1ère Chambre
ARRÊT N°194/2023
N° RG 20/04038 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q36I
M. [G] [P] [A]
Mme [N] [A] épouse [J]
Mme [K] [A] épouse [B]
S.A.R.L. BBC DISTRIBUTION
C/
M. [T] [W] [L] [M]
Mme [O] [U] [Y] [I] épouse [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 septembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 15 novembre 2022 à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [G] [P] [A]
né le 22 Février 1954 à [Localité 16] (44)
[E] [X] – [C] [H]
[Localité 9] (MAROC)
Représenté par Me Jean-Marie BOUQUET de la SARL SULIS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
Madame [N] [A] épouse [J]
née le 09 Juillet 1987 à [Localité 13] (44)
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Marie BOUQUET de la SARL SULIS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
Madame [K] [A] épouse [B]
née le 09 Juillet 1980 à [Localité 13] (44)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Marie BOUQUET de la SARL SULIS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
La société BBC DISTRIBUTION, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Marie BOUQUET de la SARL SULIS AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur [T] [W] [L] [M]
né le 11 Juillet 1972 à [Localité 8] (92)
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Représenté par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
Madame [O] [U] [Y] [I] épouse [M]
née le 11 Décembre 1975 à [Localité 13] (44)
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 18 février 2013, M. et Mme [M] ont fait l’acquisition au prix de 275.000 € d’une maison d’habitation située au [Adresse 3] à [Localité 15] appartenant à M. et Mme [A], édifiée en partie par ces derniers, les lots enduit, étanchéité et serrurerie ayant été assurés par d’autres entrepreneurs.
Le procédé de construction, fondé sur l’auto-construction en matériaux dits de ‘basse consommation’, avait été importé et vendu par la sarl BBC Distribution dont M. [A] était le gérant.
Des traces d’humidité sont rapidement apparues et se sont étendues à l’ensemble de la maison.
Une expertise amiable a été diligentée, qui a constaté la réalité des désordres. Puis, une expertise judiciaire a été ordonnée en référé le 24 juillet 2014 ayant donné lieu au dépôt le 31 août 2017 du rapport de l’expert qui confirmait l’existence des désordres allégués, à savoir les infiltrations d’eau rendant les locaux insalubres ou inhabitables.
M. et Mme [M] ont parallèlement, soit les 6 et 11 août 2015, et sans avoir attendu le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, introduit une procédure au fond aux fins d’indemnisation, en cours devant le tribunal judiciaire de Nantes. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 3 janvier 2023.
Pour sûreté et conservation de leur créance et dûment autorisés par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nantes, M. et Mme [M] ont dès mars 2014 tenté de faire procéder à diverses saisies conservatoires des sommes d’argent, comptes bancaires, biens et parts sociales susceptibles d’être détenus par M. et Mme [A], notamment dans les sociétés BBC Distribution et Avenir Patrimoine Entreprises.
Ces procédures se sont révélées infructueuses.
En effet, suivant procès-verbal du 20 mars 2015, M. [A] a cédé 2970 parts au sein de la sarl BBC Distribution à ses deux filles, soit 1485 parts chacune, l’objet social de ladite sarl ayant par ailleurs été modifié par la suppression de l’activité d’importation et de commercialisation d’articles de puériculture et le remplacement par une activité de marchand de biens, achat et locations de biens immobiliers.
Puis, suivant acte reçu le 15 mai 2015 par maître [V], notaire associé à [Localité 14], M. [A] a fait donation à ses deux filles de la pleine propriété d’un immeuble sis à [Adresse 10] cadastré section AL n° [Cadastre 2], le tout estimé à 85.000 €, se réservant un droit d’usage et d’habitation et interdisant aux donataires de vendre et d’hypothéquer le bien avant son décès.
Enfin, le 17 septembre 2015, M. [A] a cédé ses 100 parts au sein de la sarl Avenir Patrimoine Entreprises à la sarl BBC Distribution moyennant un prix de 20.000 €.
Par assignations délivrées aux consorts [A] d’une part les 23, 24 et 25 mars 2016, et d’autre part les 3 et 7 juin 2016, les deux procédures ayant été jointes, M. et Mme [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Nantes d’une demande d’inopposabilité des trois cessions qu’ils estiment avoir été réalisées en fraude de leurs droits.
Dans le même temps, M. et Mme [M] ont fait procéder le 17 mars 2016 à une saisie conservatoire des parts sociales détenues par M. [G] [A] et ses deux filles au sein de la sarl BBC Distribution ainsi que des sommes détenues par cette même société au bénéfice des mêmes détenteurs pour sûreté et conservation de la somme de 302.398 €, procédures qui se sont à nouveau révélées infructueuses.
Le 1er juin 2016, ils ont été autorisés par le juge de l’exécution à faire inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l’immeuble constituant le lot n° 5 de l’immeuble en copropriété à [Localité 12] et par ordonnance du 16 juin 2016, ils ont été autorisés à faire procéder à une saisie conservatoire des parts sociales détenues par la société BBC Distribution au sein de la société Avenir Patrimoine Entreprise ainsi que des sommes détenues par cette même société au bénéfice de la sarl BBC Distribution.
Par ordonnance du 21 décembre 2017, le juge de la mise en état a condamné in solidum M. et Mme [A], la SA Gan Assurances lard, assureur de la sarl Armorique Bâtiment, la sarl Nouvelle Mecapli et son assureur, la SA Thelem Assurance, la sarl Ouest Etanche et son assureur la SMABTP, à payer à M. et Mme [M] les sommes provisionnelles suivantes :
– 235.024,85 € à valoir sur le coût des travaux de reprise,
– 5.973 € à valoir sur le coût de l’assurance dommages-ouvrage,
– 1.094,40 € à valoir sur les frais de gardes meubles,
– 1.332 € à valoir sur les frais de gaz et d’électricité pour la maison sinistrée inhabitable et 9 300 euros à valoir sur les frais de déménagement et réemménagement,
– 7.200 € à valoir sur la perte de valeur locative de la maison sinistrée,
– 17.996,66 € à titre de provision ad litem sur les frais et honoraires de M. [Z] et 10.000 € à titre de provision ad litem sur les frais irrépétibles,
– la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles afférent à l’incident, outre les dépens.
Par arrêt du 17 janvier 2019, la cour d’appel de Rennes a confirmé l’ordonnance en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a augmenté la condamnation in solidum des défendeurs d’un montant de 2.553,56 € représentant les frais de garde meubles et de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant sur l’action paulienne, le tribunal judiciaire de Nantes a, par jugement du 28 juillet 2020 :
1 ‘ déclaré recevables les conclusions de M. [A],
2 ‘ déclaré recevable l’action initiée par M. et Mme [M] à l’encontre de la sarl BBC Distribution,
3 ‘ déclaré inopposable à M. et Mme [M] la cession par M. [A] des parts sociales n° 101 à 200 de la sarl Avenir Patrimoine Entreprises à la sarl BBC Distribution,
4 ‘ dit M. et Mme [M] fondés à recouvrer les sommes dues par M. [A] entre les mains de la sarl BBC Distribution sur les parts sociales n° 101 à 200 de la sarl Avenir Patrimoine Entreprises ainsi que sur les sommes détenues par la sarl Avenir Patrimoine Entreprises (comptes courants d’associés, dividendes, salaire de gérance…) au bénéfice de la sarl BBC Distribution,
5 ‘ déclaré inopposable à M. et Mme [M] la donation du 15 mai 2015 par M. [G] [A] à ses filles Mme [K] [B] née [A] et Mme [N] [J] née [A] de la pleine propriété d’un lot de copropriété n° 5 dépendant d’un immeuble cadastré AL [Cadastre 2] situé au [Localité 12],
6 ‘ dit M. et Mme [M] fondés à recouvrer les sommes dues par M. [G] [A] entre les mains de Mme [K] [B] née [A] et Mme [N] [J] née [A] sur le lot de copropriété n° 5 dépendant d’un immeuble cadastré AL [Cadastre 2] au [Localité 12],
7 ‘ déclaré inopposable à M. et Mme [M] la cession par M. [G] [A] :
– des 1485 parts sociales numérotées n° 31 à 1515 de la sarl BBC Distribution à Mme [K] [B] née [A],
– des 1485 parts sociales numérotées n° 1516 à 3000 de la sarl BBC Distribution à Mme [N] [J] née [A],
8 ‘ dit M. et Mme [M] fondés à recouvrer les sommes dues par M. [G] [A] entre les mains :
– de Mme [K] [B] sur les 1485 parts sociales de la sarl BBC Distribution numérotées n° 31 à 1515,
– de Mme [N] [J] sur les 1485 parts sociales de la sarl BBC Distribution numérotées n° 1516 à 3000, ainsi que sur les sommes détenues par la sarl BBC Distribution (comptes courants d’associés, dividendes, salaire de gérance…) au bénéfice de M. [G] [A], Mme [N] [J], Mme [K] [B] née [A],
9 ‘ condamné in solidum les consorts [A] et la sarl BBC Distribution à verser à M. et Mme [M] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
10 ‘ débouté les consorts [A] et la sarl BBC Distribution de leur demande au titre des frais irrépétibles,
11 ‘ condamné in solidum les consorts [A] et la sarl BBC Distribution aux dépens de l’instance outre les dépens consécutifs aux ordonnances du juge de l’exécution du 27 mars 2014, du 9 octobre 2014, du 18 février 2015, du 4 juin 2015, du 25 février 2016, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Parthéma 3 agissant par maître Viaud conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
12 ‘ ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Les consorts [A] ont interjeté appel par déclaration du 27 août 2020 des chefs de jugement n° 2 à 12.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts [A] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 9 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en ses chefs de jugement n° 2 à 12,
– statuant à nouveau,
– à titre principal,
– constater que M. et Mme [M] ne sont plus titulaires d’aucune créance et n’ont donc pas intérêt à agir,
– déclarer irrecevable leur action paulienne,
– dire et juger à tout le moins que leur action paulienne est dépourvue d’objet et les en débouter,
– en conséquence,
– rejeter les demandes de M. et Mme [M],
– à titre subsidiaire,
– constater que M. et Mme [M] ne disposaient d’aucun principe de créance à l’encontre de M. [A] au moment des actes dont l’inopposabilité paulienne est sollicitée,
– constater que les actes de donation et de cession dont l’inopposabilité paulienne est sollicitée n’ont pas eu pour effet de rendre M. [A] insolvable,
– à défaut constater que la démonstration de l’insolvabilité de M. [A] n’est pas rapportée par M. et Mme [M],
– constater que M. [A] n’a jamais eu l’intention d’agir en fraude des droits de M. et Mme [M] en consentant les actes prétendument litigieux, et qu’il a au contraire procédé au règlement des sommes qu’il leur devait,
– dire et juger que les conditions de l’action paulienne ne sont donc pas réunies, ce dont il résulte que l’action initiée ne saurait prospérer, ce, quel que soit l’issue de l’action au fond en cours à l’encontre de M. [A],
– en conséquence,
– débouter M. et Mme [M] de leurs demandes d’inopposabilité paulienne à leur encontre,
– débouter M. et Mme [M] de leurs demandes à l’encontre de Mmes [B] et [J] et de la sarl BBC Distribution, tiers au litige principal,
– en tout état de cause,
– débouter M. et Mme [M] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de l’instance,
– les débouter de leurs demandées formées au titre des dépens consécutifs aux ordonnances du juge de l’exécution des 27 mars 2014, 9 octobre 2014, 18 février 2015, 4 juin 2015, et du 25 février 2016,
– condamner M. et Mme [M] à leur une somme de 3.000 € chacun au titre des frais irrépétibles,
– donner acte à M. [A] qu’il a communiqué une attestation établie par un homme de loi assermenté de ce que son patrimoine actuel lui permet de faire face à la créance alléguée mais non démontrée par M. et Mme [M] à hauteur de 302.398 €,
– réserver les dépens.
Ils soutiennent que le montant des provisions, fixé par ordonnance du juge de la mise en état du 21 décembre 2017, a été intégralement payé à M. et Mme [M] de sorte que ces derniers sont dépourvus d’intérêt à agir, que leur action est sans objet puisqu’aucune somme ne leur est plus due et qu’ils ne disposent plus de créance au jour où le juge statue puisqu’ils ont été remplis de leurs droits, ce, depuis bien avant le jugement déféré, que M. [A] a, en ce qui le concerne, réglé sa quote-part d’un montant de 36.040,49 €, qu’il a proposé de régler celle de son ex-épouse moyennant des mensualités de 500 €, son patrimoine immobilier n’étant pas liquide immédiatement, que le principe de la créance des intimés n’est pas certain à la date des actes reprochés en 2015 puisque ce n’est que le 4 juin 2016 que l’expert a pu dégager un certain nombre de conclusions quant aux responsabilités des intervenants à la construction, qu’il n’est pas démontré que M. [A] est insolvable, au contraire, qu’il est de bonne foi et ne s’est jamais dérobé à ses obligations, n’ayant été animé que d’une intention libérale à l’égard de ses deux filles, qu’il s’est établi au Maroc en 2012 à la suite de sa séparation conjugale et qu’il a souhaité réglé ses affaires avant son départ. Les consorts [A] demandent en tout état de cause d’infirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés in solidum à supporter les frais de justice et les dépens des ordonnances du juge de l’exécution.
M. et Mme [M] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 12 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
– débouter les consorts [A] et la sarl BBC Distribution de leur appel et de leurs prétentions,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a limité à la seule somme de 3.000 € la condamnation prononcée contre les consorts [A] et la sarl BBC Distribution au titre de leurs frais irrépétibles,
– statuant de nouveau de ce chef,
– condamner in solidum les consorts [A] et la sarl BBC Distribution à leur verser la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
– y additant,
– les condamner in solidum à leur verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
– les condamner in solidum aux dépens d’appel.
Ils rappellent qu’en exécution de l’ordonnance du juge de la mise en état du 21 décembre 2017, ils ont effectivement été intégralement payés des sommes dues, à savoir 291.731,96 €, mais qu’ils sont néanmoins loin d’avoir été remplis de leurs droits puisque l’audience de première instance au fond devait se tenir le 3 janvier 2023 et qu’ils veulent sécuriser le recouvrement de leur créance qui est par ailleurs certaine dans son principe depuis la note n° 1 de l’expert judiciaire aux parties du 1er décembre 2014, qui a conclu à l’insalubrité de la maison, tandis que M. [A] s’est dépossédé de ses biens en France dès mars 2015 sans contrepartie, qu’il n’a plus de compte bancaire sur le territoire national, que l’attestation de patrimoine établie par le notaire est assortie de la réserve des prêts et dettes non portés à sa connaissance, de sorte que la solvabilité n’est pas utilement étayée.
MOTIFS DE L’ARRÊT
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur l’intérêt à agir
En application de l’article 1167 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige, dispose que ‘[les créanciers] peuvent
aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.’
L’article 31 du code de procédure civile édicte que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’action paulienne suppose une créance certaine dans son principe au jour de l’acte argué de fraude et au jour où le juge statue.
En l’espèce, ainsi que relevé par les premiers juges, les actes litigieux sont intervenus le 20 mars 2015 pour la cession des parts sociales de la société BBC Distribution, le 15 mai 2015 pour la donation d’un immeuble sis à [Localité 12] et le 17 septembre 2015 pour la cession des parts de la société Avenir Patrimoine Entreprises.
Or, dès le 1er décembre 2014 dans sa note aux parties n° 1, l’expert a conclu à la présence de nombreuses infiltrations dont certaines rendent les locaux ‘quasiment inhabitables ou insalubres.’ Dans son ordonnance du 21 décembre 2017, le juge de la mise en état a relevé le caractère décennal non contestable des désordres apparus dans leur ampleur et leurs conséquences après la vente tandis que M. et Mme [A] vendeurs ont aussi revêtu la qualité de constructeurs de nature à entraîner leur responsabilité de plein droit des désordres constatés.
Ainsi que l’écrivent M. et Mme [M], ils ont perçu le montant intégral des provisions mises à la charge des défendeurs par ordonnance du juge de la mise en état du 21 décembre 2017.
Pour autant, ces provisions ne sont, par nature, pas définitives de sorte qu’elles n’ont pas vocation à éteindre définitivement la créance de M. et Mme [M].
L’audience au fond s’est tenue le 3 janvier 2023 et le jugement est à intervenir.
De même, le partage des responsabilités, tel qu’il a été appliqué provisoirement par les défendeurs dans la prise en charge desdites provisions ‘ partage toutefois non communiqué ‘ n’est pas non plus définitif de sorte que la part imputable à M. et Mme [A] n’est pas définitive outre que le prononcé d’une condamnation est susceptible d’intervenir sous le bénéfice de la solidarité conduisant chaque débiteur, notamment M. et Mme [A], à être redevable du tout, sauf les actions récursoires entre eux non opposables aux créanciers.
M. et Mme [M] justifient donc bien d’un principe certain de créance tant au moment des actes argués de fraude courant 2015 mais également au jour du présent arrêt.
M. et Mme [M] ont un intérêt à agir pour sécuriser leur recours s’il devait s’avérer que M. et Mme [A] étaient, eu égard notamment aux circonstances de l’auto-construction, reconnus responsables des préjudices pour des montants et dans des proportions in fine distincts de ce qui a provisoirement été retenu.
Sous le bénéfice de ces observations, leur action est recevable.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2) Sur le bien-fondé de l’action
Il résulte des pièces produites aux débats que M. [A] s’est dépossédé de son patrimoine dans l’année, à savoir en 2015, qui a suivi les premières conclusions de l’expert le 1er décembre 2014 mettant en évidence le caractère décennal des désordres, qu’il a ainsi donné à ses filles son bien immobilier situé au [Localité 12] sans contrepartie autre qu’un simple droit d’usage, qu’il leur a pareillement vendu ses parts sociales sans toutefois justifier de leur prix ni du reste de leur paiement, n’établissant dès lors nullement le caractère onéreux de ces cessions, qu’enfin, l’attestation établie le 9 juin 2017 par maître [R] [V], notaire à [Localité 14], par laquelle M. [A] dispose d’un patrimoine supérieur à 302.000 € ‘ attestation destinée à être produite en justice ‘, est parfaitement inopérante dès lors qu’elle est assortie d’une mention mettant à néant sa teneur et ainsi formulée ‘sous réserve des éventuels prêts et dettes dont il n’aurait pas connaissance’, outre qu’aucun détail n’est fourni quant à la consistance dudit patrimoine et à la valeur des biens supposés le composer.
En réalité, M. [A] ne justifie d’aucun patrimoine ou comptes bancaires, ni en France ni à l’étranger, par exemple au Maroc où il indique avoir établi sa résidence et les actes de cession et donation ont incontestablement constitué une opération d’appauvrissement faite au détriment des droits de ses créanciers M. et Mme [M].
Son insolvabilité apparente et sa volonté de s’appauvrir en ayant conscience de nuire à ses créanciers M. et Mme [M] sont caractérisées.
Sous le bénéfice de ces observations, l’action en fraude paulienne intentée par M. et Mme [M] est fondée.
Le jugement sera confirmé sur ce point, de même que le rejet de la demande présentée par les consorts [A] de ‘donner acte’ de la communication de l’attestation notariée litigieuse.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, les consorts [A] supporteront les dépens d’appel.
Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens de première instance.
Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de les condamner à payer à M. et Mme [M] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par eux en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Le jugement sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance, étant rappelé qu’une provision ad litem d’un montant de 10.000 € a été fixée par l’ordonnance du 21 décembre 2017 et payée depuis lors.
Les demandes des consorts [A] au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 28 juillet 2020,
Y ajoutant,
Condamne les consorts [G], [K] et [N] [A] aux dépens d’appel,
Condamne les consorts [G], [K] et [N] [A] à payer à M. et Mme [T] et [O] [M] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE