Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/13550

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/13550

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/ 478

Rôle N° RG 22/13550 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKEXM

[C] [A]

C/

S.C.I. POLEVALMER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric BERENGER

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal d’Instance de FREJUS en date du 24 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18-000650.

APPELANT

Monsieur [C] [A]

né le 15 Juin 1967 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Justine DUVIEUBOURG, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

S.C.I. POLEVALMER

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Marie SOYER, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Ophélie MONNIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, Conseillère,a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Polevalmer constituée en 1989 comprend quatre associés : monsieur [J] [A], monsieur [C] [A], monsieur [U] [A] et madame [B] [A]. La SCI Polevalmer est propriétaire depuis le 20 mars 2001 d’une maison à usage d’habitation outre terrain et vignes située [Adresse 5], cadastrés [Cadastre 2], à [Localité 6] (83). Ce bien était occupé par monsieur [C] [A].

A la suite du décès de monsieur [J] [A], les porteurs de parts de la SCI Polevalmer sont monsieur [G] [F], monsieur [C] [A], monsieur [U] [A] et madame [B] [A] épouse [D].

Par ordonnance du 24 octobre 2017, un mandataire de la SCI a été désignée et une assemblée générale convoquée aux termes de laquelle monsieur [G] [F] a été désigné gérant de la SCI Polevalmer.

Le 23 avril 2018, monsieur [G] [F] a fait délivrer à monsieur [C] [A] un commandement de quitter les lieux, puis l’a assigné en expulsion.

Par jugement en date du 24 juin 2019, le juge du tribunal d’instance de Fréjus a :

rejeté la fin de non recevoir tirée de l’absence de qualité à agir de monsieur [G] [F],

ordonné l’expulsion de monsieur [C] [A] et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 5], cadastrés [Cadastre 2], à [Localité 6] (83), au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement d’avoir à quitter les lieux, conformément aux dispositions de l’article L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

fixé l’indemnité d’occupation mensuelle à 5 000 euros, ce à compter du 21 août 2016 et jusqu’à libération des lieux,

rejeté la demande de délai de monsieur [C] [A],

condamné monsieur [C] [A] au paiement des dépens outre à payer à la SCI Polevalmer la somme de 1 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Selon déclaration reçue au greffe le 27 juin 2019, monsieur [C] [A] a interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Une procédure a été engagée devant le juge de l’exécution à la suite de deux saisies-attributions et d’une demande de délai présentée par monsieur [C] [A] pour quitter les lieux. Par jugements des 1er décembre 2020 et 5 octobre 2021, le juge de l’exécution de Draguignan a débouté monsieur [C] [A] de ses demandes.

Le tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus a également été saisi aux fins de reconnaissance d’un bail rural verbal.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la demande de suspension de l’exécution provisoire présentée par monsieur [C] [A] devant le premier président de la cour d’appel a été rejetée.

Par conclusions transmises le 24 septembre 2020, auxquelles il était renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [C] [A] demandait à la cour de :

In limine litis :

ordonner le sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive du tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus saisi d’une demande visant à faire reconnaître l’existence d’un bail verbal à son profit,

Au fond :

réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur la procédure :

À titre principal :

‘ déclarer monsieur [G] [F] irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir,

‘ débouter monsieur [G] [F] de ses demandes,

À titre subsidiaire :

‘ déclarer irrecevable les demandes de la SCI Polevalmer faute de décision d’assemblée générale conférant à monsieur [G] [F] le pouvoir d’engager la SCI dans une action en justice,

‘ débouter la SCI Polevalmer de ses demandes,

Statuant à nouveau au principal :

À titre principal :

‘ dire qu’il occupe les lieux en vertu d’une autorisation accordée par son père alors gérant de la SCI Polevalmer en contrepartie de l’entretien de la propriété et de l’exploitation des vignes,

‘ dire qu’un bail verbal a été conclu à son bénéfice,

‘ débouter la SCI Polevalmer de ses demandes,

À titre subsidiaire, en l’absence de reconnaissance de bail verbal :

‘ fixer l’indemnité d’occupation à 2 000 euros par mois,

‘ à défaut, ordonner une expertise afin de déterminer le montant de l’indemnité d’occupation en tenant compte des particularités du bien,

‘ fixer comme point de départ de l’indemnité d’occupation la signification du jugement rendu par le tribunal d’instance de Fréjus, ou, à titre subsidiaire, la date de la sommation de quitter les lieux valant mise en demeure, soit le 23 avril 2018,

‘ lui accorder un délai de 3 ans pour quitter les lieux,

‘ condamner la SCI Polevalmer au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code civil outre les dépens.

Par conclusions transmises le 25 septembre 2020, auxquelles il était renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Polevalmer, représentée par son gérant, monsieur [G] [F], sollicitait de la cour qu’elle :

déboute monsieur [C] [A] de sa demande de sursis à statuer,

déboute monsieur [C] [A] de sa demande de voir dire y avoir lieu à question préjudicielle,

confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant, condamne monsieur [C] [A] au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par arrêt du 19 novembre 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

‘ ordonné le sursis à statuer sur l’ensemble des demandes dans l’attente de la décision définitive du tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus quant au litige opposant monsieur [C] [A] à la SCI Polevalmer s’agissant de la reconnaissance ou non d’un bail rural à son profit,

‘ prononcé la radiation de l’affaire enrôlée sous le numéro 19/10408 du rang des affaires en cours,

‘ invité la partie la plus diligente à en solliciter la réinscription dès la cause du sursis réalisée,

‘ réservé les dépens.

Par décision du 18 janvier 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus a débouté monsieur [C] [A] de sa demande en reconnaissance d’un bail rural. Ce jugement n’a pas été frappé d’appel.

Le 5 mai 2022, monsieur [C] [A] a quitté les lieux. Un procès-verbal de reprise a été dressé le 18 mai 2022 et les serrures du bien ont été changées.

Par conclusions du 11 octobre 2022, monsieur [C] [A] a sollicité la remise au rôle de l’affaire qui a été de nouveau enregistrée le 12 octobre 2022.

Par dernières conclusions transmises le 12 mai 2023, auxquelles il était renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [C] [A] demande à la cour de :

‘ prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture,

‘ condamner la SCI Polevalmer à lui payer la somme de 5 000 € pour absence de loyauté des débats et au vu du préjudice subi,

Au fond :

réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau:

Sur la procédure :

‘ déclarer monsieur [G] [F] irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir,

‘ déclarer irrecevable les demandes de la SCI Polevalmer faute de décision d’assemblée générale conférant à monsieur [G] [F] le pouvoir d’engager la SCI dans une action en justice,

Sur le fond :

À titre principal :

‘ juger qu’il bénéficie d’un bail verbal soumis à la loi du 6 juillet 1989,

‘ débouter la SCI Polevalmer de ses demandes,

‘ décider et ordonner sa réintégration des lieux à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

À titre subsidiaire, en l’absence de reconnaissance de bail verbal :

‘ fixer l’indemnité d’occupation à 2 000 euros par mois,

‘ fixer comme point de départ de l’indemnité d’occupation la signification du jugement rendu par le tribunal d’instance de Fréjus, ou, à titre subsidiaire, à la date de la sommation de quitter les lieux valant mise en demeure le 23 avril 2018,

‘ fixer comme date de fin de l’indemnité d’occupation le 5 mai 2022, date à laquelle il a quitté les lieux,

‘ condamner la SCI Polevalmer à lui payer la somme de 378 764 € correspondant aux frais, travaux et entretien de la propriété supportés personnellement par lui de 2015 à courant 2021,

‘ décider et ordonner la compensation des sommes dues,

À titre infiniment subsidiaire :

‘ nommer un expert afin de déterminer le montant de l’indemnité d’occupation en tenant compte des particularités du bien,

En tout état de cause :

‘ débouter la SCI Polevalmer de toutes ses demandes,

‘ condamner la SCI Polevalmer à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

‘ décider de la compensation des sommes dues,

‘ condamner la SCI Polevalmer au paiement d’une somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code civil outre les dépens.

A titre liminaire, monsieur [C] [A] soulève le manquement de l’intimée à la loyauté des débats, faisant valoir qu’après avoir constitué un nouvel avocat en novembre 2022, et après avoir été avisée le 20 mars 2023 de la clôture au 16 mai 2023, celle-ci n’a conclu, par écritures totalement remaniées, que 6 jours avant, soit le 10 mai. Il invoque donc une violation des articles 135 et 15 du code de procédure civile et soutient subir un préjudice ayant dû répliquer en urgence.

Ensuite, monsieur [C] [A] sollicite la réformation de la décision entreprise.

Monsieur [C] [A] soulève d’abord le défaut de qualité à agir de monsieur [G] [F] qui a agi, non pas au nom de la SCI, mais en son nom personnel, et qui, en tout état de cause, ne dispose d’aucune autorisation de l’assemblée générale de la société l’y autorisant.

En outre, au fond, monsieur [C] [A] soutient qu’il bénéficie d’un bail verbal lui permettant d’occuper le bien, ce à raison de l’autorisation jamais révoquée que lui a délivrée son père et compte tenu des paiements intervenus, puisque la contrepartie de son occupation tenait en l’entretien de la villa, en l’exploitation des vignes, en la réalisation des travaux dans la villa et dans le paiement des impôts. Il affirme la véracité de l’autorisation de son père à partir d’une note de ce dernier (pièce 3) ainsi que des courriers des 7 novembre 2012 et 3 octobre 2013 produits par l’intimée. Il assure que tous les associés étaient informés de cet accord, lui permettant de résider dans le domaine des Rapugues, d’en assumer les charges en contrepartie, et, d’avoir la possibilité de louer le bien pour couvrir les dépenses. Il conteste donc tout caractère provisoire de l’autorisation donnée et assure que son père lui avait confié la responsabilité opérationnelle de la propriété, ayant prévu également de lui transférer l’exploitation des vignes jouxtant la villa. Il ajoute que la SCI n’a jamais remis en cause cet accord depuis 2016 et pendant plusieurs années. Il assure qu’il avait établi en ce lieu sa résidence principale, ne louant le bien que pendant quelques mois chaque année. S’agissant de la contrepartie à l’occupation, monsieur [C] [A] indique que si aucun loyer n’a été payé, il a pris en charge l’exploitation des vignes, les travaux dans la villa, l’ensemble des frais d’entretien de la villa et le paiement des impôts. Il se défend d’avoir conservé les fruits de l’exploitation de la propriété qu’il assure avoir transmis à la SCI. Ainsi, il assure avoir assumer de 2015 à 2021 un total de 378 467 € de frais et travaux, somme correspondant aux 50 000 € d’indemnité d’occupation retenus par le tribunal, ce qui caractérise une contre partie sérieuse, réelle et proportionnée.

Concernant, par ailleurs, l’indemnité d’occupation, monsieur [C] [A] soutient qu’il bénéficiait d’un bail verbal, de sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’est justifiée. Il indique en outre que du 2 août 2016 à 2018, il n’a pas bénéficié d’une jouissance exclusive du bien, de sorte qu’il ne peut être fixé une quelconque indemnité sur cette période, le bien étant d’ailleurs loué partiellement à des tiers sur cette période. Il s’oppose donc à toute fixation rétroactive de cette indemnité d’occupation. Il entend par ailleurs que le quantum de l’indemnité d’occupation retenu soit ramené à de plus justes proportions, l’intimée ne justifiant pas de la valeur locative du bien, du moins de manière contradictoire. S’agissant du rapport de madame [Z] du 27 février 2023, il dénonce son caractère non contradictoire et en conteste les conclusions. Aussi, à titre subsidiaire, il demande une expertise du bien pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation qui ne peut dépasser 2 000 € par mois selon lui. S’agissant de la période à prendre en compte, l’appelant soutient qu’une indemnité d’occupation ne peut pas lui être réclamée avant la signification de la décision de première instance, ou, à défaut, la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux du 23 avril 2018 puisque jusqu’alors son autorisation d’occuper les lieux, connue de tous, n’avait pas été remise en cause.

De plus, à titre subsidiaire, pour le cas ou la cour ne retiendrait pas l’existence d’un bail verbal, monsieur [C] [A] entend obtenir la compensation des sommes dues par lui avec les frais engagés par lui au titre des travaux réalisés dans la villa. L’appelant soutient qu’il s’agit d’une demande accessoire à la demande initiale et est donc parfaitement recevable au regard des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. Il affirme justifier de la réalité des frais engagés à hauteur de 378 764 €.

En tout état de cause, compte tenu de son départ le 5 mai 2022, monsieur [C] [A] indique que les demandes d’expulsion et de délai pour quitter les lieux sont devenues sans objet.

En outre, monsieur [C] [A] sollicite l’octroi de dommages et intérêts à raison du préjudice moral et du préjudice matériel subi.

Enfin, sur les demandes additionnelles de la SCI Polevalmer aux termes de ses dernières écritures, monsieur [C] [A] conteste toute dégradation de son fait démontré, le commissaire de justice ayant attendu 13 jours pour venir constater l’état des lieux. Il se défend de tout abus de droit.

Par dernières conclusions transmises le 15 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Polevalmer, représentée par son gérant, monsieur [G] [F], sollicite de la cour qu’elle :

‘ déclare monsieur [C] [A] irrecevable en sa demande de remboursement présentée pour la première fois en cause d’appel,

‘ confirme le jugement en toutes ses dispositions,

En tout état de cause :

déboute monsieur [C] [A] de sa demande de toutes ses demandes,

condamne monsieur [C] [A] à lui verser la somme de 17 659,37 € en réparation du préjudice subi du fait des dégradations commises sur la propriété,

condamne monsieur [C] [A] à lui verser la somme de 20 000 € en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure,

condamne monsieur [C] [A] au paiement d’une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, avec distraction.

A titre pré-liminaire, l’intimée conteste toute déloyauté des débats, faisant valoir qu’elle a dû changer d’avocat plaidant à la suite du départ à la retraite de son précédent conseil. Elle indique que la plupart des pièces ont été communiquées devant le tribunal paritaire de baux ruraux et qu’elles sont connues de l’appelant. Elle ajoute qu’aucune demande tendant à écarter des pièces n’est présentée, seul l’intérêt financier étant apparent, et observe que l’appelant a été à même de reconclure.

A titre liminaire, s’agissant de la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de monsieur [G] [F], la SCI Polevalmer indique que ce dernier est son gérant malgré les difficultés de publication au RCS par le tribunal de commerce à raison du comportement de l’appelant, et qu’il est propriétaire de parts sociales. Elle assure que les termes de l’assignation sont clairs en ce que monsieur [G] [F] a agi en sa qualité de gérant de la SCI, de sorte qu’il a valablement engagé la personne morale dans la procédure. Elle indique que par assemblée générale du 18 décembre 2017, monsieur [G] [F] a été désigné gérant de la SCI Polevalmer, ce dont monsieur [C] [A] était parfaitement informé. L’occupation illicite de la villa par l’appelant étant contraire à l’objet social, c’est donc dans ses pouvoirs de gérant, pouvant accomplir seul des actes de gestion, que monsieur [G] [F] ès qualités a pu engager la procédure, de sorte qu’aucune autorisation de l’assemblée générale n’était requise à cette fin.

Au fond, la SCI Polevalmer dénie toute conclusion de bail verbal d’habitation entre feu monsieur [J] [A] et son fils, ainsi que toute réunion des conditions d’application du bail d’habitation. Elle soutient que la preuve de la volonté de consentir un bail d’habitation par le père pour le fils n’est pas rapportée, faute d’accord définitif démontré sur les éléments essentiels du bail, à savoir la durée, le prix et la chose louée. Elle assure que seul un contrat d’entretien a été un temps envisagé, mais n’a jamais vu le jour. Elle ne conteste pas que monsieur [C] [A] ait bénéficié d’une autorisation ponctuelle au vu de ses difficultés financières conférée par monsieur [J] [A], père, de son vivant, afin d’aider temporairement son fils, par délégation de son usufruit. En revanche, elle dénie toute autorisation pérenne délivrée par monsieur [J] [A] ès qualités de gérant de la SCI à monsieur [C] [A]. Elle ajoute que le fait que les associés de la SCI aient toléré la présence de monsieur [C] [A] sur les lieux n’est créateur d’aucun droit et conteste la réalité et la portée d’un transfert envisagé du titre de coopérant auprès de la coopérative agricole.

En tout état de cause, la SCI Polevalmer soutient que les conditions d’application du bail d’habitation ne sont pas réunies. D’une part, elle soutient qu’il n’est pas démontré que la villa ait constitué la résidence principale de l’appelant puisqu’au vu des locations saisonnières du bien, il ne l’occupait pas plus de 8 mois par an. D’autre part, elle soutient que monsieur [C] [A] ne justifie d’aucune jouissance privative et exclusive de la propriété puisque les autres associés et des locataires pouvaient y séjourner. Enfin, la SCI Polevalmer soutient qu’aucune contrepartie financière n’a été versée, ni la réalisation de travaux, ni le prétendu entretien et l’exploitation des vignes, ni le paiement de frais ne caractérisant celle-ci. Ces frais ne constituent pour l’intimée que la condition de l’usage personnalisé des lieux.

Par ailleurs et en tout état de cause, la SCI Polevalmer entend que monsieur [C] [A] soit condamné au paiement d’une indemnité d’occupation en tant qu’occupant sans droit ni titre des lieux, peu important la jouissance exclusive ou non du bien, ne s’agissant pas ici d’une indivision mais d’une SCI. Elle estime cette indemnité d’occupation due à compter de 2016 et jusqu’au 18 mai 2022. S’agissant du quantum, la SCI Polevalmer entend que monsieur [C] [A] s’acquitte d’une indemnité d’occupation sur la base de la valeur locative du bien estimée par un agent professionnel (rapport de madame [Z] du 27 février 2023) et eu égard à la qualité du bien.

S’agissant de la demande additionnelle de monsieur [C] [A], la SCI Polevalmer soulève son irrecevabilité s’agissant d’une demande nouvelle en cause d’appel en application de l’article 564 du code de procédure civile, contestant tout caractère accessoire d’une telle demande au regard de la demande initiale. Elle soulève la contradiction de raisonnement de l’appelant qui sollicite cette indemnisation tout en demandant la reconnaissance d’un bail sur le bien. En tout état de cause, elle fait valoir que ces dépenses ne sont justifiées qu’à partir de factures établies au nom de la SCI Polevalmer, et non au nom de monsieur [C] [A], et sans justificatif d’un paiement par lui de celles-ci.

A titre reconventionnel, l’intimée demande la condamnation de l’appelant au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que l’indemnisation des dégradations causées. Elle estime ses demandes recevables en application de l’article 70 du code de procédure civile, se rattachant à la demande d’expulsion par un lien suffisant, ayant notamment dégradé la propriété à l’occasion de son départ ainsi qu’en atteste le procès-verbal de constat du 18 mai 2022.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance du 16 mai 2023.

Par soit-transmis du 23 mai 2023, la cour a sollicité la production en intégralité de la pièce 49 de l’intimée et a soulevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité potentielle des prétentions de monsieur [C] [A], issues de ses dernières conclusions du 12 mai 2023 tendant à la condamnation de la SCI Polevalmer à lui payer la somme de 378 764 € correspondant aux frais, travaux et entretien de la propriété supportés par lui de 2015 à 2021, et tendant à la condamnation de l’intimée à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, ces prétentions n’étant pas comprises dans les premières conclusions du 4 octobre 2019, ce en application de l’article 910-4 du code de procédure civile. De même, l’irrecevabilité potentielle de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SCI Polevalmer sans ses dernières conclusions a été soulevée par la cour pour les mêmes motifs.

Elle a donc demandé aux parties de lui faire retour de leurs observations par le truchement d’une note en délibéré déposée avant le 30 mai 2023 minuit.

Par notes en délibéré déposées par le conseil de l’appelant et celui de l’intimée respectivement le 26 mai 2023, l’intimée a transmis la pièce requise et les parties ont fait part de leurs observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la loyauté des débats et le rabat de l’ordonnance de clôture

En vertu de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

En l’espèce, l’ordonnance de clôture de l’instruction de l’affaire est en date du 16 mai 2023, tandis que les dernières conclusions d’appelant ont été transmises le 12 mai 2023, et celles de l’intimée le 15 mai 2023, soit avant le prononcé de l’ordonnance de clôture. Dans ces conditions, aucun rabat à proprement parler de l’ordonnance de clôture n’est requis.

Par ailleurs, aucune demande n’est présentée tendant à faire écarter les conclusions de l’une ou l’autre des parties comme étant tardives ou de dernières heures. Les articles 135 et 15 du code de procédure civile sont invoqués par monsieur [C] [A] aux fins de justifier sa demande de dommages et intérêts pour manquement à la loyauté des débats, mais non pour faire écarter les conclusions adverses.

Or, il convient d’observer qu’alors que les parties étaient en l’état de conclusions échangées à l’automne 2022, l’intimée a de nouveau conclu le 10 mai 2023 après que son conseil a pris sa retraite en cours de procédure, ce qui constitue une cause objective, et à la suite de production de nouvelles pièces datant de février 2023. Force est de constater que monsieur [C] [A] a été en mesure de répliquer dans des conclusions du 12 mai 2023, dans des délais rapprochés, de sorte qu’aucun manquement aux droits de la défense n’est acquis. De même aucune déloyauté n’est démontrée et aucun préjudice spécifique n’est caractérisé à raison d’une réplique effectuée dans des délais contraints.

Dès lors, il n’y a lieu ni à rabat de l’ordonnance de clôture, ni à octroi de dommages et intérêts pour absence de loyauté des débats.

Sur la demande d’expulsion

Sur la recevabilité de la demande présentée par monsieur [G] [F] ès qualités de gérant de la SCI Polevalmer

En vertu de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En application de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu de l’article L 210-9 du code de commerce, ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d’administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée. La société ne peut se prévaloir, à l’égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des personnes visées ci-dessus, tant qu’elles n’ont pas été régulièrement publiées.

En l’occurrence, il ressort du jugement de première instance, non contredit ni contesté sur ce point, que monsieur [G] [F] a assigné monsieur [C] [A] devant le tribunal d’instance de Fréjus le 15 juin 2018 aux fins d’obtenir son expulsion, ayant agi expressément en qualité de gérant de la SCI Polevalmer. Cette mention précise est dépourvue d’ambiguïté et démontre que monsieur [G] [F] n’a pas agi en son nom personnel comme le prétend indûment l’appelant, mais au nom et pour le compte de la SCI Polevalmer en sa qualité de gérant, et non seulement en sa qualité d’associé.

En effet, aux termes du procès-verbal d’assemblée générale du 18 décembre 2017, de la décision du juge commis à la surveillance du RCS du 3 février 2020 et des extraits K-bis actualisés monsieur [G] [F] est désormais, et depuis décembre 2017, le gérant de la SCI Polevalmer, en lieu et place de monsieur [J] [A], décédé.

Or, la désignation d’une personne physique prise en sa qualité de représentant de la personne morale engage valablement la personne morale dans la procédure.

Dans ces conditions, il appert que la demande présentée par monsieur [G] [F] ès qualités de gérant de monsieur [G] [F] est recevable.

En définitive, l’ordonnance entreprise doit être confirmée sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande de la SCI Polevalmer

En vertu de l’article 1848 du code civil, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société.

La SCI Polevalmer a pour objet l’acquisition d’un terrain à La Croix Valmer, la construction sur ce terrain d’une maison d’habitation, la propriété, la gestion et l’administration de l’ensemble immobilier ainsi constitué.

Par application de l’article 19 des statuts de la SCI Polevalmer, ‘dans les rapports entre les associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que commande l’intérêt de la société, à l’exception des ventes d’immeubles qui doivent être autorisées par l’assemblée générale extraordinaire’. Seule la vente de l’immeuble pose donc une limite au pouvoir du gérant, statutairement largement convenu. L’acte de gestion s’entend en la matière de façon large et étendue et est susceptible de correspondre non seulement à la notion d’actes d’administration, mais également d’actes de disposition.

Il est de jurisprudence constante que le gérant, sauf stipulations inverses des statuts, exerce librement les actions en justice concernant la société, y compris une action dirigée contre l’un des associés, en expulsion de ce dernier, dès lors que cette action est commandée par l’intérêt social. Aucune autorisation spécifique de l’assemblée générale des associés de la SCI n’est requise à cette fin. Or, en l’occurrence, eu égard à l’objet social de la SCI Polevalmer, il appert que l’action tendant à l’expulsion de monsieur [C] [A], associé occupant l’immeuble appartenant à la SCI, et à la condamnation de ce dernier au paiement d’une indemnité d’occupation, entre bien dans le champ de l’objet social de la SCI et répond à la défense de son intérêt social.

Ainsi, aucune autorisation spécifique de l’assemblée générale de la SCI ne conditionne ici l’action intentée par monsieur [G] [F] ès qualités de gérant de la SCI Polevalmer, contre monsieur [C] [A], celle-ci étant parfaitement recevable.

En définitive, l’ordonnance entreprise doit être confirmée sur ce point.

Au principal

En vertu de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Par application de l’article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.

La question est ici celle de déterminer si monsieur [C] [A] pouvait se prévaloir d’un titre justifiant son occupation des lieux, ou si tel n’était pas le cas, auquel cas, son expulsion ordonnée par le premier juge s’avérait justifiée puisqu’un commandement de quitter les lieux lui a été délivré le 23 avril 2018. En effet, l’occupation du bien par monsieur [C] [A], associé non gérant de la SCI intimée, jusqu’en mai 2022, date de son départ, n’est pas contestée.

Dans un premier temps, monsieur [C] [A] a invoqué l’existence d’un bail rural à son profit sur la propriété de La Croix Valmer appartenant à la SCI Polevalmer. Or, par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus l’a débouté de sa demande de reconnaissance d’un bail rural, cette décision étant devenue définitive.

Désormais, il soutient qu’il bénéficiait d’un bail verbal d’habitation sur le bien, bail que lui aurait consenti son père alors gérant de la SCI Polevalmer. Aucun écrit n’est effectivement justifié. Ainsi que rappelé ci-avant, l’objet social de la SCI Polevalmer tenait en l’acquisition d’un terrain à La Croix Valmer et la construction d’une maison outre toutes opérations immobilières s’y rapportant ; cet objet ne comprend en revanche aucune exploitation commerciale ou agricole du bien.

Il résulte des pièces produites, et notamment des pièces 39 et 40 de l’intimée, ainsi que de la pièce 3 produite par l’appelant, outre des déclarations concordantes des associés de la SCI sur ce point, que monsieur [J] [A] a effectivement autorisé son fils, monsieur [C] [A], à demeurer dans le domaine des Rapugues, propriété de la SCI. Cependant, d’une part, cette autorisation a été confiée par le père au bénéfice de son fils, qui, alors, se trouvait avoir la disponibilité et le besoin pour s’occuper de ce bien. En aucun cas les pièces produites ne démontrent que cette autorisation aurait été donnée par monsieur [J] [A] ès qualités de gérant de la SCI Polevalmer. D’autre part, il n’est nulle part mentionné l’existence d’un bail ainsi consenti, ni même fait état des conditions indispensables pour qualifier ainsi l’autorisation consentie. Au contraire, les notes manuscrites de monsieur [J] [A], présentées en pièce 3 par l’appelant, ne démontrent en rien l’existence d’un bail verbal entre eux. Ce document évoque tout au plus un contrat d’entretien de la propriété susceptible d’être confié à monsieur [C] [A] à compter du 1er juin 2013 moyennant une proposition de rémunération au Smic net mensuels, celui-ci se voyant qualifié de « responsable opérationnel » tandis que monsieur [G] [F] devait se voir qualifié de « responsable financier ». Contrairement à ce que soutient l’appelant, ce document ne permet en rien d’accréditer sa thèse selon laquelle son père lui aurait consenti un bail verbal sur le domaine de Rapugues. En tout état de cause, aucun contrat d’entretien n’a jamais été signé.

En tout état de cause, les pièces produites ne permettent en rien de caractériser les conditions d’un bail verbal d’habitation au bénéfice de monsieur [C] [A] sur ce bien, au sens de l’article 25-3 de la loi du 6 juillet 1989. En effet, tout d’abord, il convient de relever que l’appelant ne peut justifier avoir établi en ce lieu sa résidence principale, ce qui suppose une présence dans un bien, pendant, au moins, huit mois par an. Or, il résulte des échanges entre les associés ainsi que des annonces publicitaires, des factures de centrales de réservation, tel booking.com, et des justificatifs des taxes de séjour acquittées que le domaine de Rapugues était occupé à certaines périodes de l’année soit par d’autres associés, notamment madame [B] [A] et sa famille, soit par des vacanciers louant le bien. Il s’en évince également que monsieur [C] [A] ne démontre aucune jouissance exclusive de sa part sur le bien. En outre, la teneur même de l’objet du bail n’apparaît pas clairement, notamment quant au point de savoir si l’autorisation consentie portait sur la maison et/ou sur les terres pour partie exploitées en vignes. De même, la durée d’un bail ne ressort d’aucune des pièces versées aux dossiers. Par ailleurs et surtout, monsieur [C] [A] ne justifie aucunement s’être acquitté d’une contrepartie financière, compensant son occupation du bien, dans le cadre d’un contrat de bail. D’une part, il n’établit aucun versement régulier au bénéfice de la SCI Polevalmer. D’autre part, l’entretien par lui de la maison, de ses abords, les frais engagés par lui à ce titre, et le paiement des impôts locaux sont liés à son occupation du bien et en sont la contrepartie nécessaire, ainsi que c’est le cas dans le cadre d’un prêt à usage classique, sans caractériser pour autant, notamment au regard des caractéristiques et de la valeur du bien, un loyer ou une contrepartie financière de l’occupation consentie de façon transitoire et temporaire. En aucun cas les dépenses engagées dans ce cadre par monsieur [C] [A], et pour partie justifiées et documentées, ne peuvent constituer un loyer que ce dernier aurait acquitté qui plus est au bénéfice de la SCI Polevalmer, qui n’a jamais elle-même consenti à cette occupation. S’agissant de l’exploitation des vignes dont monsieur [C] [A] assure que son père avait pour projet de lui transférer le titre de coopérant, elle ne peut aucunement, à la supposer réelle, caractériser une contrepartie financière pertinente dans le cadre d’un bail d’habitation. Au demeurant, la réalité de ce transfert est contestée par l’intimée qui conteste la signature sur le courrier adressé le 31 mai 2016 au cellier de [Localité 6]. Enfin, s’agissant des travaux que monsieur [C] [A] indique avoir réalisé dans le bien, ceux-ci s’ils peuvent constituer la condition de l’usage personnalisé des lieux convenus, ne sont pas la contrepartie à la mise à disposition des lieux. Ces travaux s’expliquent au demeurant en outre par la location du domaine de Rapugues organisée et gérée par monsieur [C] [A]. Ils ne peuvent donc constituer également la contrepartie financière d’un bail d’habitation. Tel n’est pas l’économie de la convention entre monsieur [J] [A], en tant que père, et son fils, monsieur [C] [A].

La tolérance effective de la SCI Polevalmer et des autres associés quant à la présence de monsieur [C] [A] dans le bien appartenant à l’intimée, y compris après le décès de monsieur [J] [A], ne conduit pas pour autant à qualifier cette occupation de bail verbal.

En définitive, monsieur [C] [A] ne justifie aucunement avoir bénéficié d’un bail verbal d’habitation sur le bien dont la SCI Polevalmer est propriétaire, de sorte que, bien qu’associé de celle-ci, il ne détenait aucun droit d’occupation. Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge a ordonné son expulsion, étant observé qu’il a quitté les lieux en mai 2022. L’ordonnance entreprise doit donc être confirmée à ce titre.

Sur la demande d’indemnité d’occupation

Sur le principe de l’indemnité d’occupation

En l’absence de titre d’occupation sur le bien dont il n’est pas propriétaire et dans la mesure où l’occupation par monsieur [C] [A] du domaine de Rapugues a privé l’intimée de la pleine jouissance de son bien, le principe d’une indemnité d’occupation imputable à l’appelant est acquis.

Le caractère non exclusif de l’occupation mis en avant par monsieur [C] [A], à raison de la venue possible d’autres associés et à raison de la location saisonnière du bien, importe peu à ce titre puisqu’il n’est pas ici question d’un bien indivis, mais d’un bien dont la pleine propriété appartient à une SCI.

Sur le montant et la durée de l’indemnité d’occupation

Le domaine de Rapugues tient en une maison de 230 m² située sur un terrain arboré de 10 714 m², au milieu de vignes, sur la commune de [Localité 6].

Devant le premier juge, la SCI Polevalmer justifiait d’annonces de location pour des biens équivalents, ainsi que d’une mise en vente du bien envisagée au prix de 3 800 000 euros.

A hauteur d’appel, la SCI Polevalmer produit un rapport d’expertise en valeur locative de madame [W] [Z], expert immobilier près la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 27 février 2023. Certes, il ne s’agit pas d’une expertise judiciaire, mais d’une expertise amiable dont les conclusions sont contradictoirement débattues entre les parties. Elle conclut, après étude approfondie du bien, visite intégrale des lieux, et comparaison avec des biens similaires, à une valeur locative du bien à hauteur de 5 000 € par mois pour une location annuelle et à 86 118 euros par an pour une location saisonnière.

Pour contester ces éléments, monsieur [C] [A] produit un avis de valeur indicatif établi par un agent immobilier qui n’a pas visité les lieux et qui, de manière assez sommaire, affirme que la valeur locative du bien serait entre 2 200 et 2 500 € par mois. Cet élément apparaît dès lors peu probant et insuffisant à remettre en cause les éléments concordants et étayés dont l’intimée justifie.

Dès lors au vu des caractéristiques du bien et des éléments produits, qui s’avèrent suffisants sans qu’une expertise immobilière judiciaire soit nécessaire, il apparaît que le premier juge a légitimement pu mettre à la charge de monsieur [C] [A] une indemnité d’occupation à hauteur de 5 000 € par mois.

S’agissant de la période d’imputation de cette indemnité d’occupation, il convient de relever que monsieur [C] [A] a bénéficié d’une autorisation accordée par son père dans un premier temps, manifestement à titre gratuit et sans autre contrepartie que l’entretien du bien, à une période où monsieur [C] [A] rencontrait des difficultés financières. Puis, dans un deuxième temps, il a bénéficié d’une tolérance accordée par la SCI Polevalmer. Des pièces produites, il ne ressort aucune demande en vue de son départ, ni aucune demande en paiement ou en contrepartie financière sollicitée par la SCI Polevalmer préalablement à la sommation de quitter les lieux délivrée le 23 avril 2018. Dès lors, le point de départ de l’indemnité d’occupation doit être fixée à compter de cette date seulement, l’ordonnance entreprise devant être réformée à ce titre. En outre, il ressort du procès-verbal de reprise dressé par huissier de justice le 18 mai 2022 que monsieur [C] [A] a adressé un courrier recommandé reçu par l’auxiliaire de justice le 9 mai 2022 informant de son départ et remettant une clef de la maison. Ainsi, l’indemnité d’occupation est due par monsieur [C] [A] à la SCI Polevalmer du 23 avril 2018 au 9 mai 2022.

Sur la demande en paiement des frais, travaux et entretien de la propriété engagés par monsieur [C] [A]

En vertu de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Par application de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Pour qu’une demande présentée pour la première fois en appel soit recevable, elle doit répondre aux conditions des articles 564 à 566 du code de procédure civile, mais encore convient-il qu’elle ait été formée dans les délais et conditions de l’article 910-4 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures du 12 mai 2023, monsieur [C] [A] sollicite le paiement par la SCI Polevalmer d’une somme de 378 764 € au titre des frais, travaux et entretien de la propriété en cause par lui engagés. Or, il est acquis que cette demande ne figurait pas au nombre des prétentions émises dans les premières conclusions d’appelant, seules transmises dans les délais de l’article 905-2 du code de procédure civile, à savoir le 4 octobre 2019.

Monsieur [C] [A] soutient que cette prétention est néanmoins recevable en ce qu’elle tendrait à répliquer aux conclusions et pièces adverses au sens de l’article 910-4 du code de procédure civile alinéa 2. Or, pour ce faire, il conviendrait alors que cette prétention critique l’un des chefs de jugement critiqué, ce qui n’est pas le cas puisqu’aucune demande en remboursement de frais n’avait été formée par monsieur [C] [A] en première instance. En outre, il convient d’observer que dès la première instance, l’appelant invoquait ces frais pour caractériser la contrepartie financière du bail dont il demandait le bénéfice, soutenant qu’il s’agissait de frais courants depuis 2015.

Ainsi, cette prétention ne peut être considérée comme une réponse aux conclusions adverses, le litige initial portant sur l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre et sur la fixation d’une indemnité d’occupation, mais aucunement, sur des comptes à faire entre un associé et la SCI dont il est membre. De plus, cette demande ne résulte en rien de faits nouveaux.

En conséquence, la demande en paiement de la somme de 378 764 € présentée par monsieur [C] [A] doit être déclarée irrecevable.

Sur la demande de la SCI Polevalmer en réparation par monsieur [C] [A] du préjudice issu de dégradations dans la propriété

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’occurrence, la SCI Polevalmer forme, effectivement pour la première fois en appel, une demande de condamnation de monsieur [C] [A] au paiement d’une somme tendant à réparer son préjudice issu de dégradations constatées dans sa propriété. Or, cette prétention est nécessairement née du fait et postérieurement au départ de monsieur [C] [A] qui a quitté les lieux litigieux le 9 mai 2022, soit postérieurement à la décision entreprise. Ainsi, cette demande est issue de la survenance et de la révélation d’un fait postérieur, survenu en cours d’instance, de sorte qu’elle est parfaitement recevable, y compris au regard de l’article 910-4 du code de procédure civile.

La SCI Polevalmer s’appuie sur le procès-verbal de constat dressé le 18 mai 2022, ensuite du procès-verbal de reprise des lieux, faisant suite au départ de monsieur [C] [A] dont ce dernier a informé le mandataire de l’intimée le 9 mai 2023. Aux termes de ce procès-verbal, il appert que des câbles servant à l’alimentation électrique du système de filtration de la piscine ont été sectionnés et que des éléments du système de filtration ont été déposés, rendant la piscine hors d’usage. Il en résulte également que plusieurs équipements, dont la douche et les sanitaires extérieurs, ont été enlevés. L’alimentation en eau de la maison elle-même a été endommagée au niveau du forage. Les dégradations sont donc manifestement établies et assez ciblées.

De plus, le même procès-verbal de constat, comme aucun autre élément extérieur, ne vient étayer la thèse d’une intrusion extérieure, le portail et les voies d’entrée n’ayant pas été fracturés et aucun vandalisme extérieur n’étant observé. Monsieur [C] [A] pour sa part ne produit aucune photographie du bien datant du jour de son départ qu’il mentionne au 5 mai 2022.

Face à ces éléments et eu égard au très court délai expiré entre le départ de monsieur [C] [A] et la réalisation du procès-verbal de constat par huissier de justice, il est établi que les dégradations constatées sont imputables à monsieur [C] [A].

Or, la SCI Polevalmer produit des factures justifiant de son préjudice à raison des frais induits et indispensables à la remise en état de la maison et de ses annexes, notamment au titre de la remise en état des installations d’eau. Les factures permettent de chiffrer le préjudice de la SCI Polevalmer à la somme de 16 926,37 euros. En revanche, les frais de remplacement de serrure et de clefs à la suite d’un vol dénoncé par madame [B] [A], les 25 juillet et 1er août 2022 ne peuvent être directement imputés à monsieur [C] [A], de sorte que ceux-ci ne peuvent être mis à la charge de l’appelant.

En définitive, ce dernier sera condamné à verser à la SCI Polevalmer la somme de 16 926,37 euros au titre du remboursement des frais de dégradations du bien appartenant à l’intimée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi présentée par monsieur [C] [A]

Monsieur [C] [A] sollicite le paiement de la somme de 5 000 € au titre du préjudice subi à raison des procédures intentées à son encontre par la SCI Polevalmer en contradiction avec la volonté de son père, invoquant un préjudice moral et matériel ayant dû se reloger.

Or, cette prétention résultant des dernières conclusions de l’appelant ne figuraient pas dans ses premières conclusions d’appelant du 4 octobre 2019.

Cette prétention nouvelle, non formée dans les délais impartis, ne peut être considérée comme une prétention destinée, dans les limites des chefs du jugement critiqués, à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, au sens de l’article 910-4 du code de procédure civile.

En effet, le préjudice moral qu’invoque monsieur [C] [A], à le supposer établi, est ancien et remonte à la sommation de quitter les lieux qui lui a été faite. Il ne correspond pas à la critique d’une disposition de la décision entreprise qui n’a pas été saisie d’une telle demande

Cette prétention est donc également irrecevable.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sollicités par la SCI Polevalmer

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Par application de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

La SCI Polevalmer sollicite la somme de 20 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive de la part de monsieur [C] [A]. Cette prétention ne figurait pas dans les premières conclusions d’intimée du 24 octobre 2019, seules transmises dans les délais impartis par l’article 905-2 du code de procédure civile. Elle ressort des conclusions du 10 mai, puis du 15 mai 2023.

Pour autant, cette prétention est fondée sur les multiples procédures engagées par monsieur [C] [A] devant le Premier Président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, devant le tribunal paritaire des baux ruraux, devant le juge de l’exécution, aux fins de se maintenir dans les lieux et donc de faire échec à l’expulsion ordonnée par le premier juge. Ces saisines et procédures entreprises sont, pour une grande partie d’entre elles, postérieures à la décision entreprise et survenues en cours d’instance d’appel.

Dans ces conditions, cette prétention doit être considérée comme liée à un chef du jugement critiqué et née de la survenance de faits postérieurs. Elle est recevable.

S’agissant de son bien fondé, il est exact que monsieur [C] [A] a intenté plusieurs procédures devant plusieurs juridictions afin de tenter de faire échec à l’expulsion ordonnée. Pour autant, il s’agit là de l’exercice de voies de droit qui lui sont ouvertes, sans qu’un abus dans leur exercice ne soit caractérisé.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SCI Polevalmer.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [C] [A] qui succombe au litige sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SCI Polevalmer les frais, non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. L’indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 5 000 euros en cause d’appel.

L’appelant supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n’y avoir lieu de rabattre l’ordonnance de clôture,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné monsieur [C] [A] à payer une indemnité d’occupation à la SCI Polevalmer du 21 août 2016 jusqu’à complète libération des lieux,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute monsieur [C] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à la loyauté des débats,

Dit n’y avoir lieu à ordonner une expertise pour déterminer la valeur de l’indemnité d’occupation requise,

Condamne monsieur [C] [A] à payer à la SCI Polevalmer une indemnité d’occupation de 5 000 € par mois à compter du 23 avril 2018 et jusqu’au 9 mai 2022,

Déclare recevable la demande de la SCI Polevalmer tendant à être indemnisée des frais de réparations des dégradations du bien occupé par monsieur [C] [A],

Condamne monsieur [C] [A] à payer à la SCI Polevalmer la somme de 16 926,37 € en réparation des dégradations commises sur le bien occupé et qui lui sont imputables,

Déclare irrecevables les prétentions de monsieur [C] [A] tendant à la condamnation de la SCI Polevalmer à lui payer la somme de 378 764 € au titre des frais, travaux et entretiens par lui engagés sur la propriété de l’intimée, ainsi que tendant à la condamnation de la SCI Polevalmer à lui verser la somme de 5 000 € au titre des préjudices moral et matériel subis,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SCI Polevalmer,

Déboute la SCI Polevalmer de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée contre monsieur [C] [A],

Condamne monsieur [C] [A] à payer à la SCI Polevalmer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute monsieur [C] [A] de sa demande sur ce même fondement,

Condamne monsieur [C] [A] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

 


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