Saisine du juge de l’exécution : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/03866

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Saisine du juge de l’exécution : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/03866

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°330

N° RG 21/03866 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RYRT

M. [K] [F]

S.A.S.U. EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE

C/

S.A.S. ICONES

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Luc FURET

Me Dorothée LE ROUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Morgane LIZEE, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [K] [F]

né le 03 Octobre 1965 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Luc FURET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

S.A.S.U. EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE immatriculée au RCS de Lorient sous le n° 844 187 005, agissant poursuites et diligences par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège ;

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Luc FURET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉE :

S.A.S. ICONES immatriculée au RCS de LORIENT sous le numéro 347 756 546, siagissant poursuites et diligences par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ;

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Dorothée LE ROUX de la SARL DOROTHEE LE ROUX AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

****

FAITS

La société ICONES est une société d’imprimerie.

Elle a repris l’ensemble des activités de façonnage et d’imprimerie de la société IMPRIMERIE DE BASSE BRETAGNE placée en redressement judiciaire, ainsi que les actifs attachés à cette activité, suivant jugement du tribunal de commerce de Lorient du 7 juin 2018. L’acte de cession prévoyait la reprise du contrat à durée déterminée de M. [K] [F], ex-gérant de la société IMPRIMERIE DE BASSE BRETAGNE, d’une durée de 6 mois.

Un contrat à durée déterminée d’une durée de 6 mois, a donc été régularisé entre les parties le 11 juin 2018, puis renouvelé jusqu’au 10 juin 2019.

M. [F] n’a pas restitué les ordinateurs portables confiés par l’entreprise ICONES à la fin de son contrat de travail.

Dans le courant de l’année 2019, la société ICONES indique avoir appris que M. [F] exerçait une activité d’imprimerie qu’il exploitait à partir de la SASU EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE (EOL), ayant pour objet social l’organisation de foires, salons professionnels et congrès.

La société ICONES ajoute qu’elle a été en possession de devis que la SASU EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE avait établi le 18 juin 2019, transmis à la société PHARMAGEST, client important de la société ICONES acquis parmi les éléments incorporels de la SARL IMPRIMERIE DE BASSE BRETAGNE.

Considérant qu’ils présentaient des similitudes avec ses propres prestations et devis, soupçonnant qu’ils avaient été copiés avec des propositions de prix plus bas et arguant d’agissements déloyaux, elle a saisi par requête le président du tribunal de commerce de Lorient afin notamment de solliciter la restitution des ordinateurs et de faire réaliser un constat destiné à réunir les documents au soutien de ses affirmations.

Par ordonnance du 9 juillet 2019, le vice-président du tribunal de commerce a fait droit pour partie à la requête.

Les huissiers de justice sont intervenus le 5 septembre 2019.

La société ICONES a ensuite assigné la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [F] devant le tribunal de commerce de Lorient par actes du 16 décembre 2019.

Le 18 décembre 2019, la société ICONES a saisi le juge de l’exécution de Lorient aux fins d’autorisation de faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de M. [F] à hauteur de 119.240 euros.

Par ordonnance en date du 7 janvier 2020, le juge de l’exécution a fait droit a cette demande.

Il a été procédé à la saisie conservatoire des comptes bancaires détenus par M. [F] le 28 janvier.

M. [F] a assigné la société ICONES devant le juge de l’exécution aux fins de rétractation de l’ordonnance du 7 janvier 2020.

Par jugement du 22 avril 2021, le juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire.

Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal de commerce de Lorient a :

– Débouté la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [F] de leur exception d’incompétence matérielle ;

– S’est déclaré matériellement compétent pour connaître du présent litige,

– Jugé que la Société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société ICONES ;

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 3.972 euros au titre du

gain manqué,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 42 634 euros H.T au titre

de la perte de chance de réaliser un gain ;

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 30 000 euros H.T au titre

du trouble commercial et du préjudice moral ;

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la Société ICONES la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté la société ICONES de sa demande d’interdiction de la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] d’exercer toute activité

d’imprimerie à compter de la signification de la décision ;

– Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] aux entiers dépens de la présente instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 euros ETC ;

– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.

Par déclaration en date du 24 juin 2021, la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [F] ont interjeté appel de ce jugement.

Le 1 er juillet 2021, la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [F] ont assigné la société ICONES aux fins d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce.

Par ordonnance du 28 septembre 2021, le premier président de la cour d’appel de Rennes a :

– Débouté M. [K] [F] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal de commerce de Lorient du 21 juin 2021 ;

– Arrêté l’exécution provisoire en ce qui concerne la société EOL ;

– Condamné M. [K] [F] aux dépens ;

– Condamné M. [F] à payer à la société ICONES une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ICONES a sollicité par conclusions d’incident la radiation de l’appel aux motifs que M. [F] et la société EOL n’exécutaient pas les condamnation mises à leur charge.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.

L’ordonnance de clôture est en date du 6 avril 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs écritures notifiées le 22 septembre 2021, la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [F] demandent à la cour au visa des articles L1411-1 et suivants du code du travail, 1240 et suivants du code civil,

In limine litis de :

– Prononcer l’incompétence du tribunal de commerce de Lorient au profit du conseil de Prud’hommes de Lorient s’agissant des demandes de la société ICONES à l’égard de Monsieur [K] [F],

En conséquence,

– Infirmer le jugement et renvoyer la partie du litige concernée par devant le conseil de Prud’hommes de Lorient,

A titre principal,

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lorient en date du 21 juin 2021 sauf en ce qu’il a débouté la société ICONES de sa demande d’interdiction de la société EOL et de Monsieur [F] d’exercer toute activité d’imprimerie à compter de la signification de la décision,

– Dire et juger que la société ICONES ne démontre pas l’existence d’actes de concurrence déloyale de la Société EOL,

En conséquence,

– débouter la Société ICONES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement,

– Dire et juger que la Société ICONES ne démontre pas l’existence d’un préjudice,

En conséquence,

– Débouter la Société ICONES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

– Condamner la société ICONES à verser à Monsieur [F] et à la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– Condamner la société ICONES aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses écritures notifiées le 24 février 2022 la société ICONES demande à la cour au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

– Débouter la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lorient le 21 juin 2021, en qu’il a :

– Débouté la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] de leur exception d’incompétence matérielle,

-S’est déclaré matériellement compétent pour connaître du présent litige,

– Jugé que la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société ICONES,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 3.972 euros au titre du gain manqué,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la Société ICONES la somme de 42.634 euros H.T au titre de la perte de chance de réaliser un gain,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 30.000 euros H.T au titre du trouble commercial et du préjudice moral,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la Société ICONES la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] aux entiers dépens de la présente instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 euros ETC.

– Condamner en cause d’appel et solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [F] à payer à la société ICONES une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

L’exception d’incompétence

La société EOL et M. [F] estiment que le tribunal de commerce n’est pas compétent pour régler le litige de la compétence du conseil de prud’hommes puis qu’il leur est reproché des actes de concurrence déloyale notamment pendant l’exécution du contrat de travail de M. [F] au sein de la société ICONES.

La société ICONES rappelle que ses demandes ne reposent pas sur les clauses du contrat de travail mais sont fondées sur les dispositions de l’article 1240 du code civil.

Le contrat de travail de M. [F] a pris fin le 10 juin 2019.

La société EOL dont il est le dirigeant a été immatriculée le 7 décembre 2018 soit antérieurement à la fin du contrat de travail.

Il leur a été reproché d’avoir commis des actes de concurrence déloyale durant l’exécution du contrat de travail, la société ICONES faisant valoir notamment que M. [F] aurait établi des devis pour ses clients dès le mois de mai 2019.

L’assignation introduite par la société ICONES à l’encontre de la société EOL et de M [F] vise à établir que la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société ICONES. Elle est fondée sur la faute de l’article 1240 du code civil.

Le choix de la société ICONES de ne saisir que les comptes personnels de M. [F] à l’exclusion de ceux de sa société ne suffit pas à démontrer que la société ICONES n’ entend agir que sur des manquements de son ancien salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, les mesures conservatoires étant indépendantes des moyens soutenus par les parties pour faire trancher le litige.

Toutefois les actes qui auraient été commis pendant l’exécution du contrat de travail et leur indemnisation sont de la compétence du conseil de prud’hommes s’agissant de M. [F] y compris au moyen de fautes réalisées pendant le contrat de travail.

Le tribunal de commerce n’est pas compétent pour examiner la responsabilité du salarié pour la période antérieure à la fin de son contrat de travail, ni pour examiner les éventuels manquements à la clause de non concurrence (notion distincte de celle de concurrence déloyale) même si ces manquements ont eu lieu après la fin du contrat.

Cependant la cour est juridiction d’appel du conseil de prud’hommes de Lorient, et en application de l’article 90 du code de procédure civile elle peut statuer au fond.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu sa compétence concernant les manquements reprochés à M. [F] qui auraient été commis avant la fin de son contrat de travail. La cour reste néanmoins saisie au titre de l’effet dévolutif de l’appel.

La concurrence déloyale

La société ICONES reproche à la société EOL et à M. [F] des manoeuvres déloyales commises dans le cadre d’activités similaires à la sienne, en utilisant ses fichiers clients, détournant cette clientèle grâce à des devis identiques de nature à créer une confusion dans l’esprit de cette dernière, ces faits étant notamment établis par les constats d’huissier du 5 septembre 2019.

La société ICONES et M. [F] considèrent que ces assertions ne sont pas démontrées.

. L’activité de la société EOL

La société ICONES fait valoir que la société ICONES réalise en fait des activités d’imprimerie concurrente de sa propre activité alors que son objet est étranger à ce domaine.

L’extrait Kbis de la société EOL précise que ses activités consistent dans l’organisation d’événements, la maîtrise d’oeuvre d’événements, la communication, la réalisation, la commercialisation de tous supports de communication achat vente de produits s’y rattachant.

La société EOL et M. [F] ne contestent pas effectuer des travaux d’imprimerie mais expliquent que ces travaux sont accessoires, sous-traités et réalisés pour leurs partenaires dans le cadre de l’activité de la société EOL qui organise des foires et des événements sportifs.

La société EOL et M. [F] rappellent aussi que l’acte de cession de IBB à ICONES ne comporte pas de clause de non concurrence ou de garantie d’éviction à l’égard de la société ICONES.

Ils ne peuvent cependant pas opposer à la société ICONES qu’ils ne sont pas tenus par une clause de non concurrence et/ou de garantie d’éviction.

En effet, le contrat de travail régularisé entre la société ICONES et M. [F] le 11 juin 2018 renouvelé aux mêmes conditions comporte une clause de non concurrence :

Pour préserver les intérêts de la SAS ICONES et compte menu de la spécificité des fonctions deMonsieur [F] le mettant en relation avec la clientèle de la sociéte au cas où le présent contrat viendrait à être rompu pour quelque cause que ce soit et quelle que et quelle que soit la partie ayant pris l’initiative de la rupture, Monsieur [F] s’interdit expressément :

1. d’entrer au service d’une entreprise ou d’un organisme concurrent crée, en voie de création ou à créer dont l’activité est similaire ou identique à celle exercée par la société à savoir Offset et numérique ;

2- de s’intéresser directement ou indirectement à une telle entreprise ou à un tel organisme, à quel que titre que ce soit ou de quelque manière que ce soit et, notamment, en tant que travailleur non salarié, entreprise personnelle, associé, mandataire social, commanditaire etc.

La présente interdiction est limitée :

– à une durée de un an qui commence à courir à compter du départ effectif de la société ;

– au secteur géographique suivant : départements du Finistère , des Côtes d’Armor, du Morbihan et départements limitrophes.

ll est expressernent convenu que dans l’hypothèse où le salarié contreviendrait aux dispositions de la présente clause il devrait verser à la société des dommages et intérêts qui seraient au choix de cette dernière et par infraction constatée soit fonction des dommages qui auraient été occasionnés de ce fait, soit forfaitairement fixés au montant de la rémunération acquise par lui au titre de ses 12 derniers mois de travail effectif au sein de la société sans pouvoir être inférieurs à 6 fois le montant de son dernier salaire mensuel brut, tous éléments de rémunération et indemnités inclus.

Par ailleurs la société se réserve le droit de faire cesser cette contravation par toutes les voies de droit et en particulier au moyen d’une astreinte égale à 1/10 e de son dernier salaire mensule brut tous les éléments de rémunération et indemnités inclus par jour de retard à cesser l’infraction.

Ensuite, la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE ne peut se rendre complice de sa violation.

En revanche, ni l’un ni l’autre ne sont tenus à une quelconque garantie d’éviction, la société ICONES ayant acquis l’entreprise des organes de la procédure collective.

La société EOL et M. [F] ne versent aucune pièce pour illustrer leurs interventions dans les domaines de l’événementiel (attestations d clients, photos, articles de presse …)

En outre les pièces 16 à 21(factures LOGIPARK d’octobre et novembre 2019/facture ATELIERS DU PRAT et dossier de location longue durée) sont insuffisantes pour rapporter la preuve que la société EOL ne se contenterait que de confier accessoirement des travaux d’imprimerie à ces sous traitants dans la mesure où en raison de leur généralité et imprécision elles ne permettent pas de les rattacher à cette situation.

Quoiqu’il en soit la société ICONES, qui supporte la charge de la preuve de ses allégations de concurrence déloyale, ne peut non plus tirer du refus par les appelants de lui communiquer les documents comptables et les factures qu’elle réclamait pour démontrer à contrario que les résultats de la société EOL proviennent d’une activité concurrente déloyale , si elle ne démontre pas également qu’ EOL et M. [F] utilisent des moyens répréhensibles pour développer leur travaux d’imprimerie.

. L’utilisation de fichiers clients et le démarchage

L’acte de cession d’entreprise de la société IBB à la société ICONES englobe notammment au titre des éléments incorporels l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage y attachés ainsi que les droits aux contrats commerciaux, les fichiers clients commerciaux et techniques.

La société ICONES verse une pièce 12 qui dresse la liste de cette clientèle.

La société EOL et M. [F] ne contestent pas la réalité et le contenu de cette liste.

La procédure sur requête a permis à un huissier de justice de récupérer deux ordinateurs portables que M [F] utilisait dans le cadre de son contrat de travail et avait omis de remettre à son ex employeur au moment de son départ ainsi que d’instrumenter sur l’ordinateur personne de M [F].

Il importe peut que les deux ordinateurs soient obsolètes comme le prétendent les appelants dès lors qu’ils ne démontrent pas qu’ils ne permettaient pas de copier et/ou de transférer sur l’ordinateur personnel de M. [F] des fichiers clients d’ICONES.

Le procès-verbal de constat du 5 septembre 2019 (pièce 16 de la société ICONES) démontre qu’en introduisant tous les noms de la liste dans le moteur de recherche de l’ordinateur de M. [F], plusieurs dizaines de fichiers ‘devis’ créés en mai, juin, juillet et août 2019 ressortent pour des clients d’ICONES.

L’huissier identifie également des factures et divers documents (contrats de locations longue durée, procès-verbal de réception contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique etc) concernant des clients, qui apparaissent correspondre aux travaux d’imprimerie réalisés par EOL.

Le procès-verbal comporte des annexes qui regroupent tous ces éléments qui ont été imprimés.

L’huissier indique aussi qu’il a trouvé des mails en rapport avec les noms de la liste 12 dans l’adresse mail [Courriel 5].

Ces recherches établissent l’utilisation par M. [F] et la société EOL du fichier clients acquis par la société ICONES et donc de son détournement alors que M. [F] travaillait encore au sein d’ICONES.

En effet il était aisé pour M. [F] ex dirigeant d’IBB puis salarié d’ICONES de détourner le fichier clients via les ordinateurs portables.

Par ailleurs l’établissement de nombreux devis et de factures pour des clients d’ICONES pendant l’exécution du contrat de travail (en mai 2019) puis aussitôt après le départ de M. [F] (juin, juillet et août) confirme un démarchage ciblé dès lors que le court laps de temps entre l’établissement de ces documents et la fin du contrat de travail ne permettait pas à la jeune société EOL d’attirer toute cette clientèle en raison de la seule réputation de M.[F] et de son expérience.

En tout état de cause, et quel que soit les termes du contrat de travail, la réalisation de devis pour une entreprise concurrente par un salarié est une faute, et celle de s’en rendre complice, tout autant.

Un mail du 6 juin 2019 client FESTIVAL INTERCELTIQUE DE [Localité 2] figurant dans la liste 12, envoyé à M.[F] durant l’exécution du contrat de travail de M. [F] illustre même que le démarchage a commencé en amont:

Coucou [Localité 6]

Et ton premier client est le FIL!

Devis validé

Merci

A bientôt.

Pour rappel, le contrat de travail de M. [F] s’est terminé le 10 juin 2019 et il résulte de ce courriel une faute caractérisé de sa part.

Pour s’en dédouaner les appelants affirment que cette clientèle s’est adressée spontanément à leurs services en raison notamment de prix attractifs par rapport à ceux d’ICONES ayant subi une hausse déraisonnable.

Ce point est démenti par la société ICONES qui considère au contraire que la société EOL pratiquait des tarifs anti-concurrentiels.

Elle ne verse aucune pièce pour le démontrer.

Pour leur part la société EOL et M. [F] pour démontrer l’inverse, mentionnent un devis du 5 septembre 2018 pour la société PHARMAGEST s’élevant à la somme de 2.130 euros HT puis pour la même prestation et le même client un devis du 28 juin 2019 à 3.297 euros HT soit une augmentation de +54,79% des tarifs ICONES alors que le devis de la société EOL du 18 juin 2019, accepté par PHARMAGEST a été proposé à 2.176 euros HT

Outre que les devis du 5 septembre 2018 et du 28 juin 2018 concernent PHARMAGEST et celui du 18 juin 2019 EHLS, les appelants ne sauraient déduire de ces fluctuations de prix une politique de hausse des tarifs d’ICONES qui déterminerait ses clients à fuir, alors que cette hausse peut s’expliquer par une volonté d’améliorer la qualité de ses prestations ou par l’état du marché.

Au surplus les attestations produites par les appelants pour établir que certains clients se sont adressés à EOL spontanément ne sont pas suffisantes pour le rapporter.

Ils n’en versent que deux.

L’attestation attribuée à M. [C] de PHARMAGEST est un document désolidarisé de la première et dernière page (document modèle pour l’établissement d’une attestation dans les forme).

L’attestation de Mme [T] n’est pas faite dans les formes du code de procédure civile.

Par ailleurs la présentation des devis d’EOL établit au surplus une utilisation des logiciels d’ICONES.

. La présentation des devis

La comparaison des devis ICONES et des devis EOL montrent de fortes similarités.

Ils portent chacun à gauche en haut de page la nom de la société et sur la même ligne en face à droite le ‘ devis client’.

La colonne de gauche est présentée de la même manière :

Destinataire

Référence

Descriptif

Il est usuel que des sociétés agissant dans le même domaines d’activité fassent appel aux mêmes prestataires et logiciels informatiques pour leur site et/ou leur documents contractuels.

En l’espèce les appelants ne peuvent se contenter d’avancer ce moyen pour réfuter tout acte de concurrence déloyale.

En effet cette similarité doit être appréciée à la lumière des autres agissements déloyaux.

En outre si la similarité ne peut résulter des seuls logiciels de création de devis, elle ressort manifestement d’une volonté délibérée de créer de la confusion d’autant que comme le revendique M. [F] il est reconnu par les clients d’IBB et d’ICONES qui, croyant avoir affaire à une société vont contracter avec une autre.

Elle démontre que la société EOL et M. [F] ont entendu ne pas se démarquer de la société ICONES avec des devis personnalisés aux seuls fins de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle de la société ICONES.

Dans ces conditions il est suffisamment rapporté que M. [F] et la société EOL ont usé de procédés frauduleux constitutif d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société ICONES.

Le jugement est confirmé.

Le gain manqué

La saisieet le constat par huissier de justice a permis de retrouver 7 factures émises par EOL de mai 2019 à août 2019 :

Facture du 31 mai 2019 n° 001 pour SCP CONSEIL 2204 euros HT 2644,8 TTC

Facture du 25 juin 2019 n° 006 pour BVC ORGANISATION 136 euros HT 163,2 euros TTC

Facture du 25 juin 2019 n ° 007 pour BVC ORGANISATION 1050 euros HT 1260 euros TTC

Facture du 27 juin 2019 n° 009 pour NATURE LOGIPARK 4087 euros HT 4904,4 euros TTC

Facture du 11 août 2019 n° 011 pour le FIL 3096 euros HT 3715,2 euros TTC’

Facture du 11 août 2019 n° 011 pour le FIL 3190 euros HT 3828 euros TTC’

Facture du 25 juin 2019 n° 012 pour BONNETERIE LE MINOR 180 euros HT 216 euros TTC

Facture du 27 juin 2019 n° 013 pour NATURE LOGIPARK 1937,51 euros HT 2325,01 euros TTC

soit au total 12690,51 euros HT 15228,61 euros TTC

M. [F] ne saurait être tenu s’agissant de la facture du 31 mai 2019 n° 001 pour SCP CONSEIL 2204 euros HT 2644,8 TTC émise pendant la réalisation de son contrat de travail.

Ces clients ont donc été perdu pour ICONES ce qui constitue un préjudice

Il importe peu que le chiffre d’affaires de la société EOL pour l’exercice 2019 soit de 72.113 euros.

Cette situation est indépendante du préjudice subi.

Le cabinet d’expertise-comptable ARIA a établi une note de synthèse sur le préjudice économique subi par la société ICONES, laquelle détaille notamment le calcul de marge semi-brut de l’entreprise (pièce 30 d’ICONES).

Le taux de marge semi-brut moyen est de 31,30 % sur les exercices 2017 et 2018.

L’expert-comptable en conclut que le gain manqué s’élève à la somme de 3.972 euros soit la marge semi-brut de la facturation constatée par saisie constat.

Le gain manqué par la société ICONES s’élève donc à la somme de 3.972 euros. S’agissant d’une indemnisation, cette somme n’est pas soumise à la TVA.

Le jugement est confirmé de ce chef.

La perte de chance de réaliser un gain :

La pièce 30 visée supra précise que la marge semi brute correspondant au chiffre d’affaire de la société ICONES de juin 2018 à mai 2019 s’élève à un total de 42 634 euros.

Cependant ce montant ne serait justifié que s’il était certain que tous les clients démarchés aient confié leurs nouveaux travaux à ICONES.

Or ce préjudice n’est pas certain car même des clients réguliers peuvent s’adresser à des tiers pour leurs demandes de nouvelles prestations.

Compte tenu du chiffre d’affaires HT réalisé dans les 12 derniers mois ayant suivi la cession démontrant la satisfaction de la clientèle pour les services d’ICONES la perte de chance est évalulée à 80 % soit 80% de 42 634 euros : soit 34 108 euros. S’agissant d’une indemnisation, cette somme n’est pas soumise à la TVA.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Le trouble commercial et le préjudice moral

La société ICONES fait valoir que sa situation commerciale est atteinte pas les prix attractifs d’EOL ce qui a engendré une baisse de son chiffre d’affaire.

La société ICONES ne démontre pas que son chiffre d’affaire soit uniquement en lien avec l’activité d’imprimerie de la société EOL.

La perte de chiffre d’affaire est déjà indemnisée au titre de la perte d’une chance de réaliser un gain.

La baisse d’activité est en outre également susceptible de provenir de la concurrence d’autres prestataires et/ou de l’état du marché qui fluctue.

La société ICONES a toutefois subi un préjudice commercial et moral du fait de cette concurrence déloyale et de l’atteinte à son image et son sérieux vis à vis de sa clientèle.

Son préjudice commercial et moral est donc évalué à la somme de 15 000 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Les demandes annexes

Il n’est pas inéquitable de condamner la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE

et M. [F] in solidum à régler à la société ICONES la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure cvile.

La société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [F] sont condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

– Infirme le jugement en ce qu’il a :

– Débouté la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [F] de leur exception d’incompétence matérielle ;

– S’est déclaré matériellement compétent pour connaître du présent litige,

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 42 634 euros H.T au titre de la perte de chance de réaliser un gain;

– Condamné solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et Monsieur [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 30 000 euros H.T au titre du trouble commercial et du préjudice moral ;

– Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant et Statuant à nouveau :

– Reçoit l’exception d’incompétence du tribunal de commerce s’agissant des manquements reprochés à M. [F] qui auraient été commis avant la fin de son contrat de travail ;

– Dit que le tribunal de commerce de Lorient était incompétent, au profit du conseil de prud’hommes de Lorient, pour connaître des demandes formées contre M. [F] au titre des agissements commis par ce dernier alors qu’il était encore salarié de la société ICONES et au titre de ses agissements commis en violation de la clause de non concurrence qui le liait à la société ICONES ;

– Dit n’y avoir lieu à renvoi devant le conseil de prud’hommes de Lorient et que la cour d’appel de Rennes est saisie de ces demandes du fait de l’effet dévolutif de l’appel ;

-Condamne solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 34 108 euros euros au titre de la perte de chance de réaliser un gain ;

– Condamne solidairement la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 15.000 euros au titre du trouble commercial et du préjudice moral ;

– Condamne in solidum la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M . [K] [F] à payer à la société ICONES la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne in solidum la société EVENEMENT ORGANISATION LOGISTIQUE et M. [K] [F] à payer à la société ICONES aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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