COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/495
Rôle N° RG 22/14530 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKIE3
Jonction avec
Rôle N° RG 22/15932 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNDG
[J], [C] [S]
[N], [T] [B]
C/
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE CÔTE La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE CÔTE Nicholas BARRY
Le TRÉSOR PUBLIC
Le CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Marc DUCRAY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 13 Octobre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00019.
APPELANTS
Monsieur [J], [C] [S]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 2]
assigné à jour fixe le 15 décembre 2022 à étude
Madame [N], [T] [B]
née le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
assignée à jour fixe le 15 décembre 2022 à étude
(INTIMES DANS LE RG 22/15932)
Tous deux représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Marie-Christine CAPIA de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Xavier DE CRAECKER, avocat au barreau de MARSEILLE
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE CÔTE D’AZUR, immatriculée au R.C.S. de DRAGUIGNAN sous le numéro 415 176 072, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]
en sa qualité de créancier poursuivant inscrit
assignée à jour fixe le 30/11/22 à personne habilitée,
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE CÔTE D’AZUR, immatriculée au R.C.S. de DRAGUIGNAN sous le numéro 415 176 072, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]
en sa qualité de créancier inscrit non poursuivant
assignée à jour fixe le 30/11/22 à personne habilitée
(INTIMÉES DANS LE RG 22/14530)
Toutes deux représentées et plaidant par Me Marc DUCRAY de la SELARL HAUTECOEUR – DUCRAY, avocat au barreau de NICE
Monsieur [M] [K] créancier inscrit au titre de son HJ du 18.03.2011 ( 2011 V N° 466) et bordereau rectificatif du 10.05.2011 ( 2011 V N°766)
demeurant [Adresse 3]
assigné à jour fixe par transmission au Procureur de la Principauté de Monaco le 1er/12/22,
assigné à jour fixe à autorité compétente (PG de Monaco) le 13/12/2022 touché à personne le 03 Janvier 2024.
défaillant
Le TRÉSOR PUBLIC représenté par la Trésorière de [Localité 10], au titre de son HL du 06.09.2013 vol 2013 V N° 1301
domicilié en cette qualité en ses Bureaux sis [Adresse 8]
assigné à jour fixe le 30/11/22 à personne habilitée
assigné le 15 décembre 2022 à étude.
défaillant
Le CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES
créancier inscrit au titre d’une HL du 27.02.2017 ( 2017 V 0339) pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en ses Bureaux sis [Adresse 8]
assigné à jour fixe le 30/11/22 à personne habilitée
assigné le 15 décembre 2022 à étude.
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 Avril 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023, puis prorogé au 29 Juin 2023
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
La Caisse de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur (ci après désignée le Crédit Agricole) poursuit selon commandement de payer délivré le 16 octobre 2020, la vente sur saisie immobilière d’un immeuble appartenant indivisément à monsieur [J] [S] (80 %) et madame [N] [B] (20 %). Il est situé à [Adresse 11], cette mesure est engagée pour avoir paiement d’une somme de 617 563.52 €, selon décompte arrêté au 11 août 2020.
Le Crédit Agricole se prévaut d’un acte notarié établi le 7 juin 2010 en l’étude de Me [Z], notaire à [Localité 7], constatant un prêt de 530 000 euros sur 336 mois au taux nominal de 4% l’an, pour permettre l’acquisition d’un terrain à bâtir sur lequel a été construit l’immeuble saisi.
Le juge de l’exécution de Nice, dans un jugement du 13 octobre 2022 (RG n° 21-0019) a notamment :
– Déclaré recevable le Crédit Agricole en ses demandes,
– Validé la procédure de saisie immobilière pour la somme de 530 000 €, arrêtée au 11 août 2020,
– Fixé la créance du Crédit Agricole au titre de la déclaration de créance du 22 février 2021 à la somme de 230 929,95 € arrêtée au 1er février 2021,
– Autorisé la vente amiable des biens saisis à la somme de 800 000 €, net vendeur,
– Taxé les frais de poursuite à la somme de 2 052.39 euros,
– Dit que les frais taxés seront payés directement par l’acquéreur en sus du prix,
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– Dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles.
Il écartait la prescription de l’action en raison de la suspension de son délai durant une procédure de surendettement, et de l’existence au 15 janvier 2019, d’un commandement de payer aux fins de saisie vente, délivré à l’un des co-débiteurs solidaires, monsieur [S], qui a donc interrompu le délai à l’égard de madame [B] également. Il réduisait l’indemnité forfaitaire conventionnelle, la jugeant excessive de 35 342.92 euros à 3 534 €. Compte tenu de la rédaction de la formule exécutoire sur le titre, il n’admettait la transmission de la créance que pour le principal soit 530 000 euros et non les accessoires de la dette.
Monsieur [S] et madame [B] ont fait appel de la décision par déclaration du 2 novembre 2022 (RG22-14530). Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 15 novembre 2022.
Le Trésor public de [Localité 10] a dans ce dossier, de même que le centre des finances de Cagnes sur mer, été assigné le 30 novembre 2022 à personne habilitée.
Le Crédit Agricole a également fait appel de la décision par déclaration au greffe le 1er décembre 2022 (RG 22-15932). Il a été autorisé à assigner à jour fixe le 7 décembre 2022.
Monsieur [K], créancier inscrit, a été assigné à sa personne, le 3 janvier 2023.
En application de l’article 922 du code de procédure civile, toutes les assignations délivrées ont été régulièrement déposées.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 11 avril 2023, auxquelles il est renvoyé, monsieur [S] et madame [B] demandent à la cour de :
– les recevoir en leur appel et les dire bien fondés,
– réformer la décision dont appel,
– réformer la décision en ce qu’elle a jugé que la suspension du droit d’agir dans les relations entre l’intimée et monsieur [S] impliquait la suspension de la prescription dans ses relations avec madame [B],
– déclarer que cette suspension n’affectait en aucun cas le droit de la Caisse de Crédit Agricole de poursuivre madame [B],
– déclarer qu’aucun acte interruptif de prescription n’a été délivré par la Caisse Régionale de Credit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur à madame [N] [B] depuis la déchéance du terme du 18 juillet 2014 et en tous les cas pendant plus de deux ans antérieurement au commandement aux fins de saisie vente délivré à monsieur [S] le 15 janvier 2019,
– déclarer prescrite l’action de la Caisse Regionale de Credit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur à l’encontre de madame [B],
– juger en conséquence que le commandement aux fins de saisie immobilière est nul et de nul effet,
– prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 16 octobre 2020 à monsieur [S] et madame [B].
– ordonner la radiation de ce commandement,
– débouter la Caisse Regionale de Credit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur de toutes ses demandes,
– déclarer que les documents contractuels ne permettent pas la verification du montant visé dans le commandement aux fins de saisie immobilière,
– juger en consequence le commandement frappé de nullité,
– ordonner la radiation de ce cormnandement,
– débouter la Caisse Regionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur de toutes ses demandes,
Subsidiairement :
– annuler la clause pénale et la déduire du montant mis à la charge de monsieur [S] et de madame [B], celle-ci étant excessive au regard de leur situation respective,
– confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a jugé que l’acte notarié ne pouvait étre exécutoire que pour un montant de 530 000 euros,
– confirmer la décision dont appel qui a autorisé les appelants à vendre le bien à l’amiable pour un montant de huit cent mille euros.
Y ajoutant,
– réformer la décision dont appel en ce qu’elle a fixé des délais de réalisation de la vente amiable,
– déclarer que les délais assortissant l’autorisation de vente amiable seront fixés par le juge de l’exécution devant lequel, dans l’hypothese où la cour de céans ne jugerait pas 1’action du Crédit Agricole suspendue, la procedure sera renvoyée,
En tout état de cause,
– débouter la Caisse Regionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur de toutes ses demandes,
– condamner la Caisse Regionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils invoquent une prescription biennale sur le fondement de l’article L218-2 du code de la consommation, leur bénéficiant en rappelant que la déchéance du terme a été prononcée le 18 juillet 2014 par LRAR du Crédit Agricole. Aucun acte interruptif de prescription n’a été fait à l’égard de madame [B] et le premier juge a commis une erreur en retenant que la suspension de prescription pour cause de surendettement, s’appliquait au co-emprunteur solidaire, ce qui est faux, car cela n’est valable que pour l’interruption, car la suspension a un caractère personnel. Il fallait donc pour la banque établir une impossibilité absolue d’agir contre madame [B], ce qu’elle ne démontre pas. Cela entache la validité du commandement de payer qui est donc nul et madame [B] étant indivisaire, aucune procédure de saisie immobilière ne peut être diligentée à défaut de créance exigible à son encontre. Cela affecte également toute la procédure de saisie immobilière. Ils affirment n’avoir fait aucun paiement interruptifs de prescription depuis la déchéance du terme, ceux invoqués par le créancier ne peuvent émaner que de la CNP. Les écritures de monsieur [S] devant la cour d’appel ne valent pas reconnaissance de la dette, elles ne font que rappeler les prêts contractés et leurs caractéristiques.
Le Crédit Agricole ne justifie pas d’un décompte au commandement faisant apparaître les montants et dates des échéances impayées, à l’évidence, certaines sommes sont prescrites, il est impossible de vérifier le calcul des sommes, car il ne mentionne que le capital dû pour 504 564.33 €. Le tableau d’amortissement ne porte que des numéros d’échéances et pas de dates ce qui empêche les vérifications. Des problèmes de santé sont à l’origine de la déchéance du terme, ils se trouvent dans une situation inextricable, la clause pénale est excessive et doit être supprimée. De plus, la formule exécutoire du prêt ne mentionne que le principal de 530 000 €, il n’y a pas lieu d’admettre la saisie au delà de cette mention exécutoire. Enfin, ils justifient de la valeur du bien et demandent confirmation de la vente amiable mais dont les délais seront effectifs à compter de la décision du juge de l’exécution se voyant renvoyer le dossier. Ils ont clairement fait appel sur les délais accordés pour procéder à la vente amiable.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 3 avril 2023 (RG 22-14530) et du 6 décembre 2022 (RG22-15932) auxquelles il est ici renvoyé, le Crédit Agricole demande à la cour de :
– ordonner la jonction de l’affaire RG 22/14530 avec l’affaire RG 22/15932 qui correspondent à un appel du même jugement d’orientation du 13 octobre 2022 ;
– debouter monsieur [J] [S] et madame [N] [B] de l’ensemble de leurs demandes ;
– confirmer le jugement du 13/10/2022 rendu par le Juge de l’exécution en matière de saisie immobilière (RG 22/00019) minute n° 22/00224 en ce qu’il a :
* Déclaré recevable le Crédit Agricole en ses demandes ;
* Fixé la créance du Crédit Agricole au titre de la déclaration de créance du 22 février 2021 à la somme de 230 929,95 € arrêtée au 1er février 2021;
* Autorisé la vente amiable des biens saisis ;
* Fixé à la somme de 800 000 € net vendeur le prix en deçà duquel les biens ne peuvent être vendus ;
* Taxé les frais de poursuite à la somme de 2052,39 €,
* Dit que les frais taxés seront payés directement par l’acquéreur en sus du prix,
* Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du 9 février 2023,
* Dit que le jugement sera annexé aux cahier des conditions de vente,
* Ordonné la mention du jugement en marge de la copie du commandement publié,
– infirmer le jugement du 13/10/2022 rendu par le Juge de l’exécution en matière de saisie immobilière (RG 22/00019) minute n° 22/00224 en ce qu’il a :
* sur appel principal du Crédit Agricole, en qualité de créancier poursuivant, selon acte de Me [Z]
– Validé la procédure de saisie immobilière pour la somme de 530 000 €, arrêtée au 11 août 2020, au lieu de la somme visée au commandement à savoir au 11/08/2020, la somme de 617 563,52 € sous réserve des intérêts au taux contractuellement prévu, courus du 12/08/2020 au jour du parfait règlement pour mémoire ;
– réduit la clause pénale à la somme de 3 534 € ;
– limité le montant de la créance exigible à la somme de 530 000 euros au motif que la rédaction de la formule exécutoire de l’acte notarié du 7 juin 2010, précise expréssement ‘pour valoir titre exécutoire à concurrence de la somme principale de 530 000 €’ sans faire référence aux sommes accessoires,
Et statuant à nouveau :
– valider la procédure de saisie immobilière,
– fixer la créance du Crédit Agricole, créancier poursuivant, à la somme de 610 837,59 euro au 11/08/2020 se décomposant en 607.499,91 € au titre de l’acte notarié sous réserves des intérêts au taux contractuellement prévu, courus du 12/08/2020 au jour du parfait règlement
pour mémoire et au titre des frais et émoluments selon EDF 16/1941 de prise d’hypothèques à hauteur de 3 337,68 € ;
– constater le désistement d’appel partiel du Crédit Agricole, en sa qualité de créancier inscrit, au titre d’un jugement et d’un arrêt n°2020/43 rendu le 6 février 2020 de son appel principal (RG 22/15932 ) portant sur le jugement d’orientation en ce qu’il a rejeté les états de frais de prise d’hypothèques judiciaire savoir :
* L’état de frais (n° 21/1113) à hauteur de 3108,80 € à défaut de justifier d’une mention d’absence de contestation après l’obtention du certificat de vérification,
* et l’état de frais à hauteur de 3 617,12 € qui n’a fait l’objet d’aucune demande de vérification,
– condamner solidairement monsieur [J] [S] et madame [N] [B] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
– ordonner l’emploi des dépens de la saisie immobilière en frais privilégiés de vente, qui comprendront le coût des visites, établissement des divers certificats et diagnostics ou réactualisation des diagnostics.
Le Crédit Agricole indique que c’est par erreur qu’il a été fait appel du rejet des prises d’inscription d’hypothèques de 3 108.80 € et de 3 617.12 €, de sorte qu’il se désiste sur ce point.
Le Crédit Agricole ne remet pas en cause le principe d’une prescription biennale sur le fondement de l’article L218-2 du code de la consommation mais en conteste l’acquisition. La mise en demeure préalable à la déchéance du terme, a été faite le 18 juillet 2014 par pli remis à monsieur [S] le 23 juillet 2014, madame [B], elle n’a pas retiré le pli. Cela lui laissait jusqu’au 7 août 2016 (15 jours et 2 ans après la mise en demeure) pour agir en paiement, des règlements ont été faits par monsieur [S] qui sont interruptifs en application de l’article 2240 du code civil, les 27 août 2014, 7 octobre 2014 et 1er avril 2015. Ainsi la prescription biennale était reportée au 1er avril 2017. Par la suite, un plan de surendettement a été mis en oeuvre à la suite d’une saisine de la commission le 25 janvier 2016 et d’une recevabilité le 9 février 2016. En déclarant ses dettes, monsieur [S] les a admises. Un plan conventionnel de règlement a été homologué le 12 juillet 2016 à effet du 31 août 2016 avec un moratoire jusqu’au 31 août 2018, ce qui a suspendu l’action du Crédit Agricole, ce qui devait permettre la vente du bien immobilier. En application de l’article 2245 du code civil l’interpellation de l’un des co-débiteurs solidaires interrompt le délai de prescription pour les autres également. Par une assignation du 9 juin 2015, et des conclusions du mois de mai 2017, monsieur [S] a agi à l’encontre de la CNP Assurances, et du Crédit Agricole de [Localité 7] pour la prise en charge du remboursement, ce qui est également une reconnaissance de sa dette et a également interrompu la prescription. Le 15 janvier 2019, le Crédit Agricole a procédé à un commandement aux fins de saisie vente, également interruptif envers monsieur [S] et donc sa co-débitrice solidaire, outre d’autres commandements pour saisie vente, le 4 janvier 2021, le 22 décembre 2022 et le 3 janvier 2023.
Conformément aux exigences de l’article R321-3 du code des procédures civiles d’exécution, le commandement comprend un décompte des sommes dues en principal, frais et intérêts étant rappelé que les emprunteurs ont cessé les paiements depuis le 10 avril 2014. La clause pénale conforme aux dispositions de l’article R313-28 du code de la consommation n’est nullement excessive, elle a en outre été contractuellement fixée. Elle compense les frais de gestion, des intervenants et de procédure que la banque a été contrainte d’exposer depuis 2014. Concernant le titre notarié, il n’est pas nécessaire de mentionner la créance en tous ses éléments dans la formule exécutoire, il suffit que la copie exécutoire en donne tous les éléments. Il est souligné dans la formule exécutoire que la somme ne correspond qu’au principal mais l’ensemble des dispositions contractuelles du titre s’impose et non pas seulement partie d’entre elles. La vente amiable a été autorisée, et les débiteurs ont sollicité confirmation de ce chef, mais n’ont pas vendu, il n’y a pas de nouveau délai à faire courir, l’adjudication aura lieu à la date fixée par le juge de l’exécution en juillet 2023.
Monsieur [K], créancier inscrit, assigné à Monaco, le 1er décembre 2022 et le 13 décembre 2022, a été touché à personne, le 3 janvier 2023.
Le centre des finances publiques, le Trésor Public de Cagnes sur mer, assignés à personne habilitée, le 30 novembre 2022 par les appelants dans le dossier RG22-14530 et à l’étude de l’huissier de justice le 15 décembre 2022 dans le dossier RG 22-15932N’ont pas constitué avocat.
La décision sera réputée contradictoire.
Lors de l’audience, une note en délibéré a été autorisée par la cour d’appel concernant les acomptes qui auraient été versés en 2014 et 2015 par monsieur [S] et madame [B].
Le Crédit Agricole par note en délibéré du 14 mai 2023, a communiqué les relevés bancaires des débiteurs, sur lesquels apparaissent de acomptes.
Monsieur [S] et madame [B] ont répliqué par note en délibéré du 23 mai 2023 en sollicitant le rejet de ces pièces communiquées en délibéré, car contraires au principe du contradictoire et sur lesquelles ils n’ont pu s’expliquer alors qu’en application de l’article 906 du code de procédure civile elles auraient dû être communiquées simultanément aux conclusions. Ils envisagent également une réouverture des débats.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Il est d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des procédures n° RG 22-14530 et n° RG 22-15932 sous le premier des deux numéros dans la mesure où les deux procédures concernent l’appel du même jugement. Aucune opposition n’a d’ailleurs été exprimée par les parties à ce titre.
* sur la note en délibéré :
Lors de l’audience de plaidoiries, les parties ont été autorisées à une note en délibéré sur les acomptes versés en 2014 et 2015 au Crédit Agricole dès lors qu’il les imputait aux débiteurs et que ces derniers affirmaient qu’ils n’en étaient pas à l’origine, ces versements ayant été, selon eux, réalisés par la compagnie d’assurance CNP.
La note en délibéré est admise lorsque une juridiction sollicite de la part des parties des éclaircissements sur des points de droit ou de fait. Il doit être admis également pour accompagner la réponse des parties et dans le strict cadre des éclaircissements demandés, la communication de pièces susceptibles d’étayer la réponse et de modifier l’opinion du juge.
Contrairement à ce que soutiennent monsieur [S] et madame [B], il n’y a pas là manquement au contradictoire, puisqu’ils ont également été autorisés à une note en délibéré, et donc à la contradiction qui ne les empêchait nullement eux mêmes d’apporter des éléments complémentaires. Les dispositions de l’article 909 du code de procédure civile, ne sont pas applicables à la note en délibéré, les pièces produites seront donc admises.
* sur la prescription de l’action en paiement :
Il est acquis aux débats, que le prêt souscrit par monsieur [S] et madame [B] est soumis aux dispositions de l’article L218-2 du code de la consommation, lequel dispose, que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Aux termes de l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
En l’espèce, il a été rappelé ci dessus, qu’à la suite d’impayés, le Crédit Agricole a mis en demeure les emprunteurs, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2014 de régulariser la situation sous quinzaine, à défaut de quoi ils encouraient le risque d’une déchéance du terme.
Le Crédit Agricole expose que ce pli a été remis à monsieur [S] le 23 juillet 2014, et que madame [B], elle, n’a pas retiré le pli. En raison de la solidarité passive, il convient effectivement de retenir, comme le propose le créancier, que le délai de régularisation des paiements a expiré le 7 août 2014, date que la cour retiendra au titre de la déchéance du terme. Il revient donc à la banque de justifier d’un acte interruptif de prescription à l’égard des débiteurs.
Par application de l’article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
La banque soutient que des paiements ont eu lieu en 2014 et 2015 qui vaudraient reconnaissance de leur dette par les emprunteurs, ce que ces derniers contestent. Les dates en sont indiquées au 27 août 2014, 7 octobre 2014 et 1er avril 2015 qui figurent au titre d’acomptes sur le calcul de créance établi par le crédit agricole à la date du 11 août 2020 (pièce 6) pour un montant total de créance affirmé de 607 499.91 euros. Autorisée par la cour comme ses adversaires procéduraux à une note en délibéré, afin de déterminer l’origine des fonds versés, la banque a produit les relevés bancaires de monsieur [S] et madame [B], qui disposaient auprès de l’établissement de [Localité 7], d’un compte joint numéro 43621768760, sur lequel apparaissent en débit deux des versements invoqués, à savoir, le 27 août 2014, un virement [S] [J] de 5 470.17 euros et le 7 octobre 2014, un acompte retard de 5 338.60 €. Le 3ème acompte du 1er avril 2015 n’est pas justifié en son origine, il ne sera pas retenu par la cour. Il est donc démontré que les débiteurs depuis leur compte commun en versant des acomptes, ont reconnu après la déchéance du terme, la créance du Crédit Agricole. Ces actes interruptifs doivent être admis soit pour le dernier le 7 octobre 2014 ce qui reporte au 7 octobre 2016, le délai de prescription.
Selon l’article 2245 du code civil en son premier alinéa, l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
Il ne résulte pas de l’acte d’assignation devant le tribunal de grande instance de Nice, le 9 juin 2015, à l’initiative de monsieur [S] ou de ses conclusions dans ladite instance du 23 mai 2017 (pièce 13) qu’il ait reconnu sa dette et donc celle de sa co-débitrice solidaire devant le tribunal. Au contraire décrivant les relations contractuelles, il évoquait en page 10, la prescription de l’action en paiement de la banque sur le fondement de l’article L137-2 du code de la consommation (page 11).
Le Crédit Agricole n’invoque pas dans ses écritures actuelles, d’acte avant le 15 janvier 2019 qui aurait eu pour effet d’interrompre la prescription. Certes est produit aux débats un procès verbal de saisie délivré le 10 février 2016 et dénoncé à monsieur [S] le 16 février 2016 sur des droits d’associés et valeurs mobilières, mais la valeur interruptive de cet acte n’a pas été soutenue par le créancier poursuivant qui se réfère à un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2018 n° 17-17481, privant de tout effet interruptif un commandement aux fins de saisie vente délivré après la recevabilité du dossier de surendettement. Malgré l’existence de cet acte, dont le créancier admet qu’il est inopérant, la prescription à l’encontre de madame [B], est donc acquise le 7 octobre 2016, deux ans après le dernier acompte démontré.
En effet, et comme le soutiennent monsieur [S] et madame [B], l’interruption de prescription et la suspension de la prescription n’ont pas les mêmes aspects pour les co-débiteurs solidaires. La procédure de surendettement qui profite à monsieur [S], est basée sur un motif personnel, qui ne bénéficie pas au co-débiteur solidaire et dont ce dernier ne peut se prévaloir. La Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2017 (n°15-25519) a rappelé que la procédure de surendettement n’interrompt pas le délai de prescription de l’action en paiement et les dispositions invoquées par le Crédit Agricole, au titre de l’article L721-5 du code de la consommation ne sont entrées en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2018 pour les nouveaux dossiers, car issues de la loi 2017-203 du 21 février 2017, ce qui ne remet donc pas en cause la jurisprudence précitée et l’analyse du dossier par la présente cour.
A l’égard de madame [B] un commandement délivré le 15 janvier 2019 à monsieur [S] ou le 16 octobre 2020 en vue de la saisie immobilière, aux deux co-débiteurs, ne peuvent faire renaître l’action en paiement.
Le Crédit Agricole du fait du surendettement bénéficiant à monsieur [S] pouvait toujours agir à l’encontre de madame [B] en application de l’article 2245 du code civil, ce qu’il n’a pas fait dans les délais impératifs. La prescription de son action en paiement est acquise à l’encontre de madame [B].
Concernant monsieur [S], il y a eu suspension du délai d’action par la décision de recevabilité prononcée par la commission le 9 février 2016, l’élaboration du plan de surendettement le 31 août 2016, avec un moratoire de deux années menant jusqu’au 31 août 2018 destiné à la vente du bien immobilier pour apurer le passif.
En effet, l’article L. 331-3-1 du Code de la consommation dispose que : « la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre du débiteur ainsi que des cessions de rémunérations consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires.»
Depuis le 31 août 2018, et dans le délai biennal ayant recommencé à courir, le Crédit Agricole a fait délivrer à monsieur [S] plusieurs actes interruptifs de prescription à savoir, un commandement de saisie vente le 15 janvier 2019, un commandement de payer valant saisie vente le 21 décembre 2022 alors au demeurant que la saisie immobilière était engagée. A son endroit, la créance n’est pas prescrite.
La prescription de l’action en paiement à l’égard de madame [B] n’a pas pour effet de priver de validité le commandement délivré à monsieur [S] dans le cadre de la saisie immobilière. Il n’y a pas lieu d’annuler la procédure ni à procéder à la radiation sollicitée.
L’existence d’une indivision n’étant pas un obstacle à la vente, Mme [B], co-débitrice solidaire étant informée de la procédure et ayant fait valoir ses droits, ne peut utilement s’y opposer
* sur l’indétermination du montant de la créance :
L’article R321-3 exige outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, que le commandement de payer valant saisie immobilière comporte l’indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré et le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts moratoires.
Le commandement de payer délivré le 20 octobre 2020 énonce un principal de 504 898.79 €, le capital restant dû au titre de l’emprunt, il consacre une colonne aux intérêts par période de temps, avec leur cumul, et leur taux à 4% l’an et prise en compte du moratoire accordé durant le surendettement. Ce décompte est conforme.
* sur la portée du titre exécutoire :
Selon l’acte authentique établi par Me [Z], notaire à [Localité 7], le 7 juin 2010, monsieur [S] et madame [B] afin de financer l’acquisition de l’immeuble à [Localité 10], ont contracté un emprunt dénommé ‘facilimmo’ d’un montant de 530 000 euros en principal avec une première échéance en juillet 2010 et une dernière en juin 2041, au taux hors assurance de 4% l’an. Le montant des échéances est spécifié et ventilé en deux financements, l’un garanti par une inscription de privilège du prêteur de deniers (310 000 €), l’autre par une hypothèque conventionnelle (220 000 €). Les conditions financières et particulières du financement constituent les pages 9 à 13 de l’acte authentique, approuvées par les parties qui y ont apposé leur signature. L’offre de prêt et le tableau d’amortissement ont été intégrés à l’acte authentique constitué de 56 pages et en fin d’acte, est portée la formule exécutoire discutée à savoir : ‘Pour valoir titre exécutoire à concurrence de la somme principale de : cinq cent trente mille euros’.
La cour ne suivra pas les emprunteurs lorsqu’ils considèrent que cette mention ne consacre que partiellement la créance qui ne serait exécutoire qu’à hauteur du principal. En effet, l’acte authentique intègre de manière précise les obligations des parties, la mention discutée ne peut être isolée du reste de l’acte, et indique bien que le montant correspond certes au principal de la dette, mais sans exclure ses accessoires, notamment les intérêts, sauf à dénaturer l’intention des parties.
Le titre authentique vaut donc également ‘implicitement pour les intérêts et accessoires échus et à liquider ‘ comme l’a d’ailleurs admis la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 05/12/2002 (n°01-11.271).
* sur la réduction de la clause pénale :
L’article R313-28 du code de la consommation limite à 7% du capital restant dû et des intérêts, échus et non versés. Cette indemnité peut être réduite lorsqu’elle est manifestement excessive.
Le montant sollicité par le Crédit Agricole est de 35 342.92 €, donc le montant maximum autorisé par la loi, sur la base d’un principal de 504 898 €. Le prêt avait été contracté le 7 juin 2010, la déchéance du terme prononcée en août 2014 en raison de difficultés de santé de monsieur [S] privé d’emploi par la suite. Le taux d’intérêt est de 4 % l’an, il continue de courir sur les montants impayés. L’ensemble de ces éléments justifie la réduction de l’indemnité forfaitaire à un montant de 15 000 €, celui réclamé étant effectivement manifestement excessif au regard des éléments d’espèce.
La décision sera donc infirmée de ce chef.
* sur la vente amiable :
Monsieur [S] et madame [B] ont obtenu devant le premier juge une autorisation de vente amiable dont ils sollicitent confirmation mais demandent à la cour de statuer sur les délais lesquels résultent directement des dispositions du code des procédures civiles d’exécution, de sorte qu’il n’y a pas à statuer de ce chef.
Lorsqu’elle est accordée, la vente amiable fait nécessairement l’objet d’un jugement, le délai accordé pour procéder à la vente amiable est de 4 mois, que l’on peut prolonger de trois mois supplémentaires et dont le juge de l’exécution vérifie le respect. Il n’y a pas lieu de réformer la décision puisque ces délais résultent des textes eux mêmes, ils ne sont pas à fixer par le juge qui doit seulement en vérifier le respect, sauf contrainte d’audiencement.
* sur les autres demandes :
Le calcul de la créance n’étant dès lors pas utilement critiqué à l’égard de monsieur [S], elle sera fixée à la somme de 572 156.99 € selon décompte arrêté au 10 août 2020, plus intérêts au taux de 4% l’an à compter du 11 août 2020 outre une clause pénale de 15 000 € portant intérêt au taux légal à compter du 11 août 2020.
Il est inéquitable de laisser à la charge du Crédit Agricole les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, mise à la charge de monsieur [S] qui succombe en l’essentiel de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,
ORDONNE la jonction des procédures n° RG 22-14530 et n° RG 22-15932 sous le premier des deux numéros, soit le n° RG 22-14530,
DIT n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces adressées à la cour au titre d’une note en délibéré qu’elle avait autorisée,
CONSTATE le désistement d’appel du Crédit Agricole en sa qualité de créancier inscrit au titre du rejet de l’état de frais (n° 21/1113) à hauteur de 3108,80 € à défaut de justifier d’une mention d’absence de contestation après l’obtention du certificat de vérification, et de l’état de frais à hauteur de 3 617,12 € qui n’a fait l’objet d’aucune demande de vérification,
INFIRME partiellement la décision déférée concernant, la prescription de l’action envers madame [B], le montant de la créance, la clause pénale,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DIT prescrite à l’égard de madame [B], l’action en paiement,
VALIDE à l’égard de monsieur [S] la procédure de saisie immobilière,
FIXE la créance de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur, en sa qualité de créancier poursuivant, à la somme de :
* 572 156.99 € selon décompte arrêté au 10 août 2020, plus intérêts au taux de 4% l’an à compter du 11 août 2020
* une clause pénale de 15 000 € portant intérêt au taux légal à compter du 11 août 2020,
CONFIRME pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires au présent arrêt,
REJETTE toute autre prétention,
Y ajoutant,
CONDAMNE monsieur [S] à payer au Crédit Agricole la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
RENVOIE les parties devant le premier juge pour reprise de la procédure,
ORDONNE l’emploi des dépens de la saisie immobilière en frais privilégiés de vente, qui comprendront le coût des visites, établissement des divers certificats et diagnostics ou réactualisation des diagnostics.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE