HP/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 04 Juillet 2023
N° RG 22/01850 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HDUK
Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ de BONNEVILLE en date du 06 Octobre 2022
Appelante
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par Me Jennifer BOULEVARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocats plaidants au barreau de GRASSE
Intimée
S.C.I. LES LAPIONS, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE
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Date de l’ordonnance de clôture : 27 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 avril 2023
Date de mise à disposition : 04 juillet 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie DURAND, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et procédure
Par acte notarié en date du 2 décembre 2010, Mme [S] [C] et MM. [W] [B] et [D] [Z] donnaient à bail à la SCI Les Lapions (société civile immobilière), un ensemble immobilier à usage commercial à compter du 25 novembre 2010 comprenant un espace piscine, fitness et jacuzzi sis [Adresse 3] au sein de la [Adresse 4] dans la commune de Morillon (74440).
Par jugement d’adjudication en date du 17 avril 2014 du tribunal de grande instance de Bonneville, la société Crédit Immobilier de France Développement (venant aux droits de la société Banque patrimoine et immobilier) se substituait aux consorts [C]-[B]-[Z] en qualité de bailleur commercial à effet de la date du jugement susvisé.
La SCI Les Lapions et la société Crédit Immobilier de France Développement entamaient des discussions, la SCI Les Lapions souhaitant acheter les locaux. Cependant, elle ne réglait pas les loyers depuis avril 2014.
Par acte d’huissier en date du 31 mars 2022, la société Crédit Immobilier de France Développement délivrait un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à payer les loyers à hauteur de 277 745,91 euros et de justifier d’une assurance contre les risques locatifs dans le délai d’un mois.
Par exploit d’huissier du 17 juin 2022, la société Crédit immobilier de France développement assignait la SCI Les Lapions devant le président du tribunal judicaire de Bonneville statuant en référé, notamment sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, aux fins notamment de faire prononcer l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail.
Par ordonnance en date du 6 octobre 2022, le président du tribunal judiciaire de Bonneville :
– Déboutait la société Crédit Immobilier de France Développement de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Rejetait les demandes formulées en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamnait la société Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe en date du 27 octobre 2022, la société Crédit Immobilier de France Développement interjetait appel de cete ordonnance en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 24 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Crédit Immobilier de France Développement sollicitait l’infirmation de l’ordonnance déférée et demandait à la cour de :
Statuant à nouveau,
– Constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 02 décembre 2010 ;
– Ordonner l’expulsion de la SCI Les Lapions ainsi que celle de toute personne présente dans les lieux de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu ;
– Préciser qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, ce conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
– Condamner par provision la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 331 600 euros TTC au titre des sommes dues en vertu du bail à la date d’acquisition de la clause résolutoire, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
– Subsidiairement, sur ce point, condamner par provision la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 241 550,33 euros TTC au titre des sommes dues en vertu du bail à la date d’acquisition de la clause résolutoire, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 ;
– Condamner par provision la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit immobilier de France développement à compter du 1er mai 2022 une indemnité d’occupation mensuelle de 2 110,73 euros HT charges et taxes en sus, jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clés ;
– Rappeler que si l’occupation devait se prolonger plus d’un an après l’acquisition de la clause résolutoire, l’indemnité d’occupation ainsi fixée serait indexée sur l’indice trimestriel des loyers commerciaux, publié par l’INSEE, s’il évolue à la hausse, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date de l’acquisition de la clause résolutoire ;
– Débouter la SCI Les Lapions de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Sur l’appel incident de la SCI Les Lapions,
– Débouter la SCI Les Lapions de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
– Condamner la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit immobilier de France développement une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la SCI Les Lapions aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Crédit Immobilier de France Développement faisait valoir notamment que :
‘ la clause résolutoire était irrévocablement acquise en ce que les loyers et les charges étaient impayés depuis des années, qu’il n’existait aucune contestation sérieuse quant à sa volonté de mettre en ‘uvre la clause résolutoire et qu’elle renonçait à toute solution négociée ou transaction avec l’intimée. Elle précisait que la promesse de vente conclue avec l’intimée afin d’acquérir le bien exploité dans le cadre du bail commercial était désormais périmée et qu’elle ne comptait plus vendre le bien loué. Elle ajoutait que l’intimée ne remplissait pas son obligation d’assurance et qu’il n’existait pas de contestation sérieuse attenante à l’assurance des locaux donnés à bail et précisait que l’intimée ne justifiait pas de la souscription d’une assurance entre la date d’adjudication, le 17 avril 2014, et le 7 septembre 2022.
‘ la créance provisionnelle au titre de l’arriéré locatif n’était pas sérieusement contestable et s’élevait à la somme de 331 600,48 euros TTC. Cette créance provisionnelle n’était pas prescrite, la SCI Les Lapions ayant toujours reconnu devoir les loyers.
‘ Elle s’opposait à la demande d’obtention de délai de paiement de l’intimée, la SCI Les Lapions s’étant de facto octroyée des larges délais de paiement en s’abstenant de payer depuis 2013.
Par dernières écritures en date du 16 février 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Les Lapions sollicitait de la cour de :
A titre principal,
– Confirmer l’ordonnance du 06 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement,
Au principal,
– Déclarer son incompétence au vu des contestations sérieuses soulevées ;
Subsidiairement,
– Dire et juger irrecevable et à défaut mal fondées les demandes de la société Crédit immobilier de France développement ;
Plus subsidiairement,
– Réduire considérablement le montant de la créance alléguée,
– Condamner la société Crédit immobilier de France développement à verser à la SCI Les Lapions un montant égal à la somme éventuellement mise à sa charge par la juridiction et ordonner la compensation à due concurrence,
Encore plus subsidiairement,
– Accorder à la SCI Les Lapions les délais les plus larges pour procéder au règlement de l’arriéré dont le montant sera arrêtée par la juridiction,
– Suspendre sur cette période les effets de la clause résolutoire,
Reconventionnellement,
– Condamner la société Crédit Immobilier de France développement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en première instance et en appel ;
– Condamner la société Crédit Immobilier de France développement aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de Me Garnier, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Les Lapions faisait valoir notamment que :
‘ il existait des contestations sérieuses en ce que la procédure de rachat était toujours en cours et des négociations étaient toujours ouvertes entre la bailleresse et elle-même, la bailleresse faisant obstacle à la conclusion d’un accord ;
‘ la société Crédit Immobilier de France développement était de mauvaise foi dans l’exécution de ses obligations si bien qu’elle ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire ;
‘ une partie de la dette locative était prescrite ;
‘ Elle sollicitait des délais de paiement en ce qu’elle avait grevé sa trésorerie pour faire des travaux au lieu et place du bailleur défaillant outre les des difficultés financières majeures qu’elle rencontrait à la suite du Covid-19.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
L’ordonnance de clôture était rendue le 27 février 2023 et l’affaire était appelée à l’audience du 25 avril 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I – Sur l’acquisition de la clause résolutoire
L’article 835 al 1 ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite’.
Aux termes de l’article L145-41 du code de commerce, ‘Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge’.
En l’espèce, la société Crédit Immobilier de France Développement a saisi le juge des référés pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail (rappelée par le juge de première instance), suite à la délivrance par huissier d’un commandement, rappelant la clause, à la SCI Les Lapions à laquelle a été consenti un bail commercial sur des locaux 23, 28 et 90 de la [Adresse 4], commandement en date du 31 mars 2022 d’avoir à payer un arriéré de loyers et charges depuis 2014 et d’avoir à justifier de l’assurance des locaux donnés à bail. Il n’est pas contestable qu’à l’expiration du délai d’un mois, le commandement est demeuré infructueux tant sur le règlement des arriérés locatifs que sur la justification de l’assurance.
Cependant, la SCI Les Lapions invoque la mauvaise foi de sa bailleresse dans la délivrance du commandement contenant la clause résolutoire, en excipant d’une rupture brusque de pourparlers d’achat des biens donnés à bail, ce que conteste la société Crédit Immobilier de France Développement en indiquant que compte tenu du temps écoulé depuis la première approche de M. [P] au nom de la SCI Les Lapions en 2013, elle ne voulait plus négocier ni transiger et avait même sollicité l’autorisation du juge de l’exécution pour prendre une hypothèque sur les biens de la SCI Les Lapions.
Il est de jurisprudence constante que la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement s’oppose à l’application de la clause résolutoire. Le juge de première instance a estimé que la circonstance de la rupture de ces pourparlers constituait une contestation sérieuse relative à l’interprétation de la volonté des parties et à leur bonne foi.
Toutefois, au vu des éléments produits aux débats, la volonté de la société Crédit Immobilier de France Développement de mettre fin à une situation d’attente qui durait depuis 2013, année précédent celle au cours de laquelle elle est devenue propriétaire des biens susvisés, est parfaitement claire et il ne résulte pas de ces éléments qu’elle a adressé le commandement en date du 31 mars 2022 de mauvaise foi.
En effet, courant 2013, M. [P], gérant de la SCI Les Lapions et président de la société Air, syndic de copropriété disposant de locaux dans la même résidence, prenait contact avec la société Crédit Immobilier de France Développement, évoquait, après échanges, le 10 septembre 2013 la possibilité d’un achat à 162 000 euros (montant résiduel).
Par courriel du 26 mai 2015, signé de son nom avec la mention AIR, il proposait la somme de 60 000 euros TTC et la société Crédit Immobilier de France Développement lui faisait part de son accord dès le 16 juin 2015, lui demandant de se rapprocher du notaire, les mails suivants émanant de la société Crédit Immobilier de France Développement et du notaire indiquant que l’acquéreur était le syndicat des copropriétaires.
En 2016, la société Crédit Immobilier de France Développement se plaignait par mail de février puis par mail de mars du fait que la société Air immobilier avait mis en exploitation la piscine depuis fin décembre sans son accord, elle voulait une signature rapide du compromis et disait résilier le bail de la SCI Les Lapions.
En 2017, en avril, M. [P] indiquait être désolé pour le retard dans le traitement du dossier et après divers changements d’option pour l’achat (SCI, sarl, nouvelle société), il entendait acquérir les biens en nom propre ‘professionnel’, il proposait 72 000 euros. Une promesse était signée le 25 avril au profit de M. [P] pour ce montant expirant le 30 juin 2017. Des mails étaient ensuite échangés courant l’été et septembre pour la signature de l’acte, M. [P] sollicitant un prêt, mais aucune signature n’intervenait, ce dernier indiquant ensuite avoir acheté les parts de la SCI Les Lapions mais attendre la publication de cet achat (mail de février 2018).
En 2019, une sommation était délivrée par la société Crédit Immobilier de France Développement à M. [P] de venir signer l’acte de vente le 15 janvier 2019 mais le 17 janvier, ce dernier écrivait toutefois que sa situation personnelle avait évolué et qu’un protocole d’accord venait enfin d’être signé pour qu’il rachète les parts de la SCI Les Lapions et que c’était celle-ci qui serait l’acquéreuse. Il précisait dans cet écrit que le dernier contact qu’il avait eu avec la société Crédit Immobilier de France Développement datait du 6 avril 2018 et que l’objectif de signer en été 2018 avait été dépassé. Dans des écrits postérieurs de fin d’année, M. [P] disait ne toujours pas avoir les nouveaux statuts de la SCI Les Lapions à jour ni le nouveau K-Bis.
En 2020, le 27 mai, M. [P], après rappel du notaire, versait une indemnité d’immobilisation et provision pour frais ; le 26 juin 2020, le responsable en charge du dossier au sein de la société Crédit Immobilier de France Développement lui indiquait que son comité lui imposait une signature sans délai et qu’il avait reçu la consigne de confier le dossier à un avocat pour le poursuivre pour l’occupation du bien. Une nouvelle promesse de vente était consentie le 30 juin 2020 pour un délai de 5 mois toujours à M. [P] personnellement que ce dernier laissait expirer.
En 2022, le 18 janvier, l’avocate de la société Crédit Immobilier de France Développement lui écrivait en faisant référence à sa volonté d’acquérir les lots de sa cliente mais sans y avoir donné suite, lui indiquait avec précision qu’elle était mandatée pour recouvrer les loyers impayés depuis des années, et faisait pour le compte de sa cliente, une offre de vente de 180 000 euros ‘dans le cadre d’un accord mettant un terme à tout litige’, précisant aussi attendre une réponse par retour de mail et ajoutant ‘à défaut de réponse rapide, je serai contrainte de mettre en oeuvre la procédure de condamnation à payer les 5 dernières années de loyer, de résiliation de bail et d’expulsion’. M. [P] répondait le 20 janvier être toujours intéressé, puis le 2 février, il réitérait sa volonté de se porter acquéreur mais soulignait qu’il avait attendu son jugement de divorce prononcé en octobre 2021 incluant la cession de parts de la SCI Les Lapions à son profit et le nouveau k-bis obtenu en novembre 2021. Dans ce mail, il proposait l’achat à 90 000 euros. Par mail du 8 mars 2022, l’avocate de la société Crédit Immobilier de France Développement informait M. [P] d’une proposition à 110 000 euros net vendeur et l’effacement des dettes de loyer et indiquait qu’à défaut d’accord, elle avait reçu le mandant de l’assigner en référé pour paiement des loyers échus. M. [P] ne répondait pas ni avant ni après la délivrance du commandement délivré le 31 mars 2022.
Les propositions faites par la société Crédit Immobilier de France Développement n’ont jamais abouti, M. [P], pendant une première période ayant manifestement tergiversé sur l’entité qui devait racheter les locaux, puis pendant une deuxième période, ayant à l’évidence cherché à gagner du temps après l’obtention en 2018 et en 2020 de deux promesses de vente, annonçant fin 2019 obtenir bientôt les nouveaux statuts de la SCI Les Lapions et le nouveau k-bis alors qu’ il avait attendu octobre 2021 pour obtenir les parts de la SCI Les Lapions et novembre 2021 pour avoir un nouveau k-bis. En réalité, la SCI Les Lapions n’a jamais formulé de propositions d’achat sérieuses, a cherché à gagner du temps, et si le bailleur doit être de bonne foi, il incombe également au locataire la même exigence.
La SCI Les Lapions avait été avertie dès 2020 de l’intention de la société Crédit Immobilier de France Développement de mettre fin aux pourparlers de vente. Cette dernière a réitéré sa volonté le 18 janvier 2022 de poursuites pour les loyers impayés et a fait une offre de vente pour mettre un terme au litige, elle acceptait même début mars de baisser son prix de vente, mais la SCI Les Lapions n’a plus donné de donner de nouvelles après le 2 février 2022. Il était donc légitime pour la société Crédit Immobilier de France Développement d’adresser un commandement à sa locataire d’avoir à payer les loyers et à fournir une attestation d’assurance et il y a lieu de noter qu’après la réception de ce commandement, la SCI Les Lapions n’a pas tenté de reprendre contact et de s’engager de façon ferme dans un achat des lots qu’elle occupait sans payer depuis 2014.
Dès lors, il n’existe aucune contestation sérieuse liée à la bonne foi de la société Crédit Immobilier de France Développement dans la délivrance du commandement délivré le 31 mars 2022 et il n’est pas contestable que la SCI Les Lapions n’a pas réglé les arriérés de loyer dans le délai d’un mois, ni dans le même délai produit une attestation d’assurance.
S’agissant d’ailleurs de l’attestation d’assurance produite dans les quelques jours précédent l’audience de première instance, il convient de noter, d’une part que la justification du paiement de la cotisation n’est pas produite, d’autre part, que cette attestation ne concerne que la période d’un an à compter du 7 septembre 2022, mais surtout encore d’autre part, que cette attestation concerne les deux sociétés de M. [P], la société Air Immo et la SCI Les Lapions, mais sans viser les locaux avec précision, alors que ces deux sociétés ont des locaux dans la [Adresse 4], hors ceux loués.
En tout état de cause, le commandement valablement délivré le 31 mars 2022 est demeuré infructeux dans le délai indiqué d’un mois, de sorte que la clause résolutoire est acquise.
La SCI Les Lapions sollicite la suspension des effets de la clause et un délai maximum pour régler l’arriéré en invoquant l’inexploitation des installations dont les locaux loués sont pourvus en raison de l’épidémie de covid et des difficultés financières, d’autant que la SCI Les Lapions avait fait des travaux au lieu et place de la société Crédit Immobilier de France Développement qui s’était montrée défaillante.
Cependant, la SCI Les Lapions n’a réglé en définitive aucun loyer depuis que la société Crédit Immobilier de France Développement est sa bailleresse. Bien qu’assignée en première instance le 17 juin 2022, elle n’a pas réglé le loyer courant, ni n’a commencé à apurer l’arriéré. Elle n’a pas produit non plus d’éléments comptables de nature à établir sa situation financière, elle ne produit aucun document relatif à des travaux sur les dernières années, elle ne présente aucun justificatif sur des modalités d’apurement possibles.
En conséquence, sa demande de délai sera rejetée et son expulsion sera ordonnée, avec les mesures annexes ci-après énoncées.
II – Sur la demande de provision sur les arriérés locatifs
L’article 835 du code de procédure civile dispose : ‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
La société Crédit Immobilier de France Développement sollicite une provision à valoir :
– sur l’arriéré locatif depuis 2014 compris, à raison d’un loyer mensuel de 2 110,73 euros jusqu’au 30 avril 2022 soit la somme de 244 556,07 euros ;
– sur l’arriéré sur les indemnités d’occupation du 1er mai 2022 au 31 mars 2023 à hauteur de 27 861.68 euros ;
– sur l’arriéré sur la taxe foncière entre 2016 et le premier trismestre 2023 compris, à hauteur de 4 147 euros ;
– sur l’arriéré des charges de copropriété au 1er mars 2023 soit 54 617,50 euros,
soit un total de 331 600.48 euros dont également la somme de 394,23 euros TTC au titre du commandement de payer.
La société Crédit Immobilier de France Développement soutient que ses demandes de paiement ne sont pas prescrites, M. [P], gérant de la SCI Les Lapions n’ayant eu de cesse de reconnaître les loyers dont il était redevable comme ayant vocation, selon lui, à entrer dans la négociation du prix de cession des lots litigieux.
La SCI Les Lapions soulève la prescription quinquennale sur les sommes demandées, arguant du fait qu’elle n’a jamais reconnu devoir de façon non équivoque un quelconque montant de loyer. Elle soutient aussi ne jamais avoir eu de factures.Elle dit avoir investi la somme de 120 000 euros pour remettre la piscine aux normes, elle dit aussi que les charges de copropriété n’ont jamais été appelées. Enfin, compte tenu de la rupture abusive des pourparlers de vente, elle se dit en droit de solliciter des dommages-intérêts qui viendraient en compensation.
Toutefois, la SCI Les Lapions ne produit aucun document sur les investissements qu’elle prétend avoir réalisés. Elle ne soulève aucun moyen concernant l’épidémie de covid. La rupture des pourparlers n’était pas abusive.
Cependant, la question de la prescription implique de se prononcer sur la reconnaissance ou non par la SCI Les Lapions de la dette ce qui soulève manifestement une contestation sérieuse. En revanche, sur un délai de 5 ans avant le 17 juin 2022, date de l’assignation, cause interruptive de prescription, ce qui n’est pas le cas du commandement de payer, soit à partir du 17 juin 2017, il n’existe aucune contestation sérieuse que ce soit pour le montant des loyers, de la taxe foncière, des charges sauf pour le 1er trimestre 2022 pour lequel les charges ne sont pas justifiées, étant précisé que le bail liant les parties prévoit que la taxe foncière et toutes les charges de copropriété seront à la charge du preneur en plus du loyer. En conséquence, il sera alloué à la société Crédit Immobilier de France Développement une provision d’un montant de 197 445,67 euros se décomposant comme suit :
– loyers (juillet 2017 au 30 avril 2022) : 146 906,76 euros ;
– taxe foncière : 4 171 euros;
– charges de copropriété : 46 367,91
le commandement de payer étant inclus dans les dépens.
III – Sur les mesures accessoires
Succombant, la SCI Les Lapions sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la société Crédit Immobilier de France Développement à hauteur de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Constate l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 2 décembre 2010 à compter du 1er mai 2022,
Ordonne l’expulsion de la SCI Les Lapions ainsi que celle de toute personne présente dans les lieux de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu,
Dit qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, ce conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Condamne la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement une provision de 197 445,67 euros TTC au titre des sommes dues en vertu du bail à la date d’acquisition de la clause résolutoire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2022,
Condamne par provision la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit immobilier de France développement à compter du 1er mai 2022 une indemnité d’occupation mensuelle de 2 110,73 euros HT charges et taxes en sus, jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clés, avec indexation sur l’indice trimestriel des loyers commerciaux publié par l’Insee, s’il évolue à la hausse (base dernier indice connu à la date d’acquisition de la clause résolutoire) en cas d’occupation supérieure à un an après le 1er mai 2022,
Déboute la SCI Les Lapions de ses prétentions,
Déboute la société Crédit Immobilier de France Développement du surplus de sa demande de provision,
Condamne la SCI Les Lapions aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront le coût du commandement du 31 mars 2022,
Condamne la SCI Les Lapions à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement une indemnité procédurale de 2 000 euros.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 04 juillet 2023
à
Me Jennifer BOULEVARD
Me François Philippe GARNIER
Copie exécutoire délivrée le 04 juillet 2023
à
Me Jennifer BOULEVARD