Saisine du juge de l’exécution : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08385

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Saisine du juge de l’exécution : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08385

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2023

N° 2023/ 345

N° RG 22/08385 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJRPM

SARL LE SQUALE

C/

S.A. BOUYGUES TELECOM ENTREPRISES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me JUSTON

Me CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de Draguignan en date du 24 Mai 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/04653.

APPELANTE

SARL LE SQUALE Immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le n°418.744.348, prise en la personne de son représentant légal en exercice domi cilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Laurent LE GLAUNEC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

S.A. BOUYGUES TELECOM ENTREPRISES, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 397 480 930, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualités audit siège

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me François DUPUY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Estelle LABATUT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Par jugement rendu le 26 mai 2015, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Draguignan a condamné la société Bouygues Telecom Entreprises (ci après la société Bouygues) à effectuer la portabilité des numéros de la Sarl Le Squale vers l’opérateur Orange dans les 36 heures de la signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la 37ème heure.

Une première action en liquidation de l’astreinte a été rejetée par jugement du 6 septembre 2016, faute de signification à la débitrice de l’obligation, du jugement la prononçant.

Après signification le 28 novembre 2016 dudit jugement, la société Le Squale a engagé une nouvelle action en liquidation de l’astreinte, qui a été liquidée à la somme d’un euro par jugement du 23 janvier 2018 confirmé par arrêt de cette cour en date du 25 février 2021, devenu irrévocable, pour la période ayant couru du 1er novembre 2017 au 10 décembre 2020.

Par assignation du 17 juin 2021 la société Le Squale a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan d’une nouvelle demande de liquidation de l’astreinte pour la période postérieure, à hauteur de la somme portée à 38 800 euros par conclusions ultérieures, outre fixation d’une astreinte majorée et condamnation de la société Bouygues à une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi, demandes auxquelles la défenderesse s’oppose en sollicitant la suppression de l’astreinte puisqu’elle argue d’une impossibilité technique de s’exécuter pour négligence fautive de la société Le Squale, à titre subsidiaire sa minoration à un euro.

Par jugement du 24 mai 2022 le juge de l’exécution a :

‘ liquidé l’astreinte à un euro, pour la période comprise entre le 11 décembre 2020 et le 4 janvier 2022 et condamné la société Bouygues au paiement de cette somme ;

‘ débouté la société Le Squale de sa demande tendant au prononcé d’une nouvelle astreinte ;

‘ l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

‘ condamné la société Bouygues au paiement de la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société Le Squale a interjeté appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification par déclaration du 10 juin 2022.

Aux termes de ses écritures notifiées le 10 août 2022 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu le principe de la liquidation de l’astreinte;

– l’infirmer sur le quantum ;

– prononcer la recevabilité de l’action diligentée par la société Le Squale ;

– débouter la société Bouygues de toutes ses demandes ;

– la condamner au paiement de la somme de 38 800 euros au titre de la liquidation de l’astreinte pour la période comprise entre le 11 décembre 2020 et le 4 janvier 2022, somme à parfaire en cours de procédure ;

– ordonner une nouvelle astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– condamner la société Bouygues à payer à la société Le Squale la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

– la condamner en outre au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses demandes, elle soutient en substance que le précédent arrêt de cette cour en date du 25 février 2021 a écarté l’impossibilité d’exécuter alléguée par la société Bouygues qui depuis cette décision n’a effectué aucune diligence pour satisfaire à une obligation mise à sa charge depuis l’année 2015.

Elle conteste toute faute qui lui soit imputable exposant avoir réalisé toutes les démarches possibles, notamment l’appel à de nouveaux opérateurs pour récupérer cette ligne téléphonique qui nécessite l’intervention de la société Bouygues.

Par écritures en réponse notifiées le 8 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens , la société Bouygues formant appel incident, demande à la cour :

A titre principal :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu le principe de la liquidation de l’astreinte ordonnée par le jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 26 mai 2015,

Par conséquent :

– de prononcer la suppression de l’astreinte compte tenu de l’impossibilité technique de portabilité du numéro 06.12.77.84.41 apparue postérieurement au jugement du 26 mai 2015 du fait des négligences fautives de la société Le Squale,

– de débouter celle-ci de sa demande de liquidation d’astreinte à hauteur de 38 800 euros au titre de la période allant du 11 décembre 2020 au 4 janvier 2022,

– de la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a liquidé l’astreinte à un euro symbolique pour la période allant du 11 décembre 2020 au 4 janvier 2022,

Par conséquent :

– d’ordonner la liquidation de l’astreinte pour un montant d’un euro symbolique pour la période allant du 11 décembre 2020 au 4 janvier 2022 compte tenu de l’ensemble des diligences accomplies par la société Bouygues,

– de débouter la société Le Squale de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de fixation d’une astreinte définitive ainsi que la demande de dommages-intérêts de la société Le Squale,

Par conséquent :

– de débouter celle-ci de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

A cet effet elle indique pour l’essentiel s’être exécutée spontanément dès le 8 juin 2015, soit le lendemain de la réception du jugement du tribunal de commerce, en communiquant à la société Le Squale le code Rio (Relevé d’Identité Opérateur) relatif à la ligne litigieuse, ce code constituant un identifiant unique à chaque ligne téléphonique permettant en cas de changement d’opérateur de faciliter l’identification de la ligne lors des demandes de portabilité du numéro. Mais malgré relance du 17 juin 2015, la société Le Squale a tardé à souscrire un nouveau contrat auprès d’un autre opérateur, l’informant le 27 octobre 2015 de l’échec de la portabilité auprès de l’opérateur SFR. Entre temps le numéro Rio a été restitué à l’opérateur initial, la société SFR, qui en était propriétaire. Le jugement du tribunal de commerce, tardivement signifié, est donc impossible à exécuter, du fait de la négligence de la société Le Squale.

Elle rappelle les termes de l’article L.44 alinéa 12 du code des postes et des communications électroniques et de la décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ( l’Arcep) en date du 30 mars 2006 pour en déduire qu’il appartient à l’opérateur receveur d’effectuer les démarches relatives à la portabilité des numéros et qu’elle même a effectué, sans délai, les obligations qui lui incombaient à savoir la réactivation de la ligne litigieuse pour permettre le portage du numéro et la communication à la société Le Squale du code Rio, à charge pour cette dernière de le communiquer au nouveau opérateur choisi, ce qu’elle n’a pas fait, n’hésitant pas à agir à plusieurs reprises en liquidation de l’astreinte au titre d’une obligation qu’elle a rendue impossible à réaliser et alors qu’elle n’utilise plus le numéro de téléphone en cause depuis plus de sept ans.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 7 février 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Selon l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, l’astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient en tout ou partie d’une cause étrangère.

Il n’est pas discuté que l’obligation de portabilité des numéros de téléphone de la société Le Squale n’a pas été exécutée ;

Il ressort en effet d’un courriel de l’opérateur SFR daté du 27 octobre 2015 adressé à la société Le Squale « le blocage de la portabilité de la ligne chez Bouygues Telecom à cette date » suivi d’un second email du 20 novembre 2015 confirmant que la portabilité a échoué pour la troisième fois. Le 12 décembre 2016 la société CIC Mobile a indiqué que la portabilité avait été refusée par l’ancien opérateur, refus confirmé le 28 décembre 2016 par un nouvel opérateur contacté, la société Orange qui explique que le numéro MSISDN n’est pas actif ;

L’impossibilité alléguée par la société Bouygues, déjà soumise à la cour dans le cadre de la précédente action en liquidation de l’astreinte sur la période antérieure, a été écartée par arrêt du 25 février 2021et il n’est pas justifié d’élément nouveau pour la période ultérieure ;

En effet son argumentation basée à nouveau sur les dispositions de l’article L.44, 12° du code des postes et télécommunications électroniques et la décision de l’Arcep du 30 mars 2006 selon laquelle il appartient au nouvel opérateur (« opérateur receveur ») d’effectuer les démarches relatives à la portabilité des numéros mobiles, se heurte à l’autorité de la chose définitivement jugée par décision de la juridiction consulaire en date du 26 mai 2015 qui l’a condamnée à effectuer la portabilité des numéros de la société Le Squale vers l’opérateur Orange, et contrevient aux dispositions de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution qui font interdiction au juge de l’exécution, et à la cour statuant avec ses pouvoirs, de remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits ou obligations qu’il constate ;

Par ailleurs ainsi qu’exactement retenu par le premier juge, les correspondances qu’elle a adressées au conseil de la société Le Squale au mois de novembre et décembre 2017, l’informant de la restitution à la société SFR du numéro de téléphone en cause compte tenu des délais écoulés, sont à elles seules insuffisantes à établir la perte de ce numéro rendant impossible sa portabilité ;

C’est donc à raison que faute de démonstration d’une cause étrangère, le premier juge a retenu le principe de la liquidation de l’astreinte et rejeté la demande de suppression de l’astreinte ;

C’est encore par une exacte application des dispositions de l’article L.131-4 précité qu’il en a minoré le montant ainsi qu’il l’a fait en tenant compte du comportement de la débitrice de l’obligation qui dès le 8 juin 2015 a transmis à la société Le Squale le relevé d’identité opérateur ( Rio) nécessaire à la demande de conservation de son numéro auprès du nouvel opérateur, puis s’est enquise huit jours plus tard des démarches effectuées par elle auprès de cet opérateur, lettre à laquelle il a été répondu le même jour par le conseil de la société Le Squale que le nécessaire aurait été fait auprès de la société Orange, avant de l’informer cinq mois plus tard du blocage de la portabilité de la ligne signalé par un autre opérateur, la société SFR, et de son intention d’agir en liquidation de l’astreinte ;

Doivent être également retenues les difficultés d’exécution liées à l’inertie de la société Le Squale qui bien qu’ayant saisi le tribunal de commerce selon la procédure d’urgence à jour fixe pour obtenir condamnation de la société Bouygues à procéder à cette portabilité, a tardé pendant plusieurs mois à prendre contact avec un nouvel opérateur en lui communiquant le numéro Rio, indispensable à cette opération, et qui lui avait été adressé quinze jours après le jugement du 26 mai 2015;

Il s’en suit la confirmation du jugement entrepris sur le montant de l’astreinte liquidée et le rejet de la demande d’astreinte majorée ;

Le débouté de la demande de dommages et intérêts présentée par la société Le Squale sera pareillement approuvé, le préjudice moral allégué n’étant aucunement démontré ;

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

A hauteur de cour, la société Le Squale qui succombe en son recours supportera les dépens d’appel et sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dont l’équité ne commande pas application en faveur de l’intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la Sarl Le Squale aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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