REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 23/02446 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHB63
Décision déférée à la cour
Jugement du 9 décembre 2022-Juge de l’exécution de Créteil-RG n° 22/06308
APPELANTE
S.A.R.L. [9]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Hélène ORUM, avocat au barreau de PARIS, toque : P0568
INTIMÉES
S.A.S. U. [10]
[Adresse 3]
[Localité 6]
S.C.I. [11]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Ayant pour avocat plaidant Me Céline BOURDOULEIX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, présidente et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d’une ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal judiciaire de Créteil le 11 décembre 2020, la SAS [10] et la SCI [11] ont, le 24 juin 2022, délivré à la SARL [9] un commandement de quitter les lieux, portant sur un local commercial sis [Adresse 5] et [Adresse 1] à [Localité 12].
Suivant jugement en date du 9 décembre 2022, le juge de l’exécution de Créteil, qui avait été saisi par la SARL [9] suivant assignation datée du 5 septembre 2022, a :
– déclaré irrecevable la demande de fixation du montant de la créance ;
– débouté la SARL [9] de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux ;
– rejeté la demande subsidiaire de délais pour quitter les lieux présentée par la SARL [9] ;
– rejeté sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SARL [9] à payer à la SAS [10] et la SCI [11] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile chacune ;
– condamné la SARL [9] aux dépens ;
– débouté la SARL [9] de ses autres demandes.
Pour statuer ainsi, il a relevé :
– que dans le dispositif de ses conclusions, la SARL [9] ne formait aucune demande relative aux saisies-attributions qui avaient été pratiquées à son encontre ;
– que si les parties ne s’entendaient pas sur le montant de la dette restant dû, la SARL [9] reconnaissait ne pas avoir respecté l’échéancier qui avait été mis en place ;
– que la SARL [9] ne démontrait pas avoir entrepris des démarches pour trouver un nouveau local.
Par déclaration en date du 24 janvier 2023, la SARL [9] a relevé appel de cette décision.
En ses conclusions notifiées le 23 mai 2023, elle expose :
– qu’un litige est survenu entre les parties au sujet d’une saisie-attribution pratiquée à son encontre le 29 juillet 2022 ;
– que le juge de l’exécution a été saisi le 5 septembre 2022, et a refusé de fixer le montant de sa créance alors que la demande y relative était recevable ;
– qu’elle a bien contesté cette saisie-attribution ; que la demande de fixation de la créance implique nécessairement une contestation de cette mesure d’exécution ;
– que l’acte de saisie comporte une mention du principal (42 920 euros) qui n’est pas détaillée ;
– qu’elle a payé des acomptes, certains chèques ayant été retournés car non libellés au bon ordre (soit 3 chèques de 2 384,45 euros), mais cela est dû au changement de propriétaire du bien ;
– qu’il y a lieu de tenir compte de la somme de 9 709,40 euros qui a été saisie ;
– qu’elle doit à ce jour la somme de 29 938,03 euros sur les loyers et charges des années 2021 et 2022, sauf à en déduire le dépôt de garantie (10 958,08 euros) et le tiers du loyer du 4ème trimestre 2022 par suite de l’incendie de l’immeuble survenu le 30 novembre 2022, à la suite duquel la SCI [11] lui a notifié que le bail était résolu de plein droit.
La SARL [9] demande en conséquence à la Cour de :
– infirmer le jugement ;
– fixer le montant de la créance de la SAS [10] à 2 996,07 euros, ou subsidiairement à 6 728,62 euros ;
– fixer le montant de la créance de la SCI [11] à 9 969,91 euros ;
– déclarer que le bail n’est pas résilié ;
– annuler le commandement de quitter les lieux du 24 juin 2022 ;
– subsidiairement, lui accorder des délais pour quitter les lieux ;
– condamner la SAS [10] et la SCI [11] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens, dont distraction au profit de Maître Orum.
Dans leurs conclusions notifiées le 24 mai 2023, la SAS [10], et la SCI [11] devenue propriétaire des locaux le 11 juin 2021, répliquent :
– que l’échéancier mis en place par l’ordonnance de référé du 11 décembre 2020 devait débuter le 6 février 2021 et s’achever le 6 juillet 2022 ;
– que la SARL [9] ne l’a pas respecté :
– que le juge de l’exécution a justement relevé que la SARL [9] reconnaissait être en situation débitrice tant au titre de l’échéancier que des loyers courants ;
– qu’en effet, les retards de règlement lui sont pleinement imputables dans la mesure où elle a bien été informée du changement de propriétaire survenu le 11 juin 2021, par email du 1er juillet suivant ; qu’elle a cependant continué à adresser des règlements à la SAS [10] ;
– que l’échéancier portait sur 18 mensualités, alors que la SARL [9] invoque seulement 14 chèques dont deux ne sont jamais parvenus au bailleur ;
– que par ailleurs, elle restait redevable à la SAS [10] de taxes, charges et indexation de loyers ;
– qu’elle restait devoir à la SCI [11] le solde du troisième trimestre 2021, celui des 2ème et 4ème trimestres 2022, et la taxe foncière ;
– que la SARL [9] ne saurait réclamer que des sommes saisies soient déduites du compte car la saisie-attribution est contestée ;
– que ladite saisie-attribution pratiquée pour la somme de 42 910,18 euros est donc régulière, de même que le commandement de quitter les lieux ;
– que la déchéance du terme est dès lors acquise ;
– que l’immeuble a été détruit par un incendie le 1er décembre 2022.
La SAS [10] et la SCI [11] demandent en conséquence à la Cour de :
– confirmer le jugement ;
– rejeter les demandes de la SARL [9] ;
– la condamner à régler à chacune d’elles la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens, qui seront recouvrés par la SCP Regnier.
MOTIFS
La Cour adopte les motifs du premier juge qui a justement relevé que dans le dispositif de ses conclusions, la SARL [9] ne contestait pas les saisies-attributions qui avaient été mises en place par les créancières le 29 juillet et le 5 août 2022, si bien qu’il n’avait pas le pouvoir de faire les comptes entre les parties et de fixer le montant de la créance, pour en déduire que la demande y relative était irrecevable.
L’ordonnance de référé fondant les poursuites a notamment :
– condamné la SARL [9] à payer à la SAS [10] la somme provisionnelle de 42 920,18 euros ;
– autorisé la débitrice à se libérer en 18 mensualités, la première devant intervenir 8 jours après la signification de l’ordonnance et les versements suivants le 6 du mois ;
– ordonné la suspension de la clause résolutoire ;
– dit que faute de paiement à bonne date, en sus du loyer courant, d’une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, et qu’il sera procédé à l’expulsion de la SARL [9].
Cette ordonnance ayant été signifiée à l’intéressée le 25 janvier 2021, le premier versement (2 384,45 euros) devait intervenir le 3 février 2021 et le suivant le 6 février 2021, puis le 6 mars, et ainsi de suite. En outre, la SARL [9] devait payer le loyer courant ainsi que les charges.
Dès le 4 mars 2021, la SAS [10] a attiré l’attention de la SARL [9] sur le fait qu’aucun règlement n’était intervenu, et l’a mise en demeure de régler la somme de 2 385 euros sous huitaine, et ce, sous peine de déchéance du terme. La SARL [9] ayant objecté qu’un chèque avait été adressé à la SAS [10], celle-ci a, dans une lettre du 16 avril 2021, nié l’avoir reçu, et a ajouté que le loyer afférent au 2ème trimestre 2021 (17 773,26 euros) ainsi que la taxe de bureau (1 180,80 euros) n’étaient pas réglés. La SARL [9] était à nouveau mise en demeure de payer sous huitaine la somme de 21 339,90 euros représentant les trois sommes susvisées. La SAS [10] réclamait un versement par virement, afin de parer à toute difficulté.
En outre, le 1er décembre 2021, elle rappelait à la SARL [9] que rien n’avait été réglé au titre de l’échéance de novembre 2021 (2 384,45 euros), de la taxe bureaux (1 180,80 euros), et diverses régularisations de charges.
Par ailleurs, il résulte de l’historique du compte produit par les intimées que les échéances dues aux 6 février et 6 mars 2021 ont été réglées hors délai, à savoir le 9 avril 2021, que celle d’avril 2021 a également été payée hors délai, le 28 avril 2021, et qu’il en a été de même celle du mois de juillet 2021 qui a été réglée le 13 août 2021. L’échéance du mois de novembre 2021 a été payée le 26. Parailleurs, dans sa lettre du 28 août 2021 la SARL [9] avait annoncé régler l’échéance de ce mois, et ne peut donc pas disconvenir de ce que ce paiement a lui aussi été opéré hors délai. Ce n’est qu’à partir du mois de mars 2022 que des difficultés ont été évoquées au sujet de l’ordre auquel les chèques devaient être libellés, étant rappelé que la SCI [11] était devenue propriétaire des locaux le 11 juin 2021. Elles sont donc dépourvues de conséquences, au regard des impayés antérieurs, sur l’issue du présent litige. Il en est de même des deux saisies-attributions des 29 juillet et 5 août 2022.
La SARL [9] n’ayant pas respecté les délais qui lui avaient été accordés, le bail est résilié, si bien que c’est dans des conditions exemptes de critiques que la SAS [10] et la SCI [11] lui ont délivré un commandement de quitter les lieux.
Selon les dispositions de l’article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le Juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l’article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l’article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l’occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Au cas d’espèce, l’immeuble a été ravagé par un incendie et n’est donc plus exploitable. En outre, c’est plus de deux ans avant ce jour que la SARL [9] a cessé de régler les sommes dues, et a ainsi montré qu’elle était dans l’incapacité de faire face à ses engagements. Enfin, elle ne justifie pas de recherches pour se reloger, si ce n’est d’un mandat de recherches non daté mais dont le mandataire a accusé réception le 9 janvier 2023 si bien que lesdites recherches sont très tardives.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de délais pour quitter les lieux.
La SARL [9], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée à régler à chacune des intimées la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
– CONFIRME le jugement en date du 9 décembre 2022 ;
– CONDAMNE la SARL [9] à payer à la SAS [10] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la SARL [9] à payer à la SCI [11] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la SARL [9] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés directement par la SCP Regnier dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,