29/06/2023
ARRÊT N°23/422
N° RG 20/02493 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NXAH
SC – CD
Décision déférée du 26 Mai 2020 – Juge aux affaires familiales de TOULOUSE – 20/00192
JL. ESTEBE
[Z] [L]
C/
[M] [L]
[C] [H] épouse [L]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [Z] [L]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Emilie TOUSSAINT de la SELARL CABINET SAMALENS TOUSSAINT, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.016716 du 14/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉS
Monsieur [M] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Aude ORLIAC, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.008973 du 10/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Madame [C] [H] épouse [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Aude ORLIAC, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.008974 du 10/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. MICK, conseiller
V. CHARLES-MEUNIER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte reçu par Me [T], notaire à [Localité 7], le 26 septembre 2014, M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L], son épouse, ont fait donation à leur fils M. [Z] [L] de la nue propriété du lot 4 d’un ensemble immobilier en copropriété situé à [Adresse 6], cadastré section B n°[Cadastre 5], d’une contenance de 00 ha 10 a 19 ca. Il s’agit d’un appartement et d’un jardin.
Ils ont ensuite renoncé à l’usufruit qu’ils détenaient sur le bien, par acte reçu aux minutes de Me [T] en date des 21 avril et 28 avril 2016.
L’appartement donné par M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] est occupé par la fille de M. [Z] [L].
M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] sont restés propriétaires du terrain situé au [Adresse 4].
M. [Z] [L] et son épouse, Mme [W] [P] , occupent ce terrain sur lequel ils ont fait édifier un bâtiment qu’ils habitent. Un litige oppose les parties relativement à cette occupation.
M. [Z] [L] et Mme [W] [P] ont refusé de quitter les lieux malgré une sommation qui leur a été délivrée le 5 octobre 2018. A la requête de M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] le juge des référés du tribunal d’instance de Muret a ordonné l’expulsion de M. [Z] [L] et de son épouse, par ordonnance rendue le 22 mars 2019. Un commandement de quitter les lieux a été délivré le 13 juin 2019.
M. [Z] [L] et Mme [W] [P] ont saisi le juge de l’exécution qui les a déboutés de leurs demandes par jugement en date du 11 septembre 2019. Ils ont fait appel de cette décision. L’instance d’appel serait encore pendante.
Le 17 mai 2018, Mme [W] [P] a déposé plainte contre M. [M] [L], lui reprochant des violences.
Le 30 septembre 2019, M. [M] [L] a déposé plainte contre son fils [Z] pour des faits de violence.
C’est dans ce contexte que le 27 décembre 2019, M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] ont fait assigner leur fils, M. [Z] [L] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de révocation de la donation consentie les 26 septembre 2014 puis les 21 avril et 28 avril 2016.
M. [Z] [L] n’a alors pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire en date du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a:
– révoqué la donation consentie par M. [M] [L] et Mme [H] à [Z] [L] suivant actes reçus par la SCP [T] et Minvielle, notaire à [Localité 7], les 26 septembre 2014, 21 avril et 28 avril 2016, portant la nue-propriété et l’usufruit de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 6], cadastré B [Cadastre 5] ;
– ordonné à M. [Z] [L] de restituer ces lieux à M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] ;
– condamné M. [Z] [L] à payer 3000 € à M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] au titre des frais de défense ;
– rejeté les autres demandes ;
– condamné M. [Z] [L] aux dépens.
Par déclaration en date du 11 septembre 2020, M. [Z] [L] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– révoqué la donation consentie par M. [M] [L] et Mme [H] à [Z] [L] suivant actes des 26 septembre 2014, 21 avril et 28 avril 2016 portant sur la nue-propriété et l’usufruit de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 6], cadastré B[Cadastre 5] ;
– ordonné à M. [Z] [L] de restituer ces lieux à M. [M] [L] et Mme [H] ;
– condamné [Z] [L] à payer 3000 € à [M] [L] et [C] [H] au titre des frais de défense et l’a condamné aux dépens.
Suivant ses dernières conclusions d’appelant en date du 4 décembre 2020, M. [Z] [L] demande à la cour :
– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* révoqué la donation consentie par M. [M] [L] et Mme [H] à [Z] [L] suivant actes reçus par la SCP [T] et Minvielle, notaire à [Localité 7], les 26 septembre 2014, 21 avril et 28 avril 2016, portant la nue-propriété et l’usufruit de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 6], cadastré B [Cadastre 5],
* ordonné à [Z] [L] de restituer ces lieux à M. [M] [L] et Mme [H],
* condamné [Z] [L] à payer 3000 € à [M] [L] et [C] [H] au titre des frais de défense,
* rejeté les autres demandes,
* condamné [Z] [L] aux dépens,
statuant à nouveau,
– de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] à défaut de publication de l’assignation du 27 décembre 2019 aux fins de révocation des donations des 26 septembre 2014, 21 avril et 28 avril 2016,
– de débouter M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de condamner solidairement M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] au paiement d’une somme de 5000 € en remboursement des frais irrépétibles exposés par M. [Z] [L] pour faire valoir ses droits et qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge,
– de condamner solidairement M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] aux entiers dépens, y compris les dépens de première instance.
Suivant leurs dernières conclusions d’intimés en date du 20 décembre 2022, M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] demandent à la cour :
– de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a:
* révoqué la donation consentie par M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] suivant actes reçus par la SCP [T] et Minvielle, notaire à [Localité 7] les 26 septembre 2014, 21 avril et 28 avril 2016, portant la nue propriété et l’usufruit de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 6] cadastré B [Cadastre 5],
* ordonné à M. [Z] [L] de restituer ces lieux à M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] ,
* condamné M. [Z] [L] à leur payer 3.000 € au titre de leurs frais de défense de première instance, outre les dépens.
– de débouter M. [Z] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
y ajoutant,
– de commettre, en conséquence, tel mandataire de justice qu’il plaira au tribunal désigner, et lui donner mission de réunir les parties, assister aux formalités de restitution, par [Z] [L] à [M] et [C] [L], de la donation en cause, relater les dires éventuels des parties, et dresser constat de ses opérations,
– de condamner M. [Z] [L] au paiement d’une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles engagés par les soins des intimés,
– le condamner aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 27 mars 2023 et l’audience de plaidoiries fixée le 11 avril 2023 à 14 heures.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande de révocation de la donation
En application des dispositions de l’article 126 du code de procédure civile, la fin de non recevoir tenant à l’obligation de publication de l’assignation telle que prévue aux articles 28-4° et 30-5° du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, peut être régularisé jusqu’à ce que le juge statue.
Les intimés justifient avoir fait publier l’assignation, le jugement, la déclaration d’appel et les conclusions d’intimés le 18 janvier 2021. Ils ont ainsi satisfait aux exigences des dispositions ci-dessus. Leur demande est donc recevable.
Sur le fond
Il résulte des dispositions de l’article 955 du code civil, que la donation ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans des cas limitativement énumérés, notamment lorsque le donataire s’est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves.
Pour faire droit à la demande de révocation, le premier juge, après avoir exposé le litige opposant les parties quant à l’occupation du bien resté la propriété des donateurs, a retenu des attestations produites au débat et de la plainte déposée le 30 septembre 2019 corroborée par un certificat médical, qu’après avoir adopté un comportement dénigrant et insultant, M. [Z] [L] a commis le 21 septembre 2019 un acte de violence sur son père alors âgé de 75 ans.
Au soutien de son appel, M. [Z] [L] expose qu’il faut tenir compte du contexte général dans lequel les relations se sont dégradées, qu’il n’a pas été condamné pour les faits du 21 septembre 2019 et , qu’à l’inverse, le 17 mai 2018, son épouse a déposé une plainte contre son beau-père qui l’avait saisie par le cou et poussée contre un démonte-pneus, ces faits étant antérieurs à ceux dénoncés par M. [M] [L]. Il fait valoir que même en présence de faits graves imputables au donataire, ils ne peuvent justifier la révocation de la donation lorsqu’ils s’inscrivent dans un conflit relationnel entre les parties.
Les intimés rétorquent que le contexte familial dégradé est exclusivement imputable à M. [Z] [L], du fait des insultes répétées et de son occupation du terrain resté leur propriété qu’il ne peuvent pas vendre , ce qui les contraint à se loger en location malgré leurs revenus modestes, alors que son fils et la fille de ce dernier qui logent dans le bien donné sont en âge de travailler.
Les attestations produites par les intimés, émanant des frère et soeurs de M. [Z] [L] ainsi que de proches, décrivent un comportement insultant ancien et répété de ce dernier envers son père, sur fond d’appropriation du matériel agricole de M. [M] [L].
Ces témoignages viennent corroborer la plainte déposée par M. [M] [L] le 30 septembre 2019 qui énonce que depuis un an son fils et sa belle-fille lorsqu’il les croise en voiture, tentent de le faire arrêter et l’insultent de ‘connard, enculé, tu vas bientôt crever’.
M. [M] [L] a exposé devant les gendarmes, que le 21 septembre 2019, sur une route étroite, son fils et sa femme qu’il a croisés en voiture l’ont contraint de s’arrêter, qu’ils sont sortis de leur véhicule, l’ont obligé à sortir du sien en le menaçant ‘ si tu descends pas de la voiture on te descend’ , à la suite de quoi une dispute a éclaté, au cours de laquelle il a reçu un coup au niveau de la cheville.
Le certificat médical produit par M. [M] [L] qui constate deux dermabrasions, deux contusions sur les épaules, un important hématome du coup du pied ainsi qu’une contusion de la partie discale de la jambre droite, associé aux photographies versées au débat, corroborrent les déclarations de l’intimé, venant caractériser des faits de violences volontaires sur une personne âgée de 75 ans.
La plainte déposée par l’épouse de M. [Z] [L] en date du 17 mai 2018 intervient plus d’un an avant les faits du 21 septembre 2019, de sorte qu’elle ne peut justifier des violences qui seraient commises dans le cadre d’un continuum de relations réciproquement violentes. De plus, il résulte de la déclaration de Mme [W] [P], qu’elle admet elle-même, pour se défendre selon ses dires, avoir porté une gifle à son beau-père qui a fait tomber ses lunettes.
Enfin, il résulte de la décision du juge des référés du tribunal d’instance de Muret, non frappée d’appel, qu’alors que M. [Z] [L] a été gratifié d’un appartement et jardin, il occupe le terrain resté la propriété de ses parents, sur lequel il a édifié un bâtiment qu’il habite et n’a pas quitté ce lieu en dépit d’une sommation et de la décision judiciaire ordonnant son expulsion.
M. [Z] [L] est mal venu à faire état de la précarité de sa situation, puisqu’il a choisi d’installer sa fille dans le bien objet de la donation, que lui même comme sa fille sont en âge de trouver un emploi alors que ses parents doivent vivre et se loger avec des revenus issus de leur retraite de l’ordre de 1.100 € par mois pour eux deux et se trouvent empêchés de vendre le bien dont ils restent propriétaires.
Par conséquent, le contexte familial dégradé résulte du seul fait de M. [Z] [L] constitué par un comportement injurieux et conflictuel ancien et par l’appropriation du bien que ses parents dont les ressources sont plus que modestes, souhaitent légitimement vendre.
Ainsi, les faits d’injures et de violences survenus le 21 septembre 2019 sont exclusivement imputables à M. [Z] [L] et suffisamment graves pour justifier la révocation des donations.
Le jugement qui a fait une juste appréciation des faits de la cause sera donc confirmé.
La publication de l’arrêt au fichier immobilier sera ordonnée, à la diligence et aux frais de M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] qui y ont intérêt.
M. [Z] [L] demande, ajoutant à l’arrêt, de désigner un mandataire de justice, alors qu’il ne fait pas appel incident de la disposition du jugement qui a rejeté cette prétention. Quoiqu’il en soit, il ne motive et ne justifie pas en quoi une telle désignation serait nécessaire. Il sera débouté de sa demande.
Sur les dépens et les frais
M. [Z] [L] supportera les dépens d’appel, la cour confirmant le jugement pour les dépens de première instance.
Au regard de l’équité, M. [Z] [L] sera condamné à payer à M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] pris ensemble , la somme de 5.000 € au titre des frais non répétibles, outre la confirmation du jugement relative à ces mêmes frais de première instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine,
Déclare recevable la demande de révocation de la donation,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Ordonne la publication du présent arrêt au fichier immobilier à la diligence et aux frais de M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L],
Déboute M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] de leur demande tendant à la désignation d’un mandataire,
Condamne M. [Z] [L] à payer à M. [M] [L] et Mme [C] [H] épouse [L] pris ensemble, la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Z] [L] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
M. TACHON C. DUCHAC
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