Saisine du juge de l’exécution : 5 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09589

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Saisine du juge de l’exécution : 5 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09589

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2023

N°2023/ 124

Rôle N° RG 19/09589 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BENYJ

[G] [J]

C/

SAS LES CARS P.MICHEL

Copie exécutoire délivrée

le : 05/05/2023

à :

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

représentée par Me Corinne GROS, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 14 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00290.

APPELANT

Monsieur [G] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS LES CARS P.MICHEL, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Corinne GROS, avocat au barreau de TARASCON et par Me Mireille GOUTAILLER avocat au barreau de’AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre chargé du rapport, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon contrat à durée indéterminée du 23 juillet 2010, M.[J] a été recruté par la SAS «’Les Cars P.’Michel’», société de transport de voyageurs, en qualité de responsable réseau transports de voyageurs. Cette société comprenait un site à [Localité 2] (42) et à [Localité 3] (83).

Son contrat de travail prévoyait notamment sa participation à des astreintes.

En exécution d’un avenant à son contrat de travail du 31 août 2012, il était rémunéré à raison de 35 heures hebdomadaires, outre 8 heures supplémentaires par semaine, pour un montant brut de 3.397,17 euros.

Le 26 août 2016, M.[J] a démissionné.

Le 28 novembre 2016, la SAS «’Les Cars P. Michel’» a procédé à la mainlevée de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de M.[J].

Le 26 avril 2017, M.[J] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une demande tendant à requalifier sa démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 14 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a’:

– dit et jugé que M.[J] était rémunéré de l’ensemble des contraintes et missions liées à son emploi, dont l’astreinte,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M.[J] relevait de sa décision claire et non équivoque de démissionner,

– débouté M.[J] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les parties pour le surplus,

– débouté la SAS «’Les Cars P.’Michel’» de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté l’exécution provisoire ainsi que l’exécution forcée du jugement,

laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.

M.[J] a fait appel de ce jugement le 17 juin 2019.

Au terme de ses conclusions du 17 février 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M.[J] demande de’:

 »infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon en date du 14 mai 2019 en ce qu’il a jugé qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes’;

et par conséquent’:

 »constater que la SAS «’Les Cars P.’Michel’» n’a pas réglé les astreintes réalisées par lui sur la période d’août 2013 à décembre 2016′;

 »dire et juger que la SAS «’Les Cars P.’Michel’» a gravement méconnu ses obligations contractuelles’;

 »dire et juger que sa démission s’analyse en une prise d’acte aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

 »dire et juger que l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit être liquidée à son profit’;

 »condamner la SAS «’Les Cars P.’Michel’» à lui régler les salaires et indemnités qui suivent’:

– rappel de salaires au titre des astreintes’: 21.692,16’€ brut’;

– indemnité compensatrice de congés payés y afférents’: 2.169,22’€ bruts’;

– indemnité forfaitaire pour travail dissimulé’: 26.180,40’€ nets’;

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7 mois)’: 30.543,80’€ nets’;

– dommages et intérêts pour préjudice distinct (1 mois)’: 4.363,40’€ nets’;

– indemnité conventionnelle de licenciement’: 14.893,98’€ nets’;

– article 700 du code de procédure civile’: 3.500 euros’;

– entiers dépens’;

 »outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par la société défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de toulon et jusqu’au jour du paiement’;

 »dire et juger que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil, le point de départ des intérêts capitalisés étant fixé au jour de la réception par le greffe de la saisine’;

 »fixer en application de ce dernier article la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à’: 4.363,40’€ bruts’;

 »dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080 ‘ tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 code de procédure civile.

Selon ses conclusions du 15 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS «’Les Cars P.’Michel’» demande de’:

 »infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon en ce qu’il a jugé que M.[J] était soumis à un régime d’astreintes’;

 »constater que M.[J] n’était pas soumis à un régime d’astreintes’;

 »constater que M.[J] bénéficiait d’une rémunération forfaitaire valable’;

 »dire et juger que M.[J] était rémunéré de l’ensemble des contraintes liées à son emploi’;

 »constater que M.[J] ne démontre aucun préjudice’;

 »dire et juger que M.[J] ne peut prétendre à la rémunération de périodes d’astreinte ni au règlement d’une indemnité pour travail dissimulé ni enfin à l’indemnisation d’un préjudice spécifique’;

 »constater que la lettre de démission de M.[J] est parfaitement claire et non équivoque’;

 »dire et juger que la rupture du contrat de travail de M.[J] découle de sa seule décision claire et non équivoque de démissionner’;

 »dire et juger que la moyenne des salaires de M.[J] est de 4.055,11’€’;

 »dire et juger que M.[J] ne justifie pas ses demandes, ni dans leur principe, ni dans leur quantum’;

par conséquent’:

 »infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon en ce qu’il a jugé que M.[J] était soumis à un régime d’astreintes’;

 »confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon en ce qu’il a débouté M.[J] de l’ensemble de ses demandes’;

 »condamner M.[J] au paiement de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 février 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE’:

sur le rappel au titre des astreintes et les demandes indemnitaires connexes’:

moyens des parties’:

Au soutien de ses prétentions, M.[J] expose qu’il a réalisé pour le compte de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» des astreintes de nuit et de week-end toutes les trois semaines et pour lesquelles il n’a perçu aucune contrepartie financière.

Pour justifier des astreintes réalisées, il se prévaut des feuilles de garde téléphoniques établies par la SAS «’Les Cars P.’Michel’» et de l’ensemble de ses décomptes mensuels.

Il soutient que, pendant la relation de travail, il n’a eu de cesse de réclamer paiement des astreintes accomplies et que, en l’absence de toute réaction de son employeur, il a été contraint de démissionner.

Il précise que son intervention ne se limitait pas qu’à une simple permanence téléphonique, mais qu’il pouvait être amené à intervenir pour remplacer un chauffeur ou en raison de pannes mécaniques et que la nécessité de pouvoir se connecter au logiciel Winres de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» lui imposait de rester à proximité de son domicile pendant ses périodes d’astreintes.

Il expose que la SAS «’Les Cars P.’Michel’» ne peut prétendre que les problèmes mécaniques étaient traités par son mécanicien, M.[K], aux motifs que ce dernier était localisé à [Localité 2] et ne pouvait donc intervenir sur le site du Var où n’existait aucun mécanicien et invoque les témoignages de conducteurs indiquant l’avoir appelé en priorité pour des problèmes techniques ou mécaniques.

Il fait valoir que son successeur bénéficie chaque mois d’une prime d’astreinte, démontrant ainsi que son poste nécessitait qu’il se tienne à disposition de son employeur pour accomplir un travail au sein de l’entreprise.

Il s’estime en conséquence en droit de réclamer la revalorisation des astreintes effectuées, soit 7′.317 heures sur la période de temps non-couverte par la prescription, dont le montant doit être calculé sur la base des dispositions de la convention collective nationale des transports routiers relatives à la rémunération des astreintes concerne la catégorie des ambulanciers, en l’absence de toute disposition spécialement applicable en ce qui le concerne et réclame en conséquence une somme de 21’692,16’euros, outre les congés payés afférents.

Il indique que la SAS «’Les Cars P.’Michel’» ne peut se retrancher derrière la rémunération forfaitaire prévue au contrat de travail pour éluder le paiement de ces sommes aux motifs qu’une telle rémunération détermine une rémunération convenue à l’avance entre les parties pour un nombre déterminé d’heures supplémentaires réalisées, que les parties actent ainsi, dès la signature du contrat, que la réalisation d’heures supplémentaires est intrinsèque aux fonctions exercées et aux exigences du poste, que les exigences de son poste emportaient un niveau de responsabilité élevé et un nombre important d’heures supplémentaires et que la rémunération forfaitaire n’avait, en l’espèce, vocation qu’à couvrir ses horaires de travail.

Il précise que la SAS «’Les Cars P.’Michel’», en omettant de mettre en place les documents permettant de comptabiliser son temps de travail, s’est affranchie des règles légales en matière de comptabilisation du temps de travail ainsi que de justification des horaires réalisés.

Il reproche en outre à la SAS «’Les Cars P.’Michel’» de ne pas lui avoir remis en fin de mois, en violation de l’article R.3121-2 du code du travail, un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte accomplies par lui au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante et sollicite en conséquence, exposant ne pas avoir été réglé pendant plus de 6 ans des astreintes réalisées, des dommages-intérêts distincts.

Il s’estime enfin fondé à solliciter l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé aux motifs que les astreintes qu’il a réalisées ne lui ont jamais été réglées et que la SAS «’Les Cars P.’Michel’» avait connaissance qu’il effectuait ces astreintes non rémunérées.

La SAS «’Les Cars P. Michel’» s’oppose aux demandes de M.[J] aux motifs que l’article L.3121-5 du code du travail applicable lors de l’embauche de M.[J] disposait qu’une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, que son contrat de travail prévoyait que sa rémunération incluait 8 heures supplémentaires hebdomadaires ainsi que sa participation aux astreintes, que les astreintes convenues au contrat de travail constituaient en réalité une garde téléphonique afin de régler des problèmes techniques d’autocar, des problèmes liés aux clients le jour du départ et, enfin, des problématiques liées à la prestation elle-même et que ces permanences, qui nécessitaient uniquement de répondre au téléphone, sans déplacement ni obligation pour le salarié de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci, ne répondent pas à la définition juridique de l’astreinte.

Elle indique, par la comparaison de l’emploi du temps de M.[J] et de l’exploitation de ses relevés de badgeage autoroutier mais aussi par l’exploitation de ses disques chronotachygraphes, que ses périodes de permanence n’ont entraîné aucun déplacement.

Elle précise que les interventions mécaniques étaient réalisées par M.[K], mécanicien du site de [Localité 2], qui percevait des primes d’astreintes de ce chef, ou le recours à des garagistes prestataires.

Elle expose que si le contrat de travail du salarié recruté en remplacement de M.[J] mentionne le paiement d’astreinte, c’est raison des nouvelles dispositions de l’article L.’3121-9 du code du travail modifiant la définition de l’astreinte.

Elle soutient que le contrat de travail de M.[J] prévoit le paiement d’un salaire de base, nettement plus favorable que les minimums conventionnels et incluant la réalisation de 8 heures supplémentaires hebdomadaires correspondant aux tâches pouvant potentiellement être réalisées par M.[J] et réglées néanmoins si elles ne sont pas effectuées.

Elle s’oppose à la demande en dommages-intérêts distincts formée par M.[J] aux motifs que la seule violation de l’article L. 3121-7 du code du travail portant sur les compensations dues au titre des astreintes est sanctionnée par une contravention de la quatrième classe, qu’il n’est pas prévu que ce manquement causerait un préjudice au salarié devant être indemnisé et que la Cour de cassation exige que l’existence et l’évaluation d’un préjudice relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond et qu’il appartient au salarié de justifier du préjudice allégué.

Elle conclut au rejet de la demande d’indemnité pour travail dissimulé formée par M.[J] aux motifs qu’elle conteste l’existence des astreintes invoquées par M.[J] et que ce dernier ne rapporte pas la preuve de son intention de dissimuler une partie de sa rémunération ou de ses heures de travail.

réponse de la cour’:

sur les astreintes’:

Le contrat de travail de M.[J] prévoyait sa rémunération en fonction d’une durée hebdomadaire de 43 heures, soit huit heures supplémentaires par semaine. Selon sa fiche de poste, il devait participer aux astreintes dans le cadre de ses missions complémentaires.

Les plannings établis par la SAS «’Les Cars P.’Michel’» démontrent que M.[J] était de «’garde téléphonique’» en moyenne une semaine sur trois ans, en dehors des heures ouvrables, les semaines, week-end et jours fériés.

L »article L.’3121-5 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2007-329 du 13 mars 2017, en vigueur jusqu’au 10 juin 2016, prévoit qu’une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise et que la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

L’article L.3121-9 du même code, dans sa version tirée de la loi n°2016-1088 du 8 août 2019, applicable à compter du 10 juin 2016, dispose que’:

Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

Il ressort de l’argumentation développée par M.[J] que ce dernier soutient que les gardes téléphoniques qu’il a effectuées au profit de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» sont constitutives d’astreintes qu’il est en droit de réclamer le paiement de la contrepartie financière afférente. Dès lors, il est sans intérêt sur l’issue du litige de rechercher si, à l’occasion de ses gardes téléphoniques, M.[J] a pu effectuer une prestation de travail pour le compte de son employeur ou si les heures supplémentaires prévues au contrat de travail avaient vocation à rémunérer ces gardes téléphoniques’; M.[J] ne sollicitant pas le paiement de sommes au titre de son intervention pendant ces périodes.

Il résulte des dispositions du code du travail qui précède que, jusqu’au 10 juin 2016, la nécessité de demeurer à son domicile à proximité de celui-ci constituait l’un des éléments nécessaires permettant de caractériser l’existence d’astreintes.

En l’espèce, M.[J] ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer que, compte tenu des contraintes liées au logiciel de l’entreprise, Il se devait de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci pendant ces périodes de gardes téléphoniques.

Il ne peut en conséquence, pour la période antérieure au 10 juin 2016, prétendre au paiement de contrepartie au titre de ses périodes de garde téléphonique.

En revanche, il n’est pas contesté, qu’à compter du 10 juin 2016, M.[J] a assuré un service de garde téléphonique et que, sans être sur son lieu de travail ni se tenir à la disposition permanente et immédiate de la SAS «’Les Cars P.’Michel’», il devait être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au profit de M.[J].

Dès lors, Il est en droit de solliciter la contrepartie afférente à ses périodes de garde téléphonique à compter du 10 juin 2016 jusqu’à la rupture de la relation de travail.

Le contrat de travail de M.[J] ne comprend aucune stipulation quant à la contrepartie due au titre des périodes de garde téléphonique.

De même, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 ne prévoit la rémunération d’astreinte que dans le cadre du transport sanitaire. Dès lors, M.[J] ne peut s’en prévaloir pour fixer le montant de la contrepartie à laquelle il peut prétendre.

Il convient de relever que le contrat de travail du sucesseur de M.[J] prévoit le paiement d’une indemnité mensuelle de 130 euros au titre de ses périodes de garde téléphonique.

En considération de la période de temps concernée et du rythme des gardes téléphoniques auxquelles il était astreint, il sera alloué à M.[J] la somme de 800’euros à titre de contrepartie sur astreintes.

Sur le décompte des astreintes’:

Selon l’article R.’3121-1 du code du travail, dans sa version en vigueur pendant la relation de travail, en fin de mois, l’employeur remet à chaque salarié intéressé un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte accomplies par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.

La SAS «’Les Cars P.’Michel’» ne justifie pas s’être acquittée de cette obligation. Cependant, M.[J] ne caractérise pas le préjudice qu’il a subi de ce chef. Il sera en conséquence débouté de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.

Sur le travail dissimulé’:

L’article L’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L’8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

Il est constant que M.[J] n’a pas perçu la contrepartie à laquelle il pouvait prétendre au titre des atteintes réalisées à compter du 10 juin 2016. Cependant, le paiement de l’indemnité précitée suppose la dissimulation des heures de travail réellement accomplies par le salarié et non la dissimulation des astreintes. Par ailleurs, la volonté chez la SAS «’Les Cars P.’Michel’» de se soustraire à ses obligations n’est pas démontrée. M.[J] ne peut en conséquence réclamer le paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

sur la requalification de la démission en prise d’acte’:

moyens des parties’:

M.[J] soutient qu’il est fondé à solliciter la requalification de sa démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le manquement de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» doit être considéré comme grave, en l’état de sa répétition sur une période de 6 ans et du montant des sommes dues, qu’il n’a eu de cesse, pendant la relation de travail, de solliciter oralement le paiement de ses astreintes, que compte tenu des relations cordiales qu’il entretenait avec le gérant de la SAS «’Les Cars P.’Michel’», il n’a pas demandé, par écrit, le paiement des sommes dues et que sa démission était équivoque dès lors qu’il existait, à la date de celle-ci, des manquements de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» à ses obligations.

La SAS «’Les Cars P. Michel’» s’oppose à la requalification de la démission de M.[J] en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que la lettre de démission qu’il lui a adressée n’exprime pas la moindre difficulté au regard de l’exécution de son contrat de travail, qu’elle présente donc toutes les caractéristiques d’une décision personnelle, claire et non équivoque, que ce n’est que postérieurement, par courrier du 20 décembre 2016, que M.[J] a soulevé des difficulés liées à sa rémunération (prime d’ancienneté, solde de son treizième mois et périodes d’astreinte), qu’il n’a formé aucune réclamation pendant l’exécution de son contrat de travail et que les erreurs qui lui sont reprochées par la SAS «’Les Cars P. Michel’» sont sans incidence sur sa décision de démissionner, qu’en effet, il a mis fin à son contrat de travail puisqu’il avait trouvé un autre emploi (sollicite la réduction de son préavis et la mainlevée de sa clause de non-concurrence).

réponse de la cour’:

Il est de principe que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail et que lorsque le salarié remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

En l’espèce, le faible montant des sommes allouées à M.[J] à titre de contrepartie pour les astreintes accomplies à compter du 10 juin 2016 ne permet pas de retenir un manquement imputable à l’employeur de justifier sa démission. D’autre part, la lettre de démission adressée le 26 août 2016 par M.[J] à la SAS «’Les Cars P.’Michel’» ne comprend l’expression d’aucun grief à l’égard de l’employeur. Il en ressort en outre que M.[J] a sollicité de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» une dispense d’exécution de son préavis. Par ailleurs, le 25 novembre 2016, la SAS «’Les Cars P.’Michel’» a fait droit à la demande de M.[J] s’agissant de la mainlevée de sa clause de non-concurrence. Ces éléments permettent d’en déduire que la démission de M.[J] était motivée par son embauche au profit d’un nouvel employeur.

En conséquence, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu que M.[J] avait démissionné.

sur les mesures accessoires’:

La SAS «’Les Cars P.’Michel’», partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M.[J] la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 au code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution. Les intimés seront en conséquence déboutés de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

DECLARE M.[J] recevable en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 14 mai 2019 en ce qu’il a’:

– débouté M.[J] de sa demande en paiement de la contrepartie aux astreintes réalisées à compter du 10 juin 2016,

– laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.

LE CONFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant’;

CONDAMNE la SAS «’Les Cars P.’Michel’» à payer à M.[J] les sommes suivantes’:

– 800’euros à titre de contrepartie pour les gardes téléphoniques réalisées à compter du 10 juin 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2017, date de la première convocation de la SAS «’Les Cars P.’Michel’» devant le conseil de prud’hommes’;

– 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts’;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS «’Les Cars P.’Michel’» aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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