2ème Chambre
ARRÊT N°345
N° RG 22/05503
N° Portalis DBVL-V-B7G-TDPI
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS LE MOAL
C/
G.A.E.C. DE LA ROSE DES VENTS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me RENAUDIN
– Me LE BLANC
– Me BONTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Mai 2023
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Juin 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS LE MOAL
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
G.A.E.C. DE LA ROSE DES VENTS
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me David LE BLANC de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTERVENANTE :
S.A.S. WACKER NEUSON
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Mikaël BONTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Christophe GRALL et Me Nadège POLLAK de la SELARL GRALL & ASSOCIES, plaidants, avocats au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant bon de commande du 25 janvier 2019 et facture du 30 juin 2019, le GAEC de la Rose des vents (le GAEC) a, moyennant le prix de 96 000 euros TTC, acquis auprès de la société Etablissements Le Moal (la société Le Moal) une chargeuse télescopique Weidemann 5080 T.
Lors de la livraison du bien, le certificat d’immatriculation n’a pas été fourni à l’acquéreur.
Après avoir vainement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2021, mis la société Le Moal en demeure d’honorer son obligation de délivrance conforme, le GAEC l’a, par acte du 10 mai 2022, fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, afin qu’il lui soit ordonné de délivrer, sous astreinte, l’original du certificat d’immatriculation, ou, à défaut, passé le délai de deux mois de la signification de la décision, le remplacement de l’engin vendu par un véhicule équivalent.
Estimant que l’obligation de remise du certificat d’immatriculation ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, mais que la question du remplacement du véhicule relevait de l’appréciation du juge du fond, le juge des référés a, par ordonnance du 18 août 2022 :
ordonné à la société Le Moal d’avoir à délivrer l’original du certificat d’immatriculation du véhicule Weidemann dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,
rejeté la demande du GAEC tendant à ce qu’il soit ordonné, passé ledit délai de deux mois, à la société Le Moal d’avoir à remplacer le véhicule Weidemann par un véhicule équivalent dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision,
condamné la société Le Moal à verser au GAEC la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société Le Moal a relevé appel de cette décision le 13 septembre 2022.
Puis elle a, par acte du 4 novembre 2022, fait assigner en intervention forcée le fournisseur du véhicule, la société Wacker Neuson.
Par ordonnance du 13 janvier 2023, le président de la chambre a rejeté la demande de la société Wacker Neuson de prononcer l’irrecevabilité de son intervention forcée, au motif que cette demande relevait de l’appréciation de la cour.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société Le Moal demande à la cour de :
réformer la décision attaquée en ce qu’elle a fixé une astreinte pour l’obtention du certificat d’immatriculation, et l’a condamnée aux frais irrépétibles,
dire qu’il n’y a pas lieu à astreinte en raison de l’impossibilité de fournir dans l’immédiat le certificat d’immatriculation,
débouter le GAEC de toutes ses demandes,
subsidiairement, en cas de confirmation ou d’infirmation concernant le montant de l’astreinte et sa durée, dire que les sociétés Le Moal et Wacker Neuson seront tenues des obligations vis-a-vis du GAEC,
condamner, sur un fondement contractuel, la société Wacker Neuson à garantir intégralement la société Le Moal, pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, que ce soit pour l’astreinte, les frais irrépétibles et toute autre indemnité,
condamner la société Wacker Neuson à lui régler une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Le GAEC conclut quant à lui à la confirmation de l’ordonnance attaquée, et sollicite la condamnation de la société Le Moal au paiement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Wacker Neuson demande enfin à la cour de :
prononcer l’irrecevabilité de l’intervention forcée régularisée à son encontre,
à titre subsidiaire, infirmer l’ordonnance attaquée,
dire n’y avoir lieu à référé et débouter la société Le Moal de l’ensemble de ses demandes,
en tout état de cause, condamner la société Le Moal à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Le Moal le 3 novembre 2022, pour le GAEC le 1er décembre 2022 et pour la société Wacker Neuson le 17 mars 2023, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 mars 2023.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les dispositions de l’ordonnance attaquée ayant rejeté la demande du GAEC tendant à ce qu’il soit ordonné à la société Le Moal d’avoir à procéder à la livraison d’un véhicule de remplacement au motif que cette demande excédait la compétence du juge des référés, exemptes de critiques devant la cour, seront confirmées.
Sur l’intervention forcée de la société Wacker Neuson
Selon la combinaison des articles 547 et 555 du code de procédure civile, les personnes ni présentes ni représentées en première instance ne peuvent être appelées pour la première fois devant la cour, que si l’évolution du litige implique leur mise en cause.
Il est à cet égard de principe qu’il ne peut être prétendu à une évolution du litige lorsque les éléments dont se prévaut le demandeur en intervention étaient déjà connus en première instance.
Or, il ressort des propres écritures de la société Le Moal que celle-ci avait, avant même que la procédure ne soit engagée, réclamé le certificat d’immatriculation de l’engin vendu auprès de son fournisseur, la société Wacker Neuson, et que celle-ci lui avait alors fait savoir qu’elle faisait le nécessaire auprès de son consultant en homologation routière pour obtenir le document en cause à l’issue de la procédure d’homologation.
Il s’ensuit que les éléments nécessaires à la mise en cause du fournisseur étaient connus dès la première instance, sans que le demandeur ait alors cru bon de l’appeler à la cause.
Dès lors, le litige n’a pas connu, au cours de la procédure d’appel d’évolution justifiant que la société Wacker Neuson ne soit appelée à la cause qu’à ce stade de la procédure.
L’intervention forcée de la société Wacker Neuson sera donc déclarée irrecevable.
Sur la délivrance du certificat d’immatriculation
Pour demander la suppression de l’astreinte ordonnée par le juge des référés, la société Le Moal fait valoir qu’elle avait interrogé son fournisseur, la société Wacker Neuson, laquelle a fait attester la personne chargée de l’homologation du matériel, laquelle a précisé que les conditions et les formalités étaient rendues difficiles en raison d’une modification des arrêtés d’homologation de ce type de matériel.
Elle soutient donc qu’elle est dans l’impossibilité de satisfaire la demande du GAEC, et, qu’en tout état de cause, le défaut de remise de ce seul document administratif ne pertuberait pas l’utilisation du matériel, qui serait régulièrement employé par le GAEC sur son exploitation sans difficulté.
Cependant, la chargeuse télescopique est conçue et commercialisée pour être mise en circulation du sur le voie publique et doit donc être immatriculé en application de l’article R. 317-8 du code de la route, peu important que son propriétaire l’utilise essentiellement sur son exploitation dès lors qu’il peut aussi être amené à réaliser des travaux agricoles extérieurs et que le certificat d’immatriculation est indispensable en cas d’éventuel revente de la chose vendue. Ainsi que le fait valoir à juste titre le GAEC, l’absence de ce document ne peut pas permettre la circulation de ce matériel agricole sur la voie publique, ni de bénéficier de la couverture d’un contrat d’assurance.
Par ailleurs, si le fournisseur est lui-même défaillant dans sa propre obligation d’homologuer son équipement agricole, c’est à la société Le Moal qu’il appartient d’exercer à son encontre toutes les actions que la loi lui ouvre, dans des conditions régulières et recevables, afin de la contraindre à obtenir le certificat litigieux.
C’est donc à juste titre que le juge des référés a ordonné à la société Le Moal d’avoir à délivrer sous astreinte l’original du certificat d’immatriculation du véhicule Weidemann, accessoire indispensable à l’usage de la chose vendue entrant dans le champ de l’obligation non sérieusement contestable de délivrance conforme du vendeur.
Toutefois, il doit être tenu compte des difficultés auxquelles est confrontée la société Le Moal pour procéder à la délivrance de ce document administratif, celle-ci étant elle-même dans l’attente de l’homologation du matériel vendu par le fournisseur.
Dès lors, il convient, afin de favoriser la bonne exécution de l’injonction de l’ordonnance de référé du 18 août 2022, de laisser à l’appelante un délai substantiel de quatre mois à compter du jour du prononcé du présent arrêt pour satisfaire à cette obligation de délivrance du certificat d’immatriculation.
L’astreinte, dont le taux journalier est maintenu à 100 euros, ne courra donc ne courra donc qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant une période de trois mois à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit par le juge de l’exécution en cas d’inexécution.
Sur les autres demandes
Les dispositions de l’ordonnance de référé concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge du GAEC l’intégralité des frais exposés par lui à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile, notamment celle formée par la société Wacker Neuson seront en toute équité rejetées.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Déclare l’intervention forcée de la société Wacker Neuson irrecevable ;
Confirme l’ordonnance rendu le 18 août 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, sauf à dire que l’astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard prononcée à l’encontre de la société Etablissements Le Moal, courra à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce pendant une période de trois mois à l’issue de laquelle il pourra le cas échéant être à nouveau fait droit par le juge de l’exécution en cas d’inexécution ;
Condamne la société Etablissements Le Moal à payer au GAEC de La Rose des vents la somme de 2 00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Etablissements Le Moal aux dépens d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRESIDENT