ARRET N°
N° RG 22/00453
N��Portalis DBWA-V-B7G-CLEZ
M. [T] [S]
Mme [Z]-[A] [F] épouse [S]
C/
Mme [L] [P] [M]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 04 JUILLET 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, en date du 08 Novembre 2022, enregistré sous le n° 22/00097 ;
APPELANTS :
Monsieur [T] [S]
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT, avocat au barreau de MARTINIQUE
Madame [Z]-[A] [F] épouse [S]
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
Madame [L] [P] [M]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Raymond AUTEVILLE de la SELAS CABINET AUTEVILLE, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 04 Juillet 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Se plaignant de divers désordres affectant son habitation et sa propriété sise sur la commune de [Localité 4], parcelle cadastrée section AO n°[Cadastre 2], Mme [L] [M] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France M. [T] [S] et Mme [Z]-[A] [S], propriétaires de la parcelle contigüe à la sienne, cadastrée section AO n°[Cadastre 1], aux fins d’obtenir l’homologation du rapport d’expertise judiciaire établi par M. [C] [U] le 21 mai 2015, leur condamnation à effectuer, sur leur terrain, les travaux nécessaires pour supprimer les infiltrations et inondations par les eaux de leur fonds et de son fonds, la condamnation des époux [S] à réparer le mur mitoyen et à lui payer la somme de
5 000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 26 juin 2018, le tribunal de grande instance de Fort-de-France a débouté Mme [L] [M] de toutes ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 1er août 2018, Mme [M] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt rendu le 12 novembre 2019, la cour d’appel de Fort-de-France a :
– infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 26 juin 2018 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– condamné M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] à faire procéder aux travaux de drainage sur leur parcelle sise sur la commune de [Localité 4] cadastrée section AO n°[Cadastre 1], suivant les modalités définies par l’expert [C] [U] en page du 19 de son rapport établi le 21 mai 2015, sous astreinte d’un montant de 300 euros par jour de retard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt,
– condamné in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 13.850 euros pour la réfection du mur de clôture et de la clôture mitoyens, à charge pour elle d’engager les travaux et d’en justifier par tous moyens auprès des époux [S],
– condamné in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 1.216,80 euros au titre des travaux de peinture et la somme de 4.094,40 euros pour la réfection du dallage,
– rejeté la demande de Mme [L] [M] au titre du préjudice de jouissance,
– condamné in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit du cabinet Auteville SELAS, représenté par Me Raymond Auteville, avocat,
– condamné in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et la somme de 4.000 euros pour ceux exposés en cause d’appel.
Par actes d’huissier en date des 10 janvier 2022 et 10 février 2022, Mme [L] [P] [M] a assigné M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins de liquidation de l’astreinte provisoire et de fixation d’une nouvelle astreinte.
Par jugement rendu le 08 novembre 2022, le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :
» PRONONCE la liquidation de l’astreinte fixée par arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 12 novembre 2019 à la somme de 36.150 euros pour la période du 18 février 2020 au 10 février 2022 ;
En conséquence,
‘ CONDAMNE in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à verser la somme de 36.150 euros à Mme [L] [M], au titre de la liquidation d’astreinte pour la période du 18 février 2020 au 10 février 2022 ;
‘ FIXE une astreinte définitive à la charge de M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] d’une durée de quatre mois et d’un montant de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement;
‘ RAPPELLE que le juge de l’exécution est compétent pour connaitre de la liquidation d’ astreinte définitive, laquelle sera prononcée dès lors que M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] ne seront pas en mesure de justifier de l’exécution de l’obligation de faire sous astreinte mise à leur charge, par la production d’un rapport, établi par un homme de l’art, attestant que l’intégralité des travaux prescrits par M. [C] [U],expert judiciaire, page 19 du rapport du 21 mai 2015, a été réalisée ;
‘ CONDAMNE in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérèts pour résistance abusive ;
‘ DEBOUTE M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] de leur demande de dommages et intérèts pour procédure abusive ;
‘ DEBOUTE M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] de leur demande formulée au titre de I’article 700 du code de procédure civile ;
‘ CONDAMNE in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à verser la somme de 1.500 euros à Mme [L] [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ CONDAMNE in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] aux dépens ;
‘ RAPPELLE que la décision est exécutoire à titre provisoire.’
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 23 novembre 2022, M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] ont critiqué tous les chefs de jugement.
Dans des conclusions d’appelants n° 3 du 13 avril 2023, Mme [Z] [A] [S] et M. [T] [S] demandent à la cour d’appel de :
‘- DÉCLARER recevables et bien fondés en leur prétention Mme [Z] [A] [S] et M. [T] [S] ;
– INFIRMER le jugement querellé en toutes ses dispositions.
STATUANT A NOUVEAU
– JUGER que M. et Mme [S] ont exécuté l’ensemble des condamnations mises à leur charge au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France en date du 12 novembre 2019, et notamment la réalisation des travaux de drainage de leur parcelle ;
– JUGER que M. et Mme [S] ont réglé la totalité des sommes requises pour procéder aux travaux au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France en date du 12 novembre 2019 ;
– REJETER la demande de liquidation de l’astreinte provisoire et fixation d’une astreinte définitive formulée par Mme [L] [M] ;
– CONDAMNER Mme [M] au paiement des sommes suivantes :
* Au titre de la procédure abusive : la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000,00€) ;
* 2.500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance;
* 3.500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
– CONDAMNER Mme [M] aux entiers dépens dont totale distraction au profit d’ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT ;
– DEBOUTER Mme [M] de son appel incident ;
– A TITRE SUBSIDIAIRE, et avant dire droit ORDONNER une expertise judiciaire :
‘ Désigner tel expert qu’il plaira aux fins d’indiquer à la juridiction si les travaux prescrits par l’EXPERT [U] sur le fonds [S] ont été exécutés ;
‘ Prescrire un partage égalitaire des frais d’expertise et au besoin y condamner Mme [L]-[P] [M] ;
– REJETER tous moyens contraires ou plus amples aux présentes.’
Les époux [S] exposent que, courant décembre 2021, ils sont allés au-delà des préconisations de l’expert judiciaire et ont procédé à des travaux de reprofilage du terrain et d’enduisage du mur. Ils indiquent qu’ils ont également supprimé la piscine et la citerne dont le trop-plein était accusé de se déverser sur le fonds [M]. Les époux [S] font valoir que le rapport d’expertise amiable établi par M. [W] [D] démontre que la collecte et le drainage des eaux de pluie provenant de la construction des appelants ont été réalisés et que les sources potentielles d’inondation ont été supprimées, de sorte que tant la liquidation de l’astreinte provisoire que la fixation d’une astreinte définitive ne se justifient. Ils ajoutent que l’expert mandaté par Mme [M] n’a pu se convaincre de la réalisation des travaux sur le fonds [S] puisqu’il n’a pu s’y rendre.
Par ailleurs, les époux [S] exposent que Mme [M], qui n’a pas justifié, postérieurement à l’édification du mur de clôture, avoir remis en place le drain réalisé par les appelants, a aggravé la situation de son fonds. Ils font valoir que, lors de l’installation du regard en béton, Mme [M] a remplacé le tuyau de taille 160 mis en place par les époux [S] par un tuyau de taille 100 sans se conformer aux prescriptions de l’expert judiciaire. Ayant réalisé les travaux préconisés par l’expert judiciaire, ils concluent au débouté de l’appel incident formé par Mme [M].
Dans ses conclusions n° 3 du 25 avril 2023, Mme [L] [P] [M] demande à la cour d’appel de :
‘Débouter M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] de leur appel principal.
Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a :
– ordonné la liquidation de l’astreinte prononcée par l’arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d’appel de Fort-de-France,
– prononcé une nouvelle astreinte,
– retenu la résistance abusive de M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] ;
Infirmer le jugement querellé pour le surplus; statuant à nouveau :
– Condamner in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 300 euros par jour à compter du 18 février 2020, jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir ;
– Fixer une nouvelle astreinte de 400 euros par jour, jusqu’à la production des factures acquittées de la réalisation des travaux et un certificat établi par un homme de l’art, certifiant que l’intégralité des travaux prescrits par l’expert judiciaire, page 19 du rapport du 21 mai 2015, a été réalisée ;
– Condamner conjointement et solidairement M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à payer à Mme [L] [M] ;
* 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
* 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance ;
* 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel.
– Condamner M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] in solidum à réaliser sur leur parcelle, l’intégralité des travaux de drainage prescrits par l’expert judiciaire, à la page 19 du rapport établi le 21 mai 2015, sous une nouvelle astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et ce jusqu’à la justification par un certificat établi par un homme de l’art, attestant de la réalisation de ces travaux, et la production des factures acquittées afférentes à ces travaux ;
– Débouter M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
– Condamner M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.’
Mme [L] [P] [M] expose qu’elle a respecté scrupuleusement les recommandations de l’expert judiciaire, alors que les époux [S] n’ont pas exécuté l’arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d’appel de Fort-de-France. Elle fait valoir que M. et Mme [S] n’ont pas réalisé un drain au milieu de leur terrain, tel que préconisé par M. [C] [U]. Elle ajoute que seuls des travaux de drainage ont été prescrits par l’expert judiciaire et non des travaux d’étanchéité et que les appelants ne peuvent avoir réalisé en 2015 des travaux ordonnés par arrêt en date du 12 novembre 2019.
Par ailleurs, se fondant sur un rapport d’expertise amiable rédigé le 28 avril 2022 par M. [O], expert judiciaire, Mme [L] [P] [M] soutient que le caniveau réalisé à ciel ouvert par les époux [S] dans le but de canaliser toutes les eaux provenant de leur fonds n’est pas prévu par le rapport d’expertise judiciaire et est même contraire aux préconisations de M. [C] [U], et que le regard réalisé par l’intimée sur le terrain [S] est actuellement sous-dimensionné, dans la mesure où il reçoit toutes les eaux usées du fonds [S], alors qu’il avait été conçu et réalisé exclusivement pour recevoir l’eau du drain du mur de clôture. Mme [M] fait valoir que les constatations de M. [O] sont corroborées par celles faites par Me [P], huissier de justice, de sorte qu’elle s’oppose à ce qu’une nouvelle mesure d’instruction soit ordonnée. Elle indique également que les appelants n’ont pas déféré à la sommation faite le 14 septembre 2021 par huissier de justice de procéder sans délai aux travaux de drainage de leur fonds. Elle ajoute que les désordres dont souffrent le fonds et la maison de l’intimée et qui persistent proviennent d’agissements fautifs imputables à M. et Mme [S]. Enfin, l’intimée prétend que les attestations produites par les appelants sont de pure complaisance, dès lors que, lorsque l’on se trouve chez M. et Mme [S], il n’est pas possible de constater ce qui se passe sur le fonds [M], le mur de clôture entre les deux fonds atteignant une hauteur de deux mètres.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 04 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.
L’affaire a été plaidée le 12 mai 2023. La décision a été mise en délibéré au 04 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la liquidation de l’astreinte provisoire.
Il est rappelé qu’aux termes de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution « Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ».
Par arrêt rendu le 12 novembre 2019, la cour d’appel de Fort-de-France a condamné M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [S] à faire procéder aux travaux de drainage sur leur parcelle sise sur la commune de [Localité 4] cadastrée section AO n°[Cadastre 1], suivant les modalités définies par l’expert [C] [U] en page du 19 de son rapport établi le 21 mai 2015, sous astreinte d’un montant de 300 euros par jour de retard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.
Dans ces conditions, Mme [L] [M] justifie disposer d’un titre exécutoire lui permettant de solliciter la liquidation de l’astreinte assortissant l’obligation mise à la charge de M. et Mme [S].
Aux termes des dispositions de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
Selon l’article R. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte prend effet, à la date fixée par le juge.
La charge de prouver que l’obligation prescrite sous astreinte a été correctement exécutée incombe au débiteur.
Le juge saisi d’une demande de liquidation doit vérifier que l’injonction judiciaire n’a pas été respectée par le débiteur dans les conditions et le délai fixés (arrêt Cour de cassation, 2 e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n°18-22.209). Le comportement du débiteur doit s’apprécier à compter du prononcé du jugement ( arrêt Cour de cassation, 2 e Civ., 17 mars 2016, pourvoi n°15-13.122), en l’espèce l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 12 mai 2019 ayant prononcé cette astreinte.
La charge de la preuve du respect des dispositions de l’arrêt rendu le 12 novembre 2019 repose sur les époux [S].
Il ressort du rapport établi le 21 mai 2015 par M. [C] [U], expert judiciaire, en sa page 19, que les travaux de drainage du terrain des époux [S] sont indispensables pour permettre l’évacuation des eaux de pluie de surface, l’expert précisant que : ‘Le drain devra être placé en pied du garage sur toute la longueur du terrain et se raccorder aux deux regards du drain prévu en pied du mur de la clôture. Les travaux comprennent: les fouilles à l’engin mécanique, la pose d’un tuyau drainant entouré d’un géotextile avec le raccordement sur les regards du drain prévus en pied du mur de clôture, le remblai en matériau drainant, la remise en état du terrain.’
La solution préconisée par M. [U] est matérialisée par l’emplacement d’un drain principal et d’un drain intermédiaire sur le croquis réalisé en page 18 du rapport d’expertise.
Mme [L] [M] soutient que les époux [S] n’ont pas exécuté les travaux mis à leur charge sous astreinte par l’arrêt rendu le 12 novembre 2019, tandis que ces derniers affirment s’être conformés à cette condamnation.
En l’espèce, les époux [S] produisent un procès-verbal de constat d’huissier établi le 15 mars 2022 par Me [G] [J] aux termes duquel ont été effectuées les constatations suivantes :
– des travaux sont en cours de réalisation et ont pour objectif que l’eau qui s’accumulait sur la droite du terrain puisse s’écouler vers la gauche jusqu’au regard en béton posé par Mme [M],
– M. [Y] [V], gérant de la société LCT en charge des travaux de remodelage sur le terrain en cause, a précisé qu’il a été missionné afin de combler le trou qui se trouvait à droite du terrain et a utilisé à cette fin trois camions de terre d’environ 8m3,
– le long du mur, une membrane d’étanchéité noir d’Aquadrain a été posée,
– le regard béton en place est recouvert d’une grille aux fins de permettre à toutes les eaux de surface d’être recueillies par le regard,
– le fond du regard en béton installé par Mme [M] comprend un tuyau en PVC permettant l’évacuation de l’eau, l’attente étant de taille 100, alors qu’il est d’usage dans la profession selon M. [V] de mettre un tuyau de taille 160, de sorte que ce drain plus petit a perturbé l’écoulement efficace des eaux pluviales.
Les appelants versent également aux débats un document intitulé ‘Constat et Avis sur travaux de drainage réalisés’ établi le 22 novembre 2022 par M. [W] [D] aux termes duquel ont été effectuées les constatations suivantes :
– la préconisation 1 a été réalisée en juin 2015 par l’entreprise LCT et ce après le dépôt du rapport de l’expert judiciaire,
– les préconisations 2 et 3 ont également été mises en place, le regard d’évacuation étant présent,
– toutes les eaux de pluie, qu’elles soient de surface ou souterraines, sont récupérées par le drain installé et les eaux de toiture ont été dirigées vers le regard d’évacuation, via le caniveau réalisé également par l’entreprise LCT,
– le drain mis en place en juin 2015 par M. et Mme [S] a été modifié par Mme [M] lors de la réalisation de son mur de clôture en novembre 2021,
– la citerne d’eau de pluie n’est plus raccordée à la descente d’eaux pluviales et la piscine a été déposée.
Dans ses dernières conclusions, Mme [L] [M] a repris les éléments de synthèse contenus dans le rapport de l’expert, M. [X] [O], qu’elle a mandaté, et a reconnu avoir réalisé un regard sur le fonds [S] et un drain le long du mur de clôture qu’elle a fait édifier. Elle a également admis avoir procédé au remplacement du drain de taille 160 posé par M. [V] en juin 2015 lors de la réalisation du nouveau mur par un drain de taille inférieure.
En l’espèce, M. [O] et M. [D] ont constaté que ce tuyau était de taille 100. Si M. [O] a estimé que ce drain était de taille suffisante, dès lors qu’il avait pour objet d’évacuer uniquement les eaux pluviales qui s’écoulent le long du mur de clôture, M. [W] [D] a considéré en revanche que ce drain de petite taille était de nature à perturber l’écoulement efficace des eaux pluviales.
En l’occurence, l’hypothèse émise par M. [D] a été confirmée par Me [I] [P], huissier de justice, qui a constaté le 06 juillet 2021 que le tuyau d’évacuation des eaux attenant au regard réalisé par Mme [M] ne permettait pas l’écoulement des eaux pluviales et semblait bouché.
La cour relève également que, dans son rapport d’expertise, M. [C] [U] a préconisé au niveau du mur de clôture un tuyau drainant PVC de taille 160 (page 20 du rapport d’expertise). Dans son arrêt rendu le 12 novembre 2019, la cour d’appel a décidé que ces travaux, outre la réfection du mur de clôture mitoyen, devaient être engagés par Mme [M].
Force est de constater que les époux [S] ont fait poser dès juin 2015 un drain principal de taille 160 conformément aux préconisations de l’expert judiciaire mais que ce drain a été remplacé par un drain de taille inférieure lors de la réalisation d’un nouveau mur de clôture par Mme [M].
Dès lors, Mme [L] [P] [M] échoue à démontrer qu’elle a respecté scrupuleusement les recommandations de l’expert judiciaire.
Toutefois, la cour relève que le regard réalisé par Mme [M] sur le fonds [S] est exclusivement destiné à évacuer l’eau du mur réalisé par l’intimée et ne peut dès lors recevoir les eaux de toiture provenant de la propriété des époux [S].
Par ailleurs, la cour rappelle que l’expert judiciaire a préconisé également la réalisation d’un drain intermédiaire situé au milieu du terrain des époux [S], ces travaux étant mis à la charge des époux [S] par arrêt du 12 novembre 2019 et s’avérant indispensables pour permettre l’évacuation des eaux de pluie de surface et les eaux de toiture en provenance du fonds [S].
Les époux [S] restent taisants sur ce point.
Dans ces conditions, il n’est pas démontré par les appelants que la réalisation d’un caniveau en béton qui canalisera toutes les eaux de toiture en provenance de leur fonds pour les amener vers la grille du regard d’évacuation mis en place par Mme [M] permettra de remédier au problème d’inondation de la propriété de Mme [M], alors que l’expert judiciaire a précisé que les époux [S] devront procéder à des travaux de réseau d’évacuation vers le réseau existant situé du côté du chemin piétonnier au nord de leur propriété et qui est relié au regard placé dans l’angle nord-ouest du terrain de Mme [M].
Il s’en déduit que les époux [S] ne rapportent pas la preuve qu’ils ont exécuté les travaux de drainage mis à leur charge par la cour d’appel dans son arrêt du 12 novembre 2019 et qu’ils ont fait installer un drain intermédiaire conformément aux préconisations de M. [C] [U].
Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande d’expertise judiciaire présentée à titre subsdiaire par M. et Mme [S], dès lors qu’ils échouent à démontrer que les travaux préconisés par M. [U] ont été exécutés.
Les époux [S] ne démontrent pas également avoir rencontré des difficultés pour exécuter l’obligation de faire mise à leur charge par la cour d’appel de Fort-de-France dans les délais qui leur étaient impartis. Ils ne rapportent pas non plus la preuve de circonstances de nature à engendrer un retard dans l’exécution de l’injonction de la cour d’appel de Fort-de-France.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a prononcé la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 12 novembre 2019 à la somme de 36.150 euros pour la période du 18 février 2020 au 10 février 2022 (723 jours x 50 euros). Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
En conséquence, les époux [S] seront condamnés in solidum à verser la somme de 36.150 euros à Mme [L] [M], au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire pour la période du 18 février 2020 au 10 février 2022. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur l’astreinte définitive.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que, après avoir relevé la défaillance et le comportement des époux [S] qui ont persisté dans leur volonté de ne pas se conformer à la décision de justice rendue, le premier juge a fixé une nouvelle astreinte. Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a fixé une astreinte définitive à la charge de M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] d’une durée de quatre mois et d’un montant de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement et a rappelé que le juge de l’exécution était compétent pour connaitre de la liquidation de l’astreinte définitive, laquelle sera prononcée dès lors que M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] ne seront pas en mesure de justifier de l’exécution de l’obligation de faire sous astreinte mise à leur charge, par la production d’un rapport, établi par un homme de l’art, attestant que l’intégralité des travaux prescrits par M. [C] [U], expert judiciaire, page 19 du rapport du 21 mai 2015, a été réalisée.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive.
Le prononcé d’une nouvelle astreinte constitue une mesure suffisante sans qu’il y ait lieu de condamner les époux [S] à des dommages et intérêts pour résistance abusive, leur mauvaise foi n’étant par ailleurs pas démontrée par l’intimée. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’article 1240 du code civil, dispose: «’Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».
Il incombe aux parties qui sollicitent l’octroi de dommages-intérêts d’établir que le responsable de leur préjudice a commis une faute faisant dégénérer son droit fondamental d’agir en justice en abus.
En l’espèce, l’exercice de l’action de l’intimée ne présente aucun caractère fautif. En conséquence, en l’absence de preuve d’une faute commise par Mme [L] [M], il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [S]. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires.
Les dispositions du jugement déféré sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire seront confirmées.
Il sera alloué à Mme [L] [M] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles dans le cadre de la procédure d’appel.
Succombant, M. et Mme [S] seront condamnés aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 08 novembre 2022, sauf en ce qu’il a condamné in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérèts pour résistance abusive ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
CONDAMNE in solidum M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] à payer à Mme [L] [M] la somme de 3.000€ (trois mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [T] [S] et Mme [Z] [A] [F] épouse [S] aux dépens de la présente instance.
Signé par M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller, conformément à l’article 456 du code de procédure civile, en remplacement de la Présidente empêchée et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, POUR LA PRESIDENTE,