République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 29/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/03857 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TXU4
Jugement (N° 20/00477)
rendu le 18 mai 2021 par le juge aux affaires familiales de Béthune
APPELANT
Monsieur [P] [G]
né le 11 juin 1942 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Anne Fougeray, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
Madame [J] [L]
née le 18 septembre 1944 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Catherine Montpeyroux, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 30 mars 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 22 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno poupet, président et Delphine verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 mars 2023
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M. [P] [G] et Mme [J] [L] se sont mariés le 6 juin 1964 sous le régime de la communauté légale.
Par acte notarié en date du 12 décembre 2000, les époux ont adopté le régime de la communauté universelle des biens présents et à venir. L’acte a ensuite été homologué par décision du tribunal de grande instance de Béthune en date du 9 mars 2001.
A la suite d’une ordonnance de non conciliation rendue le 2 juillet 2009, par jugement en date du 4 septembre 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béthune a prononcé le divorce des époux, décision confirmée par un arrêt de la cour d’appel de céans rendu le 4 juillet 2013, lequel a notamment ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux, désigné, afin de procéder à ces opérations, le président de la chambre interdépartementale des notaires ou son délégué, débouté M. [G] de sa demande d’attribution préférentielle de l’immeuble commun situé [Adresse 4], à [Localité 5] et condamné celui-ci à verser à Mme [L] une prestation compensatoire sous forme de rente viagère de 250 euros par mois.
Me [C], notaire délégué par le président de la chambre interdépartementale des notaires, a dressé un procès-verbal de dires le 20 octobre 2016.
Par jugement en date du 26 février 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béthune a, notamment, constaté que les opérations de compte, liquidation et partage étaient déjà en cours, que Me [C] était désignée pour y procéder et a renvoyé les parties devant ledit notaire aux fins d’établissement de l’état liquidatif de leur communauté, le notaire devant par ailleurs procéder à une évaluation de l’immeuble indivis.
Au regard d’une situation de blocage des opérations de liquidation liée au refus de M. [G] de s’acquitter des provisions demandées par le notaire, l’affaire a été renvoyée à la mise en état, les parties étant invitées à conclure au fond et à fournir deux avis de valeur actualisés de l’immeuble dépendant de leur communauté.
Par jugement mixte en date du 18 mai 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Béthune a notamment :
– fixé pour les besoins du partage la valeur de l’immeuble dépendant de la communauté de M.'[G] et de Mme [L], situé à [Localité 5], à la somme de 160 000 euros,
– ordonné la vente par voie d’adjudication judiciaire devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Béthune, sur la mise à prix de 60 000 euros par Me [R] et sur le cahier des conditions de vente qui serait établi par l’avocat poursuivant, avec faculté de baisse de mise à prix du quart à défaut d’enchères atteignant cette somme, de l’immeuble litigieux, (…)
– ordonné, préalablement à la licitation de l’immeuble indivis, l’expulsion de M. [G], et de tous les occupants de son chef, dudit immeuble, (…)
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation due au titre de la jouissance privative de l’immeuble à la somme de 496 euros par mois,
– dit que M. [G] était redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente à l’immeuble litigieux d’un montant de 69 936 euros pour la période du 2 juillet 2009 au 30 avril 2021 et d’un montant mensuel de 496 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à la vente de l’immeuble ou au partage amiable ou judiciaire,
– rejeté la demande d’autorisation de perception de sa quote-part d’indemnité d’occupation à compter de la décision à intervenir formulée par Mme [L],
– dit qu’il y avait lieu de retenir au titre du compte d’indivision de M. [G] les sommes de :
* 11 693 euros au titre du paiement des taxes foncières afférentes à l’immeuble indivis pour la période de 2009 à 2019 ;
* 1 097,01 euros au titre du paiement de la facture relative aux réparations du sinistre ‘tempête-dégât des eaux’ ;
* 472 euros au titre du paiement de la facture relative à l’amélioration de la ‘cuisine-salle de bains’ ;
* 399,56 euros au titre des frais d’entretien de la chaudière ;
* 500 euros au titre des frais d’entretien des espaces verts et d’élagage des arbres.
– débouté M. [G] du surplus de ses demandes au titre de son compte d’indivision,
– débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– renvoyé les parties devant Me [C] pour établissement de l’acte constatant le partage de leurs intérêts patrimoniaux conformément au jugement,
– rejeté les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.
M. [G] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 octobre 2021, demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné son expulsion, l’a condamné au paiement d’une indemnité d’occupation, débouté du surplus de ses demandes au titre de son compte d’indivision et de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens et, statuant à nouveau, au visa des articles 220, 815-9, 1409, 1468 et 1469 du code civil, de :
– juger qu’il pourra se maintenir dans l’immeuble litigieux jusqu’à sa vente amiable ou judiciaire,
– débouter l’intimée de sa demande tendant à voir ordonner son expulsion dudit immeuble,
– juger que l’indemnité d’occupation due par lui s’éteindra à la vente de l’immeuble, au partage amiable ou judiciaire ou encore à son départ effectif de l’immeuble ;
– juger qu’il y a lieu de retenir au titre de son compte d’indivision les sommes engagées par lui pour la réparation du mur pignon et de la toiture de la véranda à hauteur de 8 389,70 euros, outre la somme de 2 734,16 euros au titre des échéances du prêt Sofinco qu’il a réglées seul, ainsi que l’ensemble des sommes par lui supportées au titre des impôts fonciers.
– condamner l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 novembre 2021, Mme [L] demande à la cour, au visa des articles 815 et suivants du code civil, et de l’article 1240 du même code, de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté sa demande d’autorisation de perception de sa quote-part d’indemnité d’occupation, dit qu’il y avait lieu de retenir au titre du compte d’indivision de M. [G] les sommes de 1 097,01 euros au titre de la facture relative au sinistre tempête-dégâts des eaux et de 472 euros au titre de la facture d’amélioration de la cuisine-salle de bains et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, ainsi que de celle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de :
– ordonner qu’elle soit autorisée à percevoir sa quote-part sur l’indemnité d’occupation et condamner l’appelant au paiement de celle-ci,
– débouter celui-ci de ses demandes tendant à voir porter au crédit de son compte d’indivision les paiements effectués au titre du sinistre dégât des eaux et au titre de la cuisine-salle de bains, et de l’ensemble de ses autres demandes.
– le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par elle subi du fait de son attitude obstructrice dans les opérations de partage,
– le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour le détail de l’argumentation des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites par application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Liminaire
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Il sera observé que le jugement déféré n’est pas contesté en ce qu’il a :
– fixé pour les besoins du partage la valeur de l’immeuble dépendant de la communauté de M. [G] et de Mme [L], situé à [Localité 5], à la somme de 160 000 euros,
– ordonné la vente par voie d’adjudication judiciaire devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Béthune, sur la mise à prix de 60 000 euros par Me [R] (…) et rappelé les modalités applicables à cette mise en vente,
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation due au titre de la jouissance privative de l’immeuble à la somme de 496 euros par mois,
– dit que M. [G] était redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente à l’immeuble litigieux d’un montant de 69 936 euros pour la période du 2 juillet 2009 au 30 avril 2021 et d’un montant mensuel de 496 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à la vente de l’immeuble ou au partage amiable ou judiciaire,
– dit qu’il y avait lieu de retenir au titre du compte d’indivision de M. [G] les sommes de :
* 11 693 euros au titre du paiement des taxes foncières afférentes à l’immeuble indivis pour la période de 2009 à 2019 ;
* 399,56 euros au titre des frais d’entretien de la chaudière ;
* 500 euros au titre des frais d’entretien des espaces verts et d’élagage des arbres.
Ces dispositions, définitives, ne seront donc pas de nouveau évoquées.
Sur la demande d’expulsion
M. [G] sollicite l’infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a ordonné son expulsion de l’immeuble indivis et demande à pouvoir s’y maintenir dans l’attente de sa vente amiable ou judiciaire. Il fait valoir que son occupation de l’immeuble n’empêche en aucune manière la licitation de celui-ci, à laquelle il ne s’oppose pas, et qu’elle permet d’assurer l’entretien de l’immeuble et d’assurer sa préservation, ce qui est de nature à rassurer d’éventuels acquéreurs.
Mme [L] s’y oppose et fait valoir que son ex-époux occupe seul l’immeuble indivis depuis 17 ans, sans verser aucune indemnité d’occupation et en s’opposant à la vente au détriment de ses droits sur l’immeuble ; que son maintien dans les lieux, dont l’attribution préférentielle lui a été déniée, est totalement incompatible avec les droits concurrents dont elle dispose sur l’immeuble’; que contrairement à ses allégations, il n’entretient pas correctement celui-ci.
Ceci étant exposé, aux termes de l’article 815-9, alinéa 1er du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
Il est constant que M. [P] [G] occupe seul l’immeuble indivis depuis l’ordonnance de non-conciliation intervenue le 2 juillet 2009. S’il n’a pas contesté le principe de l’indemnité d’occupation qu’il doit à l’indivision pour cette occupation et la fixation du montant de celle-ci à la somme de 496 euros par mois, soit 69 936 euros pour la période du 2 juillet 2009 au 30 avril 2021, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pour l’instant versé aucune somme au titre de sa quote-part d’indemnité d’occupation à son ex-épouse, laquelle doit financer un loyer avec de faibles ressources.
En outre, alors qu’il a été débouté de sa demande d’attribution préférentielle de l’immeuble indivis par l’arrêt rendu par la cour d’appel de céans le 4 juillet 2013, il n’a entrepris aucune démarche en vue de la vente amiable du bien et a fait preuve de passivité dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté.
C’est par ailleurs à juste titre que le premier juge a relevé que la présence de M. [G] dans l’immeuble pouvait être de nature à dissuader d’éventuels acquéreurs dans le cadre de la licitation de l’immeuble, en raison de l’incertitude qu’elle génère quand aux délais dans lesquels ils pourraient finalement disposer du bien acquis.
Il apparaît ainsi que l’occupation du bien indivis par M. [G] n’est pas compatible avec les droits de Mme [L] sur l’immeuble.
Dès lors, quand bien même M. [G] justifierait de quelques factures relatives à l’entretien du bien litigieux, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a ordonné son expulsion, la cour précisant que cette mesure pourra intervenir à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, avec le concours de la force publique à défaut d’évacuation volontaire.
Sur l’indemnité d’occupation
Aux termes de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Alors que M. [G] a formé appel du jugement entrepris en ce que celui-ci a dit qu’il était redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente à l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 5], d’un montant mensuel de 496 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à la vente de l’immeuble ou au partage amiable ou judiciaire, il y a lieu de constater qu’il ne conteste pas le principe même de cette indemnité d’occupation, sollicitant simplement que la disposition soit complétée en ce sens que l’indemnité d’occupation due par lui s’éteindra à la vente de l’immeuble, au partage amiable ou judiciaire ou encore à son départ effectif de l’immeuble.
Il convient de faire droit à cette demande légitime.
Sur la demande de Mme [L] tendant à être autorisée à percevoir sa quote-part d’indemnité d’occupation
Aux termes de l’article 815-10 du code civil, les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise. (…) Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision.
Par ailleurs, en vertu de l’article 815-11 du même code, tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d’autre titre, l’étendue des droits de chacun dans l’indivision résulte de l’acte de notoriété ou de l’intitulé d’inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l’indivisaire dans le partage à intervenir.
C’est de manière pertinente que le premier juge a relevé que la demande de Mme [L] tendant à être autorisée à percevoir sa quote-part de l’indemnité d’occupation à compter de la décision à intervenir pouvait résulter d’un accord amiable entre les parties et qu’à défaut d’accord, elle ne relevait pas de la compétence du juge aux affaires familiales mais de celle du président du tribunal judiciaire ou du juge commis.
C’est cependant à tort qu’il a débouté Mme [L] de cette demande alors qu’il aurait dû se déclarer incompétent pour la traiter.
Pour autant, la cour étant juridiction d’appel des décisions du président du tribunal judiciaire, compte tenu de l’ancienneté du litige et dans le souci d’éviter la multiplication des procédures, il convient d’évoquer la question.
Mme [L] est bien fondée à obtenir le paiement de sa quote-part de l’indemnité d’occupation due à l’indivision par M. [G] à compter de la présente décision.
Il convient de faire droit à sa demande et de condamner que de besoin M. [G] à lui payer la moitié de l’indemnité d’occupation due à l’indivision, soit la somme de 248 euros par mois, à compter de la présente décision.
Sur les demandes de créances de M. [G]
L’article 1468 du code civil dispose qu’il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections précédentes.
L’article 1469 dudit code précise que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
Par ailleurs, aux termes de l’article 815-13 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
C’est à juste titre que le premier juge a indiqué que les sommes réclamées par M. [G] s’analysaient en des créances à l’encontre de la communauté ou de l’indivision post-communautaire donnant lieu à récompense ou à créance au profit de celui-ci et non à une créance entre époux.
* Sur la facture relative au sinistre tempête-dégâts des eaux
Mme [L] sollicite l’infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a reconnu l’existence d’une créance de M. [G] sur l’indivision au titre du règlement par celui-ci de la somme de 1 097,01 euros pour des réparations sur l’immeuble commun faisant suite à deux tempêtes de 2012 et 2016. Elle fait valoir qu’il ne justifie pas de l’indemnisation qu’il doit avoir perçue de son assurance.
Cependant, alors que le premier juge l’avait déboutée de cette demande au motif qu’elle aurait pu se rapprocher de l’assureur de l’immeuble, en sa qualité de propriétaire indivis, pour obtenir la preuve d’une éventuelle prise en charge du sinistre, Mme [L] ne justifie pas avoir effectué cette démarche.
Dès lors, M. [G] justifiant du paiement des factures FA 00435 du 20 avril 2012 et FA 0084 du 23 novembre 2016 et ces dépenses constituant des dépenses de conservation de l’immeuble indivis, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à sa demande de créance sur l’indivision.
* Sur la facture d’amélioration de la cuisine-salle de bains
Mme [L] sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [M] de récompense sur la communauté pour la prise en charge par celui-ci de frais d’amélioration d’une salle de bain et fait valoir que les factures manquent de cohérence, qu’il ne s’agit pas de dépenses d’amélioration nécessaires mais de simples dépenses d’entretien et qu’elles ont été réglées en 2007, soit avant la date des effets du divorce et pendant la communauté, et par conséquent par les deux époux mariés sous le régime de la communauté universelle.
M. [G] n’a pas conclu sur ce point.
Sur ce,
Il résulte des factures émises le 20 février 2012 par la société Brico dépôt, aux montants de 144 et 328 euros, pour des équipements de salle de bain, qu’elles ont été acquittées le 26 mai 2007 (mention manuscrite au dessus du tampon du magasin).
Cependant, outre le défaut de cohérence entre la date d’émission de ces factures et la date de leur paiement, il n’est produit aucun autre justificatif de paiement alors que le paiement allégué est intervenu le 26 mai 2007, tandis que les époux étaient toujours sous le régime de la communauté universelle.
Dès lors, les fonds ayant servi au règlement de ces factures étant communs, il n’y a pas lieu à récompense sur la communauté au profit de M. [G].
La décision entreprise sera infirmée en ce qu’elle a fait droit à sa demande.
* Sur la réparation du mur pignon et de la véranda
Le premier juge a débouté M. [G] de sa demande de créance sur l’indivision au titre de sa prise en charge de frais de réparation du mur pignon de l’immeuble indivis et de la toiture de la véranda au motif que si ces réparations s’analysaient en des dépenses de conservation de l’immeuble indivis, M. [G] ne produisait que de simples devis pour justifier du montant des travaux.
M. [G], qui sollicite l’infirmation de la décision sur ce point, ne produit cependant en cause d’appel aucune facture acquittée, ni le justificatif du règlement effectif des dépenses alléguées.
Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point.
* Sur le remboursement de l’emprunt Sofinco souscrit pour l’achat et la pose de la nouvelle cuisine
M. [G] sollicite l’infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a rejeté sa demande de créance sur l’indivision au titre du remboursement par lui seul, à compter de l’ordonnance de non-conciliation du 2 juillet 2009, du crédit Sofinco souscrit pour financer l’installation d’une cuisine dans l’immeuble indivis et demande la fixation d’une créance sur l’indivision d’un montant de 2 734,16 euros à son profit. Il fait valoir que le prêt Sofinco a été souscrit pendant le mariage, deux ans avant l’ordonnance de non-conciliation, qu’il s’agit d’un passif présumé commun et que cette dépense est une dépense d’amélioration de l’immeuble commun.
Mme [L] s’y oppose aux motifs qu’au vu de son importance, cet emprunt a les caractéristiques d’une dépense excessive, qu’il a été contracté par M. [G] seul à une époque où les époux étaient déjà séparés depuis quatre ans, qu’il ne rapporte pas la preuve qu’il s’agirait d’un emprunt souscrit dans un but commun afin de valoriser le bien immobilier commun.
Ceci étant exposé, aux termes de l’article 220 du code civil, chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
L’article 1409 dudit code dispose par ailleurs que la communauté se compose passivement :
-à titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 ;
-à titre définitif ou sauf récompense, selon les cas, des autres dettes nées pendant la communauté.
En l’espèce, M. [G] produit à l’appui de sa demande de récompense à l’égard de la communauté un tableau d’amortissement Sofinco en date du 10 juillet 2009 établi à son seul nom, pour le remboursement d’un crédit de 7 900 euros en 30 échéances de 276,57 euros à compter du 15 novembre 2007, ainsi qu’un décompte des sommes restant dues au titre de ce crédit au 9 juillet 2009.
Il ne produit aucun document contractuel qui établirait l’accord de Mme[L] pour ce crédit, alors qu’à l’époque, le couple était déjà séparé (cf le bail parisien de Mme [L] en date du 1er avril 2003), et qui permettrait en outre de déterminer la destination de ce crédit, les éléments versés au dossier étant insuffisants à établir que ce crédit a effectivement servi à financer l’achat d’une cuisine destinée à améliorer le bien commun, les factures relatives à la cuisine en date de 2007 versées par M. [G] étant sans commune mesure dans leur montant avec le crédit souscrit (422,20 euros, 403,97 euros, 65,74 euros, 68,70 euros).
Dès lors, en l’absence d’accord de Mme [L] pour cet emprunt dont le montant ne permet pas d’affirmer qu’il porterait sur une somme modeste nécessaire aux besoins de la vie courante ou non manifestement excessive au regard du train de vie du ménage, la solidarité de l’article 220 du code civil ne peut pas jouer.
La décision de première instance sera confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [L]
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Bien que le divorce des époux ait été définitivement prononcé par arrêt du 4 juillet 2013 de la cour d’appel de Douai et qu’aucun accord n’ait pu intervenir jusqu’à présent entre les parties concernant la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, c’est à juste titre que le premier juge a relevé que si Mme [L] établissait la passivité de M. [G] dans le cadre des opérations de liquidation-partage, elle ne démontrait pas qu’il ait commis une faute, pas plus qu’elle ne justifiait du préjudice qui serait résulté pour elle du comportement de M. [G].
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.
Il convient de dire que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage et de débouter les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Statuant dans les limites de l’appel,
Infirme la décision entreprise en ce qu’elle a :
– dit que M. [P] [G] serait redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente à l’immeuble située [Adresse 4] à [Localité 5] (62), d’un montant mensuel de 496 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à la vente de l’immeuble ou au partage amiable ou judiciaire,
– rejeté la demande d’autorisation de perception de sa quote-part d’indemnité d’occupation à compter de la décision à intervenir formulée par Mme [J] [L],
– dit qu’il y a lieu de retenir au crédit du compte d’indivision de M. [P] [G] la somme de 472 euros au titre du paiement de la facture relative à l’amélioration de la ‘cuisine-salle de bains’;
Confirme la décision entreprise pour le surplus, sauf à préciser que l’expulsion de M. [P] [G] pourra intervenir dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, avec le concours de la force publique si nécessaire,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– Dit que M. [P] [G] sera redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d’occupation afférente à l’immeuble située [Adresse 4] à [Localité 5] (62), d’un montant mensuel de 496 euros à compter du 1er mai 2021 jusqu’à la vente de l’immeuble, au partage amiable ou judiciaire, ou à son départ effectif des lieux,
– Autorise Mme [J] [L] à percevoir sa quote-part de l’indemnité d’occupation due par M. [P] [G] à l’indivision à compter de la présente décision,
– Condamne en tant que de besoin M. [P] [G] à lui payer à ce titre la somme de 248 euros par mois à compter de la présente décision,
– Déboute M. [P] [G] de sa demande de créance de 472 euros sur la communauté au titre du paiement de la facture relative à l’amélioration de la ‘cuisine-salle de bains’ ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet