Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15748

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15748

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/15748 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLWR

Décision déférée à la cour

Jugement du 31 août 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 22/00016

APPELANTE

Madame [S] [C] veuve [W]

[Adresse 3]

[Localité 10] (RUSSIE)

représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

plaidant par Me Charles Henri ROY, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

PÔLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE PARISIEN 1

[Adresse 6]

[Localité 9]

représenté par Me Vanessa GRYNWAJC de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1228

Société BANQUE INTERNATIONALE A LUXEMBOURG

C/O Maître Denis SALZES [Adresse 5]

[Localité 8]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 1 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-réputé contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 28 octobre 2021, publié le 16 novembre 2021, le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 (ci-après PRS) a entrepris une saisie des biens immobiliers de Mme [S] [C] veuve [W] situés [Adresse 1] à [Localité 12], afin de recouvrer une somme de 3.889.518 euros au titre de l’impôt sur les revenus 2004, 2005, 2006 et 2007.

Par acte d’huissier en date du 13 janvier 2022, le comptable du PRS a fait assigner Mme [C] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris. La société Banque Internationale à Luxembourg, créancier inscrit également assigné, n’a pas constitué avocat.

Par jugement d’orientation en date du 31 août 2022, le juge de l’exécution a notamment :

rejeté les demandes de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l’assignation,

rejeté la demande de constat de caducité du commandement,

rejeté la demande de mainlevée du commandement,

mentionné que le montant retenu pour la créance du comptable du PRS est de 3.889.518 euros, intérêts arrêtés au 30 juin 2021,

taxé les frais déjà exposés par le créancier poursuivant à 5.902,85 euros,

autorisé Mme [C] à poursuivre la vente amiable des droits et biens immobiliers saisis dans les conditions prévues aux articles R.322-21 à R.322-25 du code des procédures civiles d’exécution,

dit que le prix de vente ne pourra être inférieur à 14.000.000 euros net vendeur,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens suivront le sort des frais taxables.

Mme [C] a fait appel de cette décision par déclaration du 13 septembre 2022, puis, après y avoir été autorisée par ordonnance du 27 septembre 2022, a fait assigner à jour fixe le comptable du PRS et la Banque Internationale à Luxembourg devant la cour d’appel de Paris, par actes d’huissier du 6 octobre 2022 et du 15 février 2023, déposés au greffe par le RPVA.

Par conclusions des 25 et 31 mai 2023, Mme [S] [C] veuve [W] demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

rejeté les demandes de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l’assignation,

rejeté la demande de constat de caducité du commandement,

rejeté la demande de mainlevée du commandement,

mentionné que le montant retenu pour la créance du comptable du PRS est de 3.889.518 euros, intérêts arrêtés au 30 juin 2021,

taxé les frais déjà exposés par le créancier poursuivant à 5.902,85 euros,

Statuant à nouveau,

– annuler le commandement de payer et l’assignation à comparaître,

– subsidiairement, constater que le comptable du PRS ne justifie pas de la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière et de sa publicité dans les délais impartis par l’article R.321-6 du code des procédures civiles d’exécution,

– très subsidiairement, constater que le comptable du PRS ne justifie pas de la délivrance de l’assignation dans les délais impartis par l’article R.322-4 du code des procédures civiles d’exécution,

– prononcer la caducité du commandement de payer publié le 16 novembre 2021,

En tout état de cause,

– ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,

– ordonner la publication du jugement à intervenir aux fins de radiation du commandement de payer publié le 16 novembre 2021, avec toutes conséquences de droit,

Très subsidiairement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a autorisé la vente amiable du bien,

– condamner le comptable du PRS au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 28 février 2023, le comptable du PRS parisien 1 demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement d’orientation du 31 août 2022,

débouter Mme [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

condamner Mme [C] au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, avec distraction.

Par conclusions du 1er juin 2023, le comptable du PRS sollicite le rejet des conclusions et pièces n°15 à 20 déposées par l’appelante les 25 et 31 mai 2023, sur le fondement de l’article 918 du code de procédure civile et de la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu’elles ne tendent pas à répondre à ses arguments, mais viennent étayer l’argumentation soutenue dans la requête. Subsidiairement, il demande à la cour de rejeter les conclusions et pièces n°17 à 20 déposées le 31 mai 2023 en violation du principe de la contradiction sur le fondement de l’article 16 du code de procédure civile.

Par conclusions du 1er juin 2023, Mme [C] demande à la cour de débouter le comptable du PRS de sa demande de rejet des conclusions et pièces des 25 et 31 mai 2023, faisant valoir qu’elles répondent au moyen soulevé par l’intimé et que l’article 918 du code de procédure civile ne serait pas applicable en matière de saisie immobilière. Elle ajoute, sur le principe du contradictoire, que la pièce n°17 [rapport du géomètre-expert établissant qu’il n’y a plus de bâtiment au [Adresse 2]] ne pouvait être communiquée avant, et que les pièces n°18 à 20 étaient déjà connues de l’administration fiscale.

Bien qu’ayant été assignée à personne morale, la société Banque Internationale à Luxembourg n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de rejet des conclusions et pièces

Contrairement à ce qu’indique Mme [C], l’article 918 du code de procédure civile est bien applicable en l’espèce. En effet, l’appelant d’un jugement d’orientation, tenu, par l’article R.322-19 du code des procédures civiles d’exécution, de suivre la procédure à jour fixe, est seulement dispensé de se prévaloir d’un péril, mais doit respecter toutes les autres dispositions de la procédure à jour fixe prévues aux articles 917 et suivants du code de procédure civile.

Il résulte de l’article 918 que la requête doit contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives et que la copie de la requête et des pièces doit être remise au premier président pour y être versée au dossier de la cour.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que les conclusions et pièces déposées, par l’appelant autorisé à former un appel à jour fixe, postérieurement au dépôt de la requête ne sont pas recevables si elles ne visent pas à répondre aux conclusions d’appel de l’intimé.

En l’espèce, dans ses conclusions du 25 mai 2023, Mme [C] ajoute seulement un développement sur sa pièce 14 (accord avec la mairie de [Localité 10] à la suite de la démolition de l’immeuble du [Adresse 2]) qu’elle avait produit avec sa requête en réponse à la critique du comptable du PRS sur cette pièce. Il s’agit donc d’une réponse aux conclusions de l’intimé. Elle produit en outre deux nouvelles pièces (15 et 16) afin de conforter la preuve que l’immeuble du [Adresse 2] n’existe plus, qui visent à répondre aux conclusions du PRS, lequel soutient que cet immeuble existe.

Les conclusions et pièces du 25 mai 2023 seront donc déclarées recevables.

En revanche, les conclusions et pièces notifiées le 31 mai 2023, veille de l’audience, n’ont pas été communiquées en temps utile pour permettre à l’intimé d’y répondre comme le prévoit l’article 15 du code de procédure civile, ce qui contrevient au principe de la contradiction. Il convient donc de les écarter des débats en application de l’article 16 du même code.

Sur la nullité du commandement et de l’assignation

Mme [C] invoque la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l’assignation devant le juge de l’exécution en ce qu’ils ont été signifiés à une adresse à [Localité 10] où elle n’habite plus ([Adresse 2]) et qui n’existe plus en raison de la démolition de l’immeuble, et que le trésor public avait connaissance de sa nouvelle adresse ([Adresse 3]). Elle critique le jugement en ce qu’il a retenu à tort qu’elle avait plusieurs adresses et qu’elle n’avait subi aucun préjudice alors qu’elle n’a pu bénéficier du délai de huit jours à compter du commandement pour payer sa dette.

Le comptable du PRS fait valoir que Mme [C] communique des adresses variées selon ses intérêts, qu’elle n’était pas domiciliée dans l’immeuble qui a été détruit mais au n°27 de la même rue, où réside sa mère sous sa tutelle, que les comptes rendus d’audience relatifs à la signification du commandement et de l’assignation montrent qu’elle ne s’est pas présentée, mais n’établissent pas une adresse inexacte, que Mme [C] continue d’entretenir le mystère sur son adresse, qu’en outre, elle a eu une parfaite connaissance des actes par son avocat. Il ajoute que le grief relatif au délai de huit jours est inexistant puisque le débiteur garde la possibilité de régler sa dette après l’engagement de la procédure et que Mme [C] n’a toujours rien payé.

Le commandement de payer valant saisie du 28 octobre 2021 et l’assignation du 13 janvier 2022 délivrés à l’encontre de Mme [C] mentionnent qu’elle est domiciliée [Adresse 2] à [Localité 10] en Russie. Le créancier poursuivant justifie du retour de l’entité russe qui atteste, pour chacun des deux actes, que la demande de notification n’a pu être exécutée en raison de la non-comparution de la personne concernée au tribunal. Est joint, pour chaque acte, un procès-verbal d’audience au tribunal du district de Nikoulinski à [Localité 10] qui a examiné la demande de notification d’actes à Mme [C] par les huissiers de justice de Paris et qui a constaté que celle-ci n’avait pas comparu.

L’appelante, qui soutient qu’elle habite en réalité appartement [Adresse 4] à [Localité 10], produit son passeport russe enregistré le 22 décembre 2009 qui porte mention de cette adresse. Dans ses observations de contribuable à une proposition de rectification adressées à l’administration fiscale (Pôle de gestion fiscale de [Localité 11] Nord Est) le 31 janvier 2012 (pièce 6), elle indique également, par la voix de son conseil, être domiciliée à [Localité 10], [Adresse 4].

Elle apporte la preuve que l’immeuble du [Adresse 2] a été démoli le 26 janvier 2010 et qu’elle a reçu de la Ville de [Localité 10] un appartement au 27 de la même rue en compensation de la perte de son appartement n°4 situé au [Adresse 2] selon ordre du préfet en date du 17 décembre 2008 et accord notarié signé avec la ville de [Localité 10] le 19 octobre 2010, enregistré le 19 novembre 2010 (pièces 13, 14, 15). Il résulte également de cet accord que le nouveau logement n°[Adresse 3], a une superficie de 35,6 m² et est composé d’une pièce d’habitation de 15,9 m² et que Mme [C] s’est engagée à y héberger gratuitement sa mère jusqu’à la fin de sa vie et d’en être la tutrice. Elle apparaît toujours domiciliée à cette adresse en novembre 2021, selon compte de recouvrement de frais communaux (pièce 7), qui mentionne toutefois « 1 habitant », ce qui laisse penser que seule sa mère y demeure.

Pour tenter de prouver que le PRS parisien 1 avait connaissance de cette adresse, elle produit un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 19 juin 2018 (pièce 8) qui mentionne dans l’exorde qu’elle demeure [Adresse 3] à [Localité 10]. Toutefois, le PRS parisien 1 n’est pas mentionné parmi les parties du dossier. Seuls apparaissent la Direction générale des finances publiques et l’Etat français comme parties civiles, dans une affaire de fraude fiscale concernant la succession de [Y] [W], son beau-père, impliquant plusieurs personnes (la cour d’appel a déclaré l’action publique éteinte). De même, elle produit un courrier du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (au sujet des élections présidentielles) qui lui a été envoyé le 14 avril 2022 à l’adresse du 27. Le fait que les hautes autorités de l’Etat avaient connaissance de son domicile n’établit pas que le PRS parisien 1 connaissait cette adresse.

Mme [C] se prévaut également de son pourvoi devant le Conseil d’Etat en date du 30 septembre 2019 (pièce 10) et de l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 25 mars 2020 (pièce intimé n°12), qui apparaît concerner un litige avec l’administration fiscale au sujet d’impôts sur le revenu. Mais le PRS parisien 1 n’est pas mentionné sur ces documents et l’arrêt du Conseil d’Etat n’indique pas son adresse.

Elle produit enfin un acte de dénonciation d’un procès-verbal de saisie conservatoire en date du 9 mars 2017, cette saisie ayant été pratiquée à la demande du comptable du PRS parisien 1 pour des droits de mutation à titre gratuit par décès (succession [W]). (pièce 11)

Toutefois, le comptable du PRS parisien 1 apporte la preuve que Mme [C] a, depuis 2009, plusieurs adresses, notamment [Adresse 1] à [Localité 12] (adresse des biens objet de la saisie immobilière), [Adresse 7] à [Localité 13], et [Adresse 2] à [Localité 10]. Dans sa réclamation adressée à l’administration fiscale le 27 février 2009 (pièce 18 PRS), elle s’est domiciliée [Adresse 1] à [Localité 12], alors même qu’elle prétend (dans ses observations de contribuable du 31 janvier 2012, pièce 6 appelante) ne plus être domiciliée à cette adresse depuis le 1er janvier 2009 mais au [Adresse 4]. Dans sa requête au tribunal administratif du 2 juillet 2016 (pièce 19 PRS), Mme [C] s’est domiciliée à [Adresse 2]. C’est vainement que l’appelante fait valoir que cette pièce est ancienne dès lors qu’elle se prévaut d’une démolition de cet immeuble encore plus ancienne, datant de 2010.

Le PRS produit en outre les lettres recommandées avec accusé de réception du 3 décembre 2020, du 25 novembre 2021, du 13 janvier 2022 envoyées à l’adresse [Adresse 2] à [Localité 10] et les accusés de réception qui portent la mention « non réclamé ». Il en est de même de la mise en demeure du 3 décembre 2020 envoyée également à l’adresse du [Adresse 1].

Enfin, le PRS produit des copies d’écran de recherches dans l’annuaire en juin 2022 qui montrent que Mme [C] n’y figure pas à l’adresse du [Adresse 4], tandis que le nom [C] apparaît à celle du [Adresse 2], ce qui, même s’il s’agit vraisemblablement de sa mère [T] [E] ([C] [K]), est néanmoins pour le moins surprenant.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [C] entretient depuis plusieurs années la plus grande confusion sur son domicile réel et n’apporte pas suffisamment la preuve de ce que, lors de la délivrance du commandement et de l’assignation, elle n’était pas domiciliée [Adresse 2] mais au 27 et que le PRS Parisien 1 en avait connaissance. Il apparaît en effet que sa domiciliation est très fluctuante et difficile à déterminer avec certitude pour le PRS parisien 1. Dans ces conditions, elle ne peut se plaindre d’une erreur sur l’adresse à laquelle les actes lui ont été notifiés.

En tout état de cause, s’agissant d’une irrégularité de forme, il appartient à Mme [C] de justifier du grief causé par la signification à la mauvaise adresse en application de l’article 114 du code de procédure civile.

Or Mme [C] a eu connaissance de l’assignation du 13 janvier 2022 par son avocat, qui l’a reçue par courriel le 27 janvier 2022 pour une audience d’orientation fixée au 21 avril 2022. Il apparaît donc qu’elle a bénéficié d’un délai suffisant pour organiser sa défense et qu’elle a pu effectivement se défendre de façon satisfaisante et demander (et obtenu) l’autorisation de vendre les biens saisis à l’amiable.

Mme [C] ne saurait prétendre avoir subi un grief de l’absence de connaissance du commandement de payer valant saisie immobilière en ce qu’elle n’aurait pas bénéficié du délai de huit jours pour payer sa dette, alors qu’elle était parfaitement libre de payer sa dette, si elle en avait la volonté et la capacité financière, après l’expiration de ce délai et sans limitation dans le temps afin de mettre fin à la procédure de saisie immobilière engagée.

C’est donc à bon droit que le juge de l’exécution a rejeté les exceptions de nullité invoquées par Mme [C]. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la mainlevée et la caducité du commandement

Subsidiairement, Mme [C] fait valoir en premier lieu qu’il appartient au comptable du PRS de démontrer la notification effective du commandement, ou à tout le moins d’établir la date à laquelle le ministère de la justice russe a tenté de lui notifier l’acte, en application de l’article 687-2 du code de procédure civile, afin de démontrer que la publicité du commandement est bien intervenue plus de huit jours après la notification ou tentative de notification de l’acte, et qu’à défaut, la mainlevée s’impose. Elle critique le jugement en ce qu’il a appliqué l’article 647-1 au lieu de l’article 687-2.

En second lieu, elle soutient qu’il n’est pas justifié du respect des délais prévus à l’article R.322-4 du code des procédures civiles d’exécution pour la délivrance de l’assignation, et prescrits à peine de caducité, puisque la preuve de la notification ou de la tentative de notification de l’assignation fait défaut. Elle souligne que le délai de deux mois suivant la publication du commandement expirait le 16 janvier 2022, que le comptable du PRS a attendu le 13 janvier 2022 pour adresser l’assignation par son huissier au ministère de la justice russe, de sorte que le délai de trois jours restant était insuffisant pour que l’acte lui parvienne, et que le commandement n’est parvenu aux autorités russes que le 25 janvier 2022, date à laquelle le délai de l’article R.322-4 était déjà expiré.

Le Comptable du PRS fait valoir que la date de l’acte à retenir pour lui, en application des articles 687-2 et 647-1 du code de procédure civile qui ne se contredisent pas, est la date d’expédition du commandement du 28 octobre 2021, que compte tenu des délais stricts en matière de saisie immobilière, il ne pouvait attendre le retour de l’acte pour le publier, ce qui explique que le commandement ait été publié le 16 novembre 2021. Il ajoute que l’assignation a été délivrée le 13 janvier 2022, soit dans le délai de deux mois suivant la publication du commandement.

Il résulte de l’article 647-1 du code de procédure civile que la date de notification, y compris lorsqu’elle doit être faite dans un délai déterminé, d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger est, à l’égard de celui qui y procède, la date d’expédition de l’acte par l’huissier.

L’article 687-2 du même code dispose :

« La date de notification d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger est, sans préjudice des dispositions de l’article 687-1, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date à laquelle l’acte lui est remis ou valablement notifié.

Lorsque l’acte n’a pu être remis ou notifié à son destinataire, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’autorité étrangère compétente ou le représentant consulaire ou diplomatique français a tenté de remettre ou notifier l’acte, ou lorsque cette date n’est pas connue, celle à laquelle l’une de ces autorités a avisé l’autorité française requérante de l’impossibilité de notifier l’acte.

Lorsqu’aucune attestation décrivant l’exécution de la demande n’a pu être obtenue des autorités étrangères compétentes, nonobstant les démarches effectuées auprès de celles-ci, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte leur a été envoyé. »

Il résulte des articles R.321-6 et R.311-11 du code des procédures civiles d’exécution que le commandement de payer valant saisie doit être publié au fichier immobilier dans un délai de deux mois à compter de sa signification, à peine de caducité.

S’agissant d’une formalité à accomplir par le créancier poursuivant à peine de caducité, il convient de faire application de l’article 647-1 du code de procédure civile afin de déterminer le point de départ du délai de deux mois. Ainsi, à l’égard du comptable du PRS qui procède à la notification, la date de celle-ci est celle à laquelle l’huissier a transmis le commandement aux autorités russes pour signification à Mme [C] en application de la convention de La Haye de 1965, soit le 28 octobre 2021, de sorte que le délai de deux mois pour publier le commandement expirait le 28 décembre 2021. Le commandement ayant été publié au fichier immobilier le 16 novembre 2021, le délai de deux mois a bien été respecté.

En revanche, le délai de huit jours suivant le commandement pour payer la dette est prévu pour le débiteur, de sorte qu’à son égard, la date de l’acte est celle à laquelle l’acte lui a été remis ou à laquelle les autorités étrangères compétentes ont tenté de le lui remettre en application de l’article 687-2 alinéa 2. Mme [C] a été convoquée au tribunal à [Localité 10] pour remise de l’acte à une audience du 17 janvier 2022 à laquelle elle n’a pas comparu. Cette date est donc pour la débitrice la date du commandement faisant courir le délai de huit jours qui lui était imparti pour payer la dette.

Toutefois, même si le commandement ne peut en principe être publié avant l’expiration de ce délai de huit jours, aucune sanction n’est prévue, et surtout, compte tenu de la formalité à accomplir impérativement avant le 28 décembre 2021, à peine de caducité du commandement, le comptable du PRS ne pouvait attendre le retour des autorités russes pour procéder à cette publication.

C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée du commandement. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Selon l’article R.322-4 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier doit assigner le débiteur à l’audience d’orientation dans un délai de deux mois suivant la publication du commandement, et l’assignation doit être délivrée dans un délai compris entre un et trois mois avant la date d’audience. Il résulte de l’article R.311-11 et de la jurisprudence de la Cour de cassation que les délais de deux mois et de trois mois sont prescrits à peine de caducité du commandement, mais pas le délai d’un mois.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’augmentation des délais de distance prévue par l’article 643 du code de procédure civile est applicable aux délais fixés pour la délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation, de sorte que lorsque le débiteur réside à l’étranger, l’assignation doit être délivrée dans un délai compris entre trois et cinq mois avant la date de l’audience d’orientation, et ce à peine de caducité du commandement s’agissant de ce dernier délai.

En l’espèce, le commandement ayant été publié le 16 novembre 2021, le créancier devait assigner Mme [C] à l’audience d’orientation au plus tard le 16 janvier 2022.

S’agissant d’une notification à effectuer par le PRS à peine de caducité, c’est à bon droit que le premier juge a estimé devoir faire application de l’article 647-1 qui permet de déterminer la date de la notification pour celui qui y procède. Mme [C] n’explique pas en quoi il conviendrait d’appliquer l’article 687-2, qui certes lui serait plus favorable, alors qu’elle invoque la caducité qui sanctionne le non-respect des délais par le créancier.

Ainsi, la date de l’assignation à retenir pour le PRS est le 13 janvier 2022, date à laquelle l’huissier a transmis l’acte au ministère de la justice russe pour notification à Mme [C], en application de la convention de La Haye. L’assignation a donc bien été délivrée dans le délai de deux mois suivant la publication du commandement.

L’audience d’orientation indiquée dans l’acte étant fixée au 21 avril 2022, l’assignation a bien été délivrée entre trois et cinq mois avant la date de l’audience, conformément aux dispositions des articles R.322-4 du code des procédures civiles d’exécution et 643 du code de procédure civile, peu important que les autorités russes compétentes aient tenté de remettre effectivement l’acte à Mme [C] le 8 avril 2022 (étant rappelé que son avocat a reçu l’assignation par mail dès le 27 janvier 2022).

C’est dès lors à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de caducité du commandement.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Succombant en son appel, Mme [C] sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit de l’avocat du comptable du PRS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de faire application de l’article 700 au profit du comptable du PRS et de condamner ainsi Mme [C] à lui payer la somme de 3.000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DECLARE recevables les conclusions et pièces communiquées par Mme [S] [C] veuve [W] le 25 mai 2023,

ECARTE des débats les conclusions notifiées par [S] [C] veuve [W] le 31 mai 2023 ainsi que les pièces n°17 à 20 qu’elles a communiquées le même jour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement d’orientation rendu le 31 août 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,

CONDAMNE Mme [S] [C] veuve [W] à payer au comptable du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [S] [C] veuve [W] aux dépens de la procédure d’appel, dont distraction au profit de Me Vanessa Grynwajc, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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