Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00143

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00143

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00143 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EY7B.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ d’ANGERS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00437

ARRÊT DU 29 Juin 2023

APPELANTE :

MAISON DEPARTEMENTALE DE L’AUTONOMIE DE MAINE ET LOIRE (MDA 49)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Monsieur [C], muni d’un pouvoir

INTIME :

Madame [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant – assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mr WOLFF, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 29 Juin 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur WOLFF, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par une première requête reçue au greffe le 3 juillet 2019, Mme [Z] [H], qui bénéficie par ailleurs de l’allocation aux adultes handicapés (l’AAH), a contesté devant le pôle social du tribunal de grande instance d’Angers la décision par laquelle la maison départementale de l’autonomie de Maine-et-Loire (la MDA) a refusé de lui accorder le complément de ressources correspondant à cette allocation. Cette décision avait été formulée dans une lettre du 15 novembre 2018, puis confirmée par une autre du 2 mai 2019 après que Mme [H] avait formé un recours préalable par lettre du 14 décembre 2018, et que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (la CDAPH) s’était de nouveau réunie le 30 avril 2019.

Par une seconde requête reçue au greffe le 5 août 2019, Mme [Z] [H] a contesté devant le pôle social du même tribunal la décision de la MDA de ne pas lui accorder également la prestation de compensation du handicap «charges exceptionnelles ‘ domicile» (la PCH). Cette décision avait été confirmée par une lettre du 3 juin 2019, après que Mme [H] avait formé un recours préalable et que la CDAPH s’était réunie le 28 mai 2019.

Par jugement du 18 janvier 2021 notifié à la MDA le 26 janvier suivant, le tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :

Ordonné la jonction des deux recours ;

Annulé la décision de la CDAPH du 30 avril 2019 ;

Annulé la décision de la CDAPH du 28 mai 2019 ;

Ordonné à la MDA de verser à Mme [H] le complément de ressources pour la période du 16 juillet 2018 au 1er décembre 2019 ;

Ordonné à la MDA de verser à Mme [H] une prestation de compensation du handicap sous la forme d’une aide spécifique d’un montant de 100 euros par mois, avec une prise d’effet au mois de février 2019.

La MDA a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe de la cour par pli recommandé expédié le 22 février 2021.

Par une lettre du 3 janvier 2023 reçue au greffe le 4 janvier suivant, la MDA a indiqué qu’elle se désistait de son appel en ce qui concerne la PCH.

Les débats ont ensuite eu lieu à l’audience du conseiller chargé de l’instruire du 9 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions reçues au greffe le 4 janvier 2023 et sa lettre du 2 mars 2023, auxquelles elle s’est référée à l’audience du 9 mars 2023, la MDA demande à la cour :

D’infirmer le jugement en ce qu’il lui a ordonné de verser le complément de ressources à Mme [H] ;

De rejeter la demande correspondante.

La MDA soutient que :

Le jugement doit être annulé en ce qu’il ne satisfait pas aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile. En effet, la décision est entachée d’un vice de forme car l’obligation de motivation n’a pas été respectée. Le jugement ne mentionne pas que le tribunal reconnaît un taux d’incapacité égal ou supérieur à

80 % et une incapacité travail inférieure. Il n’est pas motivé en ce qui concerne ces deux éléments obligatoires qui constituent les critères d’attribution du complément de ressources.

Le jugement contient un élément erroné. En effet, il ordonne à la MDA de verser le complément de ressources à Mme [H], alors que l’organisme payeur est la caisse d’allocations familiales.

Au vu de l’autonomie conservée par Mme [H] dans les actes essentiels de la vie quotidienne, des éléments recueillis sur son parcours professionnel et sa santé, et en application du guide-barème réglementaire, l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation estime que l’intéressée présente un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %.

La même équipe évalue que si Mme [H] rencontre une limitation, liée à son état de santé, dans l’exercice d’une activité professionnelle, elle a une capacité travail supérieure à 50 %.

Les pièces produites par Mme [H] n’apportent aucun élément de nature à démontrer une atteinte à l’autonomie individuelle qui constitue le fondement de la reconnaissance d’un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 %, ni à étayer la réalité d’une capacité travail inférieure à 50 %.

S’agissant du rappel de PCH demandé par Mme [H], la cour n’est pas le juge de l’exécution du jugement du tribunal judiciaire. Par ailleurs, c’est par erreur que le versement de la PCH pour un montant de 100 euros a été effectué pour une période de deux ans, et une régularisation est en cours pour prolonger d’une année le versement à hauteur de ce montant, afin d’arriver à la durée d’attribution maximale de trois ans.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 6 janvier 2023 et auxquelles elle s’est référée à l’audience du 9 mars 2023, Mme [H] demande à la cour :

De confirmer le jugement ;

De dire que le complément de ressources sera versé par la caisse d’allocations familiales ;

D’ordonner à la MDA de lui verser un rappel de PCH d’un montant de 625 euros à parfaire pour la période allant du 1er février 2021 à la date de l’arrêt, et de dire que le montant de la PCH est de 100 euros.

Mme [H] soutient que :

La MDA, qui s’est désistée de son appel en ce qui concerne la PCH, ne peut pas modifier le montant de celle-ci, fixée par le tribunal.

Elle est atteinte du syndrome de Dorfman-Chanarin, qui affecte principalement le système cutané et qui se manifeste par une ichtyose sévère du visage, un érythème généralisé et une sécheresse cutanée sévère généralisée pouvant engendrer des plaies et des limitations fonctionnelles. Cette pathologie engendre de nombreuses difficultés, notamment la nécessité de mobiliser beaucoup de temps et d’énergie pour la réalisation des soins quotidiens d’hygiène, ainsi qu’une intolérance à la chaleur et au froid, des allergies alimentaires et des problèmes hépatiques graves, qui ne lui permettent pas de travailler, d’assurer sans difficulté l’hygiène des soins corporels, et d’effectuer sans difficulté les mouvements et les déplacements. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans l’accomplissement des actions de la vie quotidienne, ou qu’elle ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint.

Elle justifie de l’absence de toute activité professionnelle depuis très longtemps. Les comptes rendus médicaux le confirment.

Il a été reconnu qu’elle était éligible à l’AAH et dans l’incapacité travailler. Elle peut donc également prétendre au complément de ressources.

MOTIVATION

Sur le désistement et ses conséquences

Il résulte des articles 400 et 401 du code de procédure civile que, sauf dispositions contraires, l’appelant peut se désister de son appel en toutes matières, sans que ce désistement n’ait besoin d’être accepté s’il ne contient aucune réserve, ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait n’a préalablement formé aucun appel incident ou aucune demande incidente.

Il est constant à cet égard qu’en procédure orale, le désistement formulé dans une lettre parvenue à la juridiction antérieurement à l’audience produit immédiatement son effet extinctif avant l’ouverture des débats.

En l’espèce, la MDA a formulé son désistement d’appel en ce qui concerne la PCH dans une lettre du 3 janvier 2023 qui est parvenue au greffe de la cour le 4 janvier suivant. Or ce n’est que le 6 janvier 2023 que Mme [H] a adressé au même greffe, par voie électronique, ses conclusions. Le désistement de la MDA a donc, en toute hypothèse, produit son effet extinctif dès le 4 janvier 2023. Il a ainsi dessaisi la cour des chefs du jugement qui ont annulé la décision de la CDAPH du 28 mai 2019 et ordonné à la MDA de verser la PCH à Mme [H].

Il en résulte que l’effet dévolutif de l’appel ne joue plus quant à ces chefs et que la cour n’est plus saisie que des dispositions du jugement se rapportant au complément de ressources.

En conséquence, les demandes de Mme [H], qui n’a pas formé appel incident, relatives à la PCH doivent être déclarées irrecevables.

Sur la régularité du jugement

Sous couvert du grief, non fondé par ailleurs, de défaut de motivation, la MDA ne fait que critiquer sur le fond la motivation des premiers juges. Son moyen sera donc examiné au titre de sa demande d’infirmation du jugement, sans pouvoir entraîner la nullité de celui-ci.

Sur la demande de complément de ressources

Il résulte des articles L. 821-1, L. 821-1-1, avant son abrogation le 1er décembre 2019 par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, D. 821-1 et D. 821-4 du code de la sécurité sociale que le complément de ressources est versé :

Aux bénéficiaires de l’AAH au titre de l’article L. 821-1, c’est-à-dire dont l’incapacité permanente, appréciée d’après le guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles, est au moins égale à 80 % ;

Dont la capacité de travail, appréciée par la commission des droits de l’autonomie des personnes handicapées, est, compte tenu de leur handicap, inférieure à 5 % ;

Qui n’ont pas perçu de revenu d’activité à caractère professionnel propre depuis un an à la date du dépôt de la demande ;

Qui disposent d’un logement indépendant ;

Qui perçoivent l’allocation aux adultes handicapés à taux plein ou en complément d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité ou d’une rente d’accident du travail.

Ces conditions sont cumulatives.

S’agissant de la première ‘ une incapacité permanente d’au moins 80 % ‘, que les premiers juges n’ont pas discuté explicitement et qui, contrairement à ce que Mme [H] indique dans ses conclusions, est contestée par la MDA, le guide-barème figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit :

«Un taux d’au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en ‘uvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C’est également le cas lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction.

Les actes de la vie quotidienne, parfois qualifiés d’élémentaires ou d’essentiels, sont mentionnés dans les différents chapitres et portent notamment sur les activités suivantes :

Se comporter de façon logique et sensée ;

Se repérer dans le temps et les lieux ;

Assurer son hygiène corporelle ;

S’habiller et se déshabiller de façon adaptée ;

Manger des aliments préparés ;

Assumer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale ;

Effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l’intérieur d’un logement). »

En l’espèce, la réalité des pathologies dont souffrent Mme [H] et l’étendue des désagréments et des restrictions, mais aussi de la souffrance qu’elles lui causent au quotidien ne sont pas discutées. Mme [H] s’est d’ailleurs vu reconnaître le droit à l’AAH au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que le droit à la PCH, même si, au regard des besoins qu’elle expose, on peut entendre qu’elle trouve les montants de ces prestations insuffisants.

Néanmoins, force est de constater que les éléments que Mme [H] produit ne traduisent pas une incapacité permanente au moins égale à 80 % au sens des dispositions précitées.

En effet, si Mme [H] justifie de l’importance des soins, notamment d’hygiène, que sa situation requiert, il ne ressort ni de ses explications ni des nombreuses pièces, notamment médicales, qu’elle verse aux débats que, pour assurer ses soins et son hygiène corporelle, se comporter de façon logique et sensée, se repérer dans le temps et les lieux, s’habiller et se déshabiller de façon adaptée, manger des aliments préparés, assumer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale, et effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l’intérieur d’un logement), elle doit être aidée totalement ou partiellement ou surveillée, ou qu’elle n’assure ces actions qu’avec les plus grandes difficultés. Par exemple, le certificat du Pr [D] [F] du 19 juin 2018 évoque uniquement une difficulté à mener des activités quotidiennes, et celui du Dr [G] [N] du 28 juillet 2018 un retentissement majeur sur la vie personnelle et sociale, des limites aux sorties et des freins à une vie sociale normale. Or ces difficultés rencontrées dans la vie quotidienne, reprises par le jugement et qui encore une fois ne sont

pas niées, doivent être distinguées réglementairement des difficultés dans l’accomplissement des actes élémentaires de la vie quotidienne et de l’atteinte à l’autonomie individuelle, qui sont entendues de manière bien plus restrictive et qui seules peuvent fonder l’attribution d’un taux d’incapacité permanente supérieur ou égal à 80 %.

Ainsi, Mme [H] ne communique aucun élément venant remettre en cause l’appréciation portée sur sa situation par la CDAPH.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu’il a annulé la décision de cette commission du 30 avril 2019 et ordonné à la MDA de verser le complément de ressources à Mme [H], et la demande correspondante sera rejetée.

4. Sur les frais du procès

Le jugement n’a pas statué sur les dépens. La MDA s’étant vu condamner en première instance, et de manière définitive, à verser la PCH à Mme [H], elle sera condamnée aux dépens correspondants.

Mme [H] succombant en appel, elle sera quant à elle condamnée aux dépens de cette procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

CONSTATE le désistement partiel de la maison départementale de l’autonomie de Maine-et-Loire et le dessaisissement de la cour des chefs du jugement ayant :

Annulé la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 28 mai 2019 ;

Ordonné à la maison départementale de l’autonomie de Maine-et-Loire de verser à Mme [Z] [H] une prestation de compensation du handicap sous la forme d’une aide spécifique d’un montant de 100 euros par mois, avec une prise d’effet au mois de février 2019 ;

DÉCLARE irrecevables les demande de Mme [Z] [H] tendant à ce qu’il soit ordonné à la MDA de lui verser un rappel de PCH d’un montant de 625 euros à parfaire pour la période allant du 1er février 2021 à la date de l’arrêt, et dit que le montant de la PCH est de 100 euros ;

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

Annulé la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 30 avril 2019 ;

Ordonné à la maison départementale de l’autonomie à verser à Mme [Z] [H] le complément de ressources pour la période du 16 juillet 2018 au 1er décembre 2019 ;

Statuant à nouveau :

REJETTE la demande de complément de ressources de Mme [Z] [H] ;

CONDAMNE la maison départementale de l’autonomie de Maine-et-Loire aux dépens de première instance ;

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [Z] [H] aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Y. WOLFF

 


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