Saisine du juge de l’exécution : 30 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00112

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Saisine du juge de l’exécution : 30 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/00112

MR/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 30 Mai 2023

N° RG 21/00112 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GTHH

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 10 Décembre 2020

Appelante

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 3], dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELAS AGIS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimé

M. Le COMPTABLE DE LA TRESORIE AMENDES DE [Localité 4] dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représenté par la SELARL CABINET BOUZOL, avocats au barreau de CHAMBERY

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Date de l’ordonnance de clôture : 06 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 mars 2023

Date de mise à disposition : 30 mai 2023

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Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

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Faits et Procédure

Par arrêt du 18 avril 2014, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Chambéry a condamné M. [U] [F] et Mme [E] [P] au paiement d’une amende délictuelle d’un montant de 40 000 euros outre 120 euros de frais de procédure.

La direction départementale des finances publiques a adressé à la banque de M. [U] [F], la caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] un premier avis d’opposition administrative le 26 mars 2015, puis un second avis le 22 avril 2015 portant sur un montant de 40 120 euros.

Le 24 avril 2015, la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] a confirmé le blocage de la somme de 40 120 euros à la Trésorerie de [Localité 4] Amendes. La somme de 37 470,38 euros a été débloquée et remise à la Direction départementale des finances publiques le jour même.

M. [T] [F] et M. [Z] [F], sur les comptes desquels la somme de 37 470,38 euros a été prélevée, ont contesté l’opposition administrative devant le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance d’Albertville.

Par jugement du 20 octobre 2015, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Albertville a condamné la Caisse de Crédit Mutuel à restituer à M. [T] [F] et M. [Z] [F] la somme de 37 470,38 euros et a rejeté la demande d’astreinte.

Par arrêt du 9 novembre 2017, la cour d’appel de Chambéry a condamné la Caisse de Crédit Mutuel à payer à l’indivision [F] la somme de 37 470,38 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2015, avec capitalisation des intérêts, et a rejeté la demande d’astreinte.

Par assignation en date du 2 août 2018, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] a fait assigner le comptable public en charge du recouvrement auprès de la Direction départementale des finances publiques aux fins de répétition de la somme de 37 470,38 euros.

Par jugement en date du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

– déclaré recevable l’action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] à l’encontre du comptable public de la trésorerie [Localité 4] Amendes agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances publiques de la Savoie;

– condamné le comptable public de la trésorerie [Localité 4] Amendes agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances publiques de la Savoie à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] la somme de 27 470,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2015 ;

– rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] à payer la somme de de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que :

‘ l’instance ouverte devant le juge de l’exécution n’est pas intervenue entre les mêmes parties et avait un objet différent puisqu’il s’agissait de contester les conditions d’exécution de l’opposition administrative et qu’il n’y a donc pas autorité de chose jugée;

‘ que la caisse de crédit mutuel, qui a payé par erreur, a droit à restitution, mais que la faute commise en se dessaisissant de fonds n’appartenant pas personnellement au débiteur saisi justifie de réduire le droit à restitution de la somme de 10 000 euros.

Par déclaration au Greffe en date du 21 janvier 2021, la société Caisse de crédit Mutuel de [Localité 3] interjetait appel de cette décision en ce qu’elle a limité le montant de la condamnationà restitution à 27 470,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2015, rejeté la demande de capitalisation des intérêts, rejeté le surplus des demandes des parties, et sur les demandes accessoires.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 24 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] sollicitait la réformation du jugement déféré et demandait à la cour de :

– condamner le comptable public de la Trésorerie [Localité 4] Amendes, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances publiques de Savoie à lui verser la somme de 37 470,38 euros ;

– condamner le comptable public de la Trésorerie [Localité 4] Amendes, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances publiques de Savoie à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le comptable public de la Trésorerie [Localité 4] Amendes, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances puliques de Savoie aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] fait valoir, au soutien de ses prétentions que :

‘ l’article 1302-3 du code civil visé par le jugement entrepris n’existait pas à l’époque du paiement, et qu’il y a lieu d’appliquer l’article 1377 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance de 2016, et qu’elle n’a commis aucune faute en l’espèce, puisque c’est le comptable de la trésorerie Amendes qui a sollicité le paiement en notifiant l’avis d’opposition administrative, au vu de la consultation de Ficoba ;

‘ le tribunal a évalué le préjudice du comptable de la trésorerie Amendes à 10 000 euros, se fondant sur une argumentation soutenant, sans que cela soit démontré, que M. [U] [F], débiteur, a organisé son insolvabilité, ou du moins que sa solvabilité a diminué par rapport à la date du 12 avril 2018, date où le caractère indû du paiement effectué était connu.

Le comptable public de la Trésorerie [Localité 4] Amendes, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques et du directeur départemental des finances puliques de Savoie a constitué avocat, mais n’a pas déposé de conclusions.

Une ordonnance en date du 6 février 2023 clôture l’instruction de la procédure.

MOTIFS ET DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence de comparution du défendeur, le juge fait droit à la demande après en avoir vérifié la régularité, la recevabilité, et le bien-fondé. L’intimé qui se constitue mais ne conclut pas au fond est réputé s’approprier les motifs du jugement dont il ne sollicite pas formellement la réformation.

La Caisse de crédit mutuel soutient n’avoir commis aucune faute, ou que cette faute serait due à celle commise par le comptable de la trésorerie, qui lui a réclamé les fonds dus par M. [U] [F]. Elle excipe ensuite que le préjudice est constitué par la seule croyance, temporaire, que le débiteur, M. [U] [F], était solvable et que ce préjudice est dérisoire.

I- Sur la faute reprochée à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]

L’article 1235 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, en raison de la date du paiement litigieux réalisé le 24 avril 2015 dispose : ‘tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.’ et l’article 1377 du même code ‘Lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier.’

L’article 1302-3 du code civil, entré en vigueur le 1er octobre 2016, prévoit toutefois que la faute du solvens, (débiteur), limite le montant de la restitution. Si cet article, appliqué par le premier juge, ne pouvait être appliqué au litige, force est de constater qu’il n’a fait que reprendre une juriprudence antérieure développée au visa de l’article 1377 précité (1ère Civ. 17 février 2010, pourvoi n°08-19.789), qui a retenu ‘l’absence de faute de celui qui a payé ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de l’action en répétition de l’indû, sauf à déduire, le cas échéant, de la somme répétée, les dommages et intérêts destinés réparer le préjudice résultant pour l’accipens de la faute commise par le solvens.’

L’opposition administrative délivrée le 26 mars 2015 était ainsi libellée : ‘Vous êtes tenus de me verser, à l’expiration d’un délai de trentre jours (…) la somme indiquée ci-dessous, dans la limite des fonds que vous détenez à cette date, pour le compte du redevable d’amende (…) Si vous êtes débiteur de l’intéressé à terme ou sous condition, vous voudrez bien vous acquitter entre mes mains dès l’expiration du terme ou de la réalisation de la condition. (…)

Si les fonds que vous détenez ou devez sont indisponibles entre vos mains ou si vous contestez vos obligations envers le redevable, vous êtes tenus, conformément à la loi, de m’en aviser.’

Cet acte précisait bien que le redevable de l’amende était M. [U] [F], et détaillait les conditions de libération des fonds détenus pour le compte du tiers redevable. Il est ainsi précisé dans l’acte que l’ établissement bancaire doitvérifier sa qualité de débiteur du tiers redevable, verser les fonds s’ils sont disponibles immédiatement, à défaut verser les fonds lorsque le terme ou la condition sont accomplis, et en dernier lieu, aviser le comptable de la trésorerie de toute difficulté.

Par conséquent, le fait que le comptable de la trésorerie ait adressé une opposition administrative, sur la base de renseignements recueillis par l’intermédiaire de Ficoba, à savoir que M. [U] [F] était titulaire d’un compte bancaire au sein de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] n’est pas une faute, et ne dispensait pas l’appelante de procéder aux vérifications indispensables sur la disponibilité des fonds et sur leur propriétaire exact.

En l’espèce, et en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] a commis une faute grave en se dessaisissant de fonds n’appartenant pas personnellement au débiteur saisi, au mépris du régime juridique de l’indivision.

II- Sur le montant du préjudice

C’est également à l’issue d’une analyse pertinente, exhaustive, exempte d’insuffisance que le premier juge a retenu que le comptable public justifiait d’une perte de chance de recouvrer sa créance envers M. [U] [F] et que l’erreur commise par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] a empêché d’exercer les différents moyens de recouvrement forcé de la créance(supposément payée), et a conduit à une multiplication de procédures judiciaires longues et coûteuses.

Au regard de ces éléments, de la gravité de la faute portant sur les obligations fondamentales d’un établissement bancaire, de l’ancienneté de la créance non encore recouvrée – puisqu’elle était supposée l’avoir été et ne pouvait l’être deux fois – l’évaluation du préjudice à hauteur de 10 000 euros sera confirmée.

III- Sur les demandes annexes

L’équité ne commande pas d’accorder des sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]. Enfin, l’appelante succombant au fond supportera les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] aux dépens de l’instance.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 30 mai 2023

à

la SELAS AGIS

la SELARL CABINET BOUZOL

Copie exécutoire délivrée le 30 mai 2023

à

la SELARL CABINET BOUZOL

 


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