REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général
N° RG 22/19253 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWGX
Décision déférée à la cour
Jugement du 18 octobre 2022-Juge de l’exécution de Paris
APPELANTS
Madame [R] [I] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles MBONGUE MBAPPE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2063
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/038615 du 13/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur [P] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Charles MBONGUE MBAPPE, avocat au barreau de PARIS, toque : D2063
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/038615 du 13/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
Monsieur [W] [D]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Marine LATARCHE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, présidente et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d’une ordonnance de référé rendue par le juge des contentieux de la protection de Paris le 9 février 2021, M. [D] a, le 10 mars 2021, délivré à M. et Mme [G] [H] un commandement de quitter les lieux, portant sur un logement sis à [Adresse 6].
Suivant jugement en date du 18 octobre 2022, le juge de l’exécution de Paris, saisi par requête de Mme [G] [H] parvenue au greffe le 12 septembre 2022, a :
– rejeté la demande d’annulation de ladite requête ;
– déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [P] [G] [H] ;
– rejeté la demande de délais pour quitter les lieux présentée par M. et Mme [G] [H] ;
– assorti l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour devant courir un mois après la signification du jugement et ce, jusqu’à exécution de la décision d’expulsion ;
– condamné M. et Mme [G] [H] à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;
– déclaré irrecevable la demande de M. [P] [G] [H] à fin de prononcé d’une amende civile ;
– condamné Mme [G] [H] à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. et Mme [G] [H] aux dépens.
Pour statuer ainsi, il a relevé :
– qu’il avait été saisi par requête, dans les conditions de l’article R 442-2 du code des procédures civiles d’exécution, si bien que les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile ne s’appliquaient pas ;
– que le principe du contradictoire avait été pleinement respecté ;
– que l’intervention volontaire de M. [P] [G] [H] était recevable, car vivant dans le logement, il risquait d’être expulsé au même titre que Mme [G] [H] ;
– qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les arguments des demandeurs au titre du caractère indécent du logement dont s’agit ;
– que la demande était tardive, car la réquisition de la force publique datait du 21 mai 2021 ;
– que des impayés de loyers étaient survenus dès les mois de juillet 2019 ;
– que M. et Mme [G] [H] n’étaient pas clairs sur leur situation financière réelle.
Par déclaration en date du 14 novembre 2022, M. et Mme [G] [H] ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs conclusions notifiées le 27 mars 2023, ils exposent :
– qu’ils sont âgés respectivement de 67 et 74 ans ; qu’ils sont retraités ; que Mme [G] [H] perçoit une pension de 1 503 euros par mois tandis que les droits de M. [P] [G] [H] ne sont pas encore liquidés ;
– que ce dernier présente une affection cardiaque et circule en fauteuil roulant ;
– que Mme [G] [H] est sujette à des migraines et à des insomnies ;
– que M. [D], pour sa part, se trouve dans une bien meilleure situation financière ;
– qu’il existe des difficultés quant aux diligences par eux effectuées pour se reloger ; qu’en effet une incertitude plane quant à la réalité de la saisine de la CCAPEX ; qu’ils ont tout de même saisi la mairie de [Localité 5] d’une demande de relogement ; que le bénéfice du DALO leur a été attribué ;
– qu’il sont dès lors de bonne foi ;
– que le logement dont s’agit est très dégradé et présente des risques graves d’incendie.
Ils demandent en conséquence à la Cour de :
– infirmer le jugement ;
– leur accorder les plus larges délais pour quitter les lieux ;
– rejeter les prétentions de M. [D].
En ses conclusions notifiées le 25 avril 2023, M. [D] réplique :
– que M. et Mme [G] [H] sont de mauvaise foi ; qu’en effet ils ne lui ont plus réglé aucune somme depuis le mois d’août 2019 de sorte que leur dette locative s’élevait, au 8 novembre 2022, à 84 337,40 euros ; que les intéressés n’ont pas débloqué leur assurance-vie au prétexte que cela allait générer des pénalités de retard ;
– que M. [P] [G] [H] a commis des infractions pénales à l’occasion de détournements, ce qui lui a valu une condamnation à une peine de deux ans d’emprisonnement, et a fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle ;
– que le jugement ordonnant leur expulsion ayant été rendu au mois de février 2021, les appelants ont déjà bénéficié de délais d’une durée de 20 mois ;
– que les intéressés n’ont effectué aucune recherche dans le parc privé ;
– que pour sa part, il rencontre des difficultés de santé ;
– qu’il est nécessaire d’instituer une astreinte afin que M. et Mme [G] [H] quittent les lieux.
M. [D] demande en conséquence à la Cour de :
– confirmer le jugement entrepris ;
– débouter M. et Mme [G] [H] de leurs demandes ;
– les condamner au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
MOTIFS
Selon les dispositions de l’article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l’article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l’article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l’occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
En l’espèce, M. et Mme [G] [H] ont été expulsés le 31 octobre 2022 soit dès avant la déclaration d’appel, même si dans leurs conclusions ils se domicilient à l’adresse des lieux antérieurement à eux loués par M. [D]. Leur demande de délais est donc devenue sans objet.
S’agissant de l’astreinte, conformément à l’article L 131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. Lorsque le juge de l’exécution a statué, les époux [G] [H] étaient encore dans les lieux. C’est donc à juste titre que ce magistrat avait mis à leur charge une astreinte journalière de 100 euros par jour aux fins de les contraindre à s’exécuter. Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.
M. et Mme [G] [H] poursuivent l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à payer à M. [D] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.
Le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en ‘uvre par la partie adverse du projet contesté, en l’espèce l’expulsion des débiteurs. Le principe du droit d’agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l’abus de l’exercice du droit.
Au cas d’espèce, il résulte de la lecture du dispositif de l’ordonnance de référé fondant les poursuites que lors de son prononcé, l’arriéré locatif dû par les époux [G] [H] s’élevait à 36 620 euros ; au 8 novembre 2022, la dette en principal intérêts et frais s’élevait à 84 337,40 euros et avait ainsi crû dans des proportions importantes.
M. et Mme [G] [H] mettent en avant leur situation financière, mais il sera rappelé que M. [P] [G] [H] a été condamné pénalement pour escroquerie et abus de bien sociaux, à la suite de malversations financières. S’agissant de leurs revenus, l’avis d’imposition de M. [P] [G] [H] mentionne, au titre de l’année 2021, des ressources de 18 567 euros alors qu’en 2020 ils s’élevaient à 18 331 euros. En 2021, Mme [G] [H] a perçu la somme de 1 547 euros par mois ; il sera relevé que dans le cadre d’un accord régularisé avec le Fonds de garantie, à la suite de la commission d’une infraction pénale dont elle avait été victime, la somme de 21 607 euros lui avait été allouée le 9 juin 2017. Et les appelants ont refusé de débloquer les fonds présents sur leur contrat d’assurance-vie, ce qui leur aurait permis d’apurer, au moins pour partie, la dette. Il résulte de ce qui précède qu’ils n’ont accompli aucun effort pour régler celle-ci alors que leurs moyens financiers le leur permetttaient.
Le juge de l’exécution a observé que depuis le 24 janvier 2020, ils avaient été destinataires d’un commandement de payer visant la clause résolutoire et savaient pertinemment qu’ils auraient à se reloger dans des conditions moins onéreuses. La décision de justice fondant les poursuites a été prononcée il y a plus deux ans, si bien que les intéressés ont obtenu des délais de fait importants.
Par ailleurs, c’est en vain que les appelants ont fait valoir que le logement était insalubre. En effet, selon l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l’exécution, si bien que la circonstance que le bien soit très dégradé, à la supposer établie, ne remettait nullement en cause l’obligation qu’ils avaient de quitter les lieux.
Il est ainsi établi que les époux [G] [H] n’ont pas pris leurs dispositions pour régler la dette, laquelle n’a fait que croître, et que leur demande de délais pour quitter les lieux, déposée tardivement, était pour le moins contestable eu égard aux délais de fait dont ils ont avaient déjà ; les intéressés ont donc agi en justice de façon abusive, si bien que le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. [D] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
M. et Mme [G] [H], qui succombent en leurs prétentions, seront condamnés au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
– CONFIRME le jugement en date du 18 octobre 2022 ;
– CONDAMNE M. [P] [G] [H] et Mme [R] [G] [H] née [I] à payer à M. [W] [D] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE M. [P] [G] [H] et Mme [R] [G] [H] née [I] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,