COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2023
N° 2023/215
Rôle N° RG 19/07393 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHBN
SAS TECHNIPIPE
C/
[F] [T]
Copie exécutoire délivrée
le : 30 juin 2023
à :
Me Johanna VINE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 279)
Me Nathalie CAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 26 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00116.
APPELANTE
SAS TECHNIPIPE En la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège social, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Johanna VINE de l’AARPI JULIEN SELLI & JOHANNA VINE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [F] [T], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nathalie CAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l’arrêt mixte en date du 20 janvier 2013 auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
Par cet arrêt la cour a sursis à statuer sur la demande de dommages intérêts de l’intimée au titre de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, a demandé aux parties de s’expliquer sur l’application de l’article L 451-1 du code du travail, révoqué l’ordonnace de clôture et fixé une nouvelle clôture au 3 avril 2023 ;
L’intimé a déposé et signifié ses conclusions par RPVA le 28 mars 2023 (et non le 28 avril comme indiqué par erreur dans les dernières écritures après clôture)
L’appelant a sollicité le report de la clôture et conclu arpès clôture le 14 avril 2023, l’intimé a reconclu après cloture le 21 avril 2023 ;
A l’audience du 3 mai 2023 la demande de rabat de l’ordonnance de clôture a été à nouveau formulée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève que la date de la clôture était connue depuis le 20 janvier 2023 et la question juridique strictement circonscrite par l’arrêt à l’application de l’article L 451-1 du code de la sécurité sociale de sorte que le dépôt des écritures de l’intimée le mardi 28 mars laissait à l’appelant le temps necéssaire à l’élaboration de ses propres écritures.
Il n’existe donc en l’espère aucune cause grave justifiant le rabat de l’ordonnace de clôture.
Les écritures des parties postérieures à la clôture du 3 avril 2023 sont donc écartées des débats.
L’intimée fait observer à juste titre que ni l’appelant, ni le conseil de prud’hommes n’ont soulevé l’incompétence de la juridiction prud’hommale en première instance, de sorte que la cour est tenue par les dispositions de l’article 76 du CPC et ne peut soulever d’office l’incompétence en appel.
Au fond l’intimée précise qu’elle entend obtenir l’indemnisation par l’employeur de son manquement à l’obligation de sécurité antérieure à l’accident du travail du 18 aout 2016 ; elle expose que dès 2015 le médecin du travail a attiré l’attention de l’employeur sur sa situation en raison de crises de spasmophilies survenues sur le lieu du travail le 8 janvier 2015 et le 17 mars 2015.
Que le médecin du travail a également alerté l’employeur le 20 mars 2015 et le 10 octobre 2016 ( jour du licenciement ) sur le contexte social dans l’entreprise sans pour autant provoquer une quelconque réaction de ce dernier alors que dans le même temps les organisations syndicales attiraient également l’attention sur un taux d’absentéisme suite à maladie supérieur à la moyenne nationale.
Elle souligne que postérieurement à son licenciement les manquements de l’employeur, sanctionnés par le CPH d’Aix en Provence à l’ocassion d’une instance concernant une autre salariée, ont perduré.
L’argumentation de l’employeur a été exposée dans l’arrêt du 20 janvier 2023 (pas de démonstration du lien de causalité entre la pathologie et les conditions d’exercice de l’activité professionnelle, salariée déclarée apte et attention portée aux risques professionnels par l’employeur).
Il convient de rappeler que l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur en application de l’article L 4121-1 du code du travail, la charge de la preuve de son respect lui incombe.
L’intimée qui considère que l’obligation n’a pas été exécutée se fonde :
– sur une attestation d’intervention des pompiers le 8 janvier 2015 sur le lieu du travail et le traitement médical instauré ( pièces 7 et 8 )
– une attestation d’intervention du 17 mars 2015 sur le lieu du travail ( pièce 9 ) et l’attestation de M [R] liant les malaises à des pressions et méchancetés du Directeur sans précision de circonstances exactes (date, sujet des pressions, paroles prononcées).
– un courrier du médecin du travail en date du 20 mars 2015 adressé à l’employeur ( pièce 75) attirant l’attention du dirigeant sur les risques psychosociaux dans l’entreprise en ces termes ‘j’ai constaté au cours des entretiens individuels des doléances devenus fréquentes ainsi que certains troubles imputés à une dégradation des conditions de travail perçue par les salariés ‘ mais sans référence spécifique à la situation de Mme [T].
– un document sur l’augmentation du taux d’absentéisme ( pièce 76 ) établi par le CHSCT et pour partie repris dans les conclusions démontrant une augmentation du taux d’absenteisme en 2014 -2015 passant de 1,87 % à 4,49% hors longue maladie.
– un courrier du médecin du travail en date du 10 octobre 2016 ( pièce 57 ) faisant état d’une problématique lié aux risques psychosociaux en voie d’aggravation depuis mai 2016 ayant donné lieu à la préconisation sans succès par le médecin du travail d’une démarche faisant appel à un accompagnement extérieur afin d’établir un diagnostic et un plan daction et de prévention pérenne.
La cour relève que l’employeur verse effectivement aux débats
– le document unique d’evaluation et de prévention des risques professionnels, révisé en septembre 2015 ( pièce 138 de l’employeur ) prévoyant notamment au titre de la prévention des risques psychosociaux la mise en place d’un médiateur avec les organes de concertation et une formalisation des échanges.
– les PV du CHSCT du 28 mars 2014 au 17 juin 2016 ( pièce 139). Ces PV démontrent que les risques psychosociaux ont fait l’objet d’un questionnaire anonyme distribué à l’ensemble du personnel en septembre 2013 et dépouillé par le CHSCT ; que depuis mars 2014 l’entreprise a instauré un groupe de suivi;
Le résultat des questionnaires dépouillés par le Chsct a fait l’objet d’une discussion lors du CHSCT du 26 septembre 2014 en vue d’identifier des axes de progrès. Un documents de l’analyse des causes ( menée par le dédecin du travail et le CHSCT) et des actions décidées figure en annexe du PV du CHSCT du 12 décembre 2014 ;
Parmi l’analyse des causes figure le changement de direction et de méthodes ainsi que l’absence de visibilité sur l’organisation du travail engendrant le sentiment d’un manque de considération.
Le PV liste les actions organisées et notamment la création d’une boite mail de signalement des disfonctionnement outre la diffusion d’un plannings prévisionnel hebdomadaire ; le document est noté transmis à l’employeur le 26 juin 2015
Ce point est à nouveau abordé lors du CHSCTdu 27 mars 2015 le document est noté transmis à l’employeur le 26 juin 2015 et intégré dans le document unique de prévention le 25 septembre 2015
Le sujet des risques psychosociaux est noté clos dans le pv du CHSCT de décembre 2015 et n’est plus abordé dans les réunions ultérieures;
-les fiches d’aptitude concernant l’intimée établies sans mention de réserves en octobre 2014, novembre et décembre 2015, février 2016 ( pièces 2 , 135 a et b et pièce 136)
– une lettre de contestation adressée le 15 décembre 2016 au médecin du travail en réponse au courrier susvisé du 10 octobre 2016 soulignant que le CHSCT a régulièrement abordé la question des risques psychosociaux, identifié les dysfonctionnements à l’origine du mal être des salariés et défini un plan d’action dont toutes les mesures étaient mise en place en décembre 2015 notammet à l’égard du personnel admistratif dont la situation a été accompagnées par une redéfinition des taches, un renfort en personnel, l’achat de matériel et mise en place de logiciels simplifait les process outre l’externalisation de taches
Ce courrier fait grief au médecin du travail de n’avoir dispensé aucun conseil concret sur les risques psychosociaux ni analysé la réalité des postes occupés par les salariés
Il ressort de l’analyse de l’ensemble de ces pièces que si l’employeur a , en collaboration avec le médecin du travail et le CHSCT, dûment pris en compte les risque psychosociaux et établi un plan d’action mené à son terme jusqu’en décembre 2015 , il ne justifie pas pour autant avoir réagi aux nouvelles alertes du médecin du travail à compter du mois de mai 2016 jusqu’en octobre 2016 alors que l’obligation de sécurité imposée par l’article L 4121-1 du code du travail lui impose d’adapter en permanence l’organisation du travail afin de garantir l’effectivité de son obligation légale.
Toutefois
– en l’absence de déclaration de l’intimée faisant le lien entre ses crises de spamosphilie et l’emploi lors des divers malaises subis ( pièce 7 et 8 de l’appelant et 7 ,8 ,9 de l’intimée )
– en l’absence de restrictions d’aptitude, de préconisations du médecin du travail concernant le poste de l’intimé ou courrier d’alerte adressé à l’employeur afin d’attirer l’attention sur son mal être au travail ( à l’inverse de l’alerte concernant M [Z] pièce 79 de l’intimée )
– au vu du caractère non circonstancié de l’attestation de M [R]
– au vu d’une pathologie évoluant dès avant la survenance de crises de spasmophilie sur le lieu du travail ( pièce 7 de l’intimée démontrant des prescritions médicamenteuses depuis juin 2014 qu’elle n’allègue pas être en relation avec la situation professionnelle)
La cour considère que le lien de causalité entre le manquement de l’employeur et la situation médicale de la salariée n’est pas établi et confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages intérêts au titre du non respect de l’obligation de sécurité.
La cour ayant retenu la nullité du licenciement confirme les dispositions du jugement concernant l’application de l’article 700 en première instance et condamne l’appelant à payer à Mme [T] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 en cause d’appel.
Les frais et dépens afférents aux procédures d’exécution susceptibles d’être mises en oeuvre en vue de l’exécution d’une décision de justice sont étrangers aux dépens de l’instance qui a abouti à cette décision.
Le juge de l’instance principale ne peut pas se prononcer sur le sort des frais et dépens afférents à ces éventuelles procédures d’exécution, lesquelles relèvent de l’appréciation du juge de l’exécution. L’intimée est donc déboutée de sa demande à ce titre
PAR CES MOTIFS
LA COUR STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité
Confirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS TECHNIPIPE à payer à Mme [T] la somme de 1000 EUROS au titre de l’article 700
et y ajoutant
Condamné la SAS TECHNIPIPE à payer à Mme [T] la somme de 2000 EUROS au titre de l’article 700 en cause d’appel
Déboute Mme [T] de sa demande fondée sur le décret du 12 décembre 1996.
Condamne la SAS TECHNIPIPE aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président