Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01659

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01659

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01659 –

N° Portalis DBVH-V-B7G-IN46

ET – NR

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE CARPENTRAS

17 mars 2022

RG :21/01157

S.A. CRÉDIT LYONNAIS

C/

[Z]

Grosse délivrée

le 29/06/2023

à Me Isabelle VIGNON

à Me Christian BENDO

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de CARPENTRAS en date du 17 Mars 2022, N°21/01157

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LÉGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A. CRÉDIT LYONNAIS

immatriculé au RCS de LYON, pris en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle VIGNON de l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [P] [Z]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Christian BENDO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004028 du 14/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, en l’absence du Président légitimement empêché, le 29 Juin 2023, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte du 3 mars 2020, la SA Crédit Lyonnais a fait assigner Mme [P] [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carpentras.

Elle a ainsi sollicité, au visa des articles L 313-29 du code de la consommation et 1217 et 1224 du code civil, le constat de l’acquisition de la clause résolution et de la déchéance du terme ainsi que la validation d’une saisie conservatoire des créances du 11 février 2020.

A l’audience, Mme [Z] n’a pas contesté les sommes et a indiqué s’être rapprochée de la banque à plusieurs reprises afin de conclure un accord, sans succès. Compte tenu de ses difficultés financières, elle a affirmé sa bonne foi et demandé des délais de paiement sur 24 mois.

Par jugement du 21 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carpentras a débouté la banque de sa demande de ‘validation’ d’une saisie conservatoire de créances et prononcé la résolution du contrat du 25 janvier 2018. Constatant qu’elle n’a pas respecté les dispositions des articles L 312-16 et L 312-17 du code de la consommation et qu’elle est déchue du droit aux intérêts, elle a ordonné la réouverture des débats à l’audience du jeudi 4 mars 2021 afin qu’elle produise un décompte actualisé avec l’indication du montant des frais, primes d’assurance et des intérêts au taux contractuel indûment prélevés depuis la date de chaque déblocage de fonds et jusqu’à la date de l’audience.

Elle a ainsi sursis à statuer sur l’ensemble des demandes et réservé les dépens. En l’absence de réaction de la banque, l’affaire a fait l’objet d’une radiation administrative.

Par nouvelles écritures, la SA Crédit Lyonnais a demandé la réinscription au rôle, indiquant sans le justifier que le montant des frais à soustraire est de 974,80 euros et en maintenant l’intégralité de ses demandes initiales.

Mme [Z] dans ses écritures soutient qu’elle a soldé sa dette au 11 févier 2020.

Par jugement contradictoire du 17 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carpentras a :

– débouté la SA Crédit Lyonnais de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la SA Crédit Lyonnais à payer à Mme [P] [Z] les sommes de :

1 500 euros au titre de dommages-intérêts

1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

– condamné la SA Crédit Lyonnais aux entiers dépens, ainsi qu’à rembourser au Trésor Public les frais avancés par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle en application des articles 43 de la loi du 10 juillet 1991 et 123 du décret du 19 décembre 1991 ;

– rappelé aux parties qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le jugement a retenu que, malgré les paiements effectués par Mme [Z] les 10 et 11 février 2020 et la main levée opérée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Carpentras sur la saisie conservatoire, la SA Crédit Lyonnais a maintenu ses demandes et sollicité la réinscription de l’affaire au rôle sans satisfaire aux prescriptions du jugement du 21 janvier 2021, tout en étant silencieuse quant au paiement de 13 000 euros opéré par Mme [Z] en février 2020.

Il a ainsi considéré que la banque devait être débouté de l’ensemble des demandes et condamné à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par déclaration du 13 mai 2022, la SA Crédit Lyonnais a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la procédure a été clôturée le 2 mai 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 15 mai 2023.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, la SA Crédit Lyonnais, appelante, demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carpentras du 17 mars 2022,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

A titre principal,

– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme,

A titre subsidiaire ,

– prononcer la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles ,

En tout état de cause,

– valider la saisie conservatoire de créances pratiquée le 11 février 2020,

– condamner Mme [Z] à payer à la société Crédit Lyonnais au titre du contrat du 25 janvier 2018, la somme de 8 250,21 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 2,990% à compter du 10 décembre 2019,

– débouter Mme [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Mme [Z] à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner Mme [Z] aux entiers dépens de l’appel.

L’appelante fait valoir en substance que Mme [Z] n’a pas respecté le principe du contradictoire en ne lui communiquant pas les pièces justificatives de règlements. Elle ignorait ainsi les versements de 6 000 euros et faute pour l’appelante d’avoir indiqué quel crédit elle entendait régler, l’huissier a appliqué les règles d’imputations légales en affectant ces versements à un autre contrat en cours.

Elle prétend ainsi qu’aucun règlement n’est intervenu au titre du contrat de crédit du 25 janvier 2018.

Elle conteste la motivation du premier juge et avoir bien communiqué le décompte sollicité par le jugement du 21 janvier 2021.

Enfin, sur l’exigibilité de la créance, elle rappelle que les stipulations contractuelles n’imposent aucune formalité préalable au prononcé de la déchéance du terme, et une mise en demeure a été envoyée le 10 décembre 2019.

Elle s’oppose par ailleurs à sa condamnation au titre de la procédure abusive, dés lors qu’en l’absence de communication des pièces et conclusions, son action était loyale et légitime.

A titre subsidiaire, si la déchéance du terme était considérée comme non acquise, elle sollicite la résiliation du contrat pour inexécution contractuelle sur le fondement des articles 1217 et 1244 du code civil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2023, Mme [P] [Z], intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en son intégralité ,

Y ajoutant ,

– condamner le Crédit Lyonnais à payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure, Me Bendo se prévalant de l’article 37 de la loi 97-647 du 10 juillet 1991, notamment la renonciation à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle,

– condamner le Crédit Lyonnais aux dépens.

L’intimée soutient qu’elle a effectué deux règlements de 6 000 euros chacun le 10 février 2020 et le 11 février 2020, soit la somme globale de 12 000 euros et que la créance de 8 250, 21 euros réclamée selon décompte du 16 décembre 2019 a été réglée par ces versements du 10 et 11 février 2020. Par voie de conséquence, elle considère que la dette était réglée et que la banque ne justifie pas d’une autre créance postérieure à ce double règlement.

Elle conteste tout manquement au principe du contradictoire dés lors qu’elle justifie avoir transmis les conclusions et pièces.

Elle fait valoir ensuite que la banque ne justifie pas que la créance litigieuse de 8 250,21 euros soit postérieure aux règlements effectués en février 2020, et soutient en toute hypothèse, que cette demande est irrecevable à défaut de créance liquide et exigible faute d’avoir mis en demeure l’intimée de payer cette somme et de déchéance du terme.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1-Sur l’atteinte au principe du contradictoire

Le conseil de Mme [Z] justifie par la production de courriels qu’il a transmis antérieurement à l’audience de première instance ses conclusions et ses pièces. Par ailleurs, la banque ne tire aucune conséquence aux termes de son dispositif de l’atteinte au principe qu’elle invoque et ne demande que l’infirmation du jugement déféré.

Par voie de conséquence, ce moyen sous-tendu par aucune demande d’annulation est non opérant.

2-Sur la demande en paiement

– sur l’exigibilité de la créance de la banque

Mme [Z] soutient d’une part qu’elle s’est acquittée des sommes réclamées par deux versements auprès de l’huissier mandaté par la banque et d’autre part, de manière quelque peu contradictoire, que les sommes ne sont pas exigibles à défaut de déchéance du terme régulière par défaut de mise en demeure préalable.

S’agissant du paiement des sommes réclamées au titre du prêt, il n’est plus contesté par la banque que deux versements ont été faits d’un montant chacun de 6 000 euros auprès de l’huissier mandaté du recouvrement de la créance. Toutefois il ressort également de l’attestation de l’huissier que ces sommes enregistrées par l’étude ont été affectées à défaut de précision sur la dette que Mme [Z] souhaitait payer, au règlement d’ un autre contrat de prêt (n° 81443883251). Il s’en déduit que c’est à tort que le premier juge a considéré que la dette était éteinte pour débouter la banque de sa demande. Mais pour autant, la SA Crédit Lyonnais ne justifie pas de l’existence de ce contrat de prêt pré-existant.

Il résulte par ailleurs, de la position de compte produite aux débats par la banque que les échéances ont été payées ou régularisées jusqu’en septembre 2019 et que postérieurement à cette date plus aucune échéance n’a été payé ni aucune régularisation n’est intervenue.

Si l’article L. 312-39 du code de la consommation, prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés ainsi qu’il peut être exigée également une indemnité légale, il est aussi de jurisprudence constante que si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure préalable restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, le contrat de prêt contenant une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement, ne prévoit pas de dispense expresse et non équivoque de l’envoi à l’emprunteur d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme (page 2/2 du prêt -résiliation, cessation du contrat).

La SA Crédit Lyonnais ne justifie pas de l’envoi en recommandé d’une lettre adressée à Mme [Z] aux fins de mise en demeure de payer sous un certain délai une sous peine de déchéance du terme. La lettre du 29 août 2019 qui réclame la somme de 223,35 euros sous huitaine, sous peine de se voir ‘réclamer le remboursement total et immédiat des crédits que (nous vous) avons accordés (impayés, capitaux restants dus de (vos) prêts et solde débiteurs de vos comptes, augmentés des intérêts, indemnités et autres commissions contractuelles, ce qui équivaut à la mise en oeuvre de la clause résolutoire et de la déchéance du terme du prêt, est antérieure au premier incident de paiement qui serait selon les seules pièces produites en octobre 2019 soit postérieur à cette lettre.

Elle ne produit pas plus un avis de réception d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Or, la notification de la lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme a pour objet d’avertir son destinataire qu’il lui est imparti un délai pour régulariser sa situation et éviter ainsi les effets de la clause résolutoire.

Aussi, il incombe à l’organisme de crédit de rapporter la preuve que d’une part, Mme [Z] a été régulièrement avisé de la lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme par la production de l’avis de réception retourné par les services postaux, ce qu’elle ne fait pas.

Dans ces conditions, elle ne justifie pas avoir régulièrement mis en oeuvre la clause résolutoire.

D’autre part, il lui appartient de produire l’historique du compte de Mme [Z] sur lequel sont prélevées les échéances du prêt litigieux ainsi que l’autre contrat de prêt n° 81443883251 au remboursement duquel auraient été affectés les virements de Mme [Z] des 10 et 11 février 2020.

Il convient dés lors avant dire droit de d’inviter la SA Crédit Lyonnais à produire aux débats :

– l’historique du compte sur lequel ont été prélevées les échéances du prêt et les pièces permettant de rapporter la preuve qu’elle régulièrement avisé par mis en demeure préalable Mme [Z] comme elle le soutient avant de prononcer la déchéance du terme ;

– l’autre contrat de prêt au remboursement duquel auraient été affectés les virements de Mme [Z] des 10 et 11 février 2020.

Et dans l’hypothèse où elle ne pourrait les produire, la cour ne pouvant constater l’acquisition de la clause résolutoire comme la banque le demande, les parties seront invitées à présenter leurs observations sur la poursuite du contrat de prêt et sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat notamment sur la somme réclamée au titre de la mis en demeure de payer de décembre 2019.

Ainsi il y a lieu d’ordonner la réouverture des débats de renvoyer l’affaire à l’audience du 05 octobre 2023 et de surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes.

Les dépens et les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la réouverture des débats à l’audience du 2023 et invité la SA Crédit lyonnais à produire aux débats :

l’historique du compte sur lequel ont été prélevées les échéances du prêt et les pièces permettant de rapporter la preuve qu’elle régulièrement avisé par mis en demeure préalable Mme [Z] comme elle le soutient avant de prononcer la déchéance du terme ;

l’autre contrat de prêt au remboursement duquel auraient été affectés les virements de Mme [Z] des 10 et 11 février 2020 ;

Et dit que dans l’hypothèse où elle ne pourrait les produire, les parties seront invitées à présenter leurs observations sur la poursuite du contrat de prêt et sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat notamment sur la somme réclamée au titre de la mis en demeure de payer de décembre 2019 ;

Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes ;

Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience des plaidoiries du 05 octobre 2023 à 08h30 ;

Réserve les dépens et les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère, par suite d’un empêchement du Président et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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