COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 29 JUIN 2023
N° RG 20/05058 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2XW
[W] [U]
[S] [K] épouse [U]
c/
S.A. BNP PARIBAS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :29 juin 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mai 2020 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 16/06134) suivant déclaration d’appel du 17 décembre 2020
APPELANTS :
[W] [U]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
[S] [K] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
Représentés par Me Marie-emilie BERGES, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistés par Me Laurent PETIT, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ E :
S.A. BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée par Me Manuel DUCASSE de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HERAS DE PEDRO, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : M. Roland POTEE
Conseiller : Mme Sylvie HERAS DE PEDRO
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Greffier : Mme Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant offre de prêt du 21 avril 2011, acceptée le 3 mai 2011 et réitérée par acte authentique du 30 juin 2011, la SA BNP Paribas a consenti à M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U] un prêt immobilier d’un montant de 154 500 euros, remboursable en 204 mensualités moyennant l’application d’un taux d’intérêt conventionnel de 3,94% et d’un taux effectif global de 3,98% pour un taux de période mensuel de 0,33%.
Par acte du 13 mai 2016, les époux [U] ont assigné la société BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins de voir prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels en raison du caractère erroné du taux effectif global.
Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré l’action en nullité recevable,
– déclaré la demande d’expertise recevable,
– rejeté l’intégralité des demandes des époux [U],
– condamné les époux [U] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les époux [U] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Les époux [U] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 décembre 2020.
Par conclusions déposées le 19 avril 2023, les époux [U] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ses dispositions suivantes :
* rejeté l’intégralité des demandes des époux [U],
* condamné les époux [U] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné les époux [U] aux dépens.
Et statuant à nouveau,
Au principal,
– constater la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnelle du prêt en cause, et dire que la société BNP Paribas ne pourra percevoir que les intérêts au taux légal de 0,38% pour chacune des échéances du prêt,
– condamner la société BNP Paribas à payer aux époux [U] la somme de 23 489, 65 euros correspondant aux intérêts trop perçus arrêtés à l’échéance du 10 avril 2016 comprise, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– dire que pour les échéances postérieures, la société BNP Paribas ne pourra percevoir que les intérêts au taux légal, outre la cotisation d’assurance, la durée du prêt étant maintenue,
– condamner la société BNP Paribas à communiquer aux époux [U] un nouveau tableau d’amortissement avec le nouveau taux d’intérêt jusqu’au terme du prêt,
– dire qu’en cas de difficulté d’exécution, il en sera référé au juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Bordeaux,
Subsidiairement,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque sur le prêt en cause, dans la proportion que la cour voudra bien fixer souverainement,
En toute hypothèse,
– condamner la société BNP Paribas à payer aux époux [U] la somme de 6 360 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait insuffisamment probant le rapport d’expertise produit :
– avant dire-droit, commettre tel expert-comptable avec la missions suivante :
* prendre connaissance des pièces du dossier,
* procéder au calcul du taux effectif global du prêt en cause, selon la méthode fixée par l’article R. 314-3 du code de la consommation,
* préciser, pour chaque élément conditionnant l’octroi du prêt, notamment frais de dossier, frais d’acte et de garantie, et frais d’assurance, leur impact sur le TEG,
* adresser un pré-rapport aux parties, qui pourront y répondre dans le délai de quinze jours,
* déposer son rapport définitif dans le délai de deux mois de sa saisine,
– renvoyer le dossier à telle audience de mise en état dans le délai de quatre mois.
Par conclusions déposées le 18 avril 2023, la société BNP Paribas demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et notamment, à titre principal,
– constater que les époux [U] ne rapportent pas la preuve du caractère erroné du taux effectif global stipulé dans l’acte de prêt,
– débouter les époux [U] de leur demande en nullité,
– débouter les époux [U] de leur demande d’expertise judiciaire avant dire droit,
– débouter les époux [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre très subsidiaire,
– faire application à la société BNP Paribas de la déchéance partielle du droit aux intérêts dans la limite de 1 000 euros,
– débouter les époux [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
En toute hypothèse,
– condamner solidairement les époux [U] à payer à la société BNP Paribas la somme de 6 360 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers dépens.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 4 mai 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en nullité de la stipulation d’intérêts
Aux termes de l’article L.312-8, 2°, 3°, 4° et 5°, du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, l’offre de prêt précise notamment ‘la nature, l’objet, les modalités du prêt (…)’. Elle indique, ‘outre le montant du crédit susceptible d’être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, ainsi que son taux défini conformément à l’article L. 313-1’ et énonce ‘en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt’.
Les époux [U] abandonnent devant la cour le moyen tiré du recours à l’année de 360 jours, dite année lombarde, pour le calcul des intérêts et demandent à titre principal la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels et la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel, au motif que le taux effectif global ne comprendrait pas les frais de garantie, d’assurance invalidité-décès, et d’acte notarié.
La BNP Paribas soutient que cette demande de nullité est irrecevable en ce que la seule sanction encourue est la déchéance du droit aux intérêts.
Il résulte des dispositions de l’article L.312-33 du code de la consommation dans sa version applicable au litige que, dans le cas où le prêteur ne respecte pas l’une des obligations prévues aux articles L.312-7 et L.312-8, il pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Ainsi, en application des articles L.312-8 et L.312-33 anciens du même code, l’inexactitude du taux effectif global mentionné dans l’écrit constatant un contrat de prêt ou dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée exclusivement par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge (Civ. 1ère, 10 juin 2020, n°18-24.287 ; 12 juin 2020, n°19-12.984).
Les époux [U] seront en conséquence déclarés irrecevables en leur demande principale de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article L.313-2 ancien, alinéa premier, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, ‘le taux effectif global déterminé comme il est dit à l’article L.313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section.’
L’article L.313-1 ancien, alinéas 1, 2,4 et 5, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.
Toutefois, pour l’application des articles L.312-4 à L.312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
En outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.
Un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions d’application du présent article.’
L’article R. 313-1 ancien du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose:
‘Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l’article L.311-3 et à l’article L.312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d’un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur.
Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.
Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.
Pour les opérations mentionnées au 3° de l’article L.311-3 et à l’article L.312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d’au moins une décimale.’
Les époux [U] sollicitent à titre subsidiaire la déchéance du droit aux intérêts, au motif que le taux effectif global ne prendrait pas en compte les frais d’acte et de garantie, ainsi que ceux de l’assurance emprunteur.
1. Sur les frais d’actes et de garantie
Il s’évince de l’offre de prêt émise le 21 avril 2011 par l’intimée, article ‘Charges de votre crédit’ en page 4, que ‘les frais d’acte (honoraires du notaire, frais liés à la prise de garantie, taxes diverses) sont évalués entre 0,5% et 1% du montant du crédit. Le montant exact vous sera indiqué par votre notaire, auquel vous les réglerez directement’.
Ainsi, la banque ne pouvait connaître avec précision le montant des frais d’acte, dès lors que ceux-ci n’ont été déterminés par le notaire que lors de la signature de l’acte authentique le 30 juin 2011, soit plus d’un mois après l’émission de l’offre de prêt acceptée le 3 mai 2011.
L’attestation du notaire produite par les appelants certifiant que les frais d’acte se sont élevés à la somme de 1 314,00 euros est datée du 27 avril 2016 et ne permet donc davantage d’établir que la banque avait connaissance du montant de ces frais lors de l’émission de l’offre de prêt.
Au surplus, le paragraphe de l’offre intitulé ‘Taux effectif global de votre crédit’, indique que l’incidence des frais d’acte sur le taux effectif global est d’environ 0,10%, soit une estimation conforme à celle faite par les appelants de 0,11%.
En conséquence, le montant des frais d’acte ne pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion du contrat de prêt, de sorte qu’il n’incombait pas à la banque de les intégrer dans le taux effectif global du prêt.
Les époux [U] seront donc déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts à ce titre.
2. Sur les frais d’assurance :
En application des dispositions précitées du code de la consommation, les frais relatifs à l’assurance ne sont intégrés dans la détermination du taux effectif global que lorsque la souscription d’une telle assurance est imposée à l’emprunteur comme une condition de l’octroi du prêt.
En l’espèce, l’article ‘Garantie(s) et/ou assurance(s) retenue(s) pour votre crédit’, paragraphe ‘Assurance(s) extérieure(s)’, de l’offre de prêt (page 6) stipule :
‘L’emprunteur peut souscrire une assurance individuelle auprès de l’assureur de son choix, à condition qu’elle présente un niveau de garantie équivalent à celui du contrat d’assurance de groupe proposé par le prêteur.
[U] [W]
– a décidé de n’adhérer à aucun contrat d’assurance décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité de travail proposé par le prêteur et déclare en accepter le risque
– a souscrit volontairement une assurance extérieure auprès de ALTERNATIVE EMPRUNTEUR :
– contre le risque décès pour un capital de 154 500,00 euros
– contre le risque de perte totale et irréversible d’autonomie pour un capital de 154 500,00 euros
– contre le risque incapacité totale de travail pour un capital de 154 500,00 euros,
et désigne le prêteur comme bénéficiaire (par délégation ou clause bénéficiaire).’
En outre, l’article ‘Versement de votre crédit’, paragraphe ‘Quand, comment et à qui est versé le crédit », de l’offre de prêt (page 5) prévoit :
‘[…] Préalablement au versement, vous devez produire :
– L’avenant de désignation dûment régularisé à notre profit du contrat d’assurance extérieure souscrit’.
Il en résulte que la souscription d’une telle assurance était imposée aux emprunteurs comme une condition de l’octroi du prêt, nonobstant le choix qui leur était laissé d’adhérer à l’assurance de groupe proposée par le prêteur ou à une assurance extérieure présentant un niveau de garantie équivalent.
À cette fin, M. [U] a souscrit le 12 avril 2011 à l’assurance de groupe ‘Alternative Emprunteur’ auprès de la société Cardif, filiale la banque prêteuse BNP Paribas, cette assurance étant proposée par le conseiller de l’agence bancaire BNP Paribas, ainsi que cela ressort de la fiche standardisée produite en pièce n°7 par les emprunteurs. La banque avait ainsi accès aux conditions et tarifs de cette assurance, qu’elle commercialisait elle-même.
Le certificat d’adhésion établi par l’assureur Cardif, filiale de BNP Paribas (pièce n°8) indique : ‘date de prise d’effet des garanties : 20 avril 2011’ et ‘date de l’échéance de la première cotisation : 20 avril 2011’, tandis que l’offre de prêt a été émise par la BNP Paribas le 21 avril 2011.
Il s’ensuit que le montant de cette charge, liée à une garantie dont le crédit était assorti, pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
Néanmoins, l’article ‘Charges de votre crédit’, en page 4 de l’offre de prêt indique : ‘Les charges de votre crédit comprennent les intérêts, les charges annexes et les frais d’acte’, mais ne mentionne pas les frais liés à l’assurance emprunteur. Cet article détermine en effet le taux effectif global du crédit en cause comme suit :
* 3,94 % (taux d’intérêt fixe) + 0,04% (charges annexes correspondant à la commission d’ouverture de crédit d’un montant de 500,00 euros) = 3,98%.
En conséquence, la charge liée à l’assurance emprunteur, qui devait en l’espèce être comprise dans le taux effectif global, ne l’est pas.
Or, il incombe au prêteur, dès lors qu’il a subordonné l’octroi du crédit à la souscription d’une assurance, de s’informer du coût de celle-ci auprès du souscripteur avant de déterminer le taux effectif global, qui doit intégrer ce coût.
Il n’est pas contesté que le montant total des primes d’assurance invalidité décès souscrites par l’emprunteur s’élève à la somme de 4 175,87 euros, ainsi que cela ressort de l’échéancier des cotisations d’assurances (pièce n°8 appelants).
Pour expliciter le détail des frais qu’ils incluent dans le taux effectif global, les appelants se prévalent en pièce n°5 d’un rapport d’expertise de [E] [O], selon lequel l’incidence des frais d’assurance sur le taux effectif global est de 0,28%, soit un écart supérieur à la décimale.
La banque intimée soutient que cette analyse n’est pas contradictoire et qu’elle ne permet pas de démontrer l’erreur de calcul du TEG invoquée.
La cour ne peut cependant refuser d’examiner cette pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire. En l’absence de contestation utile du calcul reprenant les données chiffrées de l’acte de prêt et exposé dans l’analyse financière produite par les emprunteurs, il y a lieu de considérer qu’est rapportée la preuve d’une erreur supérieure au seuil légal.
L’erreur affectant la mention du taux effectif global dans l’écrit constatant un acte de prêt justifie que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur.
Cette sanction est fondée sur l’absence de consentement de l’emprunteur, non à la stipulation d’intérêts conventionnels, mais au coût global du crédit. Une telle absence de consentement ne saurait emporter que la réduction du coût du prêt supporté par l’emprunteur à la part à laquelle il a valablement consenti.
En l’espèce, la part du coût global des prêts à laquelle les époux [U] n’ont pas consenti du fait de l’erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l’offre du 21 avril 2011 s’établit à la différence, appliquée au capital restant dû à chaque échéance, entre le taux effectif global de 4,26% déterminé en ajoutant aux intérêts le coût de l’assurance, qui exprime le coût global du prêt réellement supporté par les emprunteurs, et le taux erroné de 3,98% mentionné dans le contrat de prêt, qui correspond à la part du coût du prêt à laquelle les emprunteurs ont consenti.
La BNP Paribas sera par conséquent condamnée à payer aux époux [U] une somme égale au douzième du taux de 0,28%, appliqué au capital restant dû à chaque mensualité du prêt échue à la date de la présente décision. S’agissant des mensualités à échoir, leur montant sera diminué d’une somme égale au douzième du taux de 0,28%, appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité.
Le jugement sera infirmé en ce sens, sans qu’il y ait lieu d’ordonner d’expertise judiciaire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu d’infirmer le jugement du 26 mai 2020 en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la BNP Paribas supportera la charge des dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, la BNP Paribas sera condamnée à payer aux époux [U] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Infirme le jugement du 26 mai 2020, sauf en ce qu’il déclare recevable la demande d’expertise et la rejette ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– Déclare M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U] irrecevables en leur demande de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels;
– Prononce la déchéance partielle du droit de la SA BNP Paribas aux intérêts du prêt de 154 500 euros consenti à M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U] ;
– Condamne la SA BNP Paribas à payer à M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U] une somme égale au douzième du taux de 0,28% appliqué au capital restant dû à chaque mensualité échue à la date de la présente décision;
– Dit que, s’agissant des mensualités à échoir à compter de la présente décision, leur montant sera diminué d’une somme égale au douzième du taux de 0,28% appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité ;
– Ordonne à la SA BNP Paribas de communiquer à M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U] un échéancier conforme à ces dispositions;
– Déboute les parties de leur demandes plus amples ou contraires ;
Y ajoutant,
– Condamne la SA BNP Paribas à payer à M. [W] [U] et Mme [S] [K] épouse [U], ensemble, la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la SA BNP Paribas aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Monsieur Roland POTEE, président, légitimement empêché, et par Madame Séléna BONNET , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,