Saisine du juge de l’exécution : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02327

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Saisine du juge de l’exécution : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02327

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02327 – N° Portalis DBVH-V-B7F-ICSS

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

04 juin 2021

RG:2019J270

S.A. PGO AUTOMOBILES

C/

[L]

Grosse délivrée

le 31 MAI 2023

à Me Emmanuelle VAJOU Me Clément CHAZOT

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 31 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 04 Juin 2021, N°2019J270

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A. PGO AUTOMOBILES, société anonyme immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro 400 825 758, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité en son siège social,

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean-philippe DOM de la SELARL DOM & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [F] [L]

né le 17 Novembre 1968 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Clément CHAZOT de la SELARL LEXEM CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Pierre andré MERLIN de la SELARL LEXEM CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 31 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 16 juin 2021 par la S.A. PGO Automobiles à l’encontre du jugement prononcé le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2019J270,

Vu l’ordonnance de référé rendue le 4 octobre 2021 par le premier président de la cour d’appel de Nîmes,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 décembre 2022 par l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 janvier 2023 par Monsieur [F] [L], intimé et appelant incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 13 janvier 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 20 avril 2023,

La société PGO est un constructeur français d’automobiles développant et construisant, en petites quantités, des véhicules haut de gamme répondant à un design néo-rétro. La société de droit koweïtien Symex International for General Trading (Symex) en est l’actionnaire majoritaire, détenant 85% du capital.

Monsieur [F] [L], ancien salarié de la société, est devenu en 2013 membre de son conseil d’administration et directeur général délégué.

Postérieurement au prononcé par le tribunal de commerce de l’ouverture d’une procédure de conciliation, le président-directeur général de la société PGO et l’ensemble des membres de son conseil d’administration ont démissionné.

L’assemblée générale des actionnaires du 29 septembre 2017 a pris la décision d’élire Monsieur [L] en qualité d’administrateur. Le conseil d’administration nouvellement constitué l’a nommé président de ce même conseil et directeur général. Par décision du 2 mars 2018, le conseil d’administration a fixé les éléments relatifs à sa rémunération et à son indemnisation en cas de révocation de ses fonctions.

Le 28 septembre 2018, Monsieur [L] a déclaré auprès du tribunal de commerce de Nîmes l’état de cessation des paiements de la société PGO.

Le 3 octobre 2018, il a sollicité l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, au cours de l’audience de ce même tribunal.

Par jugement du 4 octobre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a constaté l’état de cessation des paiements de la société PGO et a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard.

Le même jour, la société PGO a reçu de son actionnaire majoritaire une somme de 1.600.000 euros, dans le cadre d’un plan de support financier.

Lors de l’assemblée générale du 5 octobre 2018, Monsieur [L] a informé les actionnaires de son action en justice et de la réception imminente de la décision du tribunal par voie postale. Les autres administrateurs ont déploré de ne pas avoir été associés à la décision de déclaration de cessation des paiements et se sont étonnés de l’argument de non-paiement prévisible des salaires à la fin du mois d’octobre.

Par déclaration au greffe du 24 octobre 2018, l’actionnaire majoritaire de la société a formé tierce opposition au jugement du 4 octobre 2018.

Par jugement du 27 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a rétracté la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire en toutes ses dispositions.

Le 3 décembre 2018, l’un des administrateurs de la société concernée a indiqué à Monsieur [L] que la perte de confiance était trop importante et les actes commis trop graves pour le maintenir au poste de président directeur général et qu’il était nécessaire de réunir un conseil d’administration pour procéder, à défaut de démission volontaire, à sa révocation de ses fonctions et à son remplacement en raison de son manquement à ses obligations d’information des administrateurs, d’organisation et de direction des travaux du conseil d’administration réuni le 4 octobre 2018, à son comportement fautif ayant consisté à déposer le bilan et à son défaut d’intégrité pour avoir trompé la religion des juges.

Le même jour, Monsieur [L] a demandé que lui soient communiqués les motifs invoqués pour sa révocation et il a souligné qu’à défaut de respect d’un délai de quinze jours, des circonstances brutales et vexatoires seraient caractérisées.

Le 5 décembre 2018, l’un des administrateurs a fait signifier une lettre à Monsieur [L] pour lui demander de convoquer un conseil d’administration au 7 décembre 2018 avec notamment comme ordre du jour la question de sa révocation des postes de directeur général et président du conseil d’administration pour les raisons exposées le 3 décembre 2018.

Lors du conseil d’administration du 7 décembre 2018, Monsieur [L] a été révoqué de ses mandats de président du conseil d’administration et de directeur général. Il a toutefois conservé provisoirement son mandat de directeur général dans l’intérêt de la société PGO, et ce jusqu’au 20 décembre 2018, date à laquelle le conseil d’administration s’est réuni à nouveau et a nommé une autre personne physique à ce poste.

Le conseil d’administration du 20 décembre 2018 a également pris acte de la renonciation de Monsieur [L] à toute attribution de jetons de présence à son profit.

Par courrier du 10 janvier 2019, Monsieur [L] a démissionné de ses fonctions d’administrateur.

Par exploit du 27 juin 2019, Monsieur [L] a fait assigner la société PGO devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 71 000 euros au titre de l’indemnité de rupture de son mandat de directeur général et la somme de 142 000 euros de dommages et intérêts au titre du caractère brutal et vexatoire de la révocation.

Par requête du 19 décembre 2019, la société PGO a sollicité l’autorisation du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nîmes de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Monsieur [L], ainsi qu’une mise sous séquestre judiciaire de toutes ses parts et actions, en garantie de la somme de 3 880 608,25 euros. Il a été fait droit à cette demande, par ordonnance du 24 janvier 2020.

Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1103, 1104 du code civil, L. 225-35, L. 631-4 du code de commerce :

-Condamné la SA PGO Automobiles à verser à Monsieur [F] [L] la somme de 71 000 euros à titre d’indemnité de rupture de son mandat de directeur général

-Dit et jugé que la somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2019

-Débouté Monsieur [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts

-Ordonné l’exécution provisoire

-Condamné la SA PGO Automobiles à régler à Monsieur [L] [F] la somme de 4 000 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné la SA PGO Automobiles aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 135,74 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 16 juin 2021, la S.A. PGO Automobiles a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts.

Par exploit du 30 juin 2021, la SA PGO Automobiles a fait assigner en référé Monsieur [F] [L] devant le premier président de la cour d’appel de Nîmes aux fins de voir arrêter l’exécution provisoire attachée aux condamnations prononcées à son encontre.

Par ordonnance de référé du 4 octobre 2021, le premier président de la cour d’appel de Nîmes a :

-Débouté la SA PGO Automobiles de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire

-Ordonné l’aménagement de l’exécution provisoire assortissant les dispositions du jugement rendu le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes prononcées au profit de Monsieur [F] [L]

-Ordonné la consignation du montant des condamnations, à hauteur de la somme de 75 000 euros, sur un compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations

-Dit que le versement à la charge de la SA PGO Automobiles sur un compte spécial devra intervenir dans les trente jours de la signification de la décision, à défaut de quoi l’exécution provisoire reprendrait ses pleins et entiers effets

-Ordonné à la SA PGO Automobiles de justifier de cette consignation au conseil de l’intimé, dans les dix jours suivants

-Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toute autre demande

-Condamné la SA PGO Automobiles aux dépens de la présente procédure.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A. PGO Automobiles, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1240 du code civil, de l’article L. 225-251 du code de commerce, de :

Statuant sur l’appel qu’elle a formé à l’encontre de la décision rendue le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

-Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

Condamné la SA PGO Automobiles à verser à Monsieur [F] [L] la somme de 71 000 euros à titre d’indemnité de rupture de son mandat de directeur général

Dit et jugé que la somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2019

Ordonné l’exécution provisoire

Condamné la SA PGO Automobiles à régler à Monsieur [L] [F] la somme de 4 000 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

Condamné la SA PGO Automobiles aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 135,74 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires;

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné PGO à payer à Monsieur [L] la somme de 71 000 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de révocation de mandat;

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté PGO de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre des préjudices subis résultant des fautes commises par Monsieur [L];

Statuant de nouveau,

-Débouter Monsieur [L] de sa demande d’indemnité conventionnelle de révocation

-Débouter Monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

-Dire et juger que Monsieur [L] a commis des fautes lourdes et graves au sens du droit du travail ayant directement causé un préjudice à PGO

-Condamner, en conséquence, Monsieur [L] à verser à PGO la somme de 6 445 738,2 euros de dommages et intérêts

-Condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance

-Débouter Monsieur [L] de toutes ses demandes plus amples ou contraires et de tout appel incident.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que l’intimé a commis, au cours de son mandat, de multiples fautes graves, constitutives de fautes de gestion ; il n’a pas engagé les démarches nécessaires au renouvellement des homologations des véhicules qui ont été perdues au 31 août 2018, en raison de son inertie, ce qui a conduit l’entreprise à être privée simultanément de la faculté de vendre ses véhicules sur le marché européen et sur l’ensemble des marchés alignant leurs normes techniques sur ce même marché; l’intimé a déclaré frauduleusement l’état de cessation des paiements, en refusant de faire état des informations dont il disposait, ce qui démontre que l’actif disponible permettait le maintien de la continuité de l’exploitation au moment de la déclaration; ce faisant, Monsieur [L] avait une intention délibérée de nuire à la société ; il a manqué à son obligation d’information des administrateurs puisqu’il ne les a pas informés de la cessation des paiements de l’entreprise, leur faisant seulement part de son inquiétude sur l’activité de cette dernière ; de plus, il a caché aux administrateurs la façon dont l’audience d’ouverture de la procédure de redressement s’était déroulée et les conditions dans lesquelles il avait insisté sur la prétendue nécessité d’ouvrir une telle procédure ; il a manqué à son obligation de loyauté à l’égard de la société et de ses actionnaires puisqu’il a dissimulé des informations et agi au détriment de l’intérêt social en déclarant l’état de cessation des paiements de la société, à l’aide de fondements et d’arguments fictifs; il a ainsi cherché à masquer sa volonté d’obtenir la transmission des actifs à un investisseur étranger avec lequel il était en contact en appauvrissant la société et en faisant fuir les actionnaires ; il a reconnu ses fautes, lors du conseil d’administration du 7 décembre 2018, par courriel du 18 décembre 2018 et devant le conseil d’administration du 20 décembre 2018; le contrat de direction, approuvé par le conseil d’administration du 2 mars 2018, énonce que l’indemnité de rupture n’est due qu’en dehors des cas de faute grave ou lourde ; or, le comportement de l’intimé permet de caractériser des fautes graves et des fautes lourdes ; l’intimé n’a pas été révoqué de manière brutale et vexatoire puisqu’il a quitté l’entreprise après avoir pu mettre ses affaires en ordre, dans le respect des conditions de dignité et des clauses du contrat entre les parties; la société a subi, du fait des multiples fautes commises par son dirigeant, des préjudices qui s’élevent à 6 445 738,2 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [F] [L], intimé, forme appel incident et demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 du code civil, des articles L. 225-51-1, L. 225-56, L. 631-4 du code de commerce, de :

-Confirmer le jugement du 4 juin 2021 sur l’ensemble des chefs de jugements critiqués par la société PGO Automobiles

Et, en conséquence :

-Dire que Monsieur [F] [L] n’a commis aucune faute grave ou lourde dans l’exercice de ses fonctions de PDG de la société PGO Automobiles

-Condamner la société PGO Automobiles au paiement de l’indemnité contractuelle de 71 000 euros à Monsieur [F] [L]

-Débouter la société PGO Automobiles de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

A titre d’appel incident,

-Infirmer le jugement du 4 juin 2021 en ce qu’il a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts

Et, en conséquence :

-Condamner la société PGO Automobiles au paiement de la somme de 142 000 euros à titre de dommages et intérêts à Monsieur [F] [L]

En tout état de cause,

-Condamner la société PGO Automobiles au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-Condamner la société PGO Automobiles aux entiers dépens.

En réplique et au soutien de son appel incident, l’intimé fait valoir que les demandes de l’appelante n’ont cessé d’augmenter au fil de la procédure judiciaire ; par son action urgente dès son arrivée, il a permis à la société de conserver la première des deux homologations indispensables à son activité, alors même qu’elle avait déjà expiré ; il n’est pas resté inactif face au problème relatif à l’homologation par type de véhicules; de plus, le conseil d’administration et l’actionnaire majoritaire ont été tenus informés sans qu’il n’ait été élevé aucune objection sur ses actions; la perte des deux homologations résulte donc de négligences commises antérieurement à son mandat ; enfin, il a proposé une réorientation de la stratégie de commercialisation des véhicules que l’actionnaire principal a validée; la société PGO ne rapporte pas la preuve de son préjudice ; il a alerté, à de multiples reprises, l’actionnaire majoritaire au sujet des besoins de financement de la société et a informé les administrateurs, lors du conseil d’administration d’août 2018, des conséquences prévisibles en cas de non-paiement des échéances par ce dernier ; au moment de la déclaration de cessation des paiements, il n’avait aucune réponse de la part de l’actionnaire majoritaire et la société ne disposait pas de la trésorerie nécessaire à l’apurement du passif exigible ; il n’a donc eu d’autres choix que de procéder à cette déclaration; c’est à la suite de cette dernière que l’actionnaire majoritaire a pris conscience de la difficulté financière de l’entreprise et qu’il a injecté la somme de 1 600 000 euros ; il a toujours informé les administrateurs de la situation financière de la société au fil des mois et de sa gestion quasi-quotidienne; il n’a eu de cesse que de tenter de permettre à l’entreprise de fonctionner en sollicitant les versements promis de l’actionnaire majoritaire, preuve qu’il n’avait pas le souhait d’appauvrir la société ; il n’a pas commis de fautes dans le cadre de sa gestion et n’a jamais reconnu avoir commis de telles fautes ; la société est donc tenue, conformément à l’article 3.2.2 du contrat du mandat social, au paiement de l’indemnité contractuelle de 71 000 euros à laquelle il n’a jamais renoncé ; sa révocation est abusive et vexatoire et a porté atteinte à sa réputation et son honneur ; de plus, elle est brutale puisque la société n’a pas respecté la procédure et le principe du contradictoire prévus par son contrat de mandat social ; il n’a jamais eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés, la société PGO n’ayant fait état que d’une simple perte de confiance ; de plus, il lui a été demandé de demeurer à son poste de directeur général jusqu’au 20 décembre 2018, preuve que les fautes reprochées n’étaient pas graves ; il a subi un préjudice moral important du fait des demandes exorbitantes formulées à son encontre ; il a dû faire face à un harcèlement procédural de la part de la société PGO qui a fait procéder à des mesures conservatoires sur ses biens, l’en privant de toute disponibilité.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur les fautes de gestion reprochées à l’intimé

Aux termes de l’article L.225-251, alinéa 1, du code de commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables envers la société des fautes commises dans leur gestion. Cette faute réside dans des agissements contraires à l’intérêt de la société ou dans le manquement au devoir de loyauté du dirigeant à l’égard de la société.

Sur l’absence de prolongation des homologations

Monsieur [L] justifie avoir fait diligence, dès la prise de ses fonctions de directeur général, pour prolonger l’homologation du site de production des véhicules jusqu’au 18 juillet 2018, en faisant procéder à un audit de conformité qui aurait du être fait annuellement et dont le dernier remontait à 2015.

Monsieur [L] a également porté à la connaissance des administrateurs le 21 décembre 2017 de sa découverte que les voitures ne seraient plus homologuées depuis le 2 novembre 2017 à cause des phares dont elles étaient équipées.

Au cours d’une réunion du 18 janvier 2018, le centre national de réception des véhicules a informé l’entreprise que la climatisation des véhicules produits arrivait en fin d’homologation par rapport au type de gaz et que l’homologation en cours sur les moteurs BMW Euro6b arrivait également à expiration, qu’un nouveau type de test pour le calcul des émissions de gaz (WLTP qui remplace le NEDC) devrait être obligatoirement réalisé pour toutes les homologations avant le 31 août 2018. Il a été indiqué que le centre national de réception des véhicules laisserait courir l’homologation actuelle en l’état jusqu’au 31 août 2018 afin que l’entreprise puisse écouler le stock mais qu’une orientation de vente dans des pays non européens qui accepteraient l’homologation en l’état pourrait être un axe de distribution.

L’entreprise a finalement obtenu le 31 juillet 2020 une homologation par type de petite série nationale lui permettant de vendre ses véhicules en France.

Cette solution n’avait pas été proposée par le centre national de réception des véhicules, lors de la réunion de travail du 18 janvier 2018. Il n’est pas démontré qu’elle aurait pu aboutir à cette époque. Il ne saurait non plus être reproché à Monsieur [L] de ne pas avoir effectué une demande d’homologation nationale (NKS) dans les pays de vente des véhicules qui lui aurait permis de les écouler en Europe alors qu’au cours de la réunion précitée, c’est le centre national de réception des véhicules lui-même qui l’avait dissuadé de tenter cette expérience en lui expliquant que, compte-tenu de sa charge de travail, il ne pourrait pas traiter le dossier d’ici 2021.

Dans ces circonstances, la faute de gestion découlant du défaut de prolongation des homologations n’est pas avérée.

La déclaration de l’état de cessation des paiements

Il est reproché à Monsieur [L] d’avoir procédé à un maquillage malhonnête de la situation financière et patrimoniale de la société, lors de la déclaration de l’état de cessation des paiements du 26 septembre 2018.

Pour faire droit à la demande de rétractation du jugement du 4 octobre 2018 ayant ouvert le redressement judiciaire de la société, le tribunal de commerce de Nîmes a retenu, dans son jugement du 27 novembre 2018, qu’au jour de la déclaration de cessation des paiements du 26 septembre 2018 et de l’audience du 3 octobre 2018, le passif exigible avait été artificiellement exagéré par Monsieur [L]. Le tribunal a également souligné que Monsieur [L] n’avait pas fait état du courriel du principal actionnaire du 28 septembre 2018 indiquant qu’il allait adresser à la société la somme de 1 600 000 euros.

La déclaration de l’état de cessation des paiements

Monsieur [L] justifie avoir alerté, à plusieurs reprises, l’actionnaire majoritaire et les administrateurs de la situation financière difficile de la société et des besoins de financement pour relancer l’activité.

Dans un document daté du 12 février 2018, l’actionnaire majoritaire s’était engagé à suivre un calendrier pour renflouer l’entreprise en lui versant la somme de 2 530 330 euros de mars à septembre 2018. Dans ses conclusions du 9 novembre 2018, le mandataire judiciaire a indiqué que si des versements de 847 000 euros avaient été effectués en février et septembre 2018, l’échéancier n’avait pas été respecté et que ces versements ainsi que les ventes de véhicules n’avaient pas permis d’exécuter le plan d’activité initialement prévu.

Le courriel du 28 septembre 2018 fait part notamment de la volonté de l’actionnaire majoritaire de respecter ses engagements financiers en envoyant l’argent dont l’entreprise avait besoin en suivant ce qui avait été organisé par le conseil d’administration.

Cependant, cette déclaration d’intention ne contenait aucune précision sur la date à laquelle le soutien financier attendu en vain depuis sept mois allait intervenir. Il n’était pas non plus mentionné le montant du versement qui pouvait être espéré. Compte-tenu du caractère très vague de l’annonce faite dans le courriel du 28 septembre 2018, il n’est pas démontré que Monsieur [L] ait eu l’intention de tromper le tribunal en ne portant pas cet élément à sa connaissance. Par ailleurs, le virement de 1 600 000 euros n’a été effectué que le lendemain de l’audience alors que le délibéré venait d’être rendu.

Lors de la déclaration de cessation des paiements, le dirigeant a inclus le compte courant de l’actionnaire majoritaire de 8 667 992 euros dans le passif exigible.

Il appartenait à la juridiction saisie de la demande de redressement judiciaire de vérifier l’existence de l’état de cessation des paiements et de déterminer si le compte courant d’associé constituait ou non un passif exigible, en tirant les conséquences de droit de l’absence de demande de remboursement de ce compte courant.

Monsieur [L] n’est pas un professionnel du droit ; il ne saurait être déduit de sa mauvaise appréciation du caractère exigible ou non du passif, son intention de nuire à la société qu’il dirigeait. D’ailleurs, le mandataire judiciaire a considéré lui-même, dans ses conclusions du 9 novembre 2018, que l’avance en compte courant constituait un passif exigible au jour de la décision du tribunal du 4 octobre 2018 ayant ouvert le redressement judiciaire.

Ce n’est que postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire que l’actionnaire majoritaire s’est engagé à maintenir le blocage de son compte courant d’associé de sorte que cet élément d’information n’a pas été dissimulé par Monsieur [L], au cours de l’audience.

S’agissant des créances fiscales, Monsieur [L] a bien indiqué, sur l’imprimé de déclaration de cessation des paiements, qu’elles étaient contestées, à l’exception de la proposition de rectification acceptée à hauteur de 74 000 euros.

Il n’est pas établi que les salaires de septembre 2018 étaient déjà payés à la date de la déclaration du 28 septembre 2018 ayant saisi la juridiction de la demande de procédure collective. Lors de l’assemblée générale du 5 octobre 2018, le conseil de Monsieur [L] a indiqué avoir plaidé, au cours de l’audience du 3 octobre 2018, que les salaires du mois d’octobre 2018 ne pouvaient pas être honorés. L’intention frauduleuse n’est pas démontrée alors que Monsieur [L] n’a fait que porter à la connaissance du tribunal sa crainte légitime que la société ne puisse pas faire face à ses obligations d’employeur à bref délai, quand bien même les rémunérations à venir n’avaient pas encore de caractère exigible.

Ainsi, la volonté du dirigeant de tromper la juridiction en gonflant à 845 620 euros le montant des créances privilégiées ou de nuire à la société n’est pas caractérisée.

Sur le manquement à l’obligation d’information des administrateurs

Le directeur général tient de la combinaison des articles L.225-51-1 et L.225-56, I, du code de commerce, le pouvoir d’ester en justice au nom de la société.

Dès lors qu’aucune délibération expresse du conseil d’administration et qu’aucune clause des statuts n’avaient restreint le pouvoir de Monsieur [L], ce dernier a pu valablement effectuer la déclaration de cessation des paiements en vue de saisir le tribunal des procédures collectives, sans avoir besoin au préalable de recueillir l’autorisation des administrateurs.

Aux termes de l’article L.225-35, alinéa 1, du code de commerce le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

En l’occurrence, Monsieur [L] n’était pas tenu de réunir le conseil d’administration avant de procéder à la déclaration de cessation des paiements et de le faire délibérer sur cette question ; il n’a donc pas commis de faute en n’associant pas les autres administrateurs à sa prise de décision et en ne les informant de sa démarche qu’une fois celle-ci effectuée.

Par ailleurs, Monsieur [L] justifie avoir alerté, à de multiples reprises, au cours du mois d’avril 2018, les autres administrateurs et l’actionnaire majoritaire des difficultés financières de la société et de la nécessité que le calendrier de financement soit respecté, sous peine qu’elle se trouve en état de cessation des paiements.

Lors de la réunion du 3 mai 2018, il a été décidé par les administrateurs eux-mêmes que, sans le versement par l’actionnaire majoritaire des montants prévus dans l’échéancier, soit de la somme de 1 400 000 euros, sous huitaine, ils seraient dans l’obligation d’informer le tribunal de commerce de Nîmes de l’état de cessation des paiements de l’entreprise.

D’autres messages ont été adressés par le dirigeant à l’actionnaire majoritaire les 15 et 30 mai, 31 juillet, 2 et 8 août 2018 pour l’informer que la société était très proche d’une procédure de mise en faillite ; la plupart de ces messages ont été remis en copie aux administrateurs. Un dernier message a été envoyé le 12 août 2018 à l’actionnaire majoritaire dont copie aux administrateurs, indiquant que le plan de financement était le minimum pour maintenir l’entreprise en vie jusqu’à la prochaine assemblée générale et que s’il n’était pas respecté, il n’y aurait d’autre choix que de demander au tribunal sa liquidation.

La méconnaissance par Monsieur [L] de son obligation légale d’information des administrateurs ne saurait donc être retenue.

Il est également reproché à Monsieur [L] d’avoir menti aux autres administrateurs, lors du conseil du 7 décembre 2018, en affirmant que le sujet du passif exigible n’avait pas été abordé au cours de l’audience ayant abouti à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Monsieur [L] s’est en réalité contenté d’indiquer ne pas croire avoir abordé la question des salaires exigibles de septembre, au cours de l’audience du 3 octobre 2018, et que cette question n’avait pas été un argument majeur présenté devant le tribunal. Ce faisant, Monsieur [L] n’a fait qu’exprimer son propre ressenti selon lequel d’autres éléments que la seule question de salaires, avancés pour appuyer sa demande de procédure collective, avaient pu emporter la conviction du tribunal.

La faute de gestion résultant du manquement à l’obligation de loyauté envers les administrateurs n’est pas caractérisée.

Sur le manquement à l’obligation de loyauté à l’égard de la société et de ses actionnaires

Monsieur [L] a alerté, à de multiples reprises, l’actionnaire majoritaire sur le risque imminent d’ouverture de procédure collective s’il ne suivait pas l’échéancier fixé. En réponse, il a reçu un courriel du 28 septembre 2018 qui faisait part de la volonté de l’actionnaire majoritaire de respecter ses engagements financiers mais qui concluait de manière surprenante ‘si l’entreprise rencontre des besoins financiers, merci de m’en informer au plus vite’, rendant ainsi peu crédible l’intention de son auteur d’aider réellement l’entreprise à redémarrer.

Ayant des doutes légitimes sur la volonté réelle de l’actionnaire majoritaire d’injecter des fonds importants afin de relancer la production, Monsieur [L] n’avait aucune obligation de le consulter avant d’effectuer la déclaration de cessation des paiements qui avait pour but d’assurer le maintien de l’activité de la société et de sauvegarder les emplois. Il n’a donc pas commis de faute en informant les actionnaires seulement le 5 octobre 2018 de l’existence de la procédure collective ouverte la veille.

Monsieur [L] engageait sa responsabilité personnelle s’il n’effectuait pas la déclaration de cessation des paiements dans le délai de quarante cinq jours requis ; la crainte d’être fautif explique la rapidité de son action en justice, ce d’autant plus qu’il avait des raisons sérieuses de douter, compte-tenu de la faiblesse de la trésorerie, que les salaires du mois d’octobre puissent être réglés.

L’attestation rédigée par Monsieur [H], administrateur de la société, rapporte que Monsieur [L] lui a indiqué le 27 septembre 2018 avoir été contacté par une société chinoise, importante et active dans l’industrie automobile, qui était susceptible de reprendre l’entreprise. Monsieur [H] indique également que, lors du conseil d’administration du 4 octobre 2018, Monsieur [L] a rappelé qu’il avait une autre solution à celle du soutien de l’actionnaire koweitien, sans donner plus de précisions.

Compte-tenu de la carence de l’actionnaire majoritaire laissant penser que son soutien n’était pas indéfectible, il n’était pas contraire à l’intérêt de la société que son dirigeant envisage des solutions de reprise de l’activité faisant appel à un autre investisseur. Il n’est pas démontré qu’en procédant à la déclaration de cessation des paiements, Monsieur [L] ait cherché à appauvrir la société pour faire fuir l’actionnaire majoritaire et le décourager de poursuivre ses investissements, afin qu’un autre investisseur puisse racheter l’entreprise. Au contraire, en sollicitant l’ouverture d’une procédure collective, Monsieur [L] a entendu placer l’entreprise sous la protection de la justice. La cession d’entreprise n’aurait pu ensuite intervenir que, sur décision du tribunal, en toute transparence, sans que le dirigeant ne puisse favoriser un repreneur plutôt qu’un autre.

Lors de l’assemblée générale des actionnaires du 5 octobre 2018, Monsieur [L] a réfuté avoir reçu une offre de reprise et qu’un contact ait été pris avec lui. Dans la mesure où il venait d’être évoqué par son conseil la déclaration de cessation des paiements et l’existence de trois options à envisager, à savoir, la liquidation judiciaire, l’entreprise sous contrôle d’un mandataire judiciaire ou son rachat, il n’est pas démontré que Monsieur [L] ait menti éhontément alors qu’aucun rapprochement avec un repreneur potentiel n’est avéré, dans les suites de la déclaration de cessation des paiements.

Ainsi, la faute de gestion résultant du manquement à l’obligation de loyauté envers la société et l’actionnaire majoritaire n’est pas non plus caractérisée.

Par conséquent, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté l’appelante de sa demande en dommages-intérêts.

2) Sur la rupture du mandat de directeur général

L’article L. 225-55, alinéa 1, du code de commerce dispose que :

‘Le directeur général est révocable à tout moment par le conseil d’administration. Il en est de même, sur proposition du directeur général, des directeurs généraux délégués. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts, sauf lorsque le directeur général assume les fonctions de président du conseil d’administration.’

L’article 3.2.2 du contrat de direction prévoyait qu’en cas de révocation de ses fonctions, sauf en cas de faute grave ou lourde (étant précisé que la notion de faute grave ou lourde s’appréciera au regard des critères applicables en droit du travail), Monsieur [L] percevrait une indemnité de départ, exclusive de toute autre indemnité, en dehors de l’hypothèse de circonstances brutales et vexatoires.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La faute lourde se caractérise par « l’intention de nuire du salarié vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise» (Soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.913).

Par courriel du 3 décembre 2018 et par acte d’huissier du 5 décembre 2018, il a été demandé à Monsieur [L] de convoquer un conseil d’administration au 7 décembre 2018 au cours duquel serait soumise au vote la question de sa révocation des postes de directeur général et président du conseil d’administration pour les raisons tenant au manquement à ses obligations d’information des administrateurs, d’organisation et de direction des travaux du conseil d’administration, réuni le 4 octobre 2018, à son comportement fautif ayant consisté à déposer le bilan et à son défaut d’intégrité pour avoir trompé la religion des juges.

Lors du conseil d’administration du 7 décembre 2018, cette résolution n°2 a été votée, après qu’aient été abordés les seuls motifs indiqués préalablement à Monsieur [L].

Ainsi, pour révoquer Monsieur [L], il n’a jamais été fait état d’une faute ayant consisté en un défaut de renouvellement des homologations empêchant la société de poursuivre son objet social.

La preuve que Monsieur [L] ait cherché à nuire à la société qu’il dirigeait n’est pas rapportée.

Lors de la réunion du conseil d’administration du 7 décembre 2018, il a été adopté une résolution prévoyant de révoquer immédiatement Monsieur [L] de ses fonctions de président du conseil d’administration mais de différer au 20 décembre 2018 sa révocation de ses fonctions de directeur général pour les besoins de la passation de pouvoirs. Il s’en suit que les administrateurs n’ont pas considéré que les fautes commises étaient d’une gravité telle qu’elles rendaient impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise et justifiaient son départ immédiat.

L’appelante soutient que l’intimé a reconnu la gravité de ses fautes, à trois occasions.

Lors du conseil d’administration du 7 décembre 2018, Monsieur [L] a voté en faveur de sa révocation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général mais contre la décision de différer au 20 décembre 2018 la révocation de ses fonctions de directeur général. Pour autant, s’il a estimé que son départ était préférable, il n’a pas admis sans équivoque l’existence d’une faute grave ou lourde justifiant qu’il soit privé de toute indemnité.

La renonciation par Monsieur [L] à ses jetons de présence en sa qualité d’administrateur ne constitue pas non plus une telle reconnaissance.

Surtout, lors du conseil d’administration du 20 décembre 2018, Monsieur [L] a procédé à la lecture d’un courrier qu’il avait rédigé et qui a été annexé au procès-verbal, dans lequel il a contesté formellement le motif de perte de confiance invoqué et attiré l’attention sur le fait que cela ne pouvait constituer une faute grave ou lourde le privant de l’indemnité prévue dans la convention de directeur général conclue avec la société.

Le moyen tiré de la reconnaissance de la gravité de ses fautes par l’intimé doit donc être écarté.

Par conséquence, c’est à bon droit qu’en l’absence de faute grave ou lourde, les premiers juges ont condamné la société à verser à l’intimé la somme de 71 000 euros à titre d’indemnité de rupture de son mandat de directeur général, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2019.

A la lecture du courriel du 3 décembre 2018 et de la lettre signifiée le 5 décembre 2018, Monsieur [L] a été en mesure de prendre connaissance des motifs précis et détaillés de sa révocation. Il a pu s’expliquer sur les agissements qui lui étaient reprochés, au cours du conseil d’administration du 7 décembre 2018 au cours duquel il a lui-même considéré qu’il ne pouvait plus rester en fonction. C’est de manière pertinente que le tribunal a écarté le moyen tiré du caractère brutal et vexatoire de la révocation.

Le droit d’agir en justice dégénère en abus s’il est exercé de mauvaise foi, ou pour le moins avec une légèreté blâmable révélée par l’absence de tout fondement sérieux.

En l’occurrence, les moyens invoqués par l’appelante à l’appui de sa demande en dommages-intérêts n’étaient pas dénués de tout sérieux. Au surplus, l’intimé ne démontre pas avoir subi du fait de cette demande formée à son encontre un préjudice distinct de celui découlant de l’obligation dans laquelle il s’est trouvé de devoir assurer sa défense.

Par ailleurs, les mesures conservatoires engagées par l’appelante pour garantir sa créance alléguée ont été autorisées judiciairement et ne revêtent aucun caractère abusif. Il n’est pas démontré qu’une publicité maximale ait été volontairement donnée dans le but d’atteindre l’intimé dans son existence personnelle et professionnelle.

Le jugement critiqué sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté l’intimé de sa demande de dommages-intérêts.

3) Sur les frais du procès

L’appelante qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimé et de lui allouer une indemnité de 3 000 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Y ajoutant,

Condamne la S.A. PGO Automobiles aux entiers dépens d’appel

Condamne la S.A. PGO Automobiles à payer à Monsieur [L] [F] une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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