COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 04 MAI 2023
N° 2023/ 346
N° RG 22/09528 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVNI
[N] [H]
C/
[U] [E]
S.A.S.U. CM II
S.A. BNP PARIBAS
Organisme TRESOR PUBLIC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me AUROUET-HIMEUR
Me LABBE
Me ATIAS
Me VANDERSTICHEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de DRAGUIGNAN en date du 20 Mai 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/01849.
APPELANT
Monsieur [N] [H]
né le 1er août 1974 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005019 du 17/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [U] [E],
né le 12 Juin 1953 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Marie-Françoise LABBE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
S.A.S.U. CM II immatriculée au RCS de SALON DE PROVENCE sous le numéro 903 049 641 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
S.A. BNP PARIBAS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Colette VANDERSTICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Organisme TRESOR PUBLIC DA déposée à l’étude le 16/09/2022, demeurant Centre des finances publiques Var Amendes – [Adresse 2]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Sur des poursuites en saisie immobilière engagées par la SA Bnp Paribas à l’encontre de M. [N] [H], le bien lui appartenant, situé à [Adresse 8] a été adjugé au profit de M. [U] [E] pour un montant de 78 000 euros par jugement rendu le 8 octobre 2021 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan.
Une déclaration de surenchère a été déposée au greffe le 18 octobre 2021 par le conseil de la Sasu CM II qui a attesté s’être fait remettre deux chèques de banque pour un montant total de 10 000 euros, joints en copie de sa déclaration qui a été dénoncée par acte du 19 octobre 2021 au créancier poursuivant, à l’adjudicataire et au débiteur saisi.
Par conclusions du 29 octobre 2021 M. [E] a contesté cette surenchère dont il a soulevé la nullité au motif que les deux chèques de banque sont libellés à l’ordre de la Carpa, alors qu’un chèque Carpa ne vaut pas séquestre.
A l’issue de l’audience d’examen de cette contestation et par jugement du 20 mai 2022 le juge de l’exécution :
‘ a déclaré recevable la contestation de M. [E] ;
‘ déclaré irrecevable la déclaration de surenchère déposée par la société CM II ;
‘ constaté que l’adjudication de l’immeuble au profit de M. [E] est définitive ;
‘ condamné la société CM II à payer à M. [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour statuer ainsi le premier juge a retenu que la garantie de paiement exigée ne peut s’apprécier qu’au regard des dispositions de l’article R.322-41 du code des procédures civiles d’exécution et des articles 9 et 10 du cahier des conditions de vente, qui n’ont pas été respectées et relève que la régularisation n’a pas été réalisée dans le délai imparti pour faire surenchère.
M. [H] a relevé appel de ce jugement, qui lui a été signifié le 7 juin 2022, par déclaration du 1er juillet 2022, après dépôt le 2 juin 2022 d’une demande d’aide juridictionnelle qui lui a été accordée par décision du 17 juin 2022.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 27 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, il demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé et, en conséquence,
– infirmer la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable la contestation de M. [E] postérieurement à l’expiration du délai de contestation de la surenchère et l’en débouter ;
– valider la surenchère de la société Sasu CM II en date du 18 octobre 2021,
– renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution pour fixation de la date d’audience d’adjudication sur surenchère ;
– débouter les intimés de toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures ;
– condamner M. [E] ou tout succombant, à verser à M. [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions issues de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de maître Aurélie Aurouet-Himeur, avocate aux offres de droit.
A l’appui de ses demandes et en réponse à la fin de non recevoir soulevée par M. [E] tirée de son défaut d’intérêt à agir, faute de formulation de prétentions en première instance, il indique qu’il était présent et représenté à l’audience du juge de l’exécution et qu’il s’en était rapporté aux écritures de la société CM II, ajoutant qu’il a intérêt à une augmentation du prix par la surenchère qu’il entend voir valider.
Au fond, il soutient la régularité de cette surenchère en soutenant en substance que le texte en la matière ne fait pas mention de séquestre et que la société CM II s’est conformée aux dispositions de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution.
Par écritures notifiées le 14 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la société CM II demande à la cour de :
– recevoir M. [H] en son appel,
– recevoir la société CM II en son appel incident,
– infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable et infondée la contestation de M. [E] et l’en débouter,
– valider la surenchère enregistrée le 18 octobre 2021 par la société CM II,
En conséquence,
– renvoyer pour vente sur surenchère devant le premier juge,
– débouter M. [E] de toutes ses demandes,
– le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
A cet effet l’intimée fait valoir pour l’essentiel qu’elle s’est conformée à l’occasion de sa déclaration de surenchère, aux dispositions de l’article R.322-51 du code des procédures civiles d’exécution, auxquelles se réfèrent la circulaire de l’ordre des avocats et le règlement national, en remettant à son conseil un chèque de banque, sans qu’aucune autre obligation ne soit exigée particulièrement, celle de séquestre. Les dispositions relatives aux enchères et à la surenchère diffèrent.
Elle signale que le cahier des conditions de vente prévoit le dépôt entre les mains de la Carpa et précise qu’à la suite de la remise de ces chèques de banque il a été délivré à son conseil des quittances signées par le trésorier de l’ordre.
Par écritures notifiées le 3 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, M. [E] demande à la cour :
Sur la forme, in limine litis :
– de juger l’appel principal irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;
Par conséquent,
– de juger l’appel incident irrecevable ;
Sur le fond,
– de confirmer le jugement entrepris,
– de condamner la société CMII au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et frais éventuels de surenchère;
A cet effet il soutient l’irrecevabilité de la surenchère, l’attestation de remise de chèque ayant été accompagnée de la copie de deux chèques libellés à l’ordre de la Carpa, alors qu’un chèque Carpa ne vaut pas séquestre et que les fonds demeureraient saisissables. Il indique que le Conseil national des barreaux a publié antérieurement à la procédure en cause un cahier des conditions de vente qui a valeur normative et prévoit la désignation d’un séquestre ajoutant qu’un surenchérisseur demeure un enchérisseur et se trouve donc soumis aux mêmes obligations, en sorte que les chèques remis par la société CM II auraient dus être libellés à l’ordre du « bâtonnier séquestre ».
Il ajoute que la régularisation invoquée par la société CM II par la remise des fonds entre les mains du trésorier de la Carpa est irrecevable comme tardive puisque postérieure au délai de surenchère de dix jours et ajoute que les fonds ainsi quittancés demeurent saisissables.
La Bnp Paribas, créancier poursuivant, a constitué avocat mais n’a pas conclu. Le Trésor public de Toulon, créancier inscrit, auquel la déclaration d’appel a été signifiée le 16 septembre 2022 par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier de justice, n’a pas constitué avocat.
L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 7 février 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Le Trésor public, non constitué, ayant été cité à étude, le présent arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l’article 474 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Sur la recevabilité de l’appel de M. [H] :
Selon l’article 546 alinéa 1 du code de procédure civile le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
L’absence de dépôt de conclusions en première instance par M. [H] ne le prive pas d’un intérêt à relever appel du jugement qui a rejeté la déclaration de surenchère, le privant de la possibilité d’une vente au meilleur prix de l’immeuble lui appartenant pour désintéresser ses créanciers, ce qui caractérise son intérêt ;
Il s’en suit le rejet de la fin de non recevoir soulevée par M. [E].
Sur la recevabilité de la contestation de M. [E] :
Bien qu’ils la contestent dans le dispositif de leurs écritures, l’appelante et la société CM II ne développent aucun moyen au soutien de l’irrecevabilité invoquée ;
Et c’est à bon droit que le premier juge a déclaré recevable la contestation de la déclaration de surenchère, formé par M. [E] dans le délai de quinze jours de la dénonciation de surenchère, conformément aux dispositions de l’article R.322-52 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution ;
Il s’ensuit la confirmation du jugement de ce chef.
Au fond :
Selon l’article R.322-51 du même code« A peine d’irrecevabilité, la surenchère est formée par acte d’avocat et déposée au greffe du juge de l’exécution dans les dix jours suivant l’adjudication. Elle vaut demande de fixation d’une audience de surenchère.
L’avocat atteste s’être fait remettre de son mandant une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque du dixième du prix principal de la vente.
La déclaration de surenchère ne peut être rétractée. »
Il n’est pas discuté que la déclaration de surenchère de la société CM II a été déposée par acte d’avocat ,dans le délai réglementaire, et qu’elle contient l’attestation de son conseil de la remise par cette société de deux chèques de banque représentant le dixième du prix principal de la vente;
En exigeant que ces chèques de banque, dont la copie n’est d’ailleurs pas requise, soient libellés à l’ordre d’un séquestre, M. [E] ajoute une condition non prévue par les dispositions précitées d’interprétation stricte ;
Au surplus l’article 13 du cahier des conditions de vente, qui s’impose aux parties comme aux tiers, désigne expressément comme séquestre le bâtonnier de l’ordre des avocats ou le compte Carpa ;
Par ailleurs la surenchère est une reprise des enchères comme l’indique l’article R. 322-55 du code des procédures civiles d’exécution, qui dispose en son premier alinéa , que le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les conditions prévues par les articles R. 322-39 à R. 322-49, sur la mise à prix modifiée par la surenchère.
Et l’article R. 322-41 dont se prévaut M. [E] prévoit en son alinéa 1 « qu’avant de porter les enchères, l’avocat se fait remettre par son mandant et contre récépissé une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque rédigé à l’ordre du séquestre ou de la Caisse des dépôts et consignations selon les indications du cahier des conditions de vente, représentant 10 % du montant de la mise à prix, […] ».
C’est donc au jour de l’audience et non à la date du dépôt de la déclaration de surenchère, que l’exigence du séquestre est imposée ;
La déclaration de surenchère déposée par la société CM II qui satisfait aux conditions légales, est en conséquence valable ;
Il s’en suit la réformation du jugement entrepris de ce chef et le rejet de la contestation de M. [E] ;
Les parties seront renvoyées devant le premier juge pour fixation de la date d’audience de surenchère ;
Sur les demandes accessoires :
Il n’est pas contraire à l’équité que chaque partie conserve ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de M. [E].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition au greffe,
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par M. [U] [E], tirée l’irrecevabilité de l’appel ;
INFIRME le jugement entrepris excepté en ce qu’il a déclaré recevable la contestation formée par M. [U] [E] ;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE la contestation de M. [U] [E] ;
DÉCLARE valable la déclaration de surenchère déposée le 18 octobre 2021 par la Sasu CM II;
RENVOIE les parties devant le premier juge pour fixation de la date d’audience de surenchère;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [U] [E] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE