Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12320

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Saisine du juge de l’exécution : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12320

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/494

N° RG 22/12320 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAEN

[H] [V]

[X] [V]

[D] [E]

[F] [E]

C/

Société SCCV NICE BELLISSIMA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me SZEPETOWSKI

Me ZAGO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Septembre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/00944.

APPELANTS

Monsieur [H] [V], demeurant [Adresse 2]

Madame [X] [V], demeurant [Adresse 2]

Madame [D] [E], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 2]

Tous représentés par Me Jean-marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Société SCCV NICE BELLISSIMA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alexandre ZAGO de la SELAS LAWTEC – SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [X] [V], M.[H] [V], Mme [D] [E] et M.[F] [E] sont propriétaires de lots sur une parcelle située [Adresse 2] à [Localité 3], mitoyenne de celle sur laquelle la société civile de construction vente Nice Bellissima (ci-après la société) réalise la construction d’un immeuble de logements collectifs de six étages.

Se plaignant de troubles anormaux de voisinage ils ont assigné ladite société devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice qui, par ordonnance du 25 juin 2021, l’a condamnée :

‘ à cesser la construction de son immeuble non conforme aux dispositions légales applicables aux vues, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision et pendant un délai de 6 mois ,

‘ à procéder à la suppression des ouvertures et balcons non conformes aux dispositions légales relatives aux vues telles que décrites au procès-verbal de constat de maître [U] le 2 mars 2021, dans un délai de 3 mois à compter de la signification de la décision, et au-delà de ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard, pendant un délai de 6 mois ;

La société a relevé appel de cette ordonnance qui lui a été signifiée le 26 juillet 2021.

Parallèlement Mmes et MM. [V] et [E] invoquant l’inexécution de cette décision ont, par assignation délivrée le 23 fevrier 2022 complétée par conclusions ultérieures, saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice aux fins de liquidation de l’astreinte à la somme de 27 450 euros pour la période de six mois écoulée entre le 26 octobre 2021 et le 26 avril 2022 et fixation d’une nouvelle astreinte majorée pour l’obligation de suppression des vues décrites au constat de maître [U] du 2 mars 2021, demandes auxquelles la société s’est opposée.

Par jugement du 5 septembre 2022 le juge de l’exécution a :

‘ liquidé l’astreinte ayant couru sur la période du 26 octobre 2021 et le 26 avril 2022 à la somme de 7 450 euros et condamné la société au paiement de ladite somme ;

‘ débouté Mmes et MM. [V] et [E] de leur demande tendant au prononcé d’une nouvelle astreinte ;

‘ débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamné la société aux dépens et dit n’y avoir lieu d’inclure dans les dépens le procès-verbal de constat de Maître [U] ;

‘ rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi le premier juge énonce en ses motifs que les travaux de reprise béton des fenêtres de la façade sud de l’immeuble ont été terminés le 30 septembre 2021 et la vue des terrasses de l’immeuble a été obstruée ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat du 10 février 2022 et que si la société n’a pas réalisé les travaux nécessaires sur les fenêtres de la façade ouest, elle a déjà réalisé d’importants travaux pour se mettre en conformité, en outre l’immeuble qui n’est pas terminé, n’est pas occupé en sorte que le préjudice de vue est assez réduit à ce stade et eu égard à l’ampleur des travaux réalisés, il n’y a pas lieu de fixer une nouvelle astreinte.

Mmes et MM. [V] et [E] ont relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 12 septembre 2019.

Au cours de cette instance d’appel, la chambre 1-2 de cette cour a, par arrêt du 15 septembre 2022, confirmé les dispositions de l’ordonnance de référé du 25 juin 2021, fondant la présente action, et l’infirmant pour le surplus, a condamné la société à cesser tout empiétement, notamment aérien, sur la propriété des consorts [V] et [E] sous astreinte de 10 000 euros par action constatée et à leur verser une provision de 3 000 euros à valoir sur les préjudices subis relatifs à la chute d’objet.

Par dernières écritures notifiées le 7 novembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de leurs moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

– limité la liquidation de l’astreinte pour la période du 26 octobre 2021 au 26 avril 2022 à la somme de 7450 euros,

– refusé de prononcer une nouvelle astreinte,

– débouté les appelants de leurs demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les appelants de leur demande de prise en charge du PV de Me [U].

Sur le fondement des dispositions des articles L.131-3 et L.131 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution,

– liquider l’astreinte à la somme de 27 450 euros (150 x 183) pour la période du 26 octobre 2021 au 26 avril 2022 et condamner la SCCV à la somme de 27 450 euros,

– condamner ladite société à une nouvelle astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir d’avoir à supprimer l’ensemble des vues du procès verbal de constat de maître [U], objet de l’ordonnance de référé du 25 juin 2021 du tribunal judiciaire de Nice,

– condamner la SCCV à 8 000 euros d’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ceux y compris le coût du procès verbal de Maître [U].

A l’appui de leurs demandes Mmes et MM. [V] et [E] font valoir pour l’essentiel, qu’aucune diligence n’avait été mise en oeuvre à la date à laquelle l’astreinte a commencé à courir et l’inexécution se poursuit s’agissant des deux fenêtres de la façade ouest de l’immeuble, qui sont situées à moins 1,90m de distance et qu’un des balcons n’est toujours pas pourvu de pare-vue.

Par écritures du 31 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la société demande à la cour :

A titre principal,

– de confirmer le jugement déféré,

Et statuant de nouveau,

– de rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions des consorts [V]-[E],

A titre subsidiaire,

– d’ordonner une réduction de la somme dans de plus justes proportions, en adéquation avec les travaux réalisés,

– de dire n’y avoir lieu à application de l’exécution provisoire,

– de dire n’y avoir lieu à l’application d’une nouvelle astreinte,

En tout état de cause

– condamner les consorts [V]-[E] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A cet effet l’intimée affirme avoir, dès avant l’ordonnance de référé, et immédiatement à sa suite, entrepris des démarches en vue de rectifier les désordres, et les travaux qui ont dus être échelonnés en raison de contraintes techniques et d’approvisionnement des fournitures, ont été

exécutés ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat dressé le 22 février 2022.

Elle précise que seules les vues ne respectant pas les dispositions de l’article 678 du code civil ont été supprimées, conformément aux dispositions de l’ordonnance de référé. Ne sont donc pas concernés par l’injonction, l’un des balcons et les deux fenêtres en façade ouest qui sont situés à plus d’1,90 m de distance ainsi qu’il ressort du plan de recollement.

Elle ajoute que la construction n’est pas terminée et que la suppression de la vue contestée nécessite des travaux supplémentaires et l’accès au mur pignon par le terrain des consorts [V]-[E] qui en refusent le passage. Elle a donc été contrainte d’intenter une action en référé aux fins d’octroi d’une servitude de tour d’échelle, à laquelle il vient d’être fait droit permettant la réalisation des finitions litigieuses.

Elle signale en outre que l’immeuble n’est toujours pas habité de sorte qu’à ce jour, les appelants ne subissent aucun trouble réel engendré par cette vue litigieuse, en voie de suppression.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 11 avril 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la liquidation de l’astreinte :

Selon l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, l’astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient en tout ou partie d’une cause étrangère.

Il n’est pas discuté que l’ordonnance de référé rendue le 25 juin 2021 a été signifiée le 26 juillet suivant en sorte que l’astreinte à durée limitée assortissant l’obligation de suppression des ouvertures et balcons, passé le délai de trois mois de la signification de cette décision, a commencé à courir le 26 octobre 2021 pour une durée de 6 mois ;

L’injonction qu’elle assortit consiste littéralement à supprimer les ouvertures et balcons non conformes aux dispositions légales relatives aux vues telles que décrites au procès-verbal de constat de maître [U] huissier de justice, le 2 mars 2021 ;

Il résulte de ce constat l’existence d’ouvertures irrégulières :

– par les vues droites depuis deux fenêtres situées sur la façade ouest de l’immeuble bâti par la société et situées à 176 centimètres de l’axe médian du mur séparatif, et depuis l’extrémité gauche des balcons situés en façade sud à 117,5 centimètres de cet axe, distances inférieures à celle de 190 centimètres prévue par l’article 678 du code civil,

– par les vues obliques depuis les cinq fenêtres alignées les unes au dessus des autres installées sur la façade sud de l’immeuble, à 33 centimètres de ce même axe médian soit à une distance inférieure à la limite de 60 centimètres édictée par l’article 679 du même code ;

S’agissant d’une obligation de faire, la preuve de son exécution incombe à la société ;

Il est exact que des diligences ont été entreprises par elle dans le délai imparti puisqu’il ressort des énonciations du procès-verbal de constat du 2 novembre 2021 que les travaux de reprises des fenêtres sud entamés fin septembre 20121 étaient terminés, leur largeur ayant été réduite, de sorte que la distance du bord de la façade à l’ouverture de la fenêtre est de 60 centimètres ;

Par ailleurs l’installation à l’extrémité est des balcons des 3ème, 4ème, 5ème et 6ème étages, de pare-vue sur châssis aluminium avec vitre opaque a été constatée par huissier de justice le 10 février 2022 ;

Mais il sera rappelé qu’il y a lieu à liquidation de l’astreinte dès lors que l’injonction assortie de l’astreinte a été exécutée avec retard, peu important que l’injonction ait été exécutée au moment où le juge statue, en l’espèce la société ne justifie pas d’obstacle ayant empêché ou retardé la pose de ces pare-vues objet d’un devis daté du 23 juin 2021, avant le mois de février 2022 et alors que demeure non équipé d’un tel dispositif le balcon du 2ème étage ;

Il ne ressort pas de l’ordonnance de référé rendue à la demande de la société le 21 octobre 2022 que l’octroi d’une servitude de tour d’échelle à laquelle il a été fait droit par cette décision, empêchait la pose des ces pare-vues dans le délai imparti. Etait en effet jointe aux assignations en référé délivrées aux consorts [E] et [V] les 14 mars 2022 et 4 avril 2022, une attestation du maître d’oeuvre signalant la nécessité d’accéder par la propriété voisine au pignon mitoyen pour monter un échafaudage et réaliser des travaux de revêtement de façade sans faire référence à ces pare-vues;

D’autre part , il n’est pas justifié de la suppression des vues droites depuis les deux fenêtres situées façade ouest de l’immeuble, dont le procès-verbal de constat du 2 mars 2021, qui n’avait pas fait l’objet de critique devant le juge des référés ni devant la cour statuant à sa suite, établit qu’elles sont distantes de 176 centimètres de l’axe médian du mur-bahut de la clôture séparative, constatation que le seul plan produit par l’intimée est insuffisant à contredire ;

A ce jour et en dépit de la servitude de tour d’échelle qui lui a été octroyée, la société ne prouve pas s’être exécutée;

En l’absence d’allégation de toute cause étrangère, le principe de la liquidation de l’astreinte est acquis ;

Toutefois et conformément aux dispositions de l’article L.131-4 précité, c’est à juste titre que le premier juge a minoré le montant de l’astreinte liquidée ainsi qu’il l’a fait en tenant compte du comportement de la société qui n’est pas restée inactive, étant ajouté que l’astreinte de 150 euros par jour de retard visait la suppression de l’ensemble des vues droites et obliques et non de chacune de ces vues ;

Son jugement sera en conséquence confirmé de ce chef ;

Il sera rappelé qu’en vertu de l’article L.131-2 alinéa 1 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts en sorte qu’est inopérant le moyen tiré de l’absence de préjudice subi par les consorts [E] et [V], motif pris de l’inoccupation de l’immeuble toujours en cours de construction;

Sur la fixation d’une nouvelle astreinte :

L’article L. 131-1, alinéa 2 du code des procédures civiles dispose que le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité ;

L’absence de suppression des vues droites depuis les deux fenêtres situées sur la façade ouest et du balcon du 2ème étage, en dépit des délais accordés et alors qu’il n’est pas justifié de difficultés d’exécution, commande le prononcé d’une nouvelle astreinte provisoire dont le montant sera fixé à la somme de 150 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, ce pour une période de six mois, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Les dépens d’appel seront supportés par l’intimée dont le retard et l’absence d’exécution intégrale des obligations mises à sa charge, sont à l’origine du litige et qui succombe partiellement dans ses demandes ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer aux appelants la somme de 4000 euros incluant l’indemnité de procédure de première instance, elle même ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions ;

Enfin, il ressort du dispositif de l’ordonnance de référé du 25 juin 2021, confirmée sur ce point par arrêt de cette cour, rendu le 15 septembre 2022, que les frais du procès-verbal de constat dressé le 2 mars 2021 à la requête des consorts [V] et [E], par maître [O] [U], dont les appelants réclament le paiement, ont déjà été pris en compte dans l’indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile que la société a été condamnée à leur payer par cette ordonnance.

Leur nouvelle demande à ce titre ne peut donc être accueillie.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a rejeté la demande de nouvelle astreinte et débouté Mme [X] [V], M.[H] [V], Mme [D] [E] et M.[F] [E] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ASSORTIT d’une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt et pendant une période de six mois, l’obligation faite à la société civile de construction vente Nice Bellissima par ordonnance de référé du 25 juin 2021de supprimer les vues droites restantes depuis les deux fenêtres de la façade ouest de l’immeuble et du balcon du 2ème étage situé en façade sud ;

CONDAMNE la société civile de construction vente Nice Bellissima à payer à Mme [X] [V], M.[H] [V], Mme [D] [E] et M.[F] [E] la somme de 4000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la société civile de construction vente Nice Bellissima aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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