titre de dommages et intérêts pour retard dans le règlement du solde de tout-compte, la transmission des documents de fin de contrat et absence de remise de l’attestation Pôle Emploi,

DÉBOUTE M. [Y] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail,

ORDONNE à la SCEA [Adresse 2] de remettre à M. [Y], dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 40 € par jour de retard,

CONDAMNE la SCEA [Adresse 2] à payer à M. [Y] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCEA [Adresse 2] aux dépens d’appel et la déboute de sa demande d’indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x