Saisine du juge de l’exécution : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04768

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Saisine du juge de l’exécution : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04768

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04768 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUEC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2020 -Juge de l’exécution de BOBIGNY – RG n° 19/01227

APPELANTE

Fondation VILLE DE [Localité 3] représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette qualité:

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée par Me Sara CUTURELLO, de la SELARL PEYRICAL & SABATTIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, Toque: D1441

INTIMEE

S.A.R.L. PANNIER TRAITEUR, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 417 667 813, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

Assistée de Me Stéphane SALEMBIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R035

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Douglas BERTHE, Conseiller rapporteur

Emmanuelle LEBÉE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre, et par Mme Laurène BLANCO, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 13 octobre 2003, prenant effet pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2003, la commune de [Localité 3] a donné à bail commercial à la société Pannier traiteur, à titre de renouvellement d’un bail en date du 06 avril 1994, des locaux composés d’une maison à usage de commerce et d’habitation d’une cour couverte, le tout situé [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 3] (93) pour y exercer l’activité de « débit de boissons-restaurant-hôtel ».

Par arrêté du 22 août 2006, le maire de [Localité 3], suite au procès-verbal de visite de la commission communale de sécurité et d’accessibilité d’un établissement recevant du public dressé le 21 août 2006 et constatant plusieurs anomalies, a ordonné la fermeture de l’activité hôtelière. Le procès-verbal a relevé notamment :

– l’absence de système de sécurité incendie ;

– l’absence d’isolement coupe-feu entre la cave et le rez-de-chaussée, entre l’escalier desservant les niveaux et le rez-de-chaussée ;

– la présence d’une canalisation de gaz non protégée dans la cave ;

– l’absence de coupure force électrique d’urgence dans la cuisine ;

– l’absence de vanne de barrage gaz dans la cuisine ;

– l’absence de ferme-porte sur la porte du local chaudière.

La fermeture de l’activité hôtelière n’a pas été levée.

Le bail a été renouvelé à une date que les parties ont convenu de fixer au 1er octobre 2013 suite à la délivrance par la preneuse, par exploit d’huissier du 22 février 2013, d’une demande de renouvellement, et par la délivrance par la bailleresse, par exploit d’huissier du 11 mars 2013, d’un congé avec offre de renouvellement avec effet au 1er octobre 2013.

Un incendie est survenu dans les locaux le 2 octobre 2018, après lequel un rapport d’intervention a été dressé par les fonctionnaires de police s’étant rendus sur les lieux, ce rapport mentionnant la présence de personnes hébergées sur place.

Par acte d’huissier du 29 janvier 2019, la Commune de [Localité 3] a fait assigner à comparaître la société Pannier traiteur devant le tribunal de grande instance de Bobigny en résiliation judiciaire du bail.

Par jugement du 5 février 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

– débouté la Commune de [Localité 3] de sa demande de résiliation judiciaire du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2013 portant sur les locaux sis [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 3] ;

– déclaré recevable la demande reconventionnelle de la société Pannier traiteur ;

– débouté la société Pannier traiteur de sa demande reconventionnelle en remboursement des travaux d’électricité ;

– condamné la Commune de [Localité 3] à payer à la société Pannier traiteur la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Pannier traiteur aux dépens avec autorisation pour maître Denis Duponchel, avocat, de les recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile ; -ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 06 mars 2020, la Ville de [Localité 3] a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 27 juillet 2020, la société Pannier traiteur a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 26 octobre 2020, par lesquelles la Ville de [Localité 3], appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

– réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 5 février 2020, en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation du bail formée par la commune de [Localité 3] ;

Statuant à nouveau,

– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial conclu entre la commune de [Localité 3] et la société Pannier traiteur ;

Sur l’appel incident,

– débouter la société Pannier traiteur de sa demande de réformation du jugement contesté en ce qu’il a écarté les moyens développés par cette dernière, tirés de l’irrecevabilité de l’action en résiliation judiciaire du bailleur pour non-respect des règles de sécurité et/ou pour constructions sans permis ou déclaration préalable ;

– débouter la société Pannier traiteur de sa demande de réformation du jugement dont il est fait appel en qu’il a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 42 137, 25 euros TTC au titre des travaux engagés aux fins de mise en conformité des locaux ;

En toutes hypothèses,

condamner la société Pannier traiteur à verser à la commune de [Localité 3] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 02 septembre 2021, par lesquelles la société Pannier traiteur, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur les moyens du locataire tirés de l’irrecevabilité de l’action en résiliation judiciaire du bailleur pour non-respect des règles de sécurité et/ou pour constructions sans permis ou déclaration préalable, et statuant à nouveau, la déclarer prescrite de ces chefs ;

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a débouté la Commune de [Localité 3] de sa demande de résiliation judiciaire du bail commercial renouvelé à compter du 1er octobre 2013 portant sur les locaux [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 3], et de toutes fins et prétentions, au motif que les griefs sont tous infondés ;

– le réformant sur le rejet de la demande reconventionnelle en paiement des travaux de mise aux normes exposés par le locataire, condamner la Commune de [Localité 3] à payer à la société Pannier Traiteur la somme de 42.137,25 euros TTC en remboursement des travaux engagés par le locataire aux fins de mise en conformité des locaux à la suite de l’incendie du 2 octobre 2018 ;

– condamner la Commune de [Localité 3] à payer à la société Pannier traiteur une indemnité de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– statuant sur la demande de rectification de l’erreur matérielle, juger que les dépens de 1ère instance sont à la charge de la Commune de [Localité 3] ;

– condamner la Commune de [Localité 3] aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, par Me Frédéric Buret, avocat dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.

Sur la résiliation judiciaire du bail,

La ville de [Localité 3], appelante, expose :

que le preneur a réalisé des travaux sans les autorisations d’urbanismes et administratives requises, ce qui constitue une infraction pénale sanctionnée par le code de l’urbanisme, que lors d’une visite du bien loué par la commission communale de sécurité effectuée le 21 août 2006, il a été constaté l’existence de graves et de nombreux manquements aux normes de sécurité contre les risques incendie, que la preneuse a continué d’exercer son activité hôtelière en méconnaissance de l’arrêté de fermeture administrative du 22 août 2006, que la poursuite de cette activité hôtelière créé un danger pour la santé et la sécurité publique, que le maire est en charge de la police administrative générale, ce qui justifie la résiliation judiciaire du bail commercial, que si les manquements antérieurs au renouvellement du bail ne peuvent pas par principe fonder une demande de résiliation judiciaire, tel n’est pas le cas lorsque le manquement se maintient au cours du bail renouvelé, que les irrégularités ont perduré après la date de renouvellement du bail car il s’agit de fautes continues.

La société Pannier traiteur expose :

que la Commune de [Localité 3] est en réalité à l’origine de l’infraction puisqu’elle n’a pas effectué les travaux de mise aux normes de sécurité qui lui incombent, que la commune invoque sa propre turpitude à l’égard d’un locataire qui n’a commis aucune faute, que les faits sont prescrits dans le délai de 5 ans car c’est le droit commun des obligations qui s’applique en ce cas selon la cour de cassation qui fixe par ailleurs le point de départ du délai de la prescription au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, que dès lors ce grief est prescrit soit depuis le 21 août 2011 car l’appelante avait connaissance des faits depuis le 21 août 2006, date du procès-verbal de la commission communale de sécurité et d’accessibilité, qu’à raison de cette prescription la demande de la commune se heurte donc à une fin de non-recevoir que n’a pas examinée le tribunal en se prononçant directement sur l’absence de caractère bien-fondé de cette demande, que le bailleur en donnant son accord pour le renouvellement du bail sans exclure l’activité hôtelière le 11 mars 2013 ne peut se prévaloir de sa propre turpitude dès lors que les travaux de mise en sécurité de l’installation électrique lui incombent, étant précisé que les travaux litigieux sont bien des travaux de mise aux normes de sécurité incendie qui relèvent de l’obligation de délivrance conforme du bailleur, qu’en donnant son accord sur le renouvellement du bail, le bailleur a renoncé à s’en prévaloir, étant précisé qu’il est de jurisprudence constante que le bailleur est irrecevable à demander la résiliation du bail renouvelé en invoquant des manquements du locataire commis au cours du bail expiré, que le bailleur s’est abstenu de toute mise en demeure de réaliser des travaux de conformité qui lui incomberaient, qu’aucune faute n’est rattachable à l’utilisation par le preneur des locaux, que les locaux sont désormais conformes aux règles de sécurité incendie compte tenu de l’investissement des travaux pour un montant de 42.137,25 euros TTC par le locataire en 2019, que le grief de réalisation de constructions et travaux sans autorisation est prescrit dès lors que les faits exposés par trois procès-verbaux versés aux débats sont prescrits, respectivement depuis le 1er mars 2011, le 14 décembre 2016 et le 12 novembre 2017, que le délai de prescription court à compter de l’achèvement effectif des travaux litigieux, que le renouvellement du bail a purgé ces faits dès lors qu’ils étaient connus du bailleur, que les faits invoqués de 2006, 2011 et 2012 sont tous antérieurs au bail renouvelé et ne peuvent donc fonder la résiliation, que sur la poursuite de l’activité, le bailleur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en invoquant le non-respect de l’arrêté de fermeture dès lors que les travaux litigieux lui incombaient, qu’aucune faute du preneur n’a été démontrée, que le renouvellement du bail à effet du 1er octobre 2013 prouve que l’activité hôtelière pouvait reprendre, l’arrêté n’étant plus en vigueur, qu’il n’est pas démontré que l’activité ait été effectivement reprise.

Sur le remboursement de la réalisation des travaux,

L’intimée expose, sur appel incident, qu’elle a réalisé en urgence à la suite de l’incendie du 2 octobre 2018, des travaux de mise en conformité électrique de l’hôtel, qui sont à la charge du bailleur, que l’urgence est une condition suffisante pour permettre au locataire d’effectuer les travaux et d’en demander remboursement au bailleur sans mise en demeure (Cass, 13 décembre 2018, n°17-27676), que les travaux ont été réalisés en moins de quatre mois pour un montant de 42.000 euros.

L’appelante expose que le jugement ne pourra qu’être confirmé dans la mesure où d’une part les sommes réclamées en première instance n’entraient pas dans le champ des obligations imputables au bailleur et où d’autre part et en tout état de cause, aucun remboursement ne peut être ordonné en l’absence de transmission préalable pour accord d’une quelconque estimation du coût des travaux.

Sur la rectification du dispositif du Tribunal,

L’intimée expose que le Tribunal a commis une erreur matérielle en la condamnant dans son dispositif aux dépens de la première instance alors que la commune avait succombé en première instance et que les motifs mettent bien les dépens à la charge de cette dernière et que c’est l’avocat de la concluante qui est désigné dans le dispositif pour le recouvrer les dépens. Elle demande la condamnation du bailleur aux dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS DE L’ARRÊT’:

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en résiliation judiciaire du bail’:

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La prescription s’applique à l’action en résiliation et en l’espèce, le bailleur fonde cette action sur trois motifs reprochés au preneur, soit:

1° des manquements aux règles de sécurité contre l’incendie,

2° la réalisation de travaux dans des conditions non-conformes aux règles de l’urbanisme 3°’l’exercice d’une activité hôtelière au sein des locaux.

Il n’est pas contesté par les parties que le bailleur n’a eu connaissance de la poursuite d’activité du preneur qu’après la survenance de l’incendie du 2 octobre 2018, connaissance qu’elle a manifesté par un courrier au locataire daté du 5 octobre 2018. Elle a ensuite introduit son action le 29 janvier 2019. Il convient donc de constater que l’action a été formée dans les cinq années du jour où la commune de [Localité 3] a connu à tout le moins un motif lui permettant de l’exercer. Indépendamment de son bien-fondé, l’action en résiliation judiciaire du bail formée par la commune de [Localité 3] s’avère donc recevable.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail’:

Selon les articles 1184, 1741 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, le contrat de bail se résout par le défaut du preneur de remplir son obligation d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, cette résolution devant être demandée en justice.

En outre, il résulte des articles 1719 et 1720 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et d’y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. Ces obligations perdurent tout au long du bail et doivent permettre au preneur de jouir du bail conformément à sa destination. Il s’infère en outre de ces dispositions que les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité incombent au bailleur, sauf stipulation contractuelle contraire, expresse et particulière. Il appartient au bailleur de démontrer qu’il a exécuté son obligation de délivrance. Enfin, pour prononcer une résiliation judiciaire du bail aux torts du preneur, il incombe à la cour d’examiner les manquements de ce dernier à se conformer à ses obligations spécifiquement nées du contrat de bail et non de manquements allégués à des obligations administratives qui relèvent de régimes de sanctions distincts et autonomes.

En l’espèce, il est constant que lors d’une visite du bien loué par la commission communale de sécurité effectuée le 21 août 2006, il a été constaté l’existence de manquements nécessitant des travaux de mise aux norme de sécurité contre les risques incendie. Comme l’a constaté le premier juge, ces travaux sont à la charge de la bailleresse en ce que le bail ne comprend aucune stipulation de clause exonératoire de l’obligation de délivrance et ne transfère la charge d’aucuns travaux incombant légalement au bailleur au preneur. La bailleresse ne peut nier avoir eu connaissance du procès-verbal de sa propre commission de sécurité ni du fait qu’elle en a tiré partiellement les conséquences en imposant administrativement la fermeture de l’activité hôtelière de l’établissement par arrêté du 22 août 2006. Cependant, elle ne démontre pas avoir réalisé depuis les travaux lui incombant, un incendie étant d’ailleurs survenu par la suite en octobre 2018. Ainsi, la commune de [Localité 3] n’est pas fondée à reprocher à son locataire son propre manquement.

En revanche, aucune disposition du bail n’interdit au locataire de réaliser des aménagements ou des travaux dans les locaux loués. Il en résulte que la création d’un auvent et sa fermeture par des plaques et des toiles ne peuvent être considérées comme un manquement aux obligations résultant du bail justifiant la résiliation judiciaire de celui-ci.

Enfin, la destination du bail est de permettre au locataire d’exercer une activité de débit de boissons-restaurant-hôtel. La commune de [Localité 3] ne saurait donc reprocher au preneur d’exercer au sein des locaux une activité conforme à la destination du bail ni sa propre carence dans la délivrance conforme des locaux à cette fin. Dès lors, ce motif ne peut être considéré comme un manquement aux obligations nées du bail justifiant la résiliation judiciaire de celui-ci.

Il en résulte que la demande de résiliation judiciaire du bail n’est pas fondée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de remboursement des travaux de mise en conformité’:

Il résulte des articles 1142, 1217, 1222, 1231-1, 1719 et 1147, 1733 du code civil que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur, que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, d’entretenir la chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l’inexécution, que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure et qu’après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

En l’espèce, un incendie est survenu le 2 octobre 2018 au sein de l’établissement et le bailleur a reconnu en avoir eu connaissance par courrier du 5 octobre 2018. Il est constant que les locaux loués n’étaient pas conformes aux normes incendie depuis au moins août 2006. Par ailleurs, il n’est pas contesté que l’origine de l’incendie résulte du défaut d’entretien et de conformité aux normes incendie de l’immeuble. S’il est par ailleurs admis par les parties qu’avant l’incendie aucun travail de mise aux normes n’avait été entrepris, la charge en incombait exclusivement et de jure au bailleur. En outre, le bailleur informé de l’incendie n’a ensuite entrepris aucuns travaux de réparation ni de mise aux normes.

Il en résulte que le preneur a nécessairement subi un préjudice à raison du défaut de délivrance et du sinistre qui en est résulté. L’exécution par le preneur de travaux, nécessairement devenus urgents à raison de l’occurrence du sinistre, sans mise en demeure préalable du bailleur ne saurait être considéré comme une cause d’exonération de toute responsabilité du bailleur ni empêcher le preneur de demander réparation des conséquences de l’inexécution des obligations du bailleur.

Le preneur justifie par un décompte général définitif de février 2019 de frais qu’il a été tenus d’exposer pour l’exécution de travaux de réfection du système d’alimentation électrique rendus hors d’usage par l’incendie, soit 42 137,25’€ et il convient de constater que la demande du preneur se limite à cette seule somme en dépit d’une absence de mise aux normes de l’immeuble ayant perduré depuis presque douze années. La commune de [Localité 3] sera donc condamnée à payer à la SARL Pannier traiteur la somme de 42 137,25’€ et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles mais pas en celles relatives aux dépens qui comportent un erreur matérielle.

La commune de [Localité 3] succombant, il lui appartiendra de supporter la charge des dépens de première instance et d’appel. Il conviendra également d’autoriser Me »Frédéric Buret, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans en avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile. La commune de [Localité 3] devra en outre indemniser la SARL Pannier traiteur de ses frais irrépétibles d’appel en lui payant la somme de 7’000’€ en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de résiliation judiciaire du bail,

CONFIRME le jugement du 5 février 2020 du tribunal judiciaire de Bobigny sauf en ce qu’il a :

– débouté la société Pannier traiteur de sa demande reconventionnelle en remboursement des travaux d’électricité,

– condamné la société Pannier traiteur aux dépens avec autorisation pour maître Denis Duponchel, avocat, de les recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la commune de [Localité 3] à payer la somme de 42 137,25’€ à la SARL Pannier traiteur en réparation du préjudice de mise en conformité des locaux,

Y ajoutant,

CONDAMNE la commune de [Localité 3] à payer à la SARL Pannier traiteur la somme de 7’000’€ en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE la commune de [Localité 3] aux dépens de la première instance et de l’appel et autorise Me’Frédéric Buret, avocat, à recouvrer directement ceux dont il a été fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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