N° RG 23/00333 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JI2D
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 29 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/04477
Jugement du tribunal judiciaire juge de l’exécution de Rouen du 18 janvier 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. AMEX
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
RCS de ROUEN n°422 966 465
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN
assistée par Me Antoine ETCHEVERRY, de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.R.L. BERTRAND LEPICARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
RCS de ROUEN n° 353 187 263
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Pauline LYNCEE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 mai 2023 sans opposition des avocats devant Madame GERMAIN, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame GOUARIN, présidente
Madame TILLIEZ, conseillère
Madame GERMAIN, conseillère
DEBATS :
Madame DUPONT greffière
A l’audience publique du 25 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 juin 2023
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 29 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
Suivant ordonnance du 21 septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la SARL Amex à pratiquer une saisie conservatoire entre les mains du Crédit Agricole en garantie de la somme de 399 498,08 euros dont elle s’estimait créancière à l’égard de la SARL Bertrand Lepicard.
Le 25 octobre 2022, un procès-verbal de saisie conservatoire de créances a été établi puis dénoncé à la SARL Bertrand Lepicard le 28 octobre 2022.
Par acte d’huissier du 7 novembre 2022, la SARL Bertrand Lepicard a fait assigner la SARL Amex devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rouen pour voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire et obtenir le paiement de la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rouen a :
– ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 25 octobre 2022 au préjudice de la SARL Bertrand Lepicard,
– débouté la SARL Bertrand Lepicard de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné la SARL Amex à payer à la SARL Bertrand Lepicard la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SARL Amex de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SARL Amex aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que la société Amex ne justifiait pas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance alléguée.
La SARL Amex a relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue le 26 janvier 2023.
Par ordonnance de référé du 5 avril 2023, le premier président de la cour d’appel de Rouen a débouté la société Amex de sa demande tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution provisoire du jugement du 18 janvier 2023.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.
Exposé des pretentions des parties
Par dernières conclusions reçues le 19 mai 2023, la société Amex demande à la cour de :
– réformer le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rouen et en conséquence,
– débouter la société Bertrand Lepicard de l’ensemble de ses demandes,
– ordonner le maintien ou la remise en place de la saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de la société Lepicard le 25 octobre 2022,
A titre subsidiaire,
– cantonner la saisie conservatoire à la somme de 399 498,08 euros,
A titre très subsidiaire,
– cantonner la saisie conservatoire à la somme de 300 000 euros,
En tout état de cause,
– condamner la société Bertrand Lepicard à payer à la société Amex la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle de 2 500 euros pour l’appel, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions du 22 mai 2023, la SARL Bertrand Lepicard demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Rouen le 18 janvier 2023,
– débouter la société Amex de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Statuant à nouveau,
– condamner la société Amex à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société Amex à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Amex aux entiers dépens.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés par celles-ci.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Amex reproche au premier juge de s’être fondé sur trois éléments, qui ne permettent cependant pas d’exclure le risque de recouvrement, ce risque étant manifestement démontré par la disproportion entre la somme réclamée et le chiffre d’affaires réalisé. Elle soutient de plus que la présence sur les comptes en banque à un instant T, des fonds permettant de faire face à la condamnation n’est pas un indice de l’absence de risque de recouvrement.
Enfin, elle prétend que la menace de recouvrement existe en raison du risque manifeste de procédure de redressement judiciaire de la société Lepicard.
La société Lepicard demande la confirmation du jugement au motif que la SARL Amex ne justifie pas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance alléguée, la société Amex prétendant qu’il existerait de telles circonstances sans parvenir à en justifier.
Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
L’article L. 512-1 précise que, même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.
Enfin, selon l’article R. 512-1 si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans les cas où l’article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans autorisation.
Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
Les conditions de l’article L. 511-1 sont cumulatives et à défaut de l’une d’elles, le juge peut ordonner la mainlevée.
Il faut donc une créance qui paraît fondée en son principe ainsi que des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
En l’espèce, la première condition relative à la créance n’est pas contestée par la société Lepicard.
En revanche, les parties sont en désaccord s’agissant de la deuxième condition.
S’agissant de la menace sur le recouvrement, l’appréciation de cette menace doit résulter d’éléments de fait autorisant à tout le moins des craintes sérieuses tenant au comportement ou à la situation du débiteur, ou encore à des circonstances susceptibles de contrarier le règlement de la dette.
En l’espèce, la société Amex prétend tout d’abord que l’amende de
100 000 euros au paiement de laquelle a été condamnée la société Lepicard, a nécessairement fragilisé la santé économique de celle-ci.
Il convient toutefois de relever que la société Lepicard a payé cette amende dans sa totalité depuis plus d’un an, sans que cela ait eu de répercussion sur sa santé financière et économique.
Par ailleurs, s’il ressort du bilan comptable que le passif a certes augmenté passant de 732 324 euros à 854 912 euros, le résultat net comptable est positif et ce, alors qu’une provision pour charge a été constituée comptablement à hauteur de 350 000 euros et que la société a en outre provisionné pour risques et charges la somme de 50 000 euros.
En outre, si les bénéfices qui s’élèvent à 56 378 euros ne représentent que 15% environ de la créance invoquée par la société Amex, et si cette société ne dispose d’aucun patrimoine matériel, comme l’a relevé le premier juge, plus de 400 000 euros figuraient sur les comptes de la société Bertrand Lepicard lors de la saisie et cette saisie n’a pas pour autant fragilisé la société ni justifié un dépôt de bilan.
C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que la société Amex ne justifiait pas, comme elle en avait la charge, de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance alléguée et a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire. Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts
Dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour, la société Bertrand Lepicard demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions de sorte que la cour ne peut que confirmer les dispositions du jugement ayant débouté la société Bertrand Lepicard de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.
La charge des dépens d’appel sera supportée par la société Amex conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Bertrand Lepicard les frais irrépétibles exposés à l’occasion de la présente instance.
Aussi la société Amex sera-t-elle condamnée à l ui verser la somme de
2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement du 18 janvier 2023 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Amex aux dépens,
Condamne la société Amex à payer à la société Bertrand Lepicard la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande formée à ce titre.
La greffière La présidente