Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/20530

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/20530

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/20530 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZ6V

Décision déférée à la cour

Jugement du 03 novembre 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/00038

APPELANTE

S.C.I. PLEIN OUEST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Me Martine BRESLER , avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’un acte notarié en date du 26 février 2010, la société Crédit Industriel et commercial a délivré à la SCI Plein Ouest, le 25 novembre 2021, un commandement à fin de saisie immobilière publié au service de la publicité foncière de Paris 2 le 22 décembre 2021 portant sur un bien sis [Adresse 3] et [Adresse 5] à [Localité 7] .

La société Crédit Industriel et commercial ayant assigné la SCI Plein Ouest à comparaître à l’audience d’orientation le 31 janvier 2022, le juge de l’exécution de Paris a, suivant jugement en date du 3 novembre 2022 :

rejeté la demande d’annulation du commandement à fin de saisie immobilière ;

ordonné la vente forcée du bien susvisé sur une mise à prix de 170 000 euros ;

désigné un commissaire de justice aux fins de faire visiter ce bien ;

fixé le montant de la créance du créancier poursuivant à 156 846,79 euros ;

condamné la SCI Plein Ouest au paiement de la somme de 1 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI Plein Ouest aux dépens.

Ce jugement sera signifié le 6 décembre 2012.

Selon déclaration en date du 20 décembre 2022, la SCI Plein Ouest en a relevé appel. Par acte en date du 4 janvier 2023, elle a assigné la société Crédit Industriel et commercial à jour fixe devant la Cour d’appel de Paris, autorisée à cette fin par une ordonnance sur requête en date du 21 décembre 2022.

En ses conclusions notifiées le 23 mai 2023, elle expose :

que le juge de l’exécution n’a pas statué sur sa demande à fin d’autorisation de vente amiable, alors que celle-ci pouvait se faire verbalement à l’audience d’orientation ;

que la déchéance du terme a été retenue par le juge de l’exécution à tort au visa du protocole du 25 avril 2014, alors que la société Crédit Industriel et commercial n’invoquait que la date du 13 septembre 2021 ;

qu’antérieurement au mois de juillet 2021, elle avait voulu régulariser la situation du prêt, alors que la société Crédit Industriel et commercial s’y était refusée ;

qu’en effet, un chèque de 8 000 euros avait été adressé le 13 juillet 2021 mais refusé par la société Crédit Industriel et commercial, qui par contre a cru devoir régulariser une saisie-attribution le 7 octobre 2021, entre ses propres mains ;

que par la suite, elle a lui adressé des virements de 1 000 euros par mois à un huissier de justice ;

que le prêt n’est dès lors pas résilié.

La SCI Plein Ouest demande en conséquence à la Cour de :

infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas statué sur sa demande de vente amiable, a ordonné la vente forcée du bien, en ce qu’il n’a pas statué sur l’attitude de la banque qui avait refusé de recevoir des fonds, et en ce qu’elle a été condamnée au paiement de la somme de 1 500 en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

annuler le commandement à fin de saisie immobilière ;

subsidiairement, autoriser la vente amiable du bien sur un prix minimal de 400 000 euros ;

condamner la société Crédit Industriel et commercial au paiement de la somme de 5 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux dépens qui seront recouvrés part Maître Bernabe conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 6 mars 2023, la société Crédit Industriel et commercial réplique :

que les échéances du prêt ne sont plus réglées depuis le 10 septembre 2020 ;

que l’article 17 de l’offre préalable de crédit ne prévoyait pas l’obligation de communiquer des informations particulières à l’emprunteur avant notification de la résiliation du prêt ;

qu’en tout état de cause, elle a adressé diverses lettres recommandées avec demande d’avis de réception à l’appelante les 9 décembre 2020, 8 février, 6 avril, 30 avril et 13 septembre 2021 ;

qu’antérieurement, de nombreuses relances avaient été faites en 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

que dans la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 avril 2021, avait été réclamé le paiement de 15 mensualités échues et impayées avec un rappel de la clause résolutoire ; que ladite mise en demeure était dès lors conforme aux dispositions de l’article 1225 du code civil ;

qu’elle n’était pas tenue de vérifier qui avait réceptionné ces lettres recommandées avec demande d’avis de réception ;

que la SCI Plein Ouest a prétendu à tort avoir rattrapé le retard en réglant la somme de 8 000 euros alors que l’arriéré s’élevait à 10 881,49 euros ;

qu’il lui incombait de régler la dette entre les mains de l’huissier de justice ;

que la demande d’autorisation de vente amiable est irrecevable, en vertu de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, ladite demande n’ayant pas été présentée au premier juge.

La société Crédit Industriel et commercial sollicite :

la confirmation de la décision dont appel ;

le prononcé de l’irrecevabilité de la demande de la SCI Plein Ouest à fin d’autorisation de vente amiable ;

la condamnation de la partie adverse au paiement de la somme de 5 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Simonneau.

Par message RPVA la Cour a invité la créancière à produire un détail des acomptes qui avaient été versés par la SCI Plein Ouest.

La société Crédit Industriel et commercial a fourni ce décompte le 30 mai 2023.

En cours de délibéré, la Cour a adressé aux parties les notes d’audience du juge de l’exécution.

Le 19 juin 2023, la société Crédit Industriel et commercial a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler sur celles-ci.

La SCI Plein Ouest a soutenu que sa demande d’autorisation de vente amiable avait bien été formulée devant le juge de l’exécution, lequel avait omis de statuer sur ce point.

MOTIFS

En vertu de l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, la résolution étant subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

L’article 1226 du même code dispose que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Au cas d’espèce, il résulte des pièces produites que :

l’article 14 de l’offre préalable de prêt ne dispensait pas le prêteur, pour résilier le prêt, d’adresser une mise en demeure préalable à l’emprunteur ;

le 17 décembre 2015, la société Crédit Industriel et commercial a mis la SCI Plein Ouest en demeure de régler les mensualités impayées soit 5 675,09 euros ;

ce retard a été partiellement résorbé, la somme de 553 euros restant due au mois de janvier 2016 ;

le 12 février 2016, la société Crédit Industriel et commercial a à nouveau relancé la SCI Plein Ouest, motif pris de ce que deux échéances de retard étaient exigibles ;

le 13 septembre 2016, la société Crédit Industriel et commercial a mis la SCI Plein Ouest en demeure de payer des mensualités impayées soit 9 502,66 euros ;

le 16 janvier 2017, la société Crédit Industriel et commercial a rappelé à la SCI Plein Ouest que trois mensualités n’avaient pas été réglées et réclamait la mise en place d’un virement permanent ;

le 16 mai 2018, la SCI Plein Ouest a été à nouveau mise en demeure de payer des échéances de prêt, soit 5 674,22 euros ;

le 13 septembre 2019, une nouvelle mise en demeure de régler des échéances impayées (5 672,16 euros) a été envoyée à la SCI Plein Ouest ;

le 14 novembre 2019, la société Crédit Industriel et commercial a rappelé à la SCI Plein Ouest que le prêt accusait un solde débiteur de deux mensualités ;

le 14 avril 2020, la SCI Plein Ouest a été à nouveau relancée au sujet de deux échéances de retard (soit 2 322,02 euros) ;

suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 juillet 2020, la société Crédit Industriel et commercial a constaté que ses demandes de régularisation étaient restées vaines, et indiquait à la SCI Plein Ouest que les mensualités impayées s’élevaient à 6 139,04 euros ; cette dernière était mise en demeure de régulariser la situation sous huitaine et il lui était rappelé que faute par elle de le faire, une clause du contrat l’autorisait à résilier le prêt ; il était spécifié qu’en pareil cas la totalité des sommes seraient exigibles au titre du prêt (échéances impayées, capital restant dû, intérêts de retard, accessoires ) ;

dans une lettre non datée, la SCI Plein Ouest répondait que si quatre échéances n’avaient pu être réglées, des difficultés de trésorerie l’avaient empêchée d’honorer ses engagements et elle pensait faire le nécessaire dans les prochaines semaines ; elle adressait un versement de 1 000 euros ;

par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 décembre 2020, la société Crédit Industriel et commercial, constatant que les demandes de régularisation étaient restées sans effet, a informé la SCI Plein Ouest de ce que le dossier était transmis aux fins de recouvrement et la mettait en demeure sous huitaine de régulariser la situation, faute de quoi elle serait autorisée à prononcer la résiliation ;

le 8 février 2021, une mise en demeure similaire était adressée à la SCI Plein Ouest en lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

le 6 avril 2021, il en était de même, précision étant faite que l’arriéré s’élevait à 8 958,68 euros ;

le 30 avril 2021, une mise en demeure similaire était adressée à la SCI Plein Ouest, la dette s’élevant à 10 881,49 euros ;

suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 septembre 2021, reçue le 16 septembre suivant, la société Crédit Industriel et commercial a notifié à la SCI Plein Ouest la résiliation du contrat de prêt dont la totalité des montants était exigible, la débitrice étant mise en demeure de régler la somme de 182 331,83 euros (soit 161 652,75 euros au titre du capital restant dû, et 20 679,08 euros au titre des échéances impayées).

C’est donc à juste titre que le juge de l’exécution s’est fondé sur cette lettre du 13 septembre 2021 pour vérifier si le prêt était résilié ou non, ladite lettre informant officiellement la débitrice de la déchéance du terme après qu’elle avait été mise en demeure de régler l’arriéré, ce qui lui aurait permis de faire échec au jeu de la clause résolutoire.

L’appelante fait valoir que la société Crédit Industriel et commercial a refusé un paiement de 8 000 euros à elle adressé. Dans la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 avril 2021 susvisée était réclamée la somme de 10 881,49 euros, qui représentait les mensualités échues impayées. Celle de 8 000 euros, que la SCI Plein Ouest a remise à la société Crédit Industriel et commercial le 13 juillet 2021, ne permettait donc pas de régulariser la situation du prêt, et il sera rappelé que conformément à l’article 1342-4 alinéa 1er du code civil, le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible.

Il s’ensuit que le prêt a été régulièrement résilié, en dépit des contestations que la SCI Plein Ouest oppose. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a refusé de faire droit à sa demande d’annulation du commandement à fin de saisie immobilière.

S’agissant du montant de la dette, la société Crédit Industriel et commercial produit un décompte actualisé au 23 mai 2023 mais ne demande pas à la Cour d’infirmer le jugement sur ce point. La SCI Plein Ouest, de son côté, fait plaider d’une part que 10 000 euros d’acomptes n’ont pas été pris en compte, d’autre part qu’elle règle les échéances courantes. Les versements comptabilisés par la société Crédit Industriel et commercial s’élèvent, dans le premier décompte soumis à la Cour, à 22 460 euros, 3 605,73 euros, 380 euros, 5 000 euros, 5 395,22 euros, 5 582,72 euros, 1 780 euros et 1 709,01 euros. La débitrice a versé aux débats (pièce 21) une liste des acomptes payées entre les mains de l’huissier de justice, la Selarl Ornella Saragoussi-Vendrand, à hauteur de 45 498,97euros. La nouvelle liste des acomptes encaissés par ce commissaire de justice, produite en cours de délibéré, montre qu’ils se sont élevés à 49 348,97 euros, en ce compris le dernier, daté du 10 mai 2023 et d’un montant de 1 850 euros. Il résulte du rapprochement de ces deux décomptes que l’ensemble des paiements allégués par la débitrice ont été comptabilisés, outre deux versements de 2 000 euros et 1 850 euros.

Il est donc établi que l’ensemble des acomptes versés ont été déduits.

En tout état de cause, la SCI Plein Ouest ne demande pas à la Cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé 156 846,79 euros le montant de la créance.

La SCI Plein Ouest sollicite, subsidiairement, l’autorisation de vendre son bien à l’amiable. En vertu de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation. La SCI Plein Ouest prétend qu’elle a présenté la demande susvisée devant le juge de l’exécution alors que la société Crédit Industriel et commercial le conteste. L’exorde du jugement ne mentionne nullement qu’une demande d’autorisation de vente amiable aurait été présentée par la débitrice. Mais les notes d’audience qui ont été adressées par le greffe du juge de l’exécution à la Cour et que celle-ci a envoyées en copie aux conseils des parties montrent qu’effectivement, la SCI Plein Ouest a sollicité oralement à la barre l’autorisation de vendre son bien à l’amiable. Et il n’a pas été statué sur cette demande, qui est donc recevable.

Selon les dispositions de l’article R 322-15 du code des procédures civiles d’exécution, à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et les demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

Lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

La débitrice a régularisé des mandats de vente les 20 et 22 septembre 2022 ; neuf mois après, aucune vente n’a pu être régularisée ni aucun acquéreur potentiel ne s’est manifesté. Le prix proposé (540 000 euros) se situe donc nécessairement au-dessus du marché. Dans ces conditions, une vente amiable dans les quatre mois du prononcé du présent arrêt est illusoire.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et la demande susvisée rejetée.

La SCI Plein Ouest, qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

– CONFIRME le jugement en date du 3 novembre 2022 ;

Y ajoutant ;

-REJETTE la demande de la SCI Plein Ouest à fin d’autorisation de vente amiable de son bien ;

– CONDAMNE la SCI Plein Ouest à payer à la société Crédit Industriel et commercial la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la SCI Plein Ouest aux dépens d’appel, qui seront recouvrés par Maître Simonneau conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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